L’Al­sace compte trois langues : le français, l’alle­mand et l’al­sa­cien (la langue régionale majori­taire, proche de l’alé­manique). La Revue Alsa­ci­enne de Lit­téra­ture pub­lie des textes rédigés dans les trois langues : c’est là son intérêt prin­ci­pal, pour dire les choses abruptement.

            La pre­mière par­tie est con­sacrée à la cathé­drale de Stras­bourg dont on fête en 2015 le mil­lé­naire. Si la pré­face de l’évêque JP Gral­let, reprise de l’ou­vrage La Cathé­drale Notre-Dame de Stras­bourg / 1000 ans de Parole n’ap­prend rien de nou­veau (la cathé­drale comme moyen de “sup­pléer l’ig­no­rance de l’écri­t­ure et de la lec­ture du plus grand nom­bre” — d’où cette expres­sion du titre, 1000 ans de Parole, dont on remar­quera le P majus­cule…), cer­tains des poèmes ont de quoi sur­pren­dre le lecteur : celui de Jean Arp et celui d’Y­van Goll. Mais pas celui de Paul Claudel dont on con­naît l’at­tache­ment à la reli­gion chré­ti­enne. Arp a lais­sé en tant que poète le sou­venir d’une per­son­nal­ité mar­quée forte­ment par le dadaïsme et le sur­réal­isme de son temps, car­ac­téris­tique qu’on ne retrou­ve pas dans La Cathé­drale est un cœur. Quant à celui d’Y­van Goll, il est ici pub­lié dans la ver­sion de la Revue du Rhin (août 1939) dif­férente de celle qui sera reprise dans le recueil Jean sans Terre (qui isole les qua­trains et sup­prime les douze vers de la fin). Mais, le plus grand éton­nement vient de la fer­veur chré­ti­enne de Jean sans Terre alors qu’Y­van Goll dans ce recueil exprime sa soli­tude de juif errant bal­loté entre deux cul­tures ; si ce poème est intéres­sant, l’isol­er peut don­ner une image fausse de l’œu­vre et du poète…

            Peu de choses à dire de la deux­ième par­tie, “Jeux”, qui regroupe poèmes et textes de réflex­ion sur le jeu. Ne con­nais­sant par­mi les idiomes util­isés dans ce n°, que le français, je ne me bornerai qu’à cette remar­que : un vers réduit au mot et n’est pas un vers ! Ceci dit, le lex­ique d’Anne-Marie Souli­er, le texte en prose de Jean-Paul Sorg et la présen­ta­tion de quelques types de jeu de Marc Chaudeur ne man­quent pas d’intérêt…

            De la troisième par­tie, “Voix mul­ti­ples” je retiens le poème de Maryse Renard (Mots à la dérive) qui, placé sous le signe de Jules Laforgue peint la tristesse des prom­e­nades des internes d’un lycée et qui, par la répéti­tion de cer­tains vers, fait loin­taine­ment penser au pan­toum. Une voix que je décou­vre, une voix à suiv­re. Ceux de Daniel Mar­tinez qui visent juste. Les haïkus de Danièle Faugeras (qui s’af­fran­chit de la règle de l’équiv­a­lence des mores et des syl­labes) dont je retiens celui-ci qui me par­le par­ti­c­ulière­ment : “un poème par jour / un mes­sage ami suff­isent / à nour­rir ma vie”. Et je n’au­rai rien dit de Jean-Claude Wal­ter dont j’ai chroniqué, il y a peu, Dans l’œil du drag­on… Mais le lecteur pour­ra appréci­er dif­férem­ment les poèmes ici proposés…

            La par­tie 4 (“Chroniques”) est, comme les précé­dentes, car­ac­térisée par sa diver­sité. Qui se sou­vient encore du Grand Jeu ? Alain Fab­re-Cata­lan pro­pose sa vision des choses… La par­tie 5 (“Notes de lec­ture”) fait preuve d’une belle ouver­ture d’e­sprit tant au niveau des gen­res (roman, poésie, revue, antholo­gie poé­tique, livre d’art, essai…) qu’au niveau des édi­teurs (Apogée, Arfuyen, Recours au Poème, L’Ate­lier con­tem­po­rain, Ander­sen…) Gageons que cette livrai­son saura intéress­er les lecteurs alsa­ciens par les langues dans lesquelles sont écrits poèmes ou arti­cles, par l’ac­cent mis sur la cathé­drale de Stras­bourg, mais aus­si ceux d’autres régions français­es curieux de décou­vrir ce qui s’écrit en Alsace…

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Ce numéro : 144 pages, 22 €. Abon­nement annuel : 40 €. (chèque à l’or­dre des Amis de la Revue alsa­ci­enne de lit­téra­ture. BP 30210. 67005 STRASBOURG).

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