Par­mi les nom­breuses con­tri­bu­tions reçues à Recours au Poème et aux Jeud­is des mots, nous retenons des haïkus de Miguel Angel Real (Espagne) des sim­ili-tankas de Daniele Beghè, et des haïkus de Gili Haimovich (Israel) et de Fabia Bin­ci (Ital­ie)  que nous vous pro­posons ici dans leur ver­sion bilingue.

Les illus­tra­tions ont servi de lanceurs d’écri­t­ure pour les divers jeud­is des mots de confinement.

pho­to Mar­co Baschieri

 

Miguel-Angel Real, traduction de l’auteur

Por los espejos
las luces confundidas
con las ausencias.

Mis pier­nas ceden
aunque ape­nas la brisa
lla­ma a la puerta.

La qui­etud bebe
el agua de un torrente
con su paciencia.

 

Dans les miroirs
con­fon­dre les noms
et les absences.

Mes jambes cèdent
même si la brise frappe
à peine à ma porte.

La quié­tude boit
l’eau d’un torrent
par sa patience.

 

Les textes qui suiv­ent sont des “Sigle­mas 575”, une forme poé­tique créée par l’au­teure vénézuéli­enne Patri­cia Schae­fer Röder. On écrit une série d’haïkus de 5, 7 et 5 syl­labes, dont la pre­mière let­tre de chaque poème forme l’acros­tiche du titre. Chaque haïku est une unité indépen­dante et pour­rait être lu de façon isolée, et en même temps il fait par­tie d’un ensem­ble homogène.

Il est évi­dent que lors de la tra­duc­tion, cette con­trainte s’avère par­fois dif­fi­cile à respecter.

Tier­ra, rayo,
nube o raíz: mi suelo:
ver­so que tiembla.

Unidad, cam­bio,
vaivén, pági­na en blanco:
vér­ti­go y paso.

*

 

PLAZA

Portales qui­etos,
ver­ti­cales y riesgo 
solo de sombras.

Lucen dis­tan­cias
que amoldan ángulos
a mi recuerdo.

Arrin­conadas
entre paces y esperas
las dos iglesias.

Zaína estat­ua,
pasajera de hablares
entretejidos.

Arribes suaves,
miradores: testigos
de mis ausencias

 

 

TU

Terre, éclair,
nuage ou racine: mon sol:
vers qui tremble.

Unité, change­ment,
va-et-vient, page blanche:
ver­tige et passage.

*

 

PLACE

Por­tiques calmes,
ver­ti­cales et risque
d’om­bres seulement.

Les dis­tances luisent:
elles ajus­tent les angles
à mon souvenir.

Coincées
entre la paix et l’attente
les deux églises.

Stat­ue zaine,
pas­sagère de conversations
entrelacées.

Pentes suaves,
oriels: témoins
de mes absences.

 

.

pho­to Rémi Tournier

*

Gili Haimovich — traduction Marilyne Bertoncini

An exhaust­ed world
Relays on our stupor
For rejuvenation

Un monde épuisé
compte sur notre stupeur
pour se régénérer

*

Gold­en leaves fall down
Like gold­en bread­crumbs but no
Wag­tails had arrived

Tombent des feuilles d’or
comme des miettes dorées mais
nulle berg­eron­nette en vue

*

How come the weeping
Wil­low, is the first to bloom
Not the sunflowers

Etrange le saule
pleureur fleu­rit le premier
pas les tournesols

*

Here, the tea is green
And the water is the same
Noth­ing seems lucent

Ici, le thé est vert
et l’eau tout pareil
rien ne sem­ble lumineux

*

In summer’s gray heat
The bright king­fish­er on the fence
Slakes like a river

Dans la chaleur terne de l’été
le bril­lant mar­tin-pêcheur sur la clôture
désaltère comme une rivière

 

No wag­tails to watch
The sky is gray as a pigeon
So is my T‑shirt

Pas de berg­eron­nette en vue
Le ciel est gris comme un pigeon
Mon T‑shirt aussi

*

Same ingre­di­ents
Yet stirred on dif­fer­ent timings
My broth­er and I

Les mêmes ingrédients
pré­parés selon des cuis­sons différentes
mon frère et moi

*

The car­ni­val ends
Gold­en light strikes the hotel
A rain­bow is born

Le car­naval finit
Une lumière dorée frappe l’hôtel
Naît un arc-en-ciel

*

One last poem is last
Chance to be vague and pretty
Twi­light before dark

Un ultime poème est l’ultime
chance d’être vague et joli
Cré­pus­cule avant la nuit

pho­to Gian­car­lo Baroni

*

Pseudo-tankas de Daniele Beghè, traduction Marilyne Bertoncini

Civiltà acci­den­tale / Civil­i­sa­tion accidentelle

I

arriva­ta anche quest’anno
la calu­ra estiva
toglie il respiro

la gal­le­ria commerciale
fres­cu­ra scontata.

Cette année de nouveau
la touf­feur estivale
elle coupe le souffle

la galerie commerciale
fraîcheur escomp­tée

II

Il mod­el­lo occidentale
alla fine dell’estate
vive il tramonto

riprende più feroce
tigre d’oriente

Le mod­èle occidental
à la fin de l’été
vit son crépuscule

il reprend plus féroce
en tigre oriental

 

III

I fanali del luna park
d’occidente attraggono
falene estive

un mirag­gio la giostra
per trop­pi uomini.

Les lumières du luna park
d’occident attirent
les phalènes de l’été

un mirage ce manège
pour trop d’humains

 

IV

Le autostrade piene
la sera del venerdì
ver­so il mare

un popo­lo che insegue
la vita nei guardrail

Autoroutes bondées
le ven­dre­di soir
vers la mer

peu­ple qui suit
sa vie dans les rambardes

 

V

S’accorge d’esistere
se s’accende il led
solo passando

cicla­bile notturna
di vita estiva

 

Il s’aperçoit qu’il existe
quand s’allume le led
sur son  passage

piste cyclable nocturne
d’une vie d’été

VI

Pri­mav­era piovosa
lavacro dei coltivi
nelle campagne

dolente fan­ta­scien­za
fra i capannoni

 

Print­emps pluvieux
eau lus­trale des cultures
dans les champs

sci­ence-fic­tion souffrante
entre les hangars

 

VII

Aggeg­gio antropomorfo,
aspi­rapol­vere, cavo
non digerente

pulizia super­fi­ciale
dell’inconscio

Acces­soire antropomorphe,
aspi­ra­teur, tube
non diges­tif

net­toy­age en surface
de l’inconscient

 

VIII

Ho per intero dentro
tut­to quel novecento
quel vec­chio piede

di un futuro irrealizzato.
Lì innesto il disincanto.

 

j’ai tout entier à l’intérieur
ce vingtième siècle
vieille souche

d’un futur non accompli.
J’y ente1greffe le désenchantement.

 

IX

Spolvera con amore
il bes­tiario dell’Antelami,
i leoni del Duomo

il telo dei secoli
crea una sindone.

Il épous­sette avec amour
le bes­ti­aire de l’Antelami2Benedet­to Ante­la­mi est un archi­tecte et sculp­teur ital­ien qui inter­vint entre la sec­onde moitié du XIIe et les pre­mières décen­nies du XII­Ie siè­cle. Il a réal­isé le Bap­tistère de Parme et de nom­breuses sculp­tures de la Cathé­drale de cette ville.
les lions de la cathédrale

la toile des siècles
tisse un suaire.

X

il mio pen­siero in vacanza,
nel gial­lo delle stoppie
drib­bla i balloni,

usa i flessibili pioppi
per il salto in alto.

Ma pen­sée en vacances,
dans le jaune des chaumes
drib­ble les ballons,

utilise les sou­ples peupliers 
pour sauter en hauteur.

pho­to mbp

*

Fabia Binci, traduction Marilyne Bertoncini

ritorner­an­no
sul­la bat­ti­gia al sole
le nos­tre orme

elles revien­dront
à marée basse au soleil
les traces de nos pas

*

gemono i freni
nel cam­bio di marcia
— avan­ti piano

ils geignent les freins
quand on change de vitesse
- tout doux en avant

*

ass­apo­rare
il mare in un bicchiere
bere ricordi

pou­voir siroter
toute la mer dans un verre
boire les souvenirs

*

ger­moglia il seme
tra dure roc­ce e sassi
— sper­an­za in cuore

la graine germe
même entre roche et cailloux
- espoir dans le coeur

*

frag­ili canne
sul ciglio del dirupo
ahimè “pen­san­ti”

frag­iles roseaux
au bord du précipice
eux qu’on dit “pen­sants”

*

mare a due passi
in sec­ca sul­la crosa3typ­ique à Gênes – la creuza.https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=Creuze_di_Albaro_(Genoa)&uselang=it
la bar­ca attende

la mer à deux pas
et la bar­que en attente
à sec dans la ruelle

*

in gab­bia noi
e gli ani­mali liberi
— zoo a rovescio

nous en cage 
les ani­maux en liberté
- le zoo inversé

*

rap­i­da sfreccio
sen­za pagar pedaggio
tra i miei ricordi

je file rapide
sans régler le péage
entre mes souvenirs

*

spur­gar veleni
nel chiu­so delle stanze
— scia di sogni

purg­er les venins
dans les cham­bres recluses
-sil­lage de rêves

*

nes­suno in giro
il mare sen­za vele
— crudele aprile

per­son­ne dehors
la mer restée sans voiles
- cru­el avril

*

gus­cia­re in volo
dalle finestre chiuse
— essere vento

en volant glisser
hors des fenêtres closes
- devenir le vent

*

vita sospe­sa
in giro per la casa
— pesci in boccia

vie sus­pendue
divaguant dans la maison
- pois­son en bocal

*

cit­tà fantasma
gel­somi­no sui muri
— nel cuore un urlo

ville fan­tôme
du jas­min sur les murs
- seul un cri dans le coeur

*

un altro giorno
da seg­re­gati in casa
— hikikomori

un jour encore
con­finés à la maison
-hikiko­mori

*

pho­to Franck Andrieux

L’ensem­ble des très nom­breuses par­tic­i­pa­tions est tou­jours disponible sur la page face­book de Jeu­di des mots 

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