Rive à l’âme

 

Refer­mé 
les bras 

Tra­ver­sé le désert 
et ten­du l’essentiel

                                              Au 
les ai                                              sortir 
réouvert 

L’air perçait                       j’ai lais­sé chanter 

Vu les lignes amarrer 
en silence 
Et autour enlacer

Mes mains ont façon­né lentement 

La Nuit      
La poigne du vers 
tranchant 

S’exclame et s’efface 
sim­ple libre 
la danse 
hisse
et lisse 

(…)

Bais­er la beauté n’a qu’une peau 
elle rap­pelle l’eau au matin

La grève se met en garde 
paupières sur le lointain 

Bouche sur le proche 

Proche sur le lointain

Quand s’ouvre
le proche quand ferme 
le lointain 

C’est aus­si

L’île

À laque­lle il faut revenir 

Les ailleurs par­tent de l’île et îles en reviennent 

(…)

 

Voix sans croix 

 

Mais y tombant 
sans poids 
me dépliant 
sans voix 

J’accueille 
tout ce que le ciel sous-tend 
de la tendresse 
aux chutes des satellites

Atten­dant ta venue

Voix morne     
corde totémique 
les rames continentales 
assenant à l’île 
flotte à
la barre indéfinie 

À la nuit
j’ai lancé la pirogue 
mis le cap sur l’espérance 
et à la nuit
au sextant 
joux­té les points lucides (…)

 

Raclées et risées

 

Mais je crois qu’à force elles con­stru­isent une bar­rière de fer

À force de chercher à détacher 
l’air

À force de forcer la terre à lâch­er l’air …

À force que l’air s’infiltre dans nos têtes 

Les paroles sous couvert

Et les fossés

Et l’habitude des bombes

Finis­sent par ouvrir en soi 

Comme un chemin

 Par se retourn­er con­tre soi

 Con­tre la paix

Le poids de l’enfance

D’un silence

Et l’attente d’une rosée

Ce sont  nos yeux qui s’éteignent

Le fer et les paroles qui  ferment

Les cris  
enta­ment  le corps 

Les rêves ne savent plus rêver

Et l’esprit

Ne parvient qu’à retourn­er vers les lieux de la  blessure (…)

 

Amina

 

Ami­na, c’est le nom que je te donne
sa farine touche à toutes les rives, je n’ose les dire.

La peau s’éclat soie noire comme nuit au soleil, 
elles pour­raient disparaitre

Fruit et fleur
abeille mutine à rive d’elle
une carte marine
charme
sombre
la pro­fondeur océane

Les plis de la bouche touchent au bor­ds de l’ébène
cœur mûre
l’œil serré
la peau brune
les veines d’un noir bleu de lave

Liss­es 
les cheveux ramenés comme deux mains 
sai­sis­sent le ciel 

Isthme
Le ciel défer­le profond
comme la mer
rouge fébrile
les vagues mur­murent un séisme entre les émer­audes qui te sont seins (…) 

 

Ile en elle 

 

Est-ce le feu cette touffe cendrée

Le givre dis­sout l’étreinte 

La vio­lence du choc fut telle 
qu’île en elle
en trombe
l’azur soudain par l’éclat des yeux évanouit le jour 

Allumé
le feu regorge l’amertume
est une ride à l’espérance 

Astre majeur
le gouf­fre en tombe aspire l’ajour

Rive
cette déchirure
à l’écrin indigo 
la chaleur africaine cerne
l’opposition féconde (…)

 

Textes tirés de Ami­na mutine ou les ensor­celle­ments de l’ile, Lam­bert Sav­i­gneux, Edi­tions du petit véhicule, avril 2018 .

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