Au soir de sa vie, Max Alhau sait que « l’ab­sence n’est qu’un mot super­flu », que « les mots demeurent même faussés / par la mémoire. » Cepen­dant, « une lumière évadée de la nuit » brille encore, et le poète en saisit les ful­gu­rances, les éclairs qui ne cessent de tra­vers­er son espace intérieur.

Des pas sous le sable, tel est le titre qu’il choisit pour nous dire com­bi­en son œuvre de guet­teur, à l’é­coute du plus secret, voire du plus étouf­fé, lui importe encore, mal­gré tout. Les inter­ro­ga­tions le har­cè­lent, les répons­es incer­taines qu’il leur apporte sont déjà une forme de dépasse­ment dans le doute et l’inquiétude :

Peut-être faut-il emprunter des chemins
loin des itinéraires, avancer à l’aveugle
pour y voir plus clair et retrou­ver enfin
les traces d’un pas­sage sur ces mêmes lieux
que l’on décèle enfin avant leur reconquête.

Max Alhau, Des pas sous le sable,Voix d’en­cre, 10 euros.

Il écoute, il s’é­coute, et par­fois sem­ble s’ob­stin­er dans les mêmes ques­tions, comme s’il voulait forcer une porte qui résiste. Les vers, les phras­es de prose sont autant de coups frap­pés sur la paroi, con­tre un hori­zon qui se rap­proche et men­ace. Il se dit à lui-même :

 

Reste les traces, les mots, les paroles
qui t’inci­tent à pour­suiv­re ce voyage
aux haltes incer­taines, aux départs différés,
tout ce que l’on croit posséder
et que le vent dissout.

 

 

Le poème est la trace la plus vraie et la plus pro­fonde que l’homme puisse laiss­er ici, sur le chemin. Il est aus­si le via­tique le plus sec­ourable pos­si­ble, pour aller encore plus loin, vers cet inac­ces­si­ble but qui a été, tout au long de l’ex­is­tence, la rai­son d’écrire et, peut-être, d’espérer.

 

                                   Au terme du chemin, tu con­tem­ples la vallée:ce n’est pas le ver­tige qui te saisit mais le désir d’aller plus loin.

 

C’est une voix libre, assoif­fée de paix, qui s’élève, d’é­tape en étape, dans cet itinéraire intérieur. Nous en mesurons la sincérité qui, sou­vent, mêlée à un trem­ble­ment pudique et maîtrisé, émeut le lecteur, jusqu’à ces dernières phras­es qui réson­nent enfin, presque comme un soulagement :

 

                                   Les neiges, les débâ­cles, tout n’est plus que sou­venir. Main­tenant, tu as cessé de t’at­ten­dre et tes mots n’ont de poids que celui du silence.

 

Heureux silence que celui que Max Alhau nous offre ici, ani­mé par un appel irré­sistible d’infini !

 

Poème de Max Alhau sur une musique de Jean-Christophe Rosaz pour voix et saxophone.

Présentation de l’auteur

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule).