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Jeanine Baude, Les vagues lui appartiennent

Jeanine Baude nous a quittés hier, dans le silence de cet entre deux week-ends de fêtes. Elle était poète, critique, voyageuse et femme libre et brillante comme une comète tombée sur la terre.

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J’aurai fumé beaucoup comme fait l’amour, tendu l’arc sur la dérive, les cathédrales, les concerts, suivi le marin, son rafiot. Les vagues m’appartiennent. La bonté se chante sur le noir passage, les vitraux, le vertige, le nez du vent, la couleur, la camarde observant semaine après semaine cette cadence, le paludisme peut-être ou la peste, ce fut la joie.

Le Chant de Manhattan, Seghers, Poésie, 2006

Poète et critique, née le 18 octobre 1946 à Eyguières dans les Bouches du Rhône Jeanine Baude après un D.E.A de Lettres Modernes (Aix-en-Provence U1) occupe un poste de D.R.H. dans une entreprise privée pendant plus de vingt années à Paris. Elle est originaire des Alpilles, et "a suivi la route des rocs d’est en ouest et revient depuis Saint-Rémy de Provence et Cassis, des Hautes-Tatras à la Pointe de Pern, d’Ouessant à New York sur le lieu de houle intime : le poème"1. Elle aime à dire « J’écris avec mon corps, je marche avec mon esprit » ou bien « Je commets le délit d’écriture ».

Elle laisse de magnifiques recueils comme Le Chant de Manhattan, Seghers, 2006, L’Adresse à la voix, Rougerie, 2003, Ile Corps 0céan, co-édition L’Arbre à Paroles-Écrits des Forges-Phi, (Belgique,Canada, Luxembourg) collection l’Orange Bleue, 2001, Incarnat Désir, Rougerie, 1998, Océan, Rougerie, 1995, C’était un paysage, Rougerie, 1992 (Prix Antonin Artaud 1993), Ouessanes, Sud, 1989... 

Jeanine Baude, Poème n°4,  (poème, extrait de Oui, par l'auteure) 18ème Festival DécOUVRIR, édition numérique, chaque mercredi du 3 juin au 2 septembre En partenariat avec France 3 Nouvelle Aquitaine.

Des récits et textes en prose : New York is New York, Tertium Éditions (ex Éditions du Laquet) 2006, Colette à Saint-Tropez, Langage et volupté, Images en Manœuvre Éditions, 2004, Venise Venezia Venessia, Éditions du Laquet, 2001 (Réédition en 2002) et Venise Idylle, Rapport d’étape, Venise, 2002. Ses essais comme Andrea Zanzotto, Revue H.i.e.m.s n° 9, 2002, L’insoutenable légéreté du poème, (4 poètes slovaques, Turan, Bielik, Zbrúz, Litvak) Revue L’Arbre à paroles n° 109, Belgique, 2000, Minéral Minimal, Revue Sud n° 110-111, 1995 ou Correspondance René Char - Jean Ballard 1935-1970, préfacée et annotée, Rougerie 1993 ouvrent des perspectives inédites sur le langage et sa mise en œuvre particulière chez les poètes abordés. 

A côté de livres d'artiste comme par exemple Le Fleuve trop longtemps, avec Maya Boisgallays, Éditions Transignum, 2005, Le Bol du matin, avec Serge Plagnol, Éditions Tipaza, 2003 , Omphalos, avec Dominique Romeyer, Éditions Nan’Nigi, 2002, Un Bleu d’équinoxe et Labiales, avec Michel Carlin et Jean-Paul Chague, Éditions A.B. 2001, Hiéroglyphes, avec Jacques Clauzel, Éditions À Travers, 2000, elle collabore à de nombreuses revues européennes et étrangères. 

Membre du comité d’édition de la revue Sud de 1992 à 1997, membre du comité de rédaction de la revue L’Arbre à paroles, de nombreux extraits de ses œuvres ont été traduits en anglais, italien,biélorusse et slovaque…

De nombreuses publications en revue et universitaires lui ont été consacrées : en 1995  paraît un article dans une publication de la Dalhousie University, Halifax, N.S. Canada par Michaël Bishop, Contemporary French Poets, volume II, “ from Hyvrard and Baude to Etienne and Albiach” Atlanta, Éditions Rodopi ; en 1997 une article dans P.N. Review (Manchester, Angleterre), Oceanic Feelings par Roger Little (University Trinity College, Dublin, Irlande) ; en 2006 Elle en île, dossier littéraire autour de l’œuvre de J.B., Revue Décharge n° 128, et en 2003 dans la revue Littéréalité, Toronto, Canada, paraît une interview avec John Stout (Université de Mac Master, Hamilton, Canada).

Jeanine Baude parle de son recueil Juste une pierre noire, paru aux Éditions Bruno Doucey en 2010. Editions Bruno Doucey.

Jeanine Baude sur Recours au poème

Poèmes

Le Chant de Manhattan (3 extraits)

Juste une pierre noire

Île corps océan Isla cuerpo océano

Articles

Claude Ber, Jeanine Baude, Oui

Fil de Lecture de Lucien WASSELIN : sur Jeanine BAUDE

Joëlle Gardes, Jeanine Baude : Soudain

 

Café littéraire de La Rumeur libre n°1, Jeanine Baude, Juin 2021.

Capsule du Café littéraire de La Rumeur libre, Jeanine Baude lit des extraits du recueil  Les Roses bleues de Ravensbrück, le 3 juin 2021.




Au cœur du poAime

Pour les Nuits de la lecture 2022 Recours au poème organise un florilège de lectures poétiques autour de thème de cette année, l'amour.

Ces prochaines Nuits de la lecture, organisées pour la première fois par le Centre national du livre sur proposition du ministère de la Culture, se tiendront du 20 au 23 janvier 2022, au cours de quatre soirées, avec un temps fort le samedi 22 janvier. Ces Nuits de la lecture sont plus que jamais nécessaires pour partir à la conquête de nouveaux lecteurs et réaffirmer la place essentielle du livre et de la lecture dans nos vies.

Du jeudi 20 au dimanche 23 janvier 2022, le public sera invité à se réunir à l’occasion de milliers d’événements physiques et numériques, autour du thème de l’amour qui épouse l’injonction de Victor Hugo : "Aimons toujours ! Aimons encore !". Les bibliothèques, les médiathèques, les librairies, mais également les musées, les théâtres, les établissements scolaires et universitaires, les structures pénitentiaires et médico-sociales, le réseau des établissements culturels français et les librairies francophones à l’étranger, seront invités à mettre à l’honneur, au cours de quatre soirées, le plaisir de lire et de partager amour des livres et livres sur l’amour !

Recours au poème se propose donc de participer à cette émulation pour porter le livre et la lecture, et plus encore la poésie. La rubrique Poètes et poèmes de notre revue permet de faire découvrir aux lecteurs des auteurs contemporains francophones et internationaux. Certains de ces poètes seront invités à lire des poèmes créés pour la thématique de cette nuit de la lecture 2022 qui a motivé le titre de l'événement, "Au cœur du poAime". Après une courte présentation ils seront invités à partager leurs poèmes. La francophonie sera représentée avec des participants français, québécois, belges, antillais, etc... Nous inviterons également des poètes internationaux lus dans leur langue originale et en version française.

Photo de une © mbp.




Revue FUORIASSE — Officina della cultura

Née en 2011 FuoriAsse est une revue semestrielle attentive aux nouvelles formes de communication tout en construisant un véritable dialogue avec les traditions. Elle se présente sous la forme d’un livre aux riches couleurs, élégant et épais (222 pages) de grand format (21x29,7) rassemblant, dans ce numéro paru en juin dernier, quarante-deux auteurs et cinquante-trois photographes et illustrateurs, italiens et étrangers.

FuoriAsse signifie « HorsAxe », autrement dit « non alignée par rapport à un axe de référence » (le I est d’ailleurs incliné ce qui est impossible à représenter ici).  Elle accueille donc des regards critiques, confronte les points de vue, et se révèle être une véritable fenêtre sur la vie littéraire et culturelle au-delà de toute frontière, fuyant « une idéologie à sens unique toujours plus en accord avec un monde capitaliste qui favorise l’homologation et le conformisme »1.

Ce numéro, dédié à Sofia Graviilidis (professeur de littérature comparée pour l’enfance à l’Université Aristote de Thessalonique, décédée en novembre 2020 et membre du comité scientifique du Centre International d'Études sur la Littérature Européenne) a pour titre La pietas et pour couverture une magnifique illustration d’Andrea Ferraris (lequel est aussi écrivain). Alliant éthique et esthétique, Ferraris nous livre une interprétation de ce que peut être la pietas au XXIè siécle, mêlant à la profondeur de ses bleus intenses (de la Méditerranée) le destin tragique des migrants. Pourquoi le mot latin pietas et non le mot italien pietà ?

Revue  FUORIASSE - Officina della cultura, numéro 26 (juin 2021), 222 pages, 22 euros.

 « Pietas est un mot qui n'est plus à la mode » nous dit Caterina Arcangelo, la directrice de rédaction, dans son éditorial. C’est pourquoi elle invite à « revenir à la lecture des grands poèmes classiques, source d’un savoir scientifique moderne, qui se révèlent encore à la hauteur des discussions les plus actuelles » et cite entre autres l’Iliade ou le poème de la force, une relecture d’Homère par Simone Weil et le Zibaldone de Leopardi, des œuvres qui nous permettent de comprendre le processus d'actualisation du mythe nécessaire à l’élargissement perpétuel de la connaissance. Elle cite aussi Ungaretti et son Allegria di Naufragi (l’allégresse signifiant ici retour à la force intérieure), Ernst Jünger, Marco Revelli lequel focalise son enquête sur l’écroulement des valeurs. Sa « modernisation régressive » révèle comment l’évolution, en particulier technologique, n’est qu’une course contre le temps. Prosperi, lui, en introduction à son Un tempo senza storia, la distruzione del passato (Un temps sans histoire, la destruction du passé) Einaudi 2021, appelle le lecteur à réfléchir sur la nécessité de se réapproprier l’Histoire et dénonce les brèches qui se sont ouvertes, « entre la réalité des nombreuses cultures humaines dans le monde et la fermeture ethnocentrique de ce qui est lu et enseigné ». En effet, aujourd’hui, on se heurte à un modus operandi qui se conjugue avec une idéologie à sens unique et toujours plus conforme à un monde capitaliste qui favorise l’homologation et le conformisme. On ne vise plus « la croissance intellectuelle de personnalités libres mais l’apprentissage d’aptitudes fonctionnelles à l’exécution exacte de ce qui est demandé par les exigences du système ».

Beauté, densité et multiplicité caractérisent la revue FuoriAsse dont il est impossible de rendre compte en détail. Ce numéro 26 réunit ainsi, dans ses vingt rubriques, des articles de recherche, des photos d'art, des biographies et d’amples notes de lecture, le tout abondamment illustré. Si la poésie est présente dans nombre de ses pages, FuoriAsse va largement au-delà : on y parle de littérature et de philosophie, de musique, de cinéma, de questions politiques et sociales… aussi y rencontre-t-on des poètes, des philosophes, des psychanalystes, des acteurs, des réalisateurs, des auteurs de bandes dessinées, des peintres, des directeurs d’associations culturelles etc. Au détour d’une page, on peut y lire un vibrant hommage à Francesco De Francesco, médecin de Bergame mort pendant la première vague du Coronavirus et qui était - aussi - un brillant illustrateur.

Arrêtons-nous aussi sur la rubrique « Impare a scrivere con i grandi » (Apprendre à écrire avec les grands), dans laquelle Guido Conti nous donne à lire quatre micro-récits2 extraits de I centodelitti (Les centcrimes) de Giorgio Sceranenco (Kiev 1911-Milano 1969) qu’il analyse pour nous montrer comment donner de l’épaisseur à des personnages en pratiquant l’art du non-dit, de la suggestion, de la concision, la création de personnages dont la vie secrète est à imaginer par le lecteur… « ce qui se cache entre les lignes n’est-il pas plus important que ce qui est dit ?»3 et nous donne des pistes de travail. « Chaque histoire de ce recueil est comme la pointe d’un iceberg : ce qui fait émerger la page écrite est en général la partie immergée, celle qui est restée dans l’ombre, cachée. »4

FuoriAsse une revue ouverte sur le monde, sur tous les peuples et sur tous les âges (elle inclue une rubrique intitulée Quaderni per l’infanzia, Cahiers pour l’enfance) et se veut être un guide et une référence pour les jeunes (cf. rubrique La parola ai giovani, La parole aux jeunes.)

À noter que ce numéro consacre un long article (sept pages) à Amedeo Anelli, poète dont plusieurs textes ont paru dans Recours au poème. Il est ici interviewé par Caterina Arcangelo, la directrice éditoriale. On y croise également Margherita Rimi, elle-aussi publiée dans Recours au poème et Guido Oldani, le « père » du Réalisme terminal.

Comme une invitation à prolonger la lecture, les deux dernières pages restent blanches, offrant au lecteur la possibilité d’y inscrire les traces de sa propre réflexion, deux pages blanches comme un espace de dialogue incitant à ne pas rester passif mais à continuer sa propre lecture intérieure.

Notes

  1.  Extrait de l’éditorial de Caterina Archangelo.
  2. La schiava (L’esclave), Notte di distruzione (Nuit de destruction), Il più bel ragazzo del mondo (Le plus beau garçon du monde) et Non ti spaventare (N'aies pas peur).
  3. et 4. Guido Conti.

 

 




Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut éprouver pour la Russie de son père et d'admiration pour Olga.

La mémoire, les souvenirs prégnants de la terre russe offrent matière lyrique à ce recueil qui énonce les beautés, attise la nostalgie des tableaux dont le poème détient les clefs.

Profonde
est l'obscurité
quand je retourne là
où les mots n'existent plus
je perds pied
j'ai oublié jusqu'à ton nom

Denis EMORINE, Romance pour Olga, éditions Il est midi, pages non numérotées, 2021, prix non indiqué.Préface due à Olga Kulagina.

Le poète se revoit petit garçon, conserve quelques fragments d'un père disparu.Le livre est de deuil et de souffrance, et tout à la fois gage que l'on peut retrouver certaines images, quelques figures du passé.

Moscou, « la nuit russe », « le ciel rouge de l'Est » peuplent ces remémorations d'une « Russie qui se dérobe ».

La poésie est certes mémorielle ; elle consigne les « mots usés » ; elle est offrande et exaspération devant le passé qui se délite, et qu'il faut, coûte que coûte, ressaisir, dans une ferveur sans défaut ni défaillance.

L'écriture, toute simple, sert bien le propos ; les images en sont nettes et denses : « le sol craquelé/ de la mémoire ».

Poèmes partageables et sensibles d'un auteur né en 1956, qui convoque ici, pour le meilleur, les reliefs de son passé.

Présentation de l’auteur

Denis Emorine

Denis Emorine  est né en 1956 près de Paris.  Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue. Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". 
En 2004, Emorine a reçu  le premier prix de poésie (français) au Concours International. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 ».
On peut lui rendre visite sur son site : denis.emorine.free.fr

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par [...]

Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de [...]

Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut [...]

Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements. [...]

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, [...]




Pierre Tanguy, Poètes en Bretagne

Poètes en Bretagne qui est paru en mai 2021 aux éditions Sauvages dans la collection « La Pensée sauvage » rassemble les « lectures choisies » de Pierre Tanguy sur de nombreux recueils écrits par des poètes de Bretagne entre 2010 et 2020.

Il s’agit d’une anthologie originale proposée par un poète, critique et ancien journaliste, qui nous dévoile pas moins de 56 poètes qui vivent ou ont vécu dans la région. « Ce sont des lectures choisies parce que plusieurs de ces poètes me sont familiers et que je suis particulièrement attentif à leurs publications. » Pierre Tanguy nous propose donc un panorama personnel non exhaustif de poètes dont il apprécie l’écriture. Nous y trouvons également avec plaisir des poètes « consacrés » et disparus comme Hélène et René Guy Cadou, Xavier Grall, Guillevic, Alain Jégou et Paul Quéré. 

Chaque poète est présenté brièvement entre quatre et six lignes, présentation suivie d’une ou de plusieurs notes de lecture qui ont, chacune, fait l’objet d’une publication antérieure en revue. « Un poète n’est-il pas là, d’abord, pour nous interpeller sur le sens de l’existence ? » (p.22), écrit-il à propos du livre Les questions innocentes de Gilles Baudry, moine bénédictin de Landévennec, paru en 2017 aux éditions L’œil ébloui. « Il y a des mots, des lieux qui sauvent la vie. Y a-t-il plus belle mission pour la poésie que celle-là ? En le disant, Eve Lerner se range du côté de la vie, du regard émerveillé sur le monde (ce qui ne l’empêche pas de cibler avec vigueur ses turpitudes) » (p.212) sur Partout et même dans les livres (éditions Sauvages, 2020, Prix Paul-Quéré 2019-2020).

Pierre Tanguy, Poètes en Bretagne (Lectures choisies), Editions Sauvages, 2021, 246 pages, 15€.

« A quoi reconnaît-on un poète breton ? A sa familiarité avec la mort ou, plutôt, à sa capacité à faire se rencontrer, dans ses textes, les vivants et les morts » (p.36) au sujet d’A mes amis envolés de Louis Bertholom (Vivre tout Simplement, 2020). A travers ses notes, à travers la voix des poètes, Pierre Tanguy synthétise d’une certaine manière ce que signifie vivre en poésie aujourd’hui en Bretagne (mais valable aussi, selon moi, ailleurs, tant les questions soulevées sont universelles) : résistance face à un monde qui se délite, spiritualité, ancrage au territoire (terre et mer), aux êtres, à l’histoire et à la langue. Ce qui contribue peut-être à la spécificité des poètes bretons, c’est le souffle qui émane de leurs vers et surtout leur amour inaliénable et infini pour la Bretagne. 

Les lectures choisies par Pierre Tanguy nous invitent à découvrir et à lire les ouvrages de poésie de Guy Allix, Marc Baron, Gilles Baudry, Louis Bertholom, Jean-Pierre Boulic, Hélène Cadou, René Guy Cadou, Jean-Claude Caër, Marie-Josée Christien, Gérard Cléry, Jean-Louis Coatrieux, Jean-Claude Albert Coiffard, Jean-Pierre Colleu, Chantal Couliou, Olivier Cousin, François de Cornière, Michel Dugué, Yves Elléouët, Xavier Grall, Guénane, Christine Guénanten, Jean-Albert Guénégan, Eugène Guillevic, Roland Halbert, Denis Heudré, Alain Jégou, Jacques Josse, Didier Jourdren, Daniel Kay, Paol Keineg, Alain Kervern, Nicole Laurent-Catrice, Jean Lavoué, Henry Le Bal, Marie-Laure Le Berre, Geneviève Le Cœur, René Le Corre, Denise Le Dantec, Mérédith Le Dez, Gérard Le Gouic, Mireille Le Liboux, Yvon Le Men, Anne-José Lemonnier, Thierry Le Pennec, Eve Lerner, Brigitte Maillard, Paul Morin, Jean-Pierre Nedelec, Lydia Padellec, Fañch Peru, Jacques Poullaouec, Gérard Prémel, Yves Prié, Paul Quéré, Claude Serreau, Colette Wittorski.

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tanguy est originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère. Ecrivain et journaliste, il partage sa vie entre Quimper et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plupart, été publiés aux éditions rennaises La Part commune. Citons notamment  Haïku du chemin en Bretagne intérieure  (2002, réédition 2008), Lettre à une moniale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpital aux éditions La Part commune (2017).

Il est également l'auteur de recueils de haïkus

 Haïku du chemin en Bretagne intérieure, La Part Commune 2002, réédition 2006. Postface de Alain Kervern

Haïku du sentier de montagne, La Part Commune, 2007. Préface de Alain Kervern

Ici même,  avec des peintures du Michel Remaud, La Part Commune, 2014. Postface de Alain Kervern

Silence hôpital,  La Part Commune, 2017, postface de Alain Kervern

En anthologies ou livres collectifs

Chevaucher la lune, anthologie du haïku français contemporain, éditions David (Québec), 2001

Anthologie du haïku en France, bilingue français-anglais, éditions Aléas, 2003

L’arbre sort du bois, éditions Pippa, 2017

Le petit livre du haïku, First éditions 2018

Sav-Heol, Soleil levant, Rising sun,  haïkus et tankas de Bretagne et du Japon, Futurescan, 2019

Haïkus d’hommes, éditions Pippa, 2020

 

 

 

 

Pierre Tanguy

Autres lectures

« J’écris dehors », sur Pierre Tanguy

J’écris dehors Pierre Tanguy Combien révélatrice de son œuvre est cette confidence de Pierre Tanguy. Oui, à la manière des peintres impressionnistes qui sortirent brosses et chevalets des ateliers académiques, Pierre [...]

Pierre Tanguy et Michel Remaud, Ici Même

  Les belles éditions rennaises La Part Commune publient Ici même sous la plume de Pierre Tanguy rehaussée du subtil pinceau de Michel Remaud. Ouvrage où il nous est donné à contempler, De [...]

Pierre Tanguy, Silence hôpital

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Antoine Arsan et son « éloge du haïku »

Encore un essai sur le haïku, direz-vous ? Le genre poétique n’en finit pas, en effet, de susciter commentaires et appréciations de toute nature. Avec le livre d’Antoine Arsan, publié dans la prestigieuse collection [...]

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Le monde entier entre dans ce livre de Pierre Tanguy qui accueille des voix multiples en amitié poétique : quarante-sept poètes d’hier et d’aujourd’hui, de vingt pays différents nous invitant au voyage hors de [...]




ll faut sauver la revue ARPA !

Fondée en 1976, Arpa risquait de disparaître en 2022, sa subvention annuelle étant supprimée. La revue, qui n'est pas une revue de littérature et de poésie régionales, mais « une des rares revues de référence sur la poésie contemporaine française et étrangère », tire son nom de l'Association de Recherche Poétique en Auvergne , et fait vivre la poésie sous la direction de Gérard Bocholier depuis 1991.

 Il lui fallait au moins 40 abonnés supplémentaires pour pouvoir continuer. Le dernier numéro assuré, 133-134 est paru en automne... Il aurait donc été le dernier numéro si la campagne d'appel à l'aide n'avait offert un sursis : la revue pourra survivre, avec une formule nouvelle : l'abonnement (4 numéros, 42 euros) offrira 2 numéros simples de 80 pages et un numéro double de 160 pages – mais un sursis n'est pas une garantie de longévité.

Or, une revue qui disparaît entraîne dans sa mort tout un pan de la culture.

Pour vous abonner (mode de diffusion principal)voir ici : http://www.arpa-poesie.fr/Contact.html

La poésie, déjà si marginale dans le monde de la littérature, pratiquement inexistante dans la presse à grand tirage, a besoin de ces parutions périodiques pour permettre à des voix nouvelles de « tester » leurs textes – un champ littéraire sans apports nouveaux ne peut que s'étioler : si les « poètes » prolifèrent sur le web, et dans des groupes de facebook, tout s'y aplatit, comme l'information omniprésente. Une revue a un projet éditorial, ce qu'elle publie répond à une sélection, et permet à un lecteur – novice ou non – de lire des poèmes de qualité. Par ailleurs, les revues entretiennent une culture commune, qui fait défaut, pour la poésie contemporaine, aux institutions d'éducation. Par la publication d'inédits d'auteurs déjà reconnus, l'exhumation de textes qui sans elles tomberaient dans l'oubli, l'ouverture à des littératures du monde, la revue fait œuvre d'éducation... sans compter qu'elle permet aux éditeurs - et aux auteurs - de faire connaître leurs ouvrages, dont la diffusion déjà restreinte (le bouche-à-oreille plus que les librairies, on le sait) a besoin de ces lectures d'invitations proposées par les critiques.

Les animateurs d'Arpa ont toujours voulu rester ouverts à une grande diversité de styles – les sommaires permettent de retrouver presque toutes les grandes voix de la poésie actuelle, des poètes confirmés et des auteurs débutants.…

Arpa fait aussi une grande place à la poésie étrangère et dans chacun de ses numéros, tient aussi à publier des poèmes d'auteurs encore inconnus, dans Le regard des autres

Le numéro 132 présentait un hommage à Cédric Demangeot, une série de poèmes et de proses, une série de notes de lecture, la chronique de Gérard Bocholier et un groupement de poèmes sous le titre « le fil du temps ». La revue offrait aussi des photos N&B de Bernard Pauty disséminées au fil de la lecture.

Le numéro 133 – octobre 2021 – porte en couverture le titre « proses poétique ». Il propose de rencontrer 37 poètes ou prosateurs, auxquels s'ajoutent les 7 invités du « fil du temps ». On trouvera deux essais – sur François Graveline par Denis Rigal, et sur le thème « vers ou prose » par François Migeot, une série de notes de lecture, une chronique de Colette Minois, ludiquement intitulée « Tirer la langue », qui traite de l'usage exponentiel des jargons et barbarismes qui sévissent sur les médias depuis la crise sanitaire, et de la censure exercée par une bienpensance antiraciste, antisexiste... qui va jusqu'à débaptiser ou condamner des livres. Les « préférences » de Gérard Bocholier - cette « chronique des temps difficiles » nous fait voyager dans les livres qui ont retenu son attention. Au fil du numéro, des pointes sèches de Valérie Peret-Remors associent poésie et art visuel.

On attend avec impatience le premier numéro de 2022 - numéro gagné par le soutien des lecteurs, dont on espère qu'il s'élargira à de nouveaux abonnés. La survie de la poésie est en jeu aussi !




Stefan Zweig, La Vie d’un poète

Stefan Zweig poète ? Voilà une bonne nouvelle car cet aspect de l’œuvre du grand écrivain autrichien est largement méconnu. Son œuvre poétique (trois livres) n’a jamais été publiée en français et l’on doit aujourd’hui aux éditions Arfuyen, avec une traduction de l’allemand par Marie-Thérèse Kieffer, la publication de plusieurs de ses poèmes. Ils sont accompagnés d’écrits que Zweig (1881-1942) a lui-même consacrés à la poésie.

Stefan Zweig se faisait une idée éminente de la poésie. Il lui attribuait un caractère quasi sacré, faisait des poètes « les serviteurs et gardiens de la langue », les assimilant à « un ordre presque monastique au milieu du tapage de nos jours ». Il avait une admiration sans bornes pour Rainer Marie Rilke qui, selon lui, dans son Livre d’heures, « explique inlassablement Dieu à travers les symboles ». Il vouait aussi un véritable culte à Emile Verhaeren, qu’il a fréquenté personnellement. « Il m’a appris à chaque heure de mon existence que seul un homme accompli peut être un grand poète ».

Mais Stefan Zweig se pose la question : « Des poètes de l’envergure de Rilke ou de quelques maîtres, de tels poètes si purs, si totalement voués à leur art, seront-ils encore possibles dans les turbulences et le désordre universel de notre temps ? » Question qui traverse toutes les époques, mais que Zweig ressent très profondément dans le contexte de la Grande Guerre. Il en arrive même à se poser la question de la possibilité d’écrire de la poésie face à la boucherie de 14-18 (comme si l’on entendait, de façon prémonitoire, le questionnement d’Adorno sur la possibilité de la poésie après Auschwitz).

Quoi qu’il en soit, il apparaît que Zweig n’a pas eu de vrai destin poétique personnel. Il est connu avant tout pour ses essais, ses nouvelles, ses romans. En présentant les rapports que l’écrivain a entretenus avec la poésie, Gérard Pfister souligne dans la préface au livre que « la dispersion de ses activités » a sans doute nui à sa création poétique.

Stefan Zweig, La vie d’un poète, Arfuyen, 189 pages, 17 euros.

 Il souligne aussi que Zweig était plus un « observateur et analyste » qu’un « lyrique et métaphysique ». Ses livres de poésie publiés en 1902, 1906 et 1926, n’ont donc pas connu l’écho que pouvait espérer leur auteur.

Dans ses poèmes, de facture souvent classique (avec rimes), Zweig nous parle de ses rêves mais aussi beaucoup de lieux, de voyages qu’il a pu effectuer en Italie ou ailleurs : Venise, lacs de Côme, de Constance, de Zurich... mais aussi le Taj Mahal ou une « île silencieuse » en Bretagne. « Du rivage j’entends les cloches / par-dessus les landes sonner / et déjà je ne peux plus voir / les contours arrondis des tours ».

Gérard Pfister parle de Zweig comme d’un « chasseur végétarien », au fond quelqu’un « qui n’a cessé de poursuive le succès dans des formes littéraires qui n’étaient pas son genre ». Car l’écrivain autrichien entendait répondre à un appel intérieur. Et la poésie répondait selon lui à « l’inquiétude primordiale et inhérente à tout homme ». Ce qu’il soulignait, à la fin de sa vie, dans l’un de ses derniers poèmes : « Le pressentiment de la nuit qui s’approche / n’a rien d’effrayant – il soulage ! / Le pur plaisir de contempler le monde, / seul le connaît celui qui ne désire plus rien ».

Présentation de l’auteur

Stefan Zweig

Stefan Zweig Stefan Zweig naît le à Vienne. Avec son frère aîné, Alfred, il complète une famille qui « a voulu réussir son intégration et tenu à donner une éducation laïque ». Il est est élevé à Vienne, et est inscrit en au Maximilian Gymnasium où il bénéficie  d'un enseignement scolaire extrêmement rigide. Il réussit à obtenir son baccalauréat en 1900. 

À dix-neuf ans il quitte le foyer familial pour une chambre d'étudiant. Il s'intéresse aux poètes, en particulier Rainer Maria Rilke et Hugo von Hofmannsthal, déjà adulés en dépit de leur jeune âge. Zweig s'essaie lui-même à l'écriture, qui l'attire de plus en plus. Il compose plusieurs poèmes, dont une cinquantaine vont être réunis dans un recueil, Les Cordes d'argent, publié en 1901. Même s'il reniera ensuite cette première publication, elle lui attire un succès d'estime, mais outre ces poèmes, Zweig écrit également de courts récits, dont Dans la neige (Im Schnee), qui paraîtra également en 1901 dans le journal viennois sioniste Die Welt.
Ses premiers essais, sous forme de feuilleton au « rez-de-chaussée », sont publiés dans « Die Neue Freie Presse », dont le rédacteur littéraire est Theodor Herzl. ncouragé par ces premiers succès, mais doutant encore de son talent, Zweig séjourne à Berlin. Il y découvre une autre avant-garde : les romans de Fiodor Dostoïevski et la peinture d'Edvard Munch. Il fréquente de nombreux cercles, rencontre Rudolph Steiner. Avant la Première Guerre mondiale, porté par sa curiosité, il fait de nombreux voyages, parcourt l'Europe, effectue de longs séjours à Berlin, Paris, Bruxelles.
Ses nombreux voyages ne l'empêchent pas de poursuivre ses activités d'écrivain (un recueil de nouvelles est publié en 1904), et de traduction, notamment de Verlaine, Émile Verhaeren, qu'il a rencontré à Bruxelles et dont la vitalité, à l'opposé de l'atmosphère engoncée de Vienne, influencera durablement le jeune Zweig. Il rencontre en l'écrivain français Romain Rolland. Ils deviendront des amis proches, unis par leurs intuitions sur l'Europe et la culture. Ils s'écrivent beaucoup : on a retrouvé 520 lettres de Stefan Zweig à Romain Rolland et 277 lettres de Romain Rolland à Stefan Zweig.

Entre ces deux hommes, c'est l'histoire d'une grande amitié, qui commence par une relation de maître à disciple. En 1927, ils célèbrent ensemble à Vienne le centenaire de la mort de Beethoven, et c'est à l'initiative de Stefan Zweig que Romain Rolland fait partie des personnalités invitées aux festivités et que ses articles et son hommage à Beethoven paraissent dans nombre de journaux.

Les années 1920 voient Zweig se consacrer à une production abondante : ce seront Trois Maîtres (Balzac, Dickens, Dostoïevski), Le Combat avec le démon (sur Kleist, Hölderlin et Nietzsche), et enfin Trois poètes de leur vie (essais sur Stendhal, Casanova et Tolstoï) ; viendra plus tard La Guérison par l'esprit (sur Freud, — à qui il fait lire ses nouvelles avant parution, et dont il rédigera en 1939 l'oraison funèbre —, Franz-Anton Mesmeret Mary Baker Eddy). Polyglotte accompli, Zweig traduit de nombreuses œuvres : de Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, John Keats… Il nourrit toute sa vie une grande passion pour les autographes et les portraits d'écrivains, qu'il collectionne.

L'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler vient bouleverser la vie de Zweig, qui a très tôt une conscience claire du terrible danger que représente le dictateur pour les Juifs, pour l'Autriche et pour toute l'EuropeRéfugié à Londres, Zweig persiste dans ses craintes et ses intuitions. Il refuse de choisir son camp, comme Érasme en son temps, privilégiant la neutralité et la conscience individuelle à l'alignement sur un courant politique. Il part pour le Brésil, pays qui lui avait fait une forte impression, et où il avait été bien reçu. 

Avec l'entrée en guerre des États-Unis en , Zweig perd de plus en plus espoir. Il n'en continue pas moins son œuvre, dont Le Joueur d'échecs, bref roman qui sera publié à titre posthume, et qui met précisément en scène un exilé autrichien que les méthodes d'enfermement et d'interrogatoire pratiquées par les nazis avaient poussé au bord de la folie. Hanté par l'inéluctabilité de la vieillesse, ne supportant plus l'asthme sévère de Lotte sa compagne, et moralement détruit par la guerre mondiale en cours, il décide qu'il ne peut plus continuer à assister ainsi, sans recours, à l'agonie du monde. Le 22 février 1942, après avoir fait ses adieux il met fin à ses jours.

© Crédits photos Stefan Zweig (1881–1942), 1931; écrivain autrichien. Crédits : Trude Fleischmann (1895–1990).

Bibliographie 

Poésies

Cordes d’argent, Berlin, 1901 (Silberne Saiten).

Les Couronnes précoces.

La Vie d'un poète : Poèmes et écrits sur la poésie, inédit en français, traduction complète des poèmes et écrits sur la poésie de Zweig, édition bilingue, traduit de l'all. par Marie-Thérèse Kieffer, préface de Gérard Pfister, Éditions Arfuyen, 186 p., Paris, 2021,  (ISBN 9782845903135)

Romans et nouvelles

Rêves oubliés (Vergessene Träume, nouvelle publiée en 1900 dans le Berliner Illustrierte Zeitung).

Dans la neige (Im Schnee), 1901.

Une jeunesse gâchée, 1901.

Printemps au Prater (Praterfrühling, nouvelle publiée à l’automne 1900 dans une revue littéraire mensuelle).

L'Étoile au-dessus de la forêt (Der Stern über dem Walde, écrit v. 1903).

Les Prodiges de la vie (Die Wunder des Lebens, 1904, tr. fr. 1990).

L'Amour d'Erika Ewald (Die Liebe der Erika Ewald, 1904, tr. fr. 1990). Belfond/ Le livre de poche.

La Marche (Die Wanderung, 1904).

La Scarlatine (Scharlach, nouvelle publiée en mai-juin 1908).

Première épreuve de vie. Quatre histoires du pays des enfants (Erstes Erlebnis. Vier Geschichten aus Kinderland, 1911) : Conte crépusculaire(Geschichte in der Dämmerung, tr. fr. 1931), La Gouvernante (Die Gouvernante, tr. fr. 1931), Brûlant secret (Brennendes Geheimnis, tr. fr. 1945) et Le Jeu dangereux (Sommernovelette, tr. fr. 1931).

Amok ou le Fou de Malaisie, recueil qui, dans sa version originelle de 1922.

La Confusion des sentiments, recueil qui, dans sa version originelle de 1927.

Vingt-quatre Heures de la vie d'une femme, 1927.

Un mariage à Lyon, recueil (1992) incluant, outre la nouvelle du même titre (Die Hochzeit von Lyon, publ. 8.1927).

La Peur, recueil (Angst, publié en 1925, tr. fr. 1935).

Le Voyage dans le passé (Die Reise in die Vergangenheit / Widerstand der Wirklichkeit, 1re publication partielle 1929, v. complète publiée en 1976, tr. fr. 2008).

Le Jeu dangereux, 1931.

Le Chandelier enterré, recueil (1937).

Un soupçon légitime (War er es, nouvelle probablement écrite entre 1935 et 1940, première publication 1987, tr. fr. 2009).

Les Deux Jumelles. Conte drolatique (Die gleich-ungleichen Schwestern, nouvelle publ. 1936 in recueil Kaleidoscop).

La Pitié dangereuse (Ungeduld des Herzens, 1939, tr. fr. 1939) - roman, le seul (au sens de la taille de l’œuvre) que l’auteur ait achevé.

Le Joueur d'échecs (Schachnovelle, nouvelle écrite par l’auteur durant les quatre derniers mois de sa vie, de novembre 1941 à février 1942, publ. 1943 ; tr. fr. 1944, rév. 1981).

Un homme qu'on n'oublie pas (Ein Mensch, den man nicht vergisst, nouvelle, publ. posth. 1948, tr. fr. 1990).

Wondrak (nouvelles: Wondrak, La scarlatine, Fragment d'une nouvelle, La dette, Un homme qu'on n'oublie pas, Rêves oubliés, Printemps au Prater) . Tr. fr. Belfond 1990)/Le livre de poche.

Ivresse de la métamorphose, roman inachevé (écrit en 1930/1931 et 1938/1939), publié à titre posthume sous le titre original Rausch der Verwandlung.

La Vieille Dette, 1951.

Clarissa, roman inachevé, retrouvé dans les archives de Zweig en 1981, et portant la mention suivante : « Vu à travers l’expérience d’une femme, le monde entre 1902 et le début de la guerre » - la seconde, en l’occurrence ; tr. fr. 1992.

Le wagon plombéSur Maxime GorkiLe voyage en Russie, Payot 170 p.  (ISBN 978-2-22891-768-1).

Théâtre

La Maison au bord de la mer (Das Haus am Meer. Ein Schauspiel in zwei Teilen, 1911).

Le Comédien métamorphosé. Un divertissement du Rococo allemand (Der verwandelte Komödiant. Ein Spiel aus dem deutschen Rokoko, 1913).

Jérémie. Drame en neuf tableaux (Jeremias. Eine dramatische Dichtung in neun Bildern1916, tr. fr. 2014).

Légende d’une vie, (Legende eines Lebens. Ein Kammerspiel in drei Aufzügen, 1919, tr. fr. 2011).

Volpone (Ben Johnson’s Volpone. Eine lieblose Komödie in drei Akten, 1925, adaptation fr. de Jules Romains 1927, tr. de l'éd. orig. 2014).

L’Agneau du pauvre. Tragicomédie en trois actes (tr. fr. 1930), aussi connu sous le titre Un caprice de Bonaparte. Pièce en trois actes (tr. fr. de Alzir Hella 1952) (Das Lamm des Armen. Tragikomödie in drei Akten, écrite 1929, créée 1930).

Adam Lux, 1993, 88 p.  (ISBN 978-2-87775-065-3).

Essais et biographies

Émile Verhaeren : sa vie, son œuvre (Emile Verhaeren, 1910), tr. fr. 1910.

Souvenirs sur Émile Verhaeren (Erinnerungen an Emile Verhaeren1917), tr. fr. 1931.

Marceline Desbordes-Valmore : son œuvre (Marceline Desbordes-Valmore - Das Lebensbild einer DichterinMit Übertragungen von Gisela Etzel-Kühn, 1920), tr. fr. 1928.

Romain Rolland : sa vie, son œuvre (Romain Rolland : der Mann und das Werk, 1921), tr. fr. 1929.

Trois Maîtres : Balzac, Dickens, Dostoïevski (Drei Meister : Balzac, Dickens, Dostojewski.

Le Combat avec le démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche.

Les Très Riches Heures de l'humanité, 1927 (Sternstunden der Menschheit - 14 textes de nature historique, dont les premiers furent publiés en 1927), tr. fr. de 12 textes 1939.

Trois poètes de leur vie : Stendhal, Casanova, Tolstoï, 1937.

Joseph Fouché (Joseph Fouché. Bildnis eines politischen Menschen, 1929), tr. fr. 1930.

La guérison par l’esprit: Mesmer, Mary Baker-Eddy, Freud, 1982.

Marie-Antoinette (Marie Antoinette, Bildnis eines mittleren Charakters, 1932), tr. fr. 1933.

Érasme, Grandeur et décadence d’une idée, 1935.

Marie Stuart (Maria Stuart, 1935), tr. fr. 1936.

Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin, 1936.

Magellan (Magellan. Der Mann und seine Tat, 1938), tr. fr. 1938.

Amerigo : récit d'une erreur historique, 1944. 

Pays, villes, paysages. Ecrits de voyage. Editions Belfond, 1996.

Voyages. Récits. Editions Belfond, 2000.

Le Brésil, Terre d’avenir (Brasilien. Ein Land der Zukunft, 1941), tr. fr. 1942.

Balzac, le roman de sa vie (Balzac. Roman seines Lebens, publ. posth. 1946), tr. fr. 1950.

Hommes et destins, Belfond, 1999.

Le Mystère de la création artistique (Das Geheimnis des künstlerischen Schaffens, 1943), tr. fr. 1996.

Le Monde sans sommeil (Die schlaflose Welt).

Aux Amis de l’étranger (An die Freunde in Fremdland).

Montaigne. Essai biographique, publ. posthume, tr. fr. 1982.

Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen - autobiographie (Die Welt von Gestern - Erinnerungen eines Europäers, 1942, publ. posth. 1944 - traduction nouvelle de Serge Niémetz, éditions Belfond 1993).

En cette heure sombre (In dieser dunklen Stunde).

Paul Verlaine, biographie, Le Castor Astral, 2015.

Le retour de Gustav Mahler (Inédit), traduction de David Sanson, édition et présentation de Bertrand Dermoncourt, Arles, Actes Sud, 64 p., 2015 (ISBN 978-2-330-04804-4)

Seuls les vivants créent le monde (Inédit. Textes sur la Grande Guerre, 1914-1918), traduction de David Sanson, édition et présentation de Bertrand Dermoncourt, Paris, Robert Laffont, 2018  (ISBN 978-2-221-22150-1).

La Chambre aux secrets (Inédit. Textes sur les écrivains français, 1902-1943), traduction de David Sanson, édition et présentation de Bertrand Dermoncourt, Paris, Robert Laffont, 312 p., 2020  (ISBN 978-2221247051)24

L'Uniformisation du monde (trad. par Francis Douville Vigeant, édition bilingue), Paris, Allia, 2021  (ISBN 979-10-304-1340-3)

Écrits littéraires : d'Homère à Tolstoï - Inédits (1902-1933) (trad. fr. par Brigitte Cain-Hérudent), Paris, Albin Michel, 368 p., 2021, (ISBN 978-2226440747)

Vienne, ville de rêves (Inédit), édition et présentation de Bertrand Dermoncourt, trad. de Guillaume Ollendorff et David Sanson, Paris, Bouquins, 432 p., 2021 (ISBN 978-2382920428)25

Correspondance

Journal de Stefan Zweig aujourd'hui passé dans la littérature.

Sigmund Freud-Stefan Zweig, Correspondance, Paris, Rivages, 1991.

Arthur Schnitzler-Stefan Zweig, Correspondance, Paris, Rivages, 1994.

Richard Strauss-Stefan Zweig, Correspondance 1931-1936, Paris, Flammarion, 1994.

Friderike Zweig-Stefan Zweig, L’Amour inquiet, Correspondance 1912-1942, Paris, Des Femmes, 1987.

Romain Rolland-Stefan Zweig, Rencontre 1911.

Amélie Breton-Stefan Zweig, Lettres 1922.

Émile Verhaeren-Stefan Zweig, Genève, Labor, 1996.

Stefan Zweig, Correspondance 1897-1919 (préface, notes et traduction de l’allemand par Isabelle Kalinowski), Paris, Le Livre de Poche, coll. « Biblio » no 3414, 2005  (ISBN 978-2-253-10856-6).

Stefan Zweig, Correspondance 1920-1931 (préface, notes et traduction de l’allemand par Isabelle Kalinowski), Paris, Le Livre de Poche. coll. « Biblio » no 3415, 2005  (ISBN 978-2-253-10857-3).

Stefan et Lotte Zweig, Lettres d'Amérique : New York, Argentine, Brésil, 1940-1942 (préface et notes par Darién J. Davis et Oliver Marshall), Paris, Grasset, 2012  (ISBN 978-2-246-78743-3).

Stefan Zweig-Klaus Mann, Correspondance 1925-1941, Paris, Phébus, 2014.

Stefan Zweig et Romain Rolland, Correspondance 1910-1919, Paris, Éditions Albin Michel, 2014.

Stefan Zweig et Romain Rolland, Correspondance 1920-1927, Paris, Éditions Albin Michel, 2015.

Stefan Zweig et Romain Rolland, Correspondance 1928-1940, Paris, Éditions Albin Michel, 2016.

Poèmes choisis

Autres lectures

Stefan Zweig, La Vie d’un poète

Stefan Zweig poète ? Voilà une bonne nouvelle car cet aspect de l’œuvre du grand écrivain autrichien est largement méconnu. Son œuvre poétique (trois livres) n’a jamais été publiée en français et l’on doit [...]




Teo Libardo, Il suffira, Emma Filao, éparpiller la peau, Élisa Coste, Les chambres

Teo Libardo, Il suffira

Il suffit d’un mot juste pour que la parole retrouve une vertu cathartique, thérapeutique, salvatrice. La maison Rosa canina éditions en cultive la magie des pouvoirs, rassemblant essentiellement écrits poétiques et récits autobiographiques, selon la présentation de cette dernière : « Les racines du Rosa canina avaient la réputation de guérir de la rage.

Nous rêverions que certains de nos contemporains se soignent à la racine et guérissent de la haine, des croyances mortifères, de l’indifférence, de la cupidité – autres visages de la rage – pour enfin s’ouvrir à la complexité du monde, à une fraternité réelle. La crainte fugace que tous les Rosa canina sur Terre n’y suffiraient pas traverse en-dehors des épines notre conscience. Nous laisserons donc proliférer ces rosiers sauvages bannis des jardins bien entretenus. »

Il suffit d’une telle lueur d’espoir, Il suffira d’une telle volonté, pour reprendre le titre de l’ouvrage de poésie de Teo Libardo, pour que ces lettres restent vives et ne deviennent mortes comme des vœux pieux, mais sans portée. Par la déclinaison de l’assertion en anaphore, se dessine ce sillon fertile élargissant le champ des possibles d’où s’élève ce chant singulier des ré-enchantements : « Il suffira de le vouloir », « Il suffira d’un désir haut-perché », « Il suffira d’errer », « Il suffira de danser », « Il suffira d’un chant oublié renaissant », « Il suffira d’une mélancolie », « Il suffira de réinventer le feu »…

Teo Libardo, Il suffira, poésie, Rosa
canina éditions
, 44 pages, 12 euros.

Croyance dans les facultés d’un verbe réparateur, ce recueil se lit comme une ode aux éléments, au primitif et à ses vérités premières d’où fuse une énergie bénéfique à la réinvention du verbe aimer : « le sentiment merveilleux d’une poésie du vivre / un trait craie / sillon ineffaçable / blotti en nos corps météores / horizon palimpseste amoureux / chante la folie limpide d’exister »…

 Emma Filao, éparpiller la peau

Appel en écho à incarner à vif, éparpiller la peau d’Emma Filao, invite ses lecteurs à une incursion par-delà l’épiderme, à abandonner l’enveloppe protectrice, à s’extraire de la gangue délétère pour devenir plus-que-vive, apte à déceler sa résonance propre dans celle de l’autre, se faire geste et manifester l’indicible jusque dans le tutoiement des excitations aux existences mélangées : « toi / de quel côté de la peau es-tu / et si tes paroles s’accrochent à mes épines / comment alors n’es-tu pas sur ma peau à moi / je me retrouve dans ton oubli / tu déambules dans ma mémoire / est-elle seulement la mienne / qu’est-ce donc que cette vie sous le mot / parler / se parler / comme on s’existe »…

 Emma Filao, éparpiller la peau, poésie,
Rosa canina éditions, 112 pages, 22 euros.

Élisa Coste, Les chambres

Transfiguration d’une vie également sous le signe de l’intensité, le récit d’Élisa Coste intitulé Les chambres, commençant par une sensation de vertige, prend son essor avec la rencontre de ses deux amants, Louis et Pascal, pour écrire une histoire d’amour témoignant de la vulnérabilité et de la richesse d’un parcours : 

« J’étais dans l’interstice du monde, portée très haut par deux amours, un blond angélique et absent, un brun d’une inquiétante énergie. Nous riions très fort, nous marchions vite dans la ville froide et déserte, l’un me haussait dans ses bras quand l’autre me faisait tourner sur moi-même, jusqu’à ne plus savoir qui j’étais, tourbillon effréné où je perdais la tête. »

L’Amour fou, pour reprendre le titre du roman surréaliste d’André Breton, dont les exaltations des passions dévorantes se concluent néanmoins sur le sentiment étrange d’avoir aspiré à une vie rêvée et néanmoins réelle où poésie et politique s’allient dans un goût mêlé d’absolu heurté et d’échec inavoué : « Une histoire d’amour ne finit jamais. Nous n’avons pas su la vivre, la transformer. 

Élisa Coste, Les chambres, récit, Rosa
canina éditions, 78 pages, 15 euros.

Nous n’avons pas pu changer ce dont nous étions désormais conscients. » Forte de cette lucidité, l’aventurière prend alors la plume pour rassembler les morceaux épars du miroir et le tendre à nouveau à la promesse des rencontres fondatrices...

Présentation de l’auteur

Emma Filao

Grisée de grands espaces, de ciels découverts et de roche à nu, Emma Filao tente d’harmoniser sa voix poétique avec celles des personnes rencontrées au cours de ses voyages. De la peau, de la couleur de l’autre, d’autres types de paysages se font jour. Autant que les arbres et les montagnes lui parlent, les humains ne cessent d’être pour elle une interrogation. De là un parcours dans le mime, à la recherche du mouvement, puis une formation d’anthropologie, à la recherche d’une multitude de voix et d’expériences.

Biographie https://rosacaninaeditions.jimdofree.com/les-auteurs/emma-filao/

Bibliographie 

Journal des poètes ;  n°2, 2019
La volée ; n°18 et 19, 2020

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Teo Libardo

Teo Libardo est né à Brindisi, dans le sud de l'Italie. Exil à Lausanne. En France depuis 1973. Artiste-peintre depuis le début des années quatre-vingt, il se consacre exclusivement à la création. Ses tableaux sont une variation sur le signe, l'écriture et la pseudo-écriture. Il expose dans plusieurs pays d'Europe. Auteur-compositeur-interprète de ses propres textes en français, il a également mis en musique plusieurs poètes parmi lesquels Cesare Pavese, dans sa langue maternelle. Auteur de poèmes et de récits, il s'investit comme lecteur et animateur lors de rencontres littéraires. En 2015, il fonde la revue La volée.

Biographie https://rosacaninaeditions.jimdofree.com/les-auteurs/teo-libardo/

Bibliographie 

Il suffira, poésie, Rosa canine, janvier 2021.

Là où germent les mots suivi de Les yeux naufragés, poésie, Rosa canine, avril 2020.

Lire, la mer est un déluge réussi, poésie / édition limitée avec gravure originale de l'auteur, Rosa canine, décembre 2019.

Solitude de la dérive ; éditions Phloème, 2020.

Quand je serai grand, je serai dictateurpour DéDéTé, éditions Gros Textes, 2017.

L’évidence à venir ; avec des photographies de Joëlle Jourdan, éditions Musimot, 2017.

Le poids de l’air ; éditions Clapàs, 2014.

Désir ; anthologie, éditions Musimot, 2021.

L'intranquille ; n°19, éd. Atelier de l'Agneau, 2020.

La volée ; 2015 à 2020.

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Élisa Coste

Élisa Coste est auteure de nouvelles, poèmes, récits autobiographiques. Lectrice de poètes du XXe siècle lors de spectacles poétiques. Elle vit l'écriture comme une seconde peau, la poésie comme sa seule vocation, son viatique. Elle partage ce que dit Rilke : « La poésie, c'est cette possibilité d'insérer la plainte ou l'excès d'enthousiasme dans une totalité qui la résorbe».

Biographie https://rosacaninaeditions.jimdofree.com/les-auteurs/elisa-coste/

Bibliographie 

Repousser les ombres, poésie, Rosa canina, décembre 2021.

Les chambres, récit, Rosa canina, avril 2020.

Un à deux chants ; avec Nicolas Giral, éd. Rafael de Surtis, 2018.

Une ancre pour mon île ; éditions du Net, 2013.

Un point sur la planète ; éd. Vermifuge, 2010.

La vie est terriblement belle ; éd. Le Limon, 2006.

La volée ; 2015 à 2020

Triages ; n°30, éd.Tarabuste, 2018

Ecrit(s) du Nord ; n°33-34, éd. Henry, 2018

Poèmes choisis

Autres lectures




Jacques Ibanès, Hokusai s’est remis à dessiner le Mont Fuji

Chacun au Japon se doit d’atteindre

son sommet une fois au moins dans sa vie

jusqu’à toucher le magma pétrifié

au bord du cratère redouté. /…/

On l’aura reconnu, ce « cœur battant du monde », le célèbre Mont Fuji, immortalisé à jamais par les pinceaux d’Hokusai (1760-1849).

Jacques Ibanès, musicien, chanteur, poète, « voyageur de l’âme », nous invite « dans la pointe aiguisée du présent » à suivre les traces du « Vieux Fou de dessin » qui toute sa vie célébra la montagne sacrée sous différentes formes, différents angles, différentes couleurs. Une ascèse pour dire « l’essence des choses ». Un chemin de vie.

 

Dans ses estampes il était devenu très fort

il donnait à entendre le clapotis

d’ailes des oies qui naviguent

et celui des cigognes à couronne rouge

lors des grandes migrations. /…/

Jacques Ibanès, Hokusai s’est remis à dessiner le Mont Fuji, dessins aquarellés d’Anne-Marie Jaumaud, L’An Demain éditions, mai 2020, 78 pages, 8 euros.

L’espiègle Fuji se mérite. « Monde flottant », il change sans cesse selon l’heure, la saison, la lumière, le point de vue… Nombreux sont ceux qui s’y aventurent : tout un manège de pèlerins, de marchands, de paysans, d’artisans, de fonctionnaires se pressent à ses flancs, soit pour le travail, soit pour la contemplation. Faune et flore elles-mêmes chantent la gloire de la montagne « avec déférence ». C’est que le Fuji, à l’âme facétieuse, en impose. Entre sérénité et dévastation, il aime rappeler à chacun que « tout est illusion ». C’est un mont philosophe, un refuge pour les sanctuaires shintoïstes, un lieu de méditation à la perfection conique idéale.

Couleurs, perspectives, le peintre Hokusai, souligne Jacques Ibanès, restitue la nature du « mont-volcan »par tous les sens, l’ouïe, la vue, le toucher… car il le ressent physiquement comme partie intégrante de lui-même. Il se reconnaît dans « ses crevasses, ses effondrements », l’homme et la montagne ayant fini par se confondre. Mêmes rides, même « fiévreuse intensité », même cérémonial, chacun saluant l’autre au petit matin.

Outre les cinq sens, pour peindre « l’empereur des cimes » et la vie quotidienne qui s’y joue, le sage convoque les quatre éléments : « les pétales de la neige », « les typhons brûlants d’été », « les bourrasques d’hiver », « les déflagrations sismiques »... Le Fuji, en soi, est une totalité, une présence, un mythe.

Le grand maître, à l’instar de son mont vénéré, a fini par se voir de partout, tant son influence a été grande sur la peinture orientale et occidentale qu’il a su concilier. (Pensons à Van Gogh, Gauguin, Monet, Sisley… à la passion de l’époque pour le japonisme.) Dès sa publication en 1830, la série d'estampes de paysage intitulée Trente-six Vues du Mont Fuji connut un succès fulgurant.

« Comment oublierait-on Fuji ? » Comment oublierait-on Hokusai qui le magnifia avec humilité jusqu’à la fin de sa vie ? Le poète Jacques Ibanès et l’artiste Anne-Marie Jaumaud nous donnent à revivre, dans une alliance très intime, cette « pérennité » à l’œuvre parmi nous, avec le même souci que le peintre : nous « laisser guider par la déesse / de la beauté et du bonheur ».




Anne-Emmanuelle Fournier, La Part d’errance

L’errance, c’est aller au hasard, à l’aventure, sans aucun autre but que le voyage lui-même. Cela relève d’un esprit très libre, non attaché, qui possède une grande disponibilité, accueillant naturellement ce qui arrive.

Ainsi, le vers liminaire résonne de ce désir de se mettre en marche : « Mettre nos pas dans les pas de l’errance ». L’article générique qui actualise le mot errance fait imaginer qu’il pourrait exister une grande errance, pour tous, qui inclue un vaste espace dans lequel l’esprit se délie et vagabonde. Se mettre en marche sur les chemins, se fier ainsi à l’instable, est chez Anne-Emmanuelle Fournier aussi le synonyme d’un processus presque sacré, qui implique la conscience aiguë du temps passé. Dans ses vers, le temps archaïque semble remonter à la surface, et se cristalliser en feu, pierre, étendue de la steppe ou encore en esprits en germination.

La marche est une quête hautement spirituelle. Celui qui erre avec la poète peut rencontrer dans la poussière de la route les « âmes malades et transies ». La croyance chamanique transparait dans un rite qui fait « cueillir » ces âmes dans un endroit-sanctuaire : « le long de l’arbre des chamanes ».

 Anne-Emmanuelle Fournier, La Part d’errance, éditions Unicité, janvier 2021, 76 p., 13 €.

La grande errance se fait à dos de cheval, comme on voyageait dans le temps d’antan. Le but, c’est non seulement de parcourir de longues distances, mais aussi de faire un avec le corps de l’animal mythique, suer sous le soleil, accolé à son flanc.

L’été est la saison propice à l’errance, saison où la chaleur tient le corps intranquille et le pousse au mouvement. La canicule recèle le mystère du vivant : « …tout au fond de la canicule/ quelque chose qui ne meurt pas… ».

Errer est marcher sans but, même si le désir d’une quête métaphysique anime chaque pas de la poète. La possibilité de trouver un dieu est parfois l’horizon de la pérégrination, parfois une source de désillusion :

 

    Un moucheron tournoie

    au-dessus de la table

    il est sans doute plus proche que moi

    de ce que serait Dieu. 

 

La croyance en Dieu est surplombée par d’autres croyances, certaines se rappelant des dieux anciens, dieux chtoniens :

 

  Ou bien n’est-ce pas cela qui compte

   mais plutôt

   la clameur obstinée de nos pas

   cet élan sans vitesse

   qui fait tanguer la pierre

   et tous les dieux d’en bas ? 

 

Certaines sont plus animistes. La figure de « La Que Sabe » (vieille femme sage dotée d’un pouvoir de guérison) est un double de la poète. Comme elle, elle est la détentrice de pouvoirs magiques, comme elle, elle chante. Il s’agit d’un chant viscéral.

 

   La Que Sabe

   celle qui chante au-dessus des os

   celle dont le psaume monte des viscères 

 

La Que Sabe est en effet un archétype de la femme-sorcière que la poète rencontre lors de sa pérégrination, vivant à l’orée du village, marginalisée par ces pouvoirs, mais elle est aussi celle qui est capable de remettre l’homme dans l’harmonie avec l’univers.

 

     …vos mains mornes de guérisseuses

     se posent sur ceux d’entre nous

     qui ne parviennent plus

                                         à s’accorder 

 

C’est ainsi que pourrait aussi se qualifier la poésie d’Anne-Emmanuelle Fournier. Son aspect charnel, ancré dans le corps, domine un grand nombre des poèmes. On pourrait citer au hasard : « Le meuglement du soir/ s’affaisse sur la peau/ comme une gaze enveloppant les chairs », ou encore « Nos corps soudain s’écoulent clairs et calmes/ grands ouverts à l’écho des nuages », images où la chair se mêle au temps et au paysage.

L’espace esquissé par le recueil est très vaste, celui de la campagne où la nature sauvage côtoie la nature apprivoisée par l’homme. La terre ancestrale est une terre tanique, habitée par les bêtes et les insectes, une terre presque divinisée, qui cherche alliance dans les noces avec le ciel.

Et quelle est, alors, la place des hommes au sein de La Part d’errance ?

 

  Misère des hommes sans poids…

  (…)

  Ceux-là vont livrés nus à l’infini

  et rien ne les protège

  de l’arrachement. 

 

Cette parole sibylline assigne l’homme à une marche dans la fragilité, à une marche dans l’immensité de l’infini. Ainsi, la voix d’Anne-Emmanuelle Fournier rejoint celles qui chantent la place de l’homme dans l’univers, un chant puissant et plein de présages. Cette dimension cosmique devient vertige, lorsque nous nous tenons face au ciel :

 

   entre nous et l’immesure

   du ciel sans fond

   où nous n’avons plus pied 

 

La nature et l’homme fusionnent. Cette fusion est très physique. L’homme est écartelé pour que la nature puisse s’enraciner en lui :

 

   Alors ouvrir les côtes

   tant que le permettent les os

   élargir la poitrine et laisser entrer

   l’haleine tiède des arbres 

 

La violence est apparente. Le geste est celui d’un sauvage. Le désir de s’unir devient brûlant. La poésie d’Anne-Emmanuelle Fournier peut facilement porter ce qualificatif. Les images portent la réalité à l’incandescence, dans leur brasier l’émotion surgit comme si elle était l’issue nécessaire du poème. La quête du sens passe par le feu. Il est à arracher à la réalité, de même que le présent est à arracher à la durée. La poète est là pour employer toutes ses forces à cet arrachement primordial. Marcher et arracher sont les deux principaux actes de sa poétique et se réalisent toujours dans le refus de coïncider avec l’avancement du temps. Errer est quelque part nier le temps, refuser sa prise. Errer, c’est entrer dans le présent pur :

 

      lorsque le temps talonne

     refuser l’urgence qui crucifie

     mais ralentir le pas

     jusqu’à marcher plus lentement que lui

     et s’enfouir

     dans le cœur dilaté de ce présent

     que nous arrachons                   sans relâche

     à la durée.  

 

Errer, c’est aussi s’approcher de la folie, comme le « prométhée cafardeux » de l’Apoptose. Son personnage est sans ambiguïté celui qui lutte contre les travers de la société de consommation. Ainsi, avec lui, la voix d’Anne-Emmanuelle Fournier prend un ton plus engagé, dénonçant la marginalisation des gens qui s’opposent au système. Son engagement, c’est surtout pour de l’humain. L’homme fait un couple inséparable avec l’animal, ensemble ils évoluent loin de la civilisation, dans un cadre naturel, où le temps n’a plus de prise. Leur marche est une quête spirituelle, dont le chemin incertain pourrait enfin mener vers le sacré. Ce qu’il en reste ici-bas, c’est l’impératif d’une sorte de foi : « Comment croire à ce sol où nous tentons de planter un chemin ? / Il faudrait bien oser une sorte de foi… »

Le recueil s’achève par la « Méditation terrestre », qui pourrait aussi être une étape primordiale de cette quête. Il s’agit d’aimer ce dont le monde est fait, vivre pour les sensations fortes que la matière du monde nous procure.

 

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