Claire Kalfon, Nos jours et autres poèmes

Par |2023-11-06T16:42:12+01:00 6 novembre 2023|Catégories : Claire Kalfon, Poèmes|

 

Nos jours
sont aus­si impos­si­bles à compter
que tous les troncs de cette forêt
mère de toutes les forêts
ger­mi­na­tion perpétuelle

 On peut juste creuser une ride
détach­er un morceau d’écorce
suiv­re le tracé d’une branche
avant le flou serré

 On se sou­vien­dra qu’en marchant
on s’est accroché aux ronces
ou bien qu’elles ont tenté
de s’agripper à nos pas

 Par­fois la voie était libre
Là-bas on a buté sur une souche
Ici on était aveuglé par un trou de feu
dans la ramure

 On entendait cra­quer les feuilles
rouler un caillou
On éprou­vait un froissement
un craquement

 Et puis on repre­nait le chemin
à l’ombre des hallucinations
les poumons ouverts
notre vie en bandoulière

          *

Rêver la mer

J’y entre
comme on frac­ture une vit­rine de magasin
comme on retourne dans le ven­tre de sa mère
Par­fois la nuit est dans le jour
la mer opaque
Par­fois le bleu est invincible
sable semoule
brûlant sous la plante du pied
et para­sols abri­tant les fantômes

Une plage où le temps
est devenu un ter­rain vague
un hori­zon per­du qui se redessine
et puis j’y vais dans ce lit de mer
sous cet édredon d’écume

 j’y vais

 

                     *

Chaque été
je me retrou­ve debout sur le plongeoir
dans une immo­bil­ité de pantin
prête à en découdre avec les profondeurs

Chaque été
au goût d’orange amère
le ciel me tient lieu de drap
la joie aus­si com­pacte qu’une dune
et pour­tant je bois la tasse
au lieu de faire l’étoile de mer

Chaque été
j’évite de regarder le soleil en face
car on a trop de choses à se dire
alors que l’ombre m’accorde le silence
m’offre le sous-bois où toute servitude
prend  la douceur de la mousse

                  *

Il existe une géographie
sans ter­ri­toire ni langage
un pas­sage d’écluse
sans remise à niveau
une fenêtre sans écran
un endroit non répertorié
non googlelisé ni labellisé 

Je par­le d’un ici
jumeau de là-bas
un ici détaché de l’ailleurs

un ailleurs que j’ai posé
sur la table de nuit
accroché au bord des jours
comme un feston

une fig­ure géométrique
où les diag­o­nales se taisent
à leur point d’intersection

  

 

 

 

 

Présentation de l’auteur

Claire Kalfon

Claire Kal­fon est  née en 1956 à Oran. Enseignante jusqu’en 2017.

Prési­dente de l’association du Print­emps des poètes Tours. Par­ticipe à des lec­tures et ani­me des ate­liers d’écriture.

 

Bib­li­ogra­phie

Auteure:

Delta, édi­tion Encres Vives, col­lec­tion Encres Blanch­es 2016

Poème des inter­valles, édi­tions Unic­ité 2019

Ici et Pour­tant, édi­tions Unic­ité, col­lec­tion Le Vrai Lieu, 2020 

Dans le frois­sé d’une forêt, édi­tions Unic­ité col­lec­tion Le Vrai Lieu, 2022

Une sai­son blanche, édi­tions Unic­ité, col­lec­tion Le Vrai Lieu, 2023

 

Pub­li­ca­tions dans les revues : Petite, Le Cap­i­tal des Mots, Décharge, Frich­es, Fran­copo­lis, Sec­ousse, Recours au Poème, Écrits du Nord, Cairn, Cabaret, La toile de l’Un, Gustave

 

Par­tic­i­pa­tion à l’anthologie «  Quel Temps » réal­isée par Matthias Vin­cenot, édi­tions Unic­ité, 2023

 

Réal­i­sa­tion de 2 livres d’artistes et col­lab­o­ra­tion avec des plasticien.ne.s

Autres lec­tures

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