Fabien Reignoux, Quatre poèmes

Par |2024-03-07T13:38:05+01:00 6 mars 2024|Catégories : Fabien Reignoux, Poèmes|

Plusieurs yeux plus con­tre le béton dont se désarme la main en corailleuses
déchi­rances rance le temps s’assiège
Pein­tures écaillées
Coups de gris
Mau­vais temps
Ce sont les alertes vain­cues du sur­me­nage, quelqu’un par­le et se lamenterait cent
fois si la fuite en bas n’ar­rachait sa peau et vaine
Bruits rouleurs
Lourds faux
Puits d’os
Regarde ces énormes car­rés rouil­lés aux­quels périt un con­stant instant consom-
mateur dont s’enfantent
Autres morts
Loin­tains ailleurs
SOS ténébreux
Le rail s’en­fuit passe la ville trou­ve dans son regard absorbé la couleur sent
tres­sail­lir devant le temps ses cils
États de misères
Absur­des sens
Fils époux
Mais bien­tôt parce que tout est dans un jour l’œil aura du lende­main la fade cendre
au cœur et fini­ra de bat­tre sous les neiges enfui belles d’inu­tile prison
Vents passeurs
Char­rons poreux
Rets d’hormis

*

 

C’é­tait près de ces nuits qu’ils marchaient
Le ciel éton­nam­ment clair
Des morceaux de feuilles se déchi­raient sous leurs pas
La veste bleue lui glis­sant aux coudes et la bretelle du sac
Glissait
Écoutant ils firent le dernier pas
Mais dans l’air froid leurs mains
Ne se rencontrèrent
Ils pen­saient Peut-on imag­in­er peut-être que nos mains se touchent
Mais dans l’air froid ils n’au­raient rien dit
Dans les mil­lions d’an­nées jamais ils ne se seraient dit une parole
Sous le ciel éton­nam­ment clair
Sous la pol­lu­tion lumineuse d’une grande cité trop proche
Eux trop près du monde

Un hurlement pou­vait tuer

Se rêvaient seuls
Leurs yeux clairs regar­daient leurs corps
Sans y paraître
Mais silen­cieux ils ne se toucheront pas
Ils ont passé trop de temps debout l’un près de l’autre
Ces perdus
Se rejoignent et ne seront pas
Tous deux
Ne seront pas

*

 

La table la chaise face à la fenêtre c’est où passe le jour.
Le jour éclaire tout,
Le jour, c’est la mémoire d’une nuit très longue froide mortelle
Les noms

S’il regarde par la fenêtre,
Le jour est un long moment et ver­tig­ineux de survenues,
Dont toutes les lumières les plus loin­taines voltigeront et
Lui passeront de leurs doigts l’an­ci­enne invis­i­ble braise
Que brûlèrent tant de lèvres

Sur les siennes il passe alors un char­bon froid et noir
Il frappe lour­de­ment le volet dans la croisée dont le verre se fend et
Lui a fait criss­er les dents
Noires de cette chair anci­enne du monde qu’est le charbon
Ce goût cette force en son corps
Vont touch­er aux chairs vives
Elles sont les brais­es nou­velles des jours
Aux volets clos
Aux mains ouvertes pen­dant le long de la chaise puis
Puis soudaine­ment ser­rées sur la table et
Il tient amoureux ce qu’il aime par-dessus tout sans tout en aimer
Comme on sent l’amour sans le connaître
Des nuits et des nuits tien­nent entre ces deux mains serrées
Qui n’en­fer­ment rien que de libre et
D’où revit

*

 

Ils l’ont pris
L’ont noué sur un arbre
Un vieux pin aux branch­es mai­gres, au tronc maigre
Avec un lierre épars
Ils ont tiré leurs flèch­es et l’ont per­cé dans son corps
Il mourait devant eux, triste

Puis, ils l’ont
Détaché
Lui était mort.

Longtemps après, sur le corps du pin
L’on pou­vait voir chaque hiver
Les longues coulées blanch­es de sève sèche
Pleurées de sous l’é­corce en quelques points que la flèche a touchés

C’é­tait aus­si comme la cire d’une bougie mourante
La glace plue aux corps abandonnés
Le regret d’un vieux complice
Les larmes hon­teuses au vent trop aride
Que pleurent les survivants
Quand ils revoient la mort

 

Présentation de l’auteur

Fabien Reignoux

J’aime la lit­téra­ture, décou­verte en ter­mi­nale dans mon coin. À 25 ans, je n’ai pas encore pu me plonger entière­ment dans l’écriture, et, si j’aime tra­vailler dans la vie réelle (auprès d’enfants, et d’adolescents surtout), j’espère avoir bien­tôt la chance, une année entière, de me con­sacr­er pleine­ment, jour après jour, à la lec­ture et à l’écriture. Les poésies con­tem­po­raines m’intéressent surtout, et j’essaie de les lire, même si je suis par­fois trop jeune pour comprendre.

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