Le 22 octo­bre s’est éteint Pierre Oster. Il était un immense poète, mais égale­ment un homme qui a œuvré pour la poésie. 

Jean Paul­han lui per­met de ren­con­tr­er Saint-John Perse, qui lui donne les plus grands espoirs poé­tiques. Après avoir tra­vail­lé auprès de Claude Tchou au Cer­cle du livre pré­cieux  en 1971, chez qui il édite, avec Jean-Claude Zyl­ber­stein, la pre­mière édi­tion des œuvres com­plètes de Jean Paul­han, il entre au comité de lec­ture des édi­tions du Seuil, où il siègera jusqu’en 1995. La “con­sécra­tion” lui vient avec la pub­li­ca­tion de Paysage du Tout dans la col­lec­tion « Poésie » chez Gal­li­mard, vol­ume anthologique précédé d’une pré­face d’Hen­ri Mitterand. 

(…)
Il est doux de déchiffr­er, fable du sable et bruit du ressac,

Stro­phe où le coeur s’accorde à une scan­sion imperceptible,

Tel un recours… un sec­ours, le secret de la sûre lenteur !

Le soleil… Il s’est revê­tu de faux déguise­ments de l’écorce,

Le soleil con­tourne et dévaste, incendie un énorme récif.

On croirait d’une illu­mi­na­tion des verg­ers, des nations de la houle,

Des quais, des bassins que j’ai dits… Des champs que la terre conçoit

Pour les voyageurs ! Le vent dans un fol équipage et d’âge en âge

Nous pré­pare à lui deman­der notre lib­erté ! A lui ravir

Aus­si notre des­tin ! Les chemins que la mer borne et que la tem­pête blesse

N’affirment pas que nous ne mour­rons pas. Comprennent-ils

Cer­taines plaintes… et les jus­ti­fient-ils ? Soumet­tent-ils les âmes

A des nuances… qu’ils engendrent…à des grains de pollen

Engloutis par le flot des sil­lons ? S’assombrissent, s’effacent

De clairs refuges. Où Vénus s’est offerte, a souf­fert, les deux

Cré­pus­cu­lent tri­om­phent. A midi je vois les maîtres fugi­tifs des métamorphoses.

Le ciel en changeant nous con­vient, nous accou­tume au tableau

Des ténèbres du soir, les ren­force et les fait pareilles

A une armée, à son aile marchante. Ah ! je les admire à travers

Les haies vives ! Une voile, un voile. Et le soleil perce,

Masque la masse des branch­es. Un autre tableau, ambigu,

Nous est par­fois favor­able. Et je quête ou décou­vre une étrange

Leçon. Leçon que le vent revendique, ultime et pre­mier serment.

Je n’en réclame et le prononce à neuf ! Je m’avance à la rencontre

De l’éternel fil de la Vierge. Un fil nous rat­tache aux morts, nous touche le cou.
(…)

Frag­ment