Claire Legat, Promenoir des déracinés

Par |2022-09-08T19:18:09+02:00 26 août 2022|Catégories : Claire Legat, Poèmes|

Aura papil­lon

 

par delà les haies de cris

il y a

en pure perte

la voix du paysage

 en marge de nos gestes

se déjoue 

l’équation du temps 

 

m’apprendras-tu

 

la pyra­mide fraîche de l’aube 

et

ta présence

hors des pha­langes secrètes

de l’eau

  

que je sois

fleur

encore

 pour que tu me

respires

∗∗

Autant que le grain

 

autant que le grain de sable
le cail­lou  le rocher
violentés
sans avoir eu l’oc­troi du temps

   j’ai charge 
de
commencements 

une enfance
affleure à nou­veau les quais

presqu’île
en
partance 

réin­vestie dans l’oeil initial

   je m’af­fran­chis
 d’un recel 

    dans la filiation
des
silences

∗∗

entre la veille

entre la veille
et
le sommeil
dans l’in­tim­ité de l’itinérance
mes doigts auraient tressé
ce
berceau vivant
style malle de voyage
prête à appareiller sur mon vais­seau d’osier
j’au­rais négo­cié ce que l’un et l’autre
pou­vaient m’offrir
ou me laiss­er en gage
le cyclone
son oeil
la pluie sa perle
le scolyte ses galeries rayonnantes
le rouge-gorge son car­net de rendez-vous
le martin-pêcheur
l’ex­clu­siv­ité d’un bleu intemporel

    qui par­le d’héritage
j’ai reçu j’ai ren­du j’ai don­né mes baies
aux passereaux
mes noisettes aux écureuils
ma chair et mon sang à mon enfant

en son temps
dans la mise au monde
j’ai revendiqué 

ma douleur de femme
mon bon­heur

∗∗

et

cette
conque

 hier prop­ice à l’élec­tion du silence

 cette conque
paupière
d’île

pal­pite le désir

con­ver­gent les mythologies

 cette conque

se répon­dent les échos à naître

se font et se défont les noeuds de l’extase

 escale
per­ma­nence de l’impermanence

des
gestes
s’achèvent
d’autres
recommencent

 sans dis­con­tin­uer

 la choré­gra­phie de la solennité

∗∗

éven­tail
angle vivant

    ondoiement du souf­fle 

   transe
  du
  corail 

    stri­dence de l’offrande
     virginale
      diaphanéité 

       m’at­tel­er
      à l’avant-dernière 

    larme

∗∗

piège
strat­a­gème

 cri
dérouté à l’infini

 en hachures
exfoliées

 en éche­veaux d’énigmes
à
la
dérive
en réconciliations
existentielles

témoins
l’ar­bre
le rocher
scar­i­fiés par solidarité

comme pour cein­dre mal­gré elles
les con­stel­la­tions
rebelles

∗∗

la fontaine
proche ou lointaine
n’a rien à envier
au
cerisier

  mono­logue sans voix

   chacun
est
offrande
cha­cune a sa neige
et moi
au coeur de la déferlante
avant-dernier rem­part de l’absurde
des termitières
des
cimetières
j’at­tends l’in­ven­taire des êtres
le répertoire
des
roselières

     au pied du volcan

       stat­u­aire en instance d’inspiration
   je transcode
  les scories du futur

 clé
      pour la mise en abyme

∗∗

la gifle  la griffe  l’étreinte

défieront-elles 

la patience à toute épreuve

du poème à naître

et sa chance ren­due au coquillage

 de s’éveiller 

bour­geon  lèvre  étoile

émer­gence

de

 l’ab­solu

∗∗

la ride en fleur
sur
ton
visage

 onde
fragrance
restée
en
transparence

  avec ce qui est
ce qui existe
ce qui se crée
dans
l’ir­réal­ité émergée 

    la ride en fleur
   au coin de l’oeil
a‑t-elle
séduit
le
bouvreuil

∗∗

mieux que nous
leurs ailes
réc­on­cilient nos trajectoires 

ils ne fer­ont de nid
dans la blessure
ni
à la fourche
où rosit entrou­verte la boutonnière
de
l’abandon

ordre désor­dre
peu importe 

tant que je frémis sous l’écorce
que je me coule dans l’in­ci­sion de l’éclair

 que je me décline de siècles
en
décennies
de sec­on­des en miettes
d’
agonie 

au risque de devenir
insolv­able

∗∗

hors pistes 

il m’in­combe de rester
passerelle
crédible
vers
l’incréé

 il m’in­combe de vibr­er encore 

quand
la beauté me taraude
me
fracasse
jusqu’à la moelle

me 
trahit
pour la magie de la plus belle eau

essor de serpents

grelots

c’est ain­si que des coquelicots
ont poussé
dans mon coeur

∗∗

irisée par la caresse
ser­tie
dans mes vrilles
promise
à
l’u­nivers révélé

je revis­ite la par­ti­tion de l’infini

moi
et
moi

mon souf­fle accordé aux claviers du vent
mon dou­ble
anticipé dans le futur du passé
ma châsse de miroirs impactés par les printemps
d’exil
incandescents

 moi et moi
tous feux éteints
à la frac­ture de l’humain

à mains nues

mon escalade en solitaire

vers

les années-lumière

 

∗∗

glac­i­ers blancs devenus bleus
au clair de
l’onde 

me recon­naîtrez-vous
quand j’orchestr­erai la poussière
et
les
transes
jusqu’à la tendresse
infinitésimale

serez-vous au pied de la lettre
pour exac­er­ber
ma nudité
et
stylis­er mes absences

demeurerons-nous
l’âme ratis­sée jusqu’à l’os

écueils  ressacs  récifs 

angle mort
s’il en est

témoins et acteurs
du
génie de la vie

∗∗

fer­veur
ma richesse
hors d’atteinte
dans ma racine extrême

autour de moi
à tra­vers
moi
des doigts de saules transitent
pour arbor­er l’au-delà

sur­vivre
sur­mourir

 avec ou sans toi les sources
s’
émeuvent 

le ciel pal­pite sans preuve

or
le champ de blés
qui  rêve  d’oiseaux
contestera
bientôt
la
souffrance
du
pain

∗∗

I

il se peut que par pur hasard
on décou­vre
sous l’é­corce rosée
d’un
bouleau complice
la nos­tal­gie de mon premier
sourire
ma cica­trice d’humanité

n’en déplaise au vent
passeur
non identifié

n’en déplaise à la pluie
qui
redis­tribue jusqu’à nos larmes
qui
abolit
dans la clandestinité
les fermetures
à
glissière
de l’être et de la chose 

avec
cette élé­gance baroque
de ne jamais noyer
l’
espoir

∗∗

I

implaca­ble 

le puits des puits 

 

chute libre

 

vers les abysses
 les corridors
en
anneaux

  les mosaïques
de
cristaux 

jusqu’au tré­fonds 


un san­glot
ferait
déborder
la
mer

 

∗∗

I N T I M I T E    D E    L    E X T R E M E

souf­fles
har­monie du chaos
pos­er mon front plus haut ou plus bas que l’horizon
faire comme si le hasard existait
ou
n’ex­is­tait pas
désirer
la part équitable de la pluie 

VERROU  GEANT
A TIRER SUR L’ENVERS DU
MONDE 

à l’in­stant où je m’ef­frite dans le chas de l’aiguille
un arbre me traverse
dans l’aube
qui
s’ignore

si j’ose
je revendi­querai les stigmates
de l’extrême
la
syl­labe égarée
archivée pour la postérité

quelles cimes rehauss­er pour échap­per aux cendres
par quelle ride
remonter
jusqu’à la trace
de
mon
sillage

 quel silence soutenir
pour que le sac­ri­fice des uns
bénéficie
ou
pas
aux autres

VERROU GEANT A TIRER SUR L’ENVERS DU MONDE

 

parée de mon col­lier de bour­geons de chair
et
de braises
je m’a­ban­don­nerai jusqu’au flirt initial
à genoux
dans la fra­grance des citronniers
feuilles fleurs
fibulées en bracelets
à mes chevilles
à
mes
poignets

trousseaux de clous
bal­isant le périple

aiman­té
de nos pas recomposés

 me hiss­er jusqu’aux créneaux
d’écoute
jusqu’à la sig­na­ture sonore des étoiles
prisonnières
du
vide

MON EXISTENCE

au nom­bre des constellations
des citadelles des cathé­drales des exoplanètes
au nom­bre des cités des îles des demeures
aériennes
mon exis­tence signifiée
par ma toute pre­mière goutte de sang
en résonance
au tout pre­mier pas du tout pre­mier enfant 

gerbes d’oiseaux
échap­pés de nos  chevelures
des
tombeaux 

VERROU A TROUS FRONTIERES VITRAIL EN MIROIR

 

∗∗

L’ETERNEL ADIEU 

un matin nous nous retrou­vons bouche à bouche
dans l’as­phalte
le coeur noué d’algues et de mésanges
une main écarte nos paupières
nos bras d’éc­ume por­tent le poids du ciel
l’haleine de l’aube traverse
nos
visages
nous sommes nus
 lianes
vrilles de verre

apprivoisées
dans la fusion de nos veines
en fil­igrane dans la geste d’éveil
en
    métamorphose
des
moissons
d’
amour
trans­fu­sion d’encres
sous les grilles
d’où pleu­vent
les
soifs
     para­phes de nos
    blessures

           dans l’im­ma­nence du retour
         dans la vitesse inver­sée de chaque élément
        l’é­ter­nité à reculons
        aurai-je inté­gré mon temps
         celui d’après-demain
           avons-nous prévu une sec­onde de réserve pour l’éter­nel adieu 

tu précèdes tes
enfances

en grappes autour de ton double
en archipels dans l’empreinte
flu­ide
de cette nuit
à l’in­térieur de la nuit
ne te retourne pas sur les pointillés
d’amour

tu viens de naître par­mi les matins bien rangés
d’un sur­saut de la terre en charpie

d’une hémor­ragie d’alphabets
de hoquets primitifs
tu entames
la sym­phonie sans voix des étoiles muettes
dans notre ciel
souf­fle d’un silence cadenassé
en
mailles de chair
te voici riche
de répons­es sans  questions
en décalage de ton ombre
dans la val­lée d’aurore
l’é­tat d’urgence
vers
l’
escale
de tes yeux
en con­fine­ment sous la chape de cristal
où le pied musi­cal de la gitane
épelle
le cri des héros
où l’in­flo­res­cence du jour
est devancée par le reste du monde

Présentation de l’auteur

Claire Legat

Claire Legat est une poétesse belge.

© Crédits pho­tos https://www.areaw.be/legat-claire/

Bib­li­ogra­phie 

Bib­li­ogra­phie:  Recueils:

  • Prélude (à 16 ans), Malines, éd. du CELF, 1955.
  • Faim et soif, poèmes,  Brux­elles, Pha­lanstère de la Poésie, 1961, Prix inter­na­tion­al de poésie Auguste Marin, 1961. Com­men­taires de Paul Fécherolle et Géo Libbrecht.
  • Nous nous sommes trompés de monde, poèmes édités chez l’auteur, Pâturages, Poésie des lim­ites et lim­ites de la poésie, 1966. Avec notes cri­tiques signées Albert Aygues­parse, Robert Gof­fin, Chris­t­ian Hubin; gravure de Marc Laffineur. Le recueil est accom­pa­g­né d’un disque édité à Paris, à l’Académie du Disque de Poésie; poèmes dits par l’auteur et Robert Darame, sur des struc­tures musi­cales de Dar­ius Cit­tano­va. Prix PAF de la revue La Poêle à frire 1964. Final­iste du Prix de Poésie Nicole Hous­sa (1961) Final­iste du Prix Jeune Poésie de la revue Sign­or Si (1962)

Antholo­gies (textes repris dans)

    • Antholo­gie des jeunes poètes belges d’aujourd’hui, réal­isée par les Jeuness­es lit­téraires de Bel­gique, sous la direc­tion de Roland Bus­se­len, pré­face de Jean Cocteau. Cour­trai, éd. Jos.Vermaut, 1959.
    • France-Poésie, numéro spé­cial con­sacré aux écrivains belges de langue française, sous la direc­tion de André Roden­bach, Toul, 1959.
    • Antholo­gie: Le Sou­venir de Nicole Hous­sa, pré­face de Fer­nand Des­on­ay, Liège, édi­tions de l’Essai, 1962.
    • Jeune poésie européenne, pré­face et sélec­tion sous la respon­s­abil­ité de Michel Cosem„ Toulouse, 1963,.
    • Les poètes face à l’atome, intro­duc­tion de Fer­nand Des­on­ay, Tour­nai, Unimuse, 1965,
    • Mys­ti­cisme dans la jeune poésie française con­tem­po­raine, intro­duc­tion de Jean Onimus, Tour­nai, Unimuse, 1968.
    • Poét­esses d’expression française, (du Moyen-Age au XXe siè­cle), années 60.
    • Revue de la Bib­lio­thèque nationale de France, col­lab­o­ra­tion avec le bib­lio­thé­caire en chef  Jean-Paul Michel, vol­umes 11 à 18, 1984
    • Je est un autre, antholo­gie des plus beaux poèmes sur l’étranger en soi, par Bruno Doucey et Chris­t­ian Poslaniec. Seghers, Print­emps des poètes, 2008

Pub­li­ca­tions en revues

  • Nom­breux poèmes et textes cri­tiques parus, entre autres, dans Dire, Car­bone, Jour­nal des Poètes, Poésie vivante, Méri­di­en, Encres vives, Sign­or Si, Savoir et Beauté, Cahiers Jean Tou­sseul, Art et Poésie,Le Tau­reau, la Revue nationale, l’Expression française, les Feuil­lets du Span­tole, la Dryade, Cahiers arden­nais, Aura,..

Essais

  • Le Voyageur sur la terre, réc­it de Julien Green, l’Essai n°12, 1961.
  • Michel de Ghelderode (oeu­vre théâ­trale): Réal­ité sec­onde et dépos­ses­sion mythique, le Thyrse, 1962. 
     Ce titre fig­ure en référence dans le cadre de la thèse soutenue par Fran­co Tonel­li en 1966 (LSU­Louisiane State Uni­ver­si­ty) , UNE ETUDE DES THEORIES THEATRALES d’Artaud : INFLUENCES, PREDECESSEURS
  • Albert Aygues­parse (oeu­vre poé­tique): Car­refours et seuil sacré, Mar­ginales, 1962. 
    Dans son livre ALBERT AYGUESPARSE Poètes d’aujourd’hui n°162, paru chez Seghers, l’auteur Jacques BELMANS cite à plusieurs repris­es des extraits de cette publication.
  • Albert Aygues­parse ( oeu­vre romanesque): Refaire la grandeur de l’homme. Nou­velle étape, 1963.
  • Charles Plis­nier (oeu­vre poé­tique): Jusqu’où va la nuit, le Thyrse, 1964.

Créa­tion du mou­ve­ment Poésie des lim­ites et lim­ites de la poésie. (Direc­tion lit­téraire: Claire Légat) Direc­tion musi­cale: Claude Vinchent) Le groupe hain­uy­er imprime un dynamisme inédit:

  • par voie de pub­li­ca­tion et d’édition (1)
  • par voie par­tic­i­pa­tive et pluridisciplinaire

– man­i­fes­ta­tions poé­tiques: con­tacts, ren­con­tres, échanges, spec­ta­cles (2)
– créa­tion d’un pre­mier con­grès inter­na­tion­al de la jeune poésie au Palais des Con­grès à Brux­elles (3)

Autres lec­tures

image_pdfimage_print
Aller en haut