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Claire Legat, Promenoir des déracinés

Aura papillon

 

par delà les haies de cris

il y a

en pure perte

la voix du paysage

 en marge de nos gestes

se déjoue 

l’équation du temps 

 

m’apprendras-tu

 

la pyramide fraîche de l’aube 

et

ta présence

hors des phalanges secrètes

de l’eau

  

que je sois

fleur

encore

 pour que tu me

respires

∗∗

Autant que le grain

 

autant que le grain de sable
le caillou  le rocher
violentés
sans avoir eu l'octroi du temps

   j'ai charge 
de
commencements 

une enfance
affleure à nouveau les quais

presqu'île
en
partance 

réinvestie dans l'oeil initial

   je m'affranchis
 d’un recel 

    dans la filiation
des
silences

∗∗

entre la veille

entre la veille
et
le sommeil
dans l'intimité de l'itinérance
mes doigts auraient tressé
ce
berceau vivant
style malle de voyage
prête à appareiller sur mon vaisseau d'osier
j'aurais négocié ce que l'un et l'autre
pouvaient m'offrir
ou me laisser en gage
le cyclone
son oeil
la pluie sa perle
le scolyte ses galeries rayonnantes
le rouge-gorge son carnet de rendez-vous
le martin-pêcheur
l'exclusivité d'un bleu intemporel

    qui parle d'héritage
j'ai reçu j'ai rendu j'ai donné mes baies
aux passereaux
mes noisettes aux écureuils
ma chair et mon sang à mon enfant

en son temps
dans la mise au monde
j'ai revendiqué 

ma douleur de femme
mon bonheur

∗∗

et

cette
conque

 hier propice à l'élection du silence

 cette conque
paupière
d'île

palpite le désir

convergent les mythologies

 cette conque

se répondent les échos à naître

se font et se défont les noeuds de l'extase

 escale
permanence de l'impermanence

des
gestes
s'achèvent
d'autres
recommencent

 sans discontinuer

 la chorégraphie de la solennité

∗∗

éventail
angle vivant

    ondoiement du souffle 

   transe
  du
  corail 

    stridence de l'offrande
     virginale
      diaphanéité 

       m'atteler
      à l'avant-dernière     

    larme

∗∗

piège
stratagème

 cri
dérouté à l'infini

 en hachures
exfoliées

 en écheveaux d'énigmes
à
la
dérive
en réconciliations
existentielles

témoins
l'arbre
le rocher
scarifiés par solidarité

comme pour ceindre malgré elles
les constellations
rebelles

∗∗

la fontaine
proche ou lointaine
n'a rien à envier
au
cerisier

  monologue sans voix

   chacun
est
offrande
chacune a sa neige
et moi
au coeur de la déferlante
avant-dernier rempart de l'absurde
des termitières
des
cimetières
j'attends l'inventaire des êtres
le répertoire
des
roselières

     au pied du volcan

       statuaire en instance d'inspiration
   je transcode
  les scories du futur

 clé
      pour la mise en abyme

∗∗

la gifle  la griffe  l'étreinte

défieront-elles 

la patience à toute épreuve

du poème à naître

et sa chance rendue au coquillage

 de s'éveiller 

bourgeon  lèvre  étoile

émergence

de

 l'absolu

∗∗

la ride en fleur
sur
ton
visage

 onde
fragrance
restée
en
transparence

  avec ce qui est
ce qui existe
ce qui se crée
dans
l'irréalité émergée 

    la ride en fleur
   au coin de l'oeil
a-t-elle
séduit
le
bouvreuil

∗∗

mieux que nous
leurs ailes
réconcilient nos trajectoires 

ils ne feront de nid
dans la blessure
ni
à la fourche
où rosit entrouverte la boutonnière
de
l'abandon

ordre désordre
peu importe 

tant que je frémis sous l'écorce
que je me coule dans l'incision de l'éclair

 que je me décline de siècles
en
décennies
de secondes en miettes
d'
agonie 

au risque de devenir
insolvable

∗∗

hors pistes 

il m'incombe de rester
passerelle
crédible
vers
l'incréé

 il m'incombe de vibrer encore 

quand
la beauté me taraude
me
fracasse
jusqu'à la moelle

me 
trahit
pour la magie de la plus belle eau

essor de serpents

grelots

c'est ainsi que des coquelicots
ont poussé
dans mon coeur

∗∗

irisée par la caresse
sertie
dans mes vrilles
promise
à
l'univers révélé

je revisite la partition de l'infini

moi
et
moi

mon souffle accordé aux claviers du vent
mon double
anticipé dans le futur du passé
ma châsse de miroirs impactés par les printemps
d'exil
incandescents

 moi et moi
tous feux éteints
à la fracture de l'humain

à mains nues

mon escalade en solitaire

vers

les années-lumière

 

∗∗

glaciers blancs devenus bleus
au clair de
l'onde 

me reconnaîtrez-vous
quand j'orchestrerai la poussière
et
les
transes
jusqu'à la tendresse
infinitésimale

serez-vous au pied de la lettre
pour exacerber
ma nudité
et
styliser mes absences

demeurerons-nous
l'âme ratissée jusqu'à l'os

écueils  ressacs  récifs 

angle mort
s'il en est

témoins et acteurs
du
génie de la vie

∗∗

ferveur
ma richesse
hors d'atteinte
dans ma racine extrême

autour de moi
à travers
moi
des doigts de saules transitent
pour arborer l'au-delà

survivre
surmourir

 avec ou sans toi les sources
s'
émeuvent 

le ciel palpite sans preuve

or
le champ de blés
qui  rêve  d'oiseaux
contestera
bientôt
la
souffrance
du
pain

∗∗

I

il se peut que par pur hasard
on découvre
sous l'écorce rosée
d'un
bouleau complice
la nostalgie de mon premier
sourire
ma cicatrice d'humanité

n'en déplaise au vent
passeur
non identifié

n'en déplaise à la pluie
qui
redistribue jusqu'à nos larmes
qui
abolit
dans la clandestinité
les fermetures
à
glissière
de l'être et de la chose 

avec
cette élégance baroque
de ne jamais noyer
l'
espoir

∗∗

I

implacable 

le puits des puits 

 

chute libre

 

vers les abysses
 les corridors
en
anneaux

  les mosaïques
de
cristaux 

jusqu'au tréfonds 


un sanglot
ferait
déborder
la
mer

 

∗∗

I N T I M I T E    D E    L  '  E X T R E M E

souffles
harmonie du chaos
poser mon front plus haut ou plus bas que l'horizon
faire comme si le hasard existait
ou
n'existait pas
désirer
la part équitable de la pluie 

VERROU  GEANT
A TIRER SUR L'ENVERS DU
MONDE 

à l'instant où je m'effrite dans le chas de l'aiguille
un arbre me traverse
dans l'aube
qui
s'ignore

si j'ose
je revendiquerai les stigmates
de l'extrême
la
syllabe égarée
archivée pour la postérité

quelles cimes rehausser pour échapper aux cendres
par quelle ride
remonter
jusqu'à la trace
de
mon
sillage

 quel silence soutenir
pour que le sacrifice des uns
bénéficie
ou
pas
aux autres

VERROU GEANT A TIRER SUR L'ENVERS DU MONDE

 

parée de mon collier de bourgeons de chair
et
de braises
je m'abandonnerai jusqu'au flirt initial
à genoux
dans la fragrance des citronniers
feuilles fleurs
fibulées en bracelets
à mes chevilles
à
mes
poignets

trousseaux de clous
balisant le périple

aimanté
de nos pas recomposés

 me hisser jusqu'aux créneaux
d'écoute
jusqu'à la signature sonore des étoiles
prisonnières
du
vide

MON EXISTENCE

au nombre des constellations
des citadelles des cathédrales des exoplanètes
au nombre des cités des îles des demeures
aériennes
mon existence signifiée
par ma toute première goutte de sang
en résonance
au tout premier pas du tout premier enfant 

gerbes d'oiseaux
échappés de nos  chevelures
des
tombeaux 

VERROU A TROUS FRONTIERES VITRAIL EN MIROIR

 

∗∗

L'ETERNEL ADIEU 

un matin nous nous retrouvons bouche à bouche
dans l'asphalte
le coeur noué d'algues et de mésanges
une main écarte nos paupières
nos bras d'écume portent le poids du ciel
l'haleine de l'aube traverse
nos
visages
nous sommes nus
 lianes
vrilles de verre

apprivoisées
dans la fusion de nos veines
en filigrane dans la geste d'éveil
en
    métamorphose
des
moissons
d'
amour
transfusion d'encres
sous les grilles
d'où pleuvent
les
soifs
     paraphes de nos
    blessures

           dans l'immanence du retour
         dans la vitesse inversée de chaque élément
        l'éternité à reculons
        aurai-je intégré mon temps
         celui d'après-demain
           avons-nous prévu une seconde de réserve pour l'éternel adieu 

tu précèdes tes
enfances

en grappes autour de ton double
en archipels dans l'empreinte
fluide
de cette nuit
à l'intérieur de la nuit
ne te retourne pas sur les pointillés
d'amour

tu viens de naître parmi les matins bien rangés
d'un sursaut de la terre en charpie

d'une hémorragie d'alphabets
de hoquets primitifs
tu entames
la symphonie sans voix des étoiles muettes
dans notre ciel
souffle d'un silence cadenassé
en
mailles de chair
te voici riche
de réponses sans  questions
en décalage de ton ombre
dans la vallée d'aurore
l'état d'urgence
vers
l'
escale
de tes yeux
en confinement sous la chape de cristal
où le pied musical de la gitane
épelle
le cri des héros
où l'inflorescence du jour
est devancée par le reste du monde

Présentation de l’auteur

Claire Legat

Claire Legat est une poétesse belge.

© Crédits photos https://www.areaw.be/legat-claire/

Bibliographie 

Bibliographie:  Recueils:

  • Prélude (à 16 ans), Malines, éd. du CELF, 1955.
  • Faim et soif, poèmes,  Bruxelles, Phalanstère de la Poésie, 1961, Prix international de poésie Auguste Marin, 1961. Commentaires de Paul Fécherolle et Géo Libbrecht.
  • Nous nous sommes trompés de monde, poèmes édités chez l’auteur, Pâturages, Poésie des limites et limites de la poésie, 1966. Avec notes critiques signées Albert Ayguesparse, Robert Goffin, Christian Hubin; gravure de Marc Laffineur. Le recueil est accompagné d’un disque édité à Paris, à l’Académie du Disque de Poésie; poèmes dits par l’auteur et Robert Darame, sur des structures musicales de Darius Cittanova. Prix PAF de la revue La Poêle à frire 1964. Finaliste du Prix de Poésie Nicole Houssa (1961) Finaliste du Prix Jeune Poésie de la revue Signor Si (1962)

Anthologies (textes repris dans)

    • Anthologie des jeunes poètes belges d’aujourd’hui, réalisée par les Jeunesses littéraires de Belgique, sous la direction de Roland Busselen, préface de Jean Cocteau. Courtrai, éd. Jos.Vermaut, 1959.
    • France-Poésie, numéro spécial consacré aux écrivains belges de langue française, sous la direction de André Rodenbach, Toul, 1959.
    • Anthologie: Le Souvenir de Nicole Houssa, préface de Fernand Desonay, Liège, éditions de l’Essai, 1962.
    • Jeune poésie européenne, préface et sélection sous la responsabilité de Michel Cosem,, Toulouse, 1963,.
    • Les poètes face à l’atome, introduction de Fernand Desonay, Tournai, Unimuse, 1965,
    • Mysticisme dans la jeune poésie française contemporaine, introduction de Jean Onimus, Tournai, Unimuse, 1968.
    • Poétesses d’expression française, (du Moyen-Age au XXe siècle), années 60.
    • Revue de la Bibliothèque nationale de France, collaboration avec le bibliothécaire en chef  Jean-Paul Michel, volumes 11 à 18, 1984
    • Je est un autre, anthologie des plus beaux poèmes sur l’étranger en soi, par Bruno Doucey et Christian Poslaniec. Seghers, Printemps des poètes, 2008

Publications en revues

  • Nombreux poèmes et textes critiques parus, entre autres, dans Dire, Carbone, Journal des Poètes, Poésie vivante, Méridien, Encres vives, Signor Si, Savoir et Beauté, Cahiers Jean Tousseul, Art et Poésie,Le Taureau, la Revue nationale, l’Expression française, les Feuillets du Spantole, la Dryade, Cahiers ardennais, Aura,..

Essais

  • Le Voyageur sur la terre, récit de Julien Green, l’Essai n°12, 1961.
  • Michel de Ghelderode (oeuvre théâtrale): Réalité seconde et dépossession mythique, le Thyrse, 1962.
     Ce titre figure en référence dans le cadre de la thèse soutenue par Franco Tonelli en 1966 (LSULouisiane State University) , UNE ETUDE DES THEORIES THEATRALES d’Artaud : INFLUENCES, PREDECESSEURS
  • Albert Ayguesparse (oeuvre poétique): Carrefours et seuil sacré, Marginales, 1962.
    Dans son livre ALBERT AYGUESPARSE Poètes d’aujourd’hui n°162, paru chez Seghers, l’auteur Jacques BELMANS cite à plusieurs reprises des extraits de cette publication.
  • Albert Ayguesparse ( oeuvre romanesque): Refaire la grandeur de l’homme. Nouvelle étape, 1963.
  • Charles Plisnier (oeuvre poétique): Jusqu’où va la nuit, le Thyrse, 1964.

Création du mouvement Poésie des limites et limites de la poésie. (Direction littéraire: Claire Légat) Direction musicale: Claude Vinchent) Le groupe hainuyer imprime un dynamisme inédit:

  • par voie de publication et d’édition (1)
  • par voie participative et pluridisciplinaire

– manifestations poétiques: contacts, rencontres, échanges, spectacles (2)
– création d’un premier congrès international de la jeune poésie au Palais des Congrès à Bruxelles (3)

Autres lectures