Inspiré de « Malone meurt», roman de Samuel Beckett
Pleure, verse des larmes
n’oublie pas de rire à la fin
toute fin est un début
et tout début est une fin
la fin et le début de quoi
La fin d’un vacarme
le début d’un autre
pire que le premier
ou l’inverse
une colère
envahissante
tombe sur le cœur
sur l’esprit
difficile à fuir
et pourquoi fuir
Assez lâche
couard
exister pour cohabiter
gémir sans cesse
lourde mission
je te la confie
je filoche
quelle envie
Envie d’une misérable envie
un univers morose
la tendresse braille
et la mélancolie sourit
elle chante même des fois
un chant vrai
celui d’un temps manqué
d’un rêve vide
il faut apprendre à bien rêver
à rêver de rien
pleure, verse des larmes
Jusqu’à ce que les yeux sèchent
et mets-toi à rire
regretter d’avoir inondé
les champs mornes
de la vie
il faut réussir
à faire rire
cette colère
et ne recommence pas
les larmes sont inéluctables,
du réveil jusqu’au sommeil
et du sommeil jusqu’au réveil
tu n’auras jamais un instant
soupirer et reprendre
ca ne sert pas à grande chose
tout reviendra
attendre que tu ne respires plus
c’est une bonne chose peut être
Ca va recommencer
je les vois revenir
les larmes pour se venger
TEMPS FIELLEUX
Temps fielleux
me voici traverser les montagnes douloureuses
vie et plaisirs éphémères
amours lâches
regrets et tempêtes chagrineuses
sur mon cœur abattu
je m’en vais fragile aux îles de la rancune sur les itinéraires glaciaux de ma mémoire
je me souviendrai de toutes les afflictions
tous les mots et les maux
ma tendresse proie facile
aux regards des gypaètes
je m’en vais avec une immense déchirure dans l’âme
un vestige impérissable
et mes nuits cauchemardesques
des symboles infinis
INSTANT AUTOMNAL
Ça m’arrive
écrire sur mes feuilles
quelques mots
fourbus
une pensée ancienne
très ancienne
faute à l’automne
des fleurs harassées
grandir dans une mélancolie
insoutenable,
pourquoi j’accuse cette saison
oui, je ne l’ai jamais aimée
même allure qu’un amour enseveli
sa naissance fut une erreur
comme celle de ce grand pays
ce monde qui patauge dans les déchirures
je me mets du côté de l’érable
je le pleure de ma fenêtre
une vue grognonne
il devient tout rouge
et ses feuilles tombent
presque comme les miennes
elles ne supportent plus
ces élancements
graves
c’est assez grave
elles tombent doucement
et je tombe avec
jusqu’au dernier mot
jusqu’à la dernière feuille
BELLE FOLIE
À Samuel Beckett
Quoi dire
rien à dire et s’il faut dire
je ne dirai rien
par ce que ça ne sert à rien
une plaine de rien
posée sur rien
folie
majuscule folie
dans ma tête
promène
et je me promène
dans son ombre
heureuse et malheureuse
elle vieillit comme le temps
et ce temps qui veut rajeunir
sans être sûr de le vouloir
folie
belle folie
je ne te quitterai jamais
BECKETTIEN
Je me réveille avec une envie de me recoucher
ressayer un bon réveil
incapable
des envies abondantes
je referme l’œil
un rêve
dans un rêve sans le vouloir vraiment
je deviens enfant
deux adultes m’entourent et m’apprennent à jouer
je joue j’arrête je reprends
je cherche un goût dans leur jeu puis un sens
assez stupide
les sens ne servent à rien
il faut que ce rêve cesse
je veux me réveiller
je ne me recoucherai jamais
les braves et sages gens je veux dire les adultes ont bien entendu mes mots
ils me recouchent
rassurez-vous toujours dans le rêve
prisonnier
dans un rêve
au début de mon histoire je crus qu’il s’agissait de mon propre rêve
j’ai réfléchi un petit peu sans être sûr d’avoir réfléchi
c’est inutile
je n’ai qu’à continuer d’apprendre à jouer
un désastre