Chronique du veilleur (39) : Christine Givry

Par |2020-03-06T09:20:11+01:00 6 mars 2020|Catégories : Christine Givry, Essais & Chroniques|

Nul doute que Chris­tine Givry aurait fig­uré en un autre temps dans L’Air et les Songes de Gas­ton Bachelard. En lisant ces poèmes regroupés par elle dans Cet espace de clarté (Le Silence qui roule), le lecteur ressent aus­sitôt ce que le philosophe nom­mait « la force gra­cieuse » : « Prends con­science d’être une réserve de grâce, d’être un pou­voir d’envol. »

Sur­plom­bant, sub­li­mant, le gouf­fre de la tombe, la poésie de Chris­tine Givry nous rap­pelle que, fils de la terre, nous sommes appelés à être aus­si et surtout fils du ciel. Dans des sortes d’hésitantes et sub­tiles ascen­sions, les poèmes, extraits de La Paix blanche (1982) jusqu’à Graines en dor­mance (2016), sont d’une remar­quable unité, tous liés par une ligne de souf­fle qui dit courage, exi­gence et rêverie.

Aurons-nous été assez lents
pour vivre la terre 
pour aimer la bouche d’or du ciel
nous qui sommes toujours
comme cet homme en équilibre
au bord de sa Saison

 

Chris­tine Givry, Cet espace de clarté, 
Edi­tions Le silence qui roule, 2019.

Il y a là, cir­cu­lant dans un dynamisme pais­i­ble, des aspi­ra­tions au sens qua­si lit­téral du mot, qui entraî­nent le lecteur comme en un exer­ci­ce spir­ituel dont on devine sou­vent la ten­ta­tion mystique :

 

être une poignée de brume
un des­tin d’hirondelle
sur l’étendue du ciel

 une calligraphie
sur une vaste toile
un point   tout invisible
au centre

 

« L’enfant qui danse sur le pont » est bien de la famille des nom­breux oiseaux qui tra­versent cette antholo­gie lumineuse de leurs vols et de leurs chants. « Il court  il vit / à hau­teur de papillons »

 

il va en chan­tant à tue-tête
par des prairies que ses yeux baignent
d’étranges fleurs-papillons
il va cueil­lant de l’éternel

 

N’est-ce pas le poète lui-même qui est, par excel­lence, « cueilleur d’éternel » ? Pour que cette cueil­lette soit fructueuse, il faut à Chris­tine Givry une lente atten­tion, une capac­ité à saisir les effleure­ments, une douce préve­nance à l’égard du plus léger, du plus aérien, mal­gré les plaintes qu’elle entend, venues des morts :

 

Laisse dif­fuse ta voix
par­mi la douceur et les nuages
qu’elle s’unisse aux songes des pollens
jusqu’à devenir la den­sité de l’air

 

Elle y parvient admirable­ment, son édi­teur au nom bien venu ici, Le Silence qui roule, l’accompagne heureuse­ment dans sa veille aux lisières, veille au chevet du plus frag­ile, si proche de la lumière, qu’il en reçoit par la poésie qui s’y inscrit, comme une bénédiction.

 

Présentation de l’auteur

Christine Givry

Chris­tine Givry est une poétesse française.

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule).
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