Gili Haimovich : Lines / Des Vers et autres poèmes

Par |2019-07-07T06:54:07+02:00 6 juillet 2019|Catégories : Gili Haimovich, Poèmes|

Poèmes traduits de l’Hébreu à l’Anglais par l’auteure
et tra­duc­tion de l’Anglais au Français par Mar­i­lyne Bertoncini

 

 

Lines (or: Hebrew-Yid­dish-French Poet­ry Reading)

 

Even when you get to lis­ten to a harp
It’s from the grat­ed side.
This is how you learned to love
even the col­or green,
through the columns of  the Seine river’s bridges.

To be sim­ply starched like that,
arms arched as well,
like one line
in a ruled notebook.

 

 

Des Vers (ou une lec­ture en hébreu-yid­dish et français)

 

 

Même quand vous écoutez une harpe
C’est du côté où ça gratte.
C’est ain­si que tu appris l’amour
même la couleur verte,
entre les colonnes des ponts de la Seine.

 Etre tout sim­ple­ment rai­die comme ça,
les bras en arch­es aussi,
comme une seule ligne
dans un cahi­er réglé.

 

Lines (or: Hebrew-Yid­dish-French Poet­ry Read­ing) by Gili Haimovich 
from her book Land­ing Lights (Orot Nechi­ta), Iton 77 Pub­lish­ing House, 2017. 
Trans­lat­ed to Eng­lish by the author.

*

 

A Vein Root

 

No grass cra­dles you,
no green allures you,
an angry pump­ing vein
of a mut­ed tree.
Unable to tol­er­ate the underground,
attempt­ing to stand up, you push your­self above it,
between the pave­ment and the wire fence.
At least it’s not a peek-a-boo wood­en one,
made of your own species.
Gaz­ing at the free­dom of chil­dren in the park, 
you don’t fall for their sweetness
nor for the one birds’ tweets can offers.
You’re just there,
an evi­dence of neglect,
of how reach­ing out for more soil
will awak­en your senses
to no more than roughness.

 

 

La Racine d’une veine

 

Nulle herbe ne te berce,
nul vert ne te tente,
rageuse veine aspirante
d’un arbre muet.
Inca­pable de sup­port­er le monde souterrain,
ten­tant de te dress­er, tu te hiss­es par-dessus,
entre pavé et grillage.
Au moins,ce n’est pas l’un de ceux en bois ajouré
comme ceux de ton espèce.
Con­tem­plant la lib­erté des enfants dans le parc,
tu ne craques pas pour leur douceur,
ni pour celle qu’of­friraient les pépiements d’oiseaux.
Tu es sim­ple­ment là,
témoignage de négligence,
de ce que ten­ter de gag­n­er de la surface
n’éveillera tes sens
à rien d’autre que la violence.

 

*

 

Wrin­kled Page

 

Your body can’t con­ceal its biography.
Ten­der­ness flies back and forth.
You wished to be a blank page,
a fer­tile land for trees, pas­sages, a lap­top or wife.
Wish­ing to be loved is shameful.
So instead you pre­fect your hand writing
and man­ners.
How blank can a wrin­kled page be?
Your body can’t con­ceal its biography.
Nor con­tain it.

 

Page frois­sée

 

Ton corps ne peut pas cacher son histoire.
La ten­dresse va et vient.
Tu voulais être une page vierge,
une terre fer­tile pour des arbres, des pas­sages, un ordi ou une épouse.
Vouloir être aimé est une honte.
Alors pour la peine, tu dis­ci­plines ton écriture
et tes manières.
Jusqu’à quel point une page frois­sée est-elle vierge?
Ton corps ne peut pas cacher son histoire.
Ni la contenir.

 

*

 

Per­fect­ly Loving

 

We proved them
that we, the impaired, the not-really-desirable,
love per­fect­ly.
After every one bought into it,
we rev­eled ter­ri­ble fights, spat hatred,
for it to seem believable.
Then, we withdrew
from expos­ing our­selves to any­one who’s not us.
You went on to tick­le my temples
and I, to fid­dle your testicles.
There,
def­i­n­i­tions won’t find us.

 

 

Par­faite­ment aimant

 

Nous leur avons prouvé, 
que nous, les défi­cients, les pas-vraiment-désirables,
savons aimer parfaitement.
Quand tout le monde a approuvé,
nous nous sommes délec­tés de ter­ri­bles combats, 
crachant la haine,
pour que ce soit crédible.
Puis, nous avons cessé
de nous expos­er à d’autres que nous-mêmes.
Tu as con­tin­ué de caress­er mes tempes
et moi, de jouer avec tes testicules.
Là,
les déf­i­ni­tions ne peu­vent nous atteindre.

 

*

 

Before the Becoming

 

The peo­ple who knew us before our becoming
peel the dark­ness we carry
in the hol­low pock­ets of our parka.
They wit­ness our novelties,
qui­et­ly shaming.
Use­ful for noth­ing but heartwarming, 
no con­fes­sions can be made
to the peo­ple who knew us before our becoming,
the ones we still secret­ly carry.

As much as I’m peel­ing your lay­ers of clothes away,
I’m unable to take away our familiarity.
The peo­ple that know us much after becoming
let the heat of their body shade our bareness. 

 

 

Avant qu’on n’évolue

 

Les gens qui nous con­nurent avant qu’on n’évolue
pèlent l’om­bre que nous portons
dans les poches vides de nos parkas.
Ils assis­tent à nos expériences,
nous hum­i­lient sans y penser.
Par­faite­ment inutile mais réconfortant,
aucun aveu ne peut être fait
à ceux qui nous con­nurent avant qu’on n’évolue,
ceux que nous por­tons secrète­ment encore.

Pour autant que je pèle  les couch­es de tes habits,
je ne parviens pas à  vol­er notre intimité.
Les gens qui nous con­nais­sent bien après qu’on évolue
font avec la chaleur de leur corps l’om­bre de notre nudité.

 

Présentation de l’auteur

Gili Haimovich

Gili Haimovich est une poète et tra­duc­trice israéli­enne bilingue ayant vécu au Cana­da. Elle est l’au­teur de dix livres de poésie, qua­tre en anglais et six en hébreu ain­si que d’un livre mul­ti­lingue de son poème Note. Ses ouvrages les plus récents sont le vol­ume en anglais, Promised Lands (2020) et Lul­la­by (2021). Elle a rem­porté le con­cours inter­na­tion­al de poésie ital­i­enne I col­ori del­l’an­i­ma du meilleur poète étranger (2020), le con­cours inter­na­tion­al ital­ien Ossi di Sep­pia (2019) et une bourse d’ex­cel­lence du min­istère de la Cul­ture d’Is­raël (2015) entre autres prix et bours­es. . Ses poèmes sont traduits en 30 langues, dont des tra­duc­tions de livres en serbe et à venir en français, inti­t­ulé Soleil hési­tant et traduit par Mar­i­lyne Bertonci­ni, ain­si qu’en ben­gali. Ses poèmes et tra­duc­tions sont pub­liés dans le monde entier dans des antholo­gies, des fes­ti­vals et des revues telles que: World Lit­er­a­ture Today, Poet­ry Inter­na­tion­al, Inter­na­tion­al Poet­ry Review, The Lit­er­ary Review of Cana­da, 101Jewish Poems for the Third Mil­len­ni­um, Tok — Writ­ing the New Toron­to et New Voic­es — Écrivains con­tem­po­rains face à l’Holo­causte ain­si que des pub­li­ca­tions majeures en Israël telles que Les plus beaux poèmes en hébreu — Cent ans de poésie israéli­enne et Une reine nue — Une antholo­gie de la poésie de la protes­ta­tion sociale israélienne.

 

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