La poésie de Betül Tariman

Par |2020-09-06T20:36:13+02:00 1 septembre 2020|Catégories : Betül Tariman, Essais & Chroniques|

Le poète et dra­maturge turc Hasan Erkek, que nous avons eu le plaisir de pub­li­er sur Recours au Poème, est aus­si un grand voyageur, et un passeur. C’est à ce titre qu’il nous a récem­ment rap­prté de Cuba les poèmes de Gise­le Lucia et ceux de l’auteure que nous présen­tons ici, dans la série de nos pub­li­ca­tions sur la lit­téra­ture turque. Ce sont — traduits par  Dori­an Pas­tor — les poèmes d’une fig­ure engage de la lutte pour la démoc­ra­tie et les droits des femmes :  BETÜL TARIMAN.

Poètesse née en 1962,  dans le nord de la Turquie, actuelle­ment enseignante à l’u­ni­ver­sité d’Ankara, elle a pub­lié ses pre­miers poèmes en 1992. Créa­trice d’un prix à la mémoire du poète Rıfat Ilgaz (1911–1993), con­sid­éré comme l’un des plus grands représen­tants du réal­isme social en Turquie, elle est aus­si con­seil­lère artis­tique pour un pro­jet archi­tec­tur­al,  sous les aus­pices de la World Acad­e­my for Local Democ­ra­cy (WALD) et elle ani­me des ate­liers de poésie avec ses étu­di­ants à Kas­ta­monu,  mais je retiens surtout qu’elle est  l’ini­ti­atrice de Kadın­lar Ede­biy­at­la Buluşuy­or (« Ren­con­tre des femmes avec la Lit­téra­ture »), ate­lier dont le but est d’en­cour­ager les femmes à écrire des poèmes et des nouvelles.

Betül pub­lie aus­si un mag­a­zine, Toplu Fotoğraflar, que ses étu­di­ants con­tribuent à réalis­er. Un de ses doc­u­men­taires, An after­noon in Kas­tra Kom­nenus (« Un après-midi à Kas­tra Kom­nenos »), rem­porte de prix du six­ième Fes­ti­val des Doc­u­men­taires de Safran­bolu. La poétesse con­tribue aus­si à l’organisation d’un col­loque lit­téraire sur l’écrivain et nou­vel­liste turc Oğuz Atay (1934–1977) pio­nnier du roman mod­erne et post­mod­erne en Turquie, aujour­d’hui con­sid­éré comme un auteur culte et une fig­ure majeure de la lit­téra­ture turque. Enfin, elle est l’organisatrice d’une expo­si­tion avec qua­tre artistes femmes nom­mées Me, Woman (« Moi, femme »).

Du style et des thé­ma­tiques de Betül Tari­man, la poète Ayten Mut­lu écrit :

 Elle n’u­tilise jamais de jeux de mots. Un nar­ra­teur calme et sim­ple fait ressen­tir  les images (…) Les poèmes ont un rythme intérieur qui sem­ble spon­tané, non for­cé et imposé,. Les vers qui don­nent l’im­pres­sion d’être pronon­cés facile­ment au pre­mier regard  arrê­tent un instant le lecteur et l’in­vi­tent à chercher la struc­ture profonde.”

Tra­duc­tion : DORIAN PASTOR

YALNIZ ÇİÇEK

 

kapı aralığı­na oturdum
ayak­larım eşikte
kol­larım sarılı dizlerime
sense yal­nız çiçek
bir köşede öylece
boy­nunu bükmüş
san­ki küskün­sün kendine
ren­gin sararmış
yaprak­ların nemli
kuru­muş­sun mevsi­mi geçmiş gibi
oysa bir çocuk
elinde kalem
seni çizecekti
beyaz defterine

LA FLEUR SOLITAIRE

 

Je me suis assise à la porte
Les pieds sur le seuil
Mes bras étreignant mes genoux
C’est toi, la fleur solitaire
Qui dans un coin
Se tord le cou
Lais­sant penser que tu te fuis toi-même
Tu as le teint jaune
Les feuilles humides
Comme si tu avais fanée la sai­son dernière
Alors que l’enfant
Une plume à la main
Allait te dessiner
Sur son cahi­er vierge

 

 

 

Betül Tara­man, Kon tiki.

 

CAM KIRIKLARI VE MİMOZALAR

 

kır­mızı karan­fil­leri en çok annem seve­cek şimdi
en çok acıyan sularınız­da pus­lu bir ırmak bu yaz

I — gün

saat dur­du
kırıldı çin vazo
cam tuzla buz
tut­maya kork­tuğunuz ellerinizde
ölü bir kaplumbağa vardı

II — gün

neyi anlata­bilir­im ki size, han­gi şarkısını
hiçliğin, anla­mazdınız geniş pati­ka bir yolda
o ürk­müş kuş içinizde susardı

III. gün

uyurken par­mak uçlarınıza dokun­duğum doğru
gülüşünüzü o mor sularla……….
içimde aşk denizine koş­ma isteği
bilmez­di­niz yitirdiğim çocuk
                     eksilen yan­larınıza akardı

 

LES VITRES BRISÉES ET LES MIMOSAS

 

Les Œil­lets rouges sont ceux que ma mère aimera le plus, maintenant…
Une riv­ière vaporeuse dans l’été où se mêlent vos flots tourmentés

1erJour

Le temps s’est arrêté
Le vase de porce­laine s’est brisé
Frag­ile comme de la glace
Dans vos mains, qui avaient peur de s’en saisir,
Il y avait une tortue morte

2èmeJour

Qu’aurais-je pu vous expli­quer, quel chant
De votre absence vous n’auriez pu com­pren­dre, dans ce large sentier ?
Cet oiseau farouche, tout au fond de vous, avait soif

3èmeJour

En dor­mant j’ai touché l’extrémité de vos doigts
Et votre sourire, avec ces eaux violettes…
L’amour en moi voulait courir vers son océan
Vous n’auriez pu con­naitre l’enfant qui vit en moi ;
                           Sa peine aurait coulé sur vos flancs éteints.

 

Betül Tara­man, Sinir ötesi.

RÜYADA MEVSİMLER VE TİKLER

 

kara bıyık­larıy­la yüzü kara
yüzü sert­ti müdür
ara sıra kaşlarını kaldırır
hitler’e ben­z­er­di az önce gitti
iç organ­ları taşar­cası­na ağzından
söylenir­di sabahlar geceler

zaafları vardı iflah olmaz kadın severdi
rol icabı büyük masa­da oturur
çıkardı ceketinden
siyah ceketi kapı eşiğinde
müdürdü kurtulamazdı
                              müdürlüğünden

yürürdük şimo ben ve önder
kori­dor uzun­du ve için­de­ki ünlemler
ara­da bir nöbet tut­tuğum koridorda
öğret­men­ler ellerinde çantalar
koşar gibiy­dil­er ve koridorlar
ara­da boş saatinde öğretmen
elinde iki şiir bir kalem
soluk soluğa ve telaşlı
müdür öfke­sine hakim olamaz
hatır­lardı müdürlüğünü
dünyanın gürültü­leri yüzüne kapanırken

katı bir şey­di böyle sert
bazen çakırkeyif yal­palaya yalpalaya
boğazı­na kadar müfre­da­ta batmış
çünkü müfre­dat önemlidir
— başarıyı art­tır – kra­vat bağlanmalıdır
kızım saçlarını topppla
çünkü düşlere dalınmazdı
susun der­di müüü müdür
bizi har­i­tadan silm­eye niyetli
göbeği yağ bağla­maz otu­rur otururdu
                                       otu­rur kalkar

aldır­mazdık mevsimler
mevsim­lere eklenir­di ve tikler
çiz­er­di müdür anlamı bakışlarıyla
bir asker gibi rap rap rap
mahcup olmazdı yine de
kırıldığın­dan beri cesaret bakışın karasında
biraz­dan yüzü buruşacak
şimo diz çök ve yere yat
seni bek­liy­or üzer­ine kapandığın hayat

 

LES SAISONS DANS UN RÊVE ET LES TICS (RÜYADA MEVSİMLER VE TİKLER)

 

Vis­age noir, mous­tache noire
Il avait le vis­age dur, le directeur
De temps à autre il haus­sait les sourcils
Par­ti il y a peu, il aurait pu ressem­bler à Hitler
Ses organes jail­lis­saient par sa bouche
Il aurait mau­gréé nuit et jour
Il avait ses pen­chants, il aimait les femmes obstinées
S’asseyant autour de grandes tables, dans son rôle
Reti­rant sa veste
Sa veste noire, sur le seuil de la porte
Nul n’aurait su l’extirper, le directeur
De sa place

On a marché, moi, Ebru et Önder
Le cor­ri­dor était long, il suin­tait le désespoir
Ce couloir où je fai­sais le guet
Les pro­fesseurs, sac à la main,
Sem­blaient tous y courir
Lors de son temps libre, l’enseignant
Dans ses mains deux poèmes, un stylo
Hale­tait, trépidait
Le directeur dont rien n’éteignait la colère
Se sou­viendrait de sa place
Quand le vacarme du Monde sur lui se s’abattrait

Il avait quelque chose de rude, si dur
Par­fois éméché, titubant
Plongé jusqu’au cou dans les chartes
Parce que les chartes sont importantes
– elles accrois­sent la réus­site – il doit nouer sa cravate
Attache tes cheveux, ma fille
Parce qu’il n’écouterait pas vos rêves
Taisez-vous ! aurait-il dit, le directeur
Voulant ignor­er vos existences
Il s’assiérait et s’assiérait
                Se lèverait, s’assiérait

Le temps courait au fil des saisons
Accrois­sant, nerveux les tics à nos visages
Il nous aurait brisés de son regard d’acier, le directeur
Comme un sol­dat : clac clac clac !
Sans aucune gêne
Il anéan­tis­sait toute volonté
Peu après, son vis­age se froisserait
« Ebru, à genoux, couche toi au sol ! »
Elle t’attend la vie qui sur toi se referme

 

 

Présentation de l’auteur

Betül Tariman

Betül Tari­manest née en 1962 à Edirne, dans le comté de Keşan, en Turquie. Après avoir ter­minée son édu­ca­tion pri­maire et sec­ondaire dans plusieurs villes d’Anatolie, elle entre à l’université de Hecette­pe à Ankara où elle est finale­ment diplômée d’histoire. Elle tra­vaille aujourd’hui comme pro­fesseur d’histoire à Antalya.

Son pre­mier poème est pub­lié à Kivi en 1992. Depuis, elle a pub­lié des poèmes et des arti­cles dans de nom­breux mag­a­zines, dont les prin­ci­paux sont : Var­lık, Gös­teri, Kita­plık, Sözcük­ler, Şiir Odası, E Ede­biy­at, İns­ancıl, Damar, Düşlem, Ede­biy­at ve Eleştiri, Son Kişot, İns­an, Bahçe, Yasak­meyve, Yeni Biçem, Akatal­pa, Adam Sanat, Şiir Ülke­si, Eski, Şiiri Özlüy­o­rum, Amik, Mühür, Kavram Kar­maşa, Le poete tra­vaille, İmgelem, Öte­ki – Siz, Ada, Yom Sanat, Uc Nok­ta, Dize, Esmer, en enfin Cumarte­si. Elle sera récom­pen­sée du pres­tigieux prix Behçet Necatig­il en 2005.

L’auteure pub­lie égale­ment les recueils de poésies suiv­ant : Ay Solo­ları (1995),Üzgündü Kır­lar (1996), Kar­dan Harfler (2000), Güle Gece Yorum­lar (2002), Yol İns­anl­arı (2004), Kar Mer­di­veni (2007), Elma Der­sem Çık (2008), Ağır Tören (2009), Rüyaya Kaçan Kuşlar (2010), Elim Sende (2011), Gez­gin Kaplumbağanın Düş­leri (2011), Şiir­li Takvim­den Papaz Mek­te­bine Kas­ta­monu (2011), Melvin’e Giden Yol (Hadde) + Toplu Şiir­ler (2012)Rüz­garın Azabı(YKY, 2015), Elma Ağacı Kasabası Sakin­leri (Uçan At Yay. 2018), Rıza Bıyık (YKY, 2018 Öykü, Mak­satlı Makas­tar (YKY 2019).

Elle ani­mera un pre­mier ate­lier de poésie avec ses étu­di­ants à Kas­ta­monu, ain­si qu’un sec­ond qui sera appelé Kadın­lar Ede­biy­at­la Buluşuy­or(« Ren­con­tre des femmes avec la Lit­téra­ture ») et qui encour­age les femmes à écrire des poèmes et des nou­velles. Elle lancera égale­ment un prix à la mémoire de Rıfat Ilgaz et œuvr­era comme con­seil­lère artis­tique du Kas­ta­monu Mahalle Evi, établi sous les aus­pices de la World Acad­e­my for Local Democ­ra­cy (WALD).

Betül pub­lie aus­si un mag­a­zine, Toplu Fotoğraflar, que ses étu­di­ants con­tribuent à réalis­er. Un de ses doc­u­men­taires, An after­noon in Kas­tra Kom­nenus(« Un après-midi à Kas­tra Kom­nenos »), rem­porte de prix du six­ième Fes­ti­val des Doc­u­men­taires de Safran­bolu. La poétesse con­tribue aus­si à l’organisation d’un col­loque lit­téraire sur l’écrivain et nou­vel­liste turc Oğuz Atay. Et ouvre aus­si pour la l’écriture de nou­velles et la créa­tion de prix en sa mémoire. Enfin, elle est l’organisatrice d’une expo­si­tion avec qua­tre artistes femmes nom­mées Me, Woman(« Moi, femme »).

 

 

 

 

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