Avec le print­emps, cer­tains péri­odiques y vont de leur dossier spé­cial poésie. On y trou­ve, dans un mélange de dés­in­vol­ture et de paresse, le petit pub­lic et les tirages con­fi­den­tiels, le vertueux tra­vail de ces édi­teurs… dont on n’entendra plus par­ler le reste de l’année. Un ver­sifi­ca­teur emblé­ma­tique est passé à la ques­tion en regard du dernier tout­ter­rain des familles aux per­for­mances écologiques durables.

D’un autre côté, les revues poé­tiques dont nous ren­dons compte ici-même, mal­gré les qual­ités que nous n’avons de cesse de soulign­er, don­nent au lecteur lamb­da l’impression d’être à la porte d’un club, un cer­cle lim­ité, dis­ons sur le mode « les poètes par­lent aux poètes » Ce sont des revues de métier.

D’où l’im­por­tance de deux pub­li­ca­tions général­istes, la Nou­velle quin­zaine lit­téraire et Con­férence (dont nous par­lerons au prochain numéro), qui don­nent à cha­cun de leur numéro, une place à la poésie, aux côtés de tous les gen­res d’écriture. Dois-je rap­pel­er que dès ses débuts, Recours au poème, par les con­tri­bu­tions de Michel Cazenave et d’Yves Humann entre autres, s’est attaché à inscrire la poésie dans le champ large de toutes les paroles, spir­ituelle, poli­tique, philosophique.

La Quin­zaine a pris son nou­veau rythme de croisière tout en gar­dant son âme. Out­re que quelques uns de ses con­tribu­teurs écrivent égale­ment dans nos colonnes, — le dernier en date étant Jean Mini­ac —, il me paraît utile de sig­naler ce qui nous rap­proche, à savoir une cer­taine éthique de la cri­tique lit­téraire et que résume encore très bien l’exergue de Mau­rice Nadeau « l’œuvre vaut tou­jours plus que le bien ou le mal qu’on dira d’elle ». Aujourd’hui encore les arti­cles de la Quin­zaine évi­tent tout autant le jar­gon des études lit­téraires que les thé­ma­tiques dém­a­gogiques de la presse mag­a­zine. Le livre est en général présen­té et le lecteur (qui en principe n’a pas encore lu l’ou­vrage en ques­tion) est en mesure de s’en faire une idée avant toute expli­ca­tion ou com­men­taire. Cri­tique d’ostension vs cri­tique qui mousse.

Le dossier du numéro 1152, Poésie : le recours mérite une atten­tion par­ti­c­ulière par les voix pré­cieuses qu’il donne à enten­dre, à com­mencer par celle de Jean-Clarence Lam­bert : « De façon expéri­men­tale, j’ai joué avec les trois modes de présence du mot : visuel, vocal, séman­tique… Au début des années soix­ante, j’ai voulu ren­dre la parole aux mots du poème (…) avec Fil­liou, Dufrêne, Hei­d­sieck, Luca, Gysin, etc ».

Une « Vit­rine en cours » d’Eric Dussert mod­ère avec finesse les inquié­tudes de Jean-Pierre Siméon sur l’avenir de la poésie : Pour autant, cette inquié­tude ne doit pas con­duire au gémisse­ment. Quoi, on aimerait pas la poésie en France ? La pro­duc­tion annuelle des recueils prou­ve le con­traire (…) il serait bon pour la fierté des poètes et de leurs lecteurs que ne soient plus col­portées les récrim­i­na­tions pavlovi­ennes con­tre des moulins à vent.

On ne peut lire qu’avec prof­it la longue étude de Frédéric Fiolof sur l’essai que Jacques Ran­cière a con­sacré à Philippe Beck (Le sil­lon du poème). C’est par une cita­tion de Ran­cière que je ter­min­erai cette recen­sion : La morale du poème serait là : pren­dre le temps de ne pas finir, de recom­mencer, d’affirmer à nou­veau, d’affirmer par l’exemple, en faisant (…).

 

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