Bernard Colas, Le Mot de trop et autres poèmes

Par |2023-11-06T10:28:34+01:00 30 octobre 2023|Catégories : Bernard Colas, Poèmes|

Le mot
De trop

Il est un mot que je ne com­prends pas
On le parle
On en parle
Il est sur toutes les bouches
Tout le monde se le donne
Je ne veux pas le savoir
C’est un mot qui ne va pas à la pour­suite des idées
Ce n’est pas un mot qui va à la ren­con­tre de l’autre
Ce n’est pas un mot bon vivant
Il se veut signe de connivence
Mais il est fausse­ment sympathique
Il n’a aucun sens
Alors ne par­lons pas de dou­ble sens
Mais quel est ce mot ?
Je l’ai oublié

L’homme avance
Il voit sa poussière
Au bord du jour les oiseaux font des nœuds à l’image de leurs nids
Le vent n’a pas ce goût sucré des vents d’été
Les arbres ne font pas mys­tère de leur âme
Sur la plaine anéantie mille objets oubliés
Il y a des sourires sur les affich­es et des femmes prometteuses
A droite comme à gauche des morceaux de temps font des clins d’œil
L’homme qui pousse son corps a du sable dans les yeux
Il est nu
Une hor­loge hésite puis se décide à sonner
Elle a gardé le code
La ville flasque est presque belle avec ses tours coupées court
L’homme avance
Il glisse sur un reste de nuit
Les flaques ne reflè­tent pas son visage
Il s’essaie à des mots nou­veaux mais sa voix recherche le silence
Alors il cherche un chemin pour taire son histoire
Il n’y aura plus jamais d’enfants dans les maisons

Oiseau voleur

J’ai rêvé d’un oiseau qui volait mes rêves
Dans un souf­fle essouf­flé il parlait
Des mots qui por­tent au cœur et font rougir
J’étais nu et des maisons murées s’échappaient des états d’âme et quelques paroles en l’air
Un man­teau bien trop grand cher­chait quelqu’un
Mes poings frap­paient le vide et mes pieds jouaient avec mes jambes
Mes mots arrachés de leur nid de ronces n’avaient plus guère de forme mais aucun d’eux ne voulait se changer
Ils se répé­taient de peur d’être solitaires
Des gens nageaient sous l’eau une courte éter­nité et réap­pa­rais­saient comme au début de l’histoire
On m’attendait sou­vent mais c’est moi qui étais devant
Deux crois­sants de lune s’accouplaient et fai­saient des ronds dans l’eau
Leur plaisir fai­sait plaisir à voir et les enfants n’avaient pas besoin qu’on leur fasse un dessin

Mots en tête

Je souf­fre de rêves excessifs
Sans nom
Sans verbe
Sans rien
Der­rière des murs obtus
La nuit pal­pa­ble ment
Et je lui mens aussi
Amoureux invisible
Ma peur sans abri
J’avance
Non
Les autres avancent
Je les vois sourire et dire
Ils respirent eux
Con­fi­ants en leur Je
J’aimerais tant respirer
Caress­er leurs mains
Et vouloir qu’ils m’embrassent
L’indifférence est-elle mal
Qui sait
Je me lèverai demain
Ou plus tard
Avec d’autres mots en tête
Dupe
Abusé
Méchant avec mon sort
Un rai de lumière
Dessin­era un trait brûlant sur la dernière page du livre que je ne lirai pas
Ton regard sera lointain
Et avec un peu de Moi
Je suiv­rai les autres
Heureux d’être comme eux
Dans une mai­son pleine de miroirs.

Annonce faite à Elle

Nue dans ta robe de peau
Couchée sur la page blanche
Cheveux oubliés
Mots prison
Souf­france délit
Tes mains sur les murs obtus
Paupières gon­flées d’absence
Dans ma bouche les mensonges
Finale­ment nous ne sommes qu’un corps
L’oublier
S’oublier
M’oublier
Tout à coup l’épaisseur du temps
Elle te marche dessus
Demain est autre chose
Les autres ne sont que des dos
En noir et blanc
Leurs pas c’est ton cœur qui bat
Il n’y a que toi
Tu butes sur toi
Tu es pleine de toi
Tu es totalité

Une porte claque
Plus vraie que le monde

Présentation de l’auteur

Bernard Colas

Jour­nal­iste du voy­age, Bernard Colas a beau­coup par­cou­ru la France et l’Europe. Ses car­nets de voy­age ont notam­ment été à la source de cer­tains de ses textes poé­tiques. Egale­ment auteur de haikus et d’aphorismes (V. Rougi­er Edi­teur), il écrit depuis une quin­zaine d’années des poésies (revue Ver­so) dont cer­taines por­tent l’empreinte de nom­breux épisodes dépres­sifs, qu’il com­pare à une course pour voir clair en lui-même et inven­ter une vie aimable. Pas­sion­né par la poésie de Lydie Dat­tas, dont il a fait sien un de ses vers : la beauté dis­paraît au moin­dre de nos doutes.

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