En 2007, sous le titre Blood Run, sor­tait un recueil de poèmes qui don­nait la parole aux Indi­ens d’Amérique du nord ayant appartenu à la civil­i­sa­tion des « Mound-builders ». Plus sur­prenant les ouvrages de terre façon­nés par les Indi­ens pen­dant trois mil­lé­naires, pre­naient eux-mêmes la parole dans ce livre remar­qué écrit par Alli­son Hedge Coke. Le site local­isé sur l’actuelle fron­tière entre l’état d’Iowa et celui du Dako­ta du sud a été en par­tie détru­it en 1930 pour en faire des talus et du bal­last afin de faire pass­er une ligne de chemin de fer. Blood Run, trainée rouge,  parce que la terre à cet endroit con­tient de l’oxyde de fer, donc de la rouille, qui prend la couleur du sang. Ce Mound était l’équivalent du fameux Ser­pent Mound situé en Ohio et selon la descrip­tion de voyageurs Français qui com­merçaient dans la région au 18ième siè­cle, était un com­plexe de 480 mounds con­stru­its par les ancêtres des Indi­ens Oma­has, Osages, Iowas, Kansas, Mis­souris, Otoes, (encore con­nus sous le nom de cul­ture Oneo­ta.) Cette suite de poèmes, nar­rat­ifs et de « per­sona poems », ressus­ci­tent lit­téraire­ment ce qui a été détru­it (il ne reste que 78 mounds à l’heure actuelle). Mieux, le livre a per­mis qu’en 2003 le site soit acheté et trans­for­mé en parc d’état, et ain­si pro­tégé de futures ten­ta­tives de destruc­tion. Alli­son Hedge Coke est une poète, per­formeuse, écrivain toute entière engagée dans son action pour les peu­ples indi­ens et dans sa mis­sion éduca­tive. Pas­sion­née elle met en scène et présente tous les aspects de la cul­ture et de la société dans ses œuvres. Les prob­lèmes liés aux class­es, au tra­vail, les droits de l’homme, les droits des indigènes, l’environnement, les sys­tèmes d’oppression, les prob­lèmes de loge­ments et de sans abri, la vio­lence et les abus, les con­séquences de la fragilité men­tale, san­i­taire, économique des par­ents sur les jeunes et les ado­les­cents, la valid­ité comme la vérac­ité des faits his­toriques et leurs réc­its, les prob­lèmes liés aux con­flits et à la paix, les ten­ta­tives de guéri­son après des années de trau­ma­tismes subis, elle bor­de le sacré et les capac­ités trans­for­ma­tives du langage.

Con­stru­it avec les chiffres trois, qua­tre et sept qui sont les chiffres sacrés et de prédilec­tion des Indi­ens d’Amérique du nord, le recueil imag­iné par Alli­son Hedge Coke repro­duit et met à l’honneur les savoirs ances­traux qui valaient dans la démarche d’édification de ces ouvrages. Elle évoque les tech­nolo­gies néces­saires pour bâtir les mounds. En cela l’auteure écrit non seule­ment « sur le sol » comme les tumu­lus le fai­saient mais aus­si, grâce et par le sol lui-même. En même temps elle se fait le témoin mil­i­tant d’une ten­ta­tive his­torique d’effacement et de destruc­tion, comme si tout ce qui est encore indi­en en Amérique, devait dis­paraître selon la tra­di­tion de la logique colo­niale et les poli­tiques  jusqu’ici menées en Amérique du nord vis-à-vis des pop­u­la­tions dites « indigènes ».

 Alli­son Hedge Coke, d’héritage Huron, Métis et Chero­kee,  est poète, per­formeuse, mil­i­tante, enseignante. Elle a par­ticipé à nom­bre de fes­ti­vals inter­na­tionaux comme le Fes­ti­val Inter­na­tion­al de poésie de Rosario (Argen­tine, 2007); le Fes­ti­val Mon­di­al de la poésie au Venezuela (Cara­cas, Maturin, Tucu­pi­ta, 2006); le Fes­ti­val Inter­na­tion­al de poésie de Medellin (Colom­bie, 2005, 2007). Elle dit que son tra­vail est influ­encé par des con­ver­sa­tions autour de la musique, de la lit­téra­ture et des arts qui sat­urent sa con­science de telle sorte que son écri­t­ure puisse répon­dre de façon sig­ni­fica­tive à quelque chose dont elle a été le témoin, et qui se trans­forme en paroles. Elle a dès l’âge de 13–14 ans, exer­cé des petits boulots de cais­sière, de serveuse, d’aide agri­cole pour les récoltes dans les champs. Son enfance vécue en Car­o­line du nord  puis au Cana­da et enfin dans les grandes plaines, a été mar­quée par la schiz­o­phrénie de sa mère, par les mau­vais traite­ments, par la drogue et l’alcool, pour­tant elle a gardé son sens de l’émerveillement et con­servé l’élan de se sor­tir des sit­u­a­tions qui en auraient brisé d’autres. 

 Dans des entre­tiens, Alli­son a déclaré que Quin­cy Troupe a influ­encé son tra­vail de créa­tion. C’est un homme qui a col­laboré avec les musi­ciens, les écrivains, les artistes et avec quiconque avait quelque chose à dire et à partager. Lui et son épouse, tous les deux artistes,  accueil­lent dans leur pro­pre demeure des événe­ments artis­tiques, et cela lui sem­ble une forme de mod­èle et d’inspiration. Quin­cy Troupe fait aus­si office de fig­ure de « wan­der­ing poet », poète nomade, tou­jours en voy­age, en mou­ve­ment, je cite : « in his artis­tic move­ment through the world, it is more than adven­ture, it is famil­iar­iz­ing us with each entry, giv­ing us an emic belong­ing­ness in the sat­u­ra­tion of being­ness Troupe deliv­ers. This is a phe­nom­e­nal col­lec­tion of poems, assem­bled to qual­i­fy a sense of read­ing that enter­tains in the strongest sense of the word, that mirac­u­lous atten­tion, con­sid­er­a­tion, pro­vi­sion of nour­ish­ment we need to sus­tain and employ our own sens­es, to expe­ri­ence along­side the poet and wan­der­er. This is a pur­pose­ful offer­ing, with inten­tion­al­i­ty stream­ing us from place to place and secur­ing each foothold. It is a dream­scape of real­i­ty a read­er can dance with­in and per­form along­side.” C’est à dire que Quin­cy Troupe délivre par le sen­ti­ment d’appartenance, la sen­sa­tion d’une sat­u­ra­tion du mode d’être. Que ses poèmes rassem­blés offrent au lecteur de suiv­re un courant de lieu en lieu, et que cela pro­cure une sécu­rité à sa marche de telle sorte que cette réal­ité apparue dans le paysage du rêve fait « danser » le lecteur qui accom­pa­gne l’auteur tout au long de son voy­age. Voilà ce qui représente pour Alli­son Hedge Coke, un but à attein­dre. Elle espère pou­voir offrir un sen­ti­ment équiv­a­lent au lecteur par le biais de sa pro­pre poésie car à ses débuts, c’est ce qui lui a fait s’accrocher à la poésie, ce pour quoi elle se sent reconnaissante.

 

Voici un échan­til­lon de textes repro­duits et traduits avec l’aimable autori­sa­tion des édi­tions Cof­fee House Press et de l’auteure :

 

HARP STRINGS

Sweet rain on old growth sweeps past in fan­ning sheets,
this morn­ing each veil brings joy, like some­one strumming
mist releas­ing song, falling to branch above hummingbird
dash­ing in, out, grab­bing nec­tar in the wet, wet, music.
Dash­ing in, out, grab­bing nec­tar in the wet, wet, music.
Mist releas­ing song, falling to branch above hummingbird
this morn­ing, each veil brings joy, like some­one strumming.
Sweet rain on old growth sweeps past in fan­ning sheets.

 

CORDES DE HARPE

Douce pluie en drapés ven­teux sur une vieille pousse pleure le passé,
ce matin chaque voile apporte la joie, pareil à qui gratte
le crachin en libérant une chan­son, tombe sur une branche au-dessus l’oiseau mouche
s’élance dedans, dehors, saisit le nec­tar dans l’humide, humide, musique.
Se lançant dedans, dehors, saisit le nec­tar dans l’humide, humide, musique.
Le crachin libère une chan­son, tombe sur une branche au-dessus de l’oiseau mouche
ce matin chaque voile apporte la joie, pareil à qui gratte.
Douce pluie en drapés ven­teux sur une vieille pousse pleure le passé

 

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WE WERE IN A WORLD

We were in a world, in a world, in a world. Sure, we had our glyphs, but we were
prov­i­den­tial. Once, some alpha­bet believ­ers, glass pur­vey­ors, Ursus Arc­tos killers, sent
all baili­wick on cursed course far faster gyra­tion back­spin, bir­ling intrin­sic angular
momentum—boson melts. Spin­ning, it careened away ice­berg, ice­berg, iceberg;
glac­i­er braced time traced yes­ter­day unshak­able base—all below flushed alluvion
tor­rent, Nia­gara pour, spe­cial spate, flux, flow, until their coastal citadels moldered
from cyclone, tsuna­mi, hur­ri­cane gale. Tor­na­does tossed turf wher­ev­er they pleased.
Erup­tions mold­ed Her back into some­thing She deemed wor­thy. Not to men­tion quakes.
And the peo­ple, the peo­ple, the Peo­ple, pushed into cat­a­clysm, a few gen­er­a­tions from
alpha­bet book imposed cat­e­chism, soon were calami­ty tragedy storm splinters,
frag­ment­ed par­ti­cles of real past, in a world gone away from ora­to­ry, song,
oralit­er­a­tures, ora­tions into gyra­tions reel­ing. Soon hot, hot, hot, hot, hot, hot, hot,
hot, hot. Hot, dying man­groves, dis­ap­pear­ing Waimea Bay, Dengue fever, butterfly
range shift, mead­ow gone for­est, desert sprung savan­nah, cari­bou, black guillemot,
bats, frogs, snails—gone. What will Sand­hill Cranes crave? Winged lay ear­ly. Reefs
bleach. Rain, rain, rain, rain, rain, rain, rain, snow, snow, snow, fires flam­ing fiercely,
fas­ci­nat­ed in their own reflect­ing glare. Mar­mots rise ear­ly. Mos­qui­toes endure longer,
last­ing bit­ing spread­ing West Nile. Polar bears quit bear­ing. Robins, swal­lows, enter
Inu­it life. Thun­der finds Inu­pi­at. Here, it is said, glyphs left rock wall, stone plates,
bark, branch, leapt ani­mat­ed into being, shook shoul­ders, straight­ened sto­ry, lifted
world upon their wing bone, soared into Night, to place World back into sock­et eased
sky—stilled us. Some say the soup left­over was word­ed with decol­o­nized language.
Some say the taste lingers even now.

 

NOUS ETIONS DANS UN MONDE

Nous étions dans un monde, dans un monde, dans un monde. Bien sûr nous avions nos glyphes, mais nous étions prov­i­den­tiels. Une fois, quelques croy­ants en l’alphabet, pour­voyeurs de verre, tueurs d’Ursus Arc­tos*, envoyèrent tout le patelin pour une course mau­dite loin plus vite gira­tion sens con­traire, élan tour­bil­lon angu­laire chao­tique intrinsèque—un boson fond. Tour­nant, cela fait tanguer plus loin un ice­berg, ice­berg, ice­berg; glac­i­er affronta le temps traça hier une base inébranlable—tout en dessous un tor­rent d’alluvion dévalait, chute du Nia­gara, un déluge spé­cial, flux, courant, jusqu’à ce que leurs citadelles côtières façon­nées par le cyclone, tsuna­mi, oura­gan tem­pétueux. Les tor­nades jetaient de la tourbe partout où ça leur chan­tait. Les érup­tions façon­naient Son dos en quelque chose qu’Elle esti­mait val­oir la peine. Sans par­ler des trem­ble­ments. Et les gens, les gens, le Peu­ple, pré­cip­ités dans le cat­a­clysme, à dis­tance de quelques généra­tions quand le livre alpha­bet imposa le catéchisme, bien­tôt vin­rent calamité tragédie des éclats de tem­pête, par­tic­ules frag­men­tées du passé réel, dans un monde éloigné de l’oralité, chan­son, lit­téra­tures orales, dis­cours dévidés en gira­tions. Bien­tôt chaud, chaud, chaud, chaud, chaud, chaud, chaud, chaud, chaud. Chaudes, les man­groves mourantes, Waimea Bay dis­parais­sait, la fièvre dengue, l’éventail des espèces de papil­lons change, pré devenu forêt, savane jail­lie du désert, cari­bou, guille­mot noir, chauves-souris, grenouilles, escargots—partis. Qu’imploreront les grues du cana­da ? Les ailés pon­dent tôt. Les récifs se décol­orent. Pluie, pluie, pluie, pluie, pluie, pluie, pluie, neige, neige, neige, feux flam­bant féro­ce­ment, fascinés de leur pro­pre bril­lance. Les mar­mottes se dressent-lèvent tôt. Les mous­tiques sont plus résis­tants, qui durent piquent se répan­dent à l’ouest du Nil. Les ours polaires cessent de porter (pro­créer). Les rouges-gorges, hiron­delles, entrent dans la vie Inu­it. Le ton­nerre trou­ve le ter­ri­toire inu­it. Ici il est dit que des glyphes ont quit­té la falaise rocheuse, les assi­ettes de pierre, l’écorce, branche, bondirent ani­més en devenant êtres, sec­ouent les épaules, redressent les his­toires, haussèrent le monde sur l’os de leur aile, grim­pèrent en flèche dans Nuit, pour replac­er Monde dans une  douille de ciel aidé-facilité—nous immo­bil­isa. Cer­tains dis­ent que le reste de soupe fut mis en mots grâce au lan­gage décolonisé. Cer­tains dis­ent que le goût s’y attarde encore maintenant. 

 

*Ursus Arc­tos est l’ours brun (N.d.T)

°°°°°°°

 

AMERICA, I SING YOU BACK

       for Phil Young and my father Robert Hedge Coke
       for Whit­man and Hughes

 

Amer­i­ca, I sing back. Sing back what sung you in.
Sing back the moment you cher­ished breath.
Sing you home into your­self and back to reason.

Before Amer­i­ca began to sing, I sung her to sleep,
held her cradle­board, wept her into day.
My song gave her cre­ation, pre­pared her delivery,
held her sev­ered cord beau­ti­ful­ly beaded.

My song helped her stand, held her hand for first steps,
nour­ished her very being, fed her, placed her three sis­ters strong.
My song com­fort­ed her as she bat­tled my reason
broke my long-held foot­ing sure, as any child might do.

As she pushed her­self away, forced me to remove myself,
as I cried this coun­try, my song grew ros­es in each tear’s fall.

My blood-veined rivers, paint­ed pipe­stone quarries
cir­cled canyons, while she made her­self maid­en fine.

But here I am, here I am, here I remain high on each and every peak,
care­ful­ly rum­bling her great under­bel­ly, pre­pared to pour forth singing—

and sing again I will, as I have always done.
Nev­er silenced unless in the com­pa­ny of strangers, singing

the sto­ic face, polite repose, polite while danc­ing deep inside, polite
Moth­er of her world. Sis­ter of myself.

When my song sings aloud again. When I call her back to cradle.
Call her to peer into waters, to behold her­self in dark and light,
day and night, call her to sing along, call her to mature, to envision—
then, she will quake her­self over. My song will make it so.

When she grows far past her self-con­sid­ered purpose,
I will sing her back, sing her back. I will sing. Oh I will—I do.
Amer­i­ca, I sing back. Sing back what sung you in.

 

AMERIQUE, JE TE CHANTE A MON TOUR

        pour Phil Young et mon père Robert Hedge Coke;
        pour Whit­man et Hughes

 

Amérique, je te chante à mon tour. Chante en réponse à ce qui te chan­tait dedans.
Chante et te rends le moment quand tu chéris­sais le souffle.
Chante chez toi en toi-même et rev­enue à la raison.

Avant que l’Amérique ne com­mence à chanter, j’ai chan­té pour qu’elle dorme,
je tenais son berceau, la pleu­rait pour qu’elle devi­enne jour.
Mon chant lui don­na la créa­tion, pré­para sa délivrance,
je tins son cor­don coupé joli­ment perlé. 

Mon chant l’aida à se tenir debout, lui tint la main pour ses pre­miers pas,
nour­rit vrai­ment son être, instal­la ses trois sœurs solidement.
Mon chant la con­so­la alors qu’elle se bat­tait avec ma raison
cas­sa mon pas depuis longtemps assuré, comme tout enfant le ferait. 

Pen­dant qu’elle s’élançait, elle me força à m’écarter,
comme je pleu­rais ce pays, je fis pouss­er des ros­es dans chaque larme tombée.

Mes riv­ières sang-veinées, mes car­rières de catli­n­ite peintes
encer­claient des canyons, pen­dant qu’elle se fai­sait belle jeune-fille.

Mais ici je suis, ici je suis, ici je reste haut per­ché sur chaque pic,
je gar­gouille avec pré­cau­tion son grand bas-ven­tre, pré­paré à vers­er en chantant—

et je chanterai encore, comme je l’ai tou­jours fait.
Jamais silen­cieuse sauf en la com­pag­nie d’étrangers, je chante

le vis­age stoïque, repos poli, poli pen­dant que dansant pro­fond au-dedans, polie
Mère de son monde. Ma pro­pre Sœur.

Quand je chante à voix haute de nou­veau. Quand je l’appelle à revenir au berceau.
L’appelle à scruter les eaux à s’observer dans le noir et dans la lumière,
jour et nuit, l’appelle pour chanter avec moi, l’appelle à mûrir, à prévoir—
ensuite elle se sec­ouera. Mon chant aura ce résultat.

Quand elle aura gran­di vite bien au-delà de son pro­pre but,
je chanterai pour qu’elle revi­enne, chanterai pour son retour, je chanterai. Oh je le ferai.
Amérique, je te chante à mon tour. Chante en réponse à ce qui te chan­tait dedans.

·

L’allusion aux trois sœurs vient des mythes Indi­ens : Maïs, Hari­cot et Courge, qui sont non seule­ment les bases de l’alimentation mais aus­si une tech­nique de cul­ture asso­ciant les trois var­iétés pour le béné­fice de cha­cune. (N.dT.)

·      pipe­stone, catli­n­ite : sorte de roche argileuse dure aux teintes rouges que l’on peut creuser et sculpter, util­isée par les Indi­ens qui con­sid­éraient la roche et les endroits où on la trou­vait, comme sacrés. Les pipes et calumets étaient sou­vent façon­nés  dans cette pierre. 

 

 

 Tout le monde aura recon­nu dans le dernier poème une allu­sion à  Langston Hugh­es et son « I too Sing Amer­i­ca », écrit à la suite de Walt Whit­man, auteur célèbre de « Song of Myself », et surtout  de  « I Hear Amer­i­ca Singing ». La réponse que fait Alli­son Hedge Coke, oppose à Whit­man et son ent­hou­si­asme pour son pays tout neuf en train de se « con­stru­ire » un fort sens de l’identité indi­enne ancrée dans les tra­di­tions orales qui font du chant et de la danse l’une de leurs majeures man­i­fes­ta­tions. Elle oppose au sens patri­o­tique de Hugh­es, sa fierté d’appartenir aux pre­mières nations qui ont occupé, habité, pris soin du ter­ri­toire d’une toute autre façon que les nou­veaux venus effaçant les paysages ances­traux au nom du pro­grès et de la civil­i­sa­tion. Pas ques­tion d’oublier qu’avant toute chose, l’Amérique est indi­enne, sa « mère », celle qui lui a don­né nais­sance, c’est la réal­ité his­torique et spir­ituelle indi­enne. Indi­enne, l’Amérique l’a été pen­dant des mil­lé­naires, on ne peut rien con­tre cette réal­ité-là. La terre elle-même un jour s’en sou­vien­dra, il lui fau­dra retourn­er vers ses orig­ines et repren­dre racine dans une iden­tité indi­enne, sans quoi elle est per­due. En même temps ce poème se veut aus­si un chant de par­don et de réc­on­cil­i­a­tion : l’Amérique en enfant rebelle s’égare mais comme le fils prodigue, elle revien­dra vers ses par­ents, se recon­nectera à la nature. Ce dernier poème espère, essaie de reli­er passé et présent, de telle sorte que les Indi­ens, pre­miers habi­tants et « par­ents » ne soient plus ni chas­sés ni men­acés d’extinction sur leurs pro­pres ter­ri­toires, que les « enfants » s’assagissent, recon­nais­sent les ver­tus, l’amour dont est capa­ble l’Amérique Indi­enne, ce qui per­me­t­tra que tous vivent en har­monie désor­mais. On ne pour­rait pas souhaiter autre chose, on ne pour­rait pas espér­er mieux, l’histoire et le passé sont ce qu’ils sont mais le présent pré­parant l’avenir, alors la sagesse serait en effet de faire au mieux dans un esprit de tolérance et d’ouverture, de com­préhen­sion, de bien­veil­lance. C’est quand les Indi­ens eux-mêmes nous con­duisent à de telles con­clu­sions que l’on com­prend leur incroy­able capac­ité de résilience et leur incroy­able force de survie. 

 

 

 

 

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