Anumid Smoune, Rêve mort

Par |2021-09-05T12:56:06+02:00 6 septembre 2021|Catégories : Anumid Smoune, Poèmes|

Inspiré de « Mal­one meurt», roman de Samuel Beckett

 

Pleure, verse des larmes 
n’oublie pas de rire à la fin 
toute fin est un début 
et tout début est une fin 
la fin et le début de quoi 
La fin d’un vacarme 
le début d’un autre
pire que le premier
ou l’inverse
une colère 
envahissante 
tombe sur le cœur 
sur l’esprit 
dif­fi­cile à fuir 
et pourquoi fuir 
Assez lâche 
couard
exis­ter pour cohabiter 
gémir sans cesse
lourde mission 
je te la confie 
je filoche 
quelle envie 
Envie d’une mis­érable envie 
un univers morose 
la ten­dresse braille
et la mélan­col­ie sourit
elle chante même des fois 
un chant vrai 
celui d’un temps manqué 
d’un rêve vide
il faut appren­dre à bien rêver 
à rêver de rien
pleure, verse des larmes
Jusqu’à ce que les yeux sèchent 
et mets-toi à rire 
regret­ter d’avoir inondé 
les champs mornes
de la vie 
il faut réussir 
à faire rire 
cette colère
et ne recom­mence pas 
les larmes sont inéluctables,
du réveil jusqu’au sommeil
et du som­meil jusqu’au réveil
tu n’auras jamais un instant 
soupir­er et reprendre
ca ne sert pas à grande chose
tout reviendra 
atten­dre que tu ne respires plus
 c’est une bonne chose peut être 
Ca va recommencer
je les vois revenir 
les larmes pour se venger

 

 

 

TEMPS FIELLEUX 

Temps fielleux 
me voici tra­vers­er les mon­tagnes douloureuses 
vie et plaisirs éphémères 
amours lâches
regrets et tem­pêtes chagrineuses 
sur mon cœur abattu
je m’en vais frag­ile aux îles de la ran­cune sur les itinéraires glaciaux de ma mémoire
je me sou­viendrai de toutes les afflictions 
tous les mots et les maux
ma ten­dresse proie facile
aux regards des gypaètes 
je m’en vais avec une immense déchirure dans l’âme
un ves­tige impérissable
et mes nuits cauchemardesques 
des sym­bol­es infinis

 

INSTANT AUTOMNAL
 
Ça m’arrive 
écrire sur mes feuilles 
quelques mots 
four­bus 
une pen­sée anci­enne 
très ancienne
faute à l’automne 
des fleurs harassées 
grandir dans une mélan­col­ie 
insoutenable,
pourquoi j’accuse cette saison 
oui, je ne l’ai jamais aimée 
même allure qu’un amour enseveli 
sa nais­sance fut une erreur 
comme celle de ce grand pays
ce monde qui patauge dans les déchirures
je me mets du côté de l’érable 
je le pleure de ma fenêtre 
une vue grognonne
il devient tout rouge 
et ses feuilles tombent 
presque comme les miennes 
elles ne sup­por­t­ent plus
ces élance­ments 
graves
c’est assez grave 
elles tombent douce­ment 
et je tombe avec
jusqu’au dernier mot
jusqu’à la dernière feuille 

 

BELLE FOLIE 
À Samuel Beck­ett 

Quoi dire 
rien à dire et  s’il faut dire 
je ne dirai rien 
par ce que ça ne sert à rien
une plaine de rien 
posée sur rien 
folie
majus­cule folie 
dans ma tête 
promène
et je me promène 
dans son ombre 
heureuse et mal­heureuse 
elle vieil­lit comme le temps 
et ce temps qui veut raje­u­nir 
sans être sûr de le vouloir 
folie 
belle folie 
je ne te quit­terai jamais

 

BECKETTIEN 

Je me réveille avec une envie de me recouch­er 
ressay­er un bon réveil 
inca­pable 
des envies abon­dantes  
je referme l’œil 
un rêve 
dans un rêve sans le vouloir vrai­ment 
je deviens enfant 
deux adultes m’entourent et m’apprennent à jouer  
je joue j’arrête je reprends 
je cherche un goût dans leur jeu puis un sens
assez stu­pide 
les sens ne ser­vent à rien 
il faut que ce rêve cesse 
je veux me réveiller  
je ne me recoucherai jamais 
les braves et sages gens je veux dire les adultes ont bien enten­du mes mots 
ils me recouchent 
ras­surez-vous tou­jours dans le rêve
pris­on­nier  
dans un rêve 
au début de mon his­toire je crus qu’il s’agissait de mon pro­pre rêve
j’ai réfléchi un petit peu sans être sûr d’avoir réfléchi 
c’est inutile
je n’ai qu’à con­tin­uer d’apprendre à jouer 
un désastre

 

 

Présentation de l’auteur

Anumid Smoune

Né en 1994 à Tadig­houst dans le Haut Atlas cen­tral maro­cain.  Après des études de man­age­ment au Maroc et en France, il décou­vre la lit­téra­ture et le monde des arts grâce à un de ses amis enseignant du français au Maroc. Son pre­mier rap­port avec l’écriture fut dans sa langue mater­nelle Tamazight (le Berbère) dont il est un défenseur. Poussé par son ami, il s’est mis à écrire en français. Influ­encé par l’œuvre de Mohammed Khaïer-Eddine et de l’irlandais Samuel Beck­ett. Il tra­vaille sur son pre­mier recueil, un roman inspiré de la vie de Beck­ett et bien d’autres projets.

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