Pierre Tanguy, Poètes du monde

Par |2024-04-06T06:24:38+02:00 6 avril 2024|Catégories : Critiques, Pierre Tanguy|

Le monde entier entre dans ce livre de Pierre Tan­guy qui accueille des voix mul­ti­ples en ami­tié poé­tique : quar­ante-sept poètes d’hier et d’aujourd’hui, de vingt pays dif­férents nous invi­tant au voy­age hors de nous-mêmes. C’est dire si le livre s’abreuve aux sources les plus var­iées et vise, comme l’auteur le dit en avant-pro­pos, à « appréci­er la con­stante vital­ité de la poésie, notam­ment portée par ceux qu’on appelle les petits éditeurs ».

Point de volon­té exhaus­tive pour­tant, dans ces « lec­tures choisies ». Pierre Tan­guy évoque en âme sen­si­ble et flâneuse les poètes qu’il appré­cie et ceux qu’il a choisi de lire et de recenser. En réso­nance à Poètes en Bre­tagne et Écrivains en Bre­tagne pub­liés égale­ment aux Édi­tions Sauvages. Loin des modes, en prenant son temps. Des lec­tures de pas­sage. Des lec­tures en partage. Le livre des­sine ain­si une prom­e­nade sous toutes les lat­i­tudes et à toutes les épo­ques, haute­ment révéla­trice du regard posé sur le monde de Pierre Tanguy.

L’auteur donne leur place à Gus­tave Roud et Philippe Jac­cot­tet à l’égard de qui il a une fil­i­a­tion naturelle. Comme à ceux qui sont por­teurs de cette fibre spir­ituelle qui lui tient à coeur, François Cheng et Jean-Pierre Lemaire. Le poète recon­naît là ses dettes. Comme le dit Julien Gracq, « on écrit d’abord, parce que d’autres avant vous ont écrit ».

Pour évo­quer cette poésie au pluriel, Pierre Tan­guy s’attache à citer les noms, les biogra­phies, les œuvres. Il nous emmène de Vir­gile à Sea­mus Heaney et Cypris Kophidès, d’Edith Brucq à Atti­la Jozsef, de Paul Guy­on à Sôse­ki. D’un poète taoïste du Japon du 4è siè­cle à la redé­cou­verte du poète ukrainien Taras Chevtchenko, heureuse­ment traduit par Guille­vic. Avec quelle force il résonne son recueil, Notre âme ne peut mourir, en ces temps d’invasion russe actuelle :

Pierre Tan­guy, Poètes du monde, Les Édi­tions Sauvages, 2024.

Quand je serai mort
Mettez-moi
Dans le tertre qui sert de tombe
Au milieu de la plaine immense
Dans mon Ukraine bien-aimée

Ces « lec­tures choisies » for­ment ain­si une sorte de bib­lio­thèque idéale en poésie du monde entier. Chaque recueil s’y voit présen­té, doc­u­men­té et judi­cieuse­ment éclairé.

Nous avançons dans le com­pagnon­nage de ces poètes, tan­tôt intimiste, ful­gu­rant d’Emily Dick­in­son, tan­tôt min­i­mal­iste de l’iranien con­tem­po­rain Reza Sâdegh­pour nour­ri de tra­di­tion per­sane. Ou bien c’est le souci de la terre de la québé­coise Hélène Dori­on ou le chant d’exil du haï­tien Antony Phelps. La poésie de langue française d’Henri Bauchau à Estelle Fen­zy, d’Yves Namur et de Benoît Reiss mon­tre la diver­sité des reg­istres, la var­iété et l’inventivité de ses écri­t­ures contemporaines.

La parole poé­tique engagée, à des titres divers, n’est pas absente. Telle celle d’Anna Akhma­to­va, de l’irlandais Yeats, du maro­cain Abdel­latif Laâbi, du pales­tinien Mah­moud Dar­wich, des femmes irani­ennes rassem­blées fort oppor­tuné­ment dans l’anthologie Zabouré zane et celle de l’anthologie des poètes fémin­istes améri­caines. Il est à not­er la présence impor­tante des œuvres de femmes dans le livre de Pierre Tan­guy. Il faut le saluer. Com­bi­en d’anthologies, sous la plume d’auteurs d’aujourd’hui, occul­tent pure­ment et sim­ple­ment toute poésie féminine.

Écou­tons Hélène Dorion :

Mes forêts
quand je m’y promène
c’est pour pren­dre le large vers moi-même

Ces pros­es livrées ici don­neront envie de lire, de décou­vrir au lecteur curieux d’aller voir plus loin sur ces chemins voyageurs, bal­isés ou non. Tant il est vrai que Pierre Tan­guy, poète lui-même, fait allè­gre­ment vibr­er cette com­pag­nie de poètes du monde.

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment  Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure  (2002, réédi­tion 2008), Let­tre à une moni­ale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpi­tal aux édi­tions La Part com­mune (2017).

Il est égale­ment l’au­teur de recueils de haïkus

 Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure, La Part Com­mune 2002, réédi­tion 2006. Post­face de Alain Kervern

Haïku du sen­tier de mon­tagne, La Part Com­mune, 2007. Pré­face de Alain Kervern

Ici même,  avec des pein­tures du Michel Remaud, La Part Com­mune, 2014. Post­face de Alain Kervern

Silence hôpi­tal,  La Part Com­mune, 2017, post­face de Alain Kervern

En antholo­gies ou livres collectifs

Chevauch­er la lune, antholo­gie du haïku français con­tem­po­rain, édi­tions David (Québec), 2001

Antholo­gie du haïku en France, bilingue français-anglais, édi­tions Aléas, 2003

L’arbre sort du bois, édi­tions Pip­pa, 2017

Le petit livre du haïku, First édi­tions 2018

Sav-Heol, Soleil lev­ant, Ris­ing sun,  haïkus et tankas de Bre­tagne et du Japon, Futures­can, 2019

Haïkus d’hommes, édi­tions Pip­pa, 2020

 

 

 

 

Pierre Tanguy

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Marie-Hélène Prouteau

Marie-Hélène Prouteau est née à Brest et vit à Nantes. Agrégée de let­tres. tit­u­laire d’un DEA de lit­téra­ture con­tem­po­raine, elle a enseigné vingt ans les let­tres en pré­pas sci­en­tifiques. Elle recherche l’échange avec des créa­teurs venus d’ailleurs (D.Baranov, « Les Allumées de Péters­bourg ») ou de sen­si­bil­ités artis­tiques dif­férentes (plas­ti­ciens tels Olga Boldyr­eff, Michel Remaud, Isthme-Isabelle Thomas).Elle a ani­mé des ren­con­tres « Hauts lieux de l’imaginaire entre Bre­tagne et Loire chez Julien Gracq », par­ticipé aux « Ren­con­tres de Sophie-Philosophia » sur les Autres et égale­ment sur Guerre et paix. Ses pre­miers textes por­tent sur la sit­u­a­tion des femmes puis sur Mar­guerite Yource­nar. Elle a pub­lié des études lit­téraires (édi­tions Ellipses, SIEY), trois romans, des poèmes et des ouvrages de prose poé­tique. Elle écrit dans Ter­res de femmes, Terre à ciel, Recours au poème, La pierre et le sel et Ce qui reste, Poez­ibao, À la lit­téra­ture, Place de la Sor­bonne, Europe. Son livre La Petite plage (La Part Com­mune) est chroniqué sur Recours au poème par Pierre Tan­guy. Elle a par­ticipé à des livres pau­vres avec la poète et col­lag­iste Ghis­laine Lejard. Son écri­t­ure lit­téraire entre sou­vent en cor­re­spon­dance avec le regard des pein­tres, notam­ment G. de La Tour, W.Turner, R.Bresdin, Gau­guin. Son dernier livre Madeleine Bernard, la Songeuse de l’invisible est une biogra­phie lit­téraire de la sœur du pein­tre Émile Bernard, édi­tions Her­mann. BIBLIOGRAPHIE LES BLESSURES FOSSILES, La Part Com­mune, 2008 LES BALCONS DE LA LOIRE, La Part com­mune, 2012. L’ENFANT DES VAGUES, Apogée, 2014. LA PETITE PLAGE pros­es, La Part Com­mune, 2015. NOSTALGIE BLANCHE, livre d’artiste avec Michel Remaud, Izel­la édi­tions, 2016. LA VILLE AUX MAISONS QUI PENCHENT, La Cham­bre d’échos, 2017. LE CŒUR EST UNE PLACE FORTE, La Part Com­mune, 2019. LA VIBRATION DU MONDE poèmes avec l’artiste Isthme, mars 2021 édi­tions du Qua­tre. MADELEINE BERNARD, LA SONGEUSE DE L’INVISIBLE, mars 2021, édi­tions Hermann.
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