Paul Vinicius, La chevelure blanche de l’avalanche

Par |2019-10-27T06:28:10+01:00 15 octobre 2019|Catégories : Paul Vinicius|

On com­mence avec une « goutte de pluie » et on finit avec « le sens du globe ter­restre ». Entre les deux, entre infin­i­ment petit et infin­i­ment grand, et con­tenu en eux, c’est tout un monde qui se décline en « avalanch­es » de mots choi­sis et mêlés et en images foudroy­antes et apaisantes, en vers musi­caux et en oxy­mores auda­cieux (voir « le passé postérieur »), en cauchemars puisés dans « les entrailles des songes » et en synesthésies sonores et colorées.

La poésie de Paul Vini­cius est à la fois limpi­de, dense, riche, dépouil­lée, som­bre, lumineuse. En plus il faut le croire sur parole : « sans poésie musique et toi/je n’aurais jamais été/qui je suis ». Ce « toi » qui se glisse entre « poésie musique » et « je » ? Suiv­ons-le (la) dans le fil­igrane des textes, guidés par « ses mer­veilleuses jambes/d’une longueur extrav­a­gante », jambes aux sug­ges­tions éro­tiques et aux réso­nances musi­cales, devenant « pianos, clar­inettes, sax­os, per­cus­sions, syn­copes… », mais qui ne sont pas les seules à sus­citer l’amour : il y a les sourires, la nature, les oiseaux, les saisons… L’amour la poésie, quelque chose d’éluardien.

Com­ment ren­dre compte de toutes les dimen­sions d’un recueil qu’on n’aura jamais fini d’explorer ? Un recueil où les quelques dis­crètes évo­ca­tions de la Roumanie rap­pel­lent d’où il vient (le choix et la tra­duc­tion de Radu Bata, lui-même poète français d’origine roumaine, inven­teur des célèbres « poésettes », mon­tre com­bi­en les affinités pro­fondes entre l’auteur et son tra­duc­teur sont indispensables).

Paul Vini­cius, La chevelure blanche de l’avalanche, poèmes choi­sis et traduits du roumain par Radu Bata, Jacques André édi­teur, 2019.

Un recueil où métaphores et com­para­isons inso­lites, par­fois désta­bil­isantes, ouvrent des hori­zons col­orés, des paysages urbains noc­turnes, des sou­venirs « phos­pho­res­cents », une nature lumineuse (« sep­tem­bre est arrivé / comme un cha­peau sur un soleil »), des per­son­nages imprévis­i­bles (on se prend à crois­er Ionesco, Rim­baud, Bran­cuşi, Dali, Kaf­ka, Tarkovs­ki…) ; un recueil dans lequel se pose la ques­tion de l’identité et du rap­port au monde (pour un « je » qui se dit « au degré zéro / d’adaptabilité ») ; un recueil dans lequel, aus­si, l’humour mât­iné d’absurde et arrosé de quelques bonnes bouteilles fait bon ménage avec l’inquiétude. Un recueil qui fait vivre, comme le sug­gère le poème inti­t­ulé « Jour­nal aux feuilles blanches » :

 

les jours passent
à côté de moi
comme un chapelet de détenus

bon­jour
bonsoir
bonne nuit

le cen­dri­er
plein de mégots

 le verre vide

et
sur les étagères
les livres qui m’habitent
la vie.

 

 

Les livres, la poésie. L’essence de la vie.

 

Présentation de l’auteur

Paul Vinicius

Poète, dra­maturge, jour­nal­iste et essay­iste, Paul Vini­cius est diplômé de l’École Poly­tech­nique de Bucarest et doc­teur ès let­tres. Cette dou­ble per­for­mance uni­ver­si­taire est la par­tie vis­i­ble de son par­cours sur­prenant ; il a exer­cé de nom­breux métiers, jobs, sports, avant de se dévouer à l’écriture. Cham­pi­on de boxe junior et karaté­ka cein­ture noire, il a tra­vail­lé comme manu­ten­tion­naire, maître-nageur sur la côte de la Mer Noire, détec­tive privé, pigiste, cor­recteur, rédac­teur pour plusieurs jour­naux de la presse nationale et, dernière­ment, pour la mai­son d’édition du Musée de la Littéra­ture roumaine.

Après avoir été inter­dit de pub­li­ca­tion en 1987 par la cen­sure com­mu­niste, il renonce à sa car­rière d’ingénieur et sa biogra­phie suit les soubre­sauts de la démoc­ra­tie sur­v­enue fin décem­bre 1989, à la recherche d’un nou­veau départ, d’une nou­velle ivresse.

Ses poèmes ont été régulière­ment pub­liés à par­tir de 1982 par les revues lit­téraires. Beau­coup ont été traduits et pub­liés dans des antholo­gies. Il est lau­réat de plusieurs prix nationaux et inter­na­tionaux de poésie. Dernier en date : le Prix du Pub­lic au Salon du Livre des Balka­ns en 2017.

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Jean-Pierre Longre

Jean-Pierre Lon­gre a enseigné la lit­téra­ture con­tem­po­raine à l’Université Jean Moulin – Lyon 3. Auteur d’études sur divers écrivains du XXe siè­cle, col­lab­o­ra­teur de plusieurs revues, il a par­ticipé à la pub­li­ca­tion des romans de Que­neau dans la Bib­lio­thèque de la Pléi­ade. Il s’intéresse à la com­para­i­son des arts (lit­téra­ture, musique, pein­ture) et effectue des recherch­es sur les lit­téra­tures fran­coph­o­nes (Roumanie et Bel­gique en par­ti­c­uli­er). Il a notam­ment pub­lié Musique et lit­téra­ture (éd. Bertrand-Lacoste, coll. « Par­cours de lec­ture », 1994), La Nou­velle fran­coph­o­ne en Bel­gique et en Suisse (co-direc­tion, CEDIC, Cen­tre Jean Prévost, Lyon, 2004), Ray­mond Que­neau en scènes (Press­es uni­ver­si­taires de Limo­ges, 2005) et Une Belle Voyageuse. Regard sur la lit­téra­ture française d’origine roumaine (éd. Cal­liopées, 2013).
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