INTRODUCTION

 

      La  poésie n’a  jamais cessé d’être autant  une idéal­i­sa­tion du fait vécu qu’une idéal­i­sa­tion du fait lin­guis­tique.  C’est que la célébra­tion du lan­gage, en tant qu’entité vivante, l’emporte sur celle de l’expérience exis­ten­tielle dans le texte. À tout le moins, l’expérience indiquée ne peut y présen­ter un entrain idéal­isé que lorsque le lan­gage, souf­fle spir­ituel en l’artiste, expose, par le baromètre de la  styl­is­tique, des parures méta­physiques.  C’est le pro­pre du lyrisme qui envoûte le mot olympi­en du poète, qui en arrive, au bout d’un  mécan­isme alchim­ique, à pro­pos­er un monde imag­i­naire, con­trepar­tie haute­ment intel­lec­tu­al­isée de la réal­ité lucide.

    Le lyrisme, théorie issue des sonorités de rêve de la lyre- de son lit­téral­isme  “lyre-isme”, est la con­séquence du poids des émo­tions intense du poète sur l’axe par­a­dig­ma­tique, celui de l’univers des mots, celui sur le ter­reau duquel  tout locu­teur sélec­tionne des mots pour les com­bin­er en quelque syn­taxe.  En d’autres ter­mes, le car­ac­tère émo­tion­nel, onirique et non vraisem­blable du lan­gage poé­tique, au pro­fil presqu’ « hand­i­capé », est le pro­duit de la pesan­teur  de la vie psy­chique interne  du poète sur la langue et  sa struc­ture simple.

     Le fait est que la per­son­nal­ité interne du poète ne nous sem­ble pas être ex-nihi­lo, non plus en décon­nex­ion avec ses schèmes cul­turels.  Ses émo­tions internes, fussent d’ordre intel­lectuel,  seraient le tra­vail des impres­sions reçues par l’artiste dans le bain de son cadre socio­cul­turel au cours de sa crois­sance, mieux, de son devenir.  Il en hérite façons de penser, fan­tasmes, modes de per­cep­tion, cos­mogo­nies… Nous voulons  arriv­er à la con­clu­sion que le fait poétisé, ancrage des émo­tions du poète, est pour beau­coup dans le niveau du  style ou de la qual­ité d’un texte poé­tique.  Ici, tout se passerait comme si le fait poétisé lui-même se choisit un style et une rêver­ie chaleureuse.

      On a beau­coup glosé sur la richesse entre­prenante du style de la poésie de la négri­tude, sub­lime, du reste. Ce style, aux rus­es d’envoûtement, nous paraît imputable au fait médi­atisé par les poètes dudit mou­ve­ment, sinon, à la hau­teur intel­lo-spir­i­tu­al­iste de leur source d’inspiration. Tant et si bien que,  entre le style, voire, la lit­térar­ité d’un poème, et le fait qu’il présente, sem­ble exis­ter un pont indéboulonnable, au sens de l’adéquate pro­por­tion ou du juste équili­bre. Beau­coup d’observateurs, méprisant ou mécon­nais­sant l’esthétique négro-africaine, ont, hâtive­ment peut-être, assim­ilé SENGHOR, CÉSAIRE et DAMAS, à  des épigones de CLAUDEL, BAUDELAIRE ou SAINT-JOHN PERSE. Certes, nos orfèvres de l’écriture, lévites de la cul­ture africaine, ont, de façon non nég­lige­able, flirté avec la civil­i­sa­tion occi­den­tale. Mais, leur art n’aurait pas fait écho dans tous les pôles du monde s’il n’était pas oxygéné du souf­fle de l’africanité ou de la négrité nar­rée. L’Afrique, terre de mys­tère, terre d’initiation et d’émotivité, est, cer­taine­ment, un vivi­er poten­tiel de poésie dont ses fils, men­tale­ment et soci­ologique­ment conçus dans son moule, sont des acteurs. irré­ductibles.  En plus de cette dis­po­si­tion naturelle ou géné­tique, l’âme du con­ti­nent est trag­ique­ment mar­quée par des faits majeurs dont la grav­ité  les inscrirait dans l’imaginaire poé­tique. Par ce genre, donc, l’âme du con­ti­nent, comme par psy­ch­analyse, exposerait   lyrique­ment des expéri­ences his­toriques qui inter­pel­lent la con­science intime de la race humaine ;  la poésie s’imposant à l’expression toutes les fois que l’esprit de l’homme pleure, déplore ou s’apitoie sur son sort, non de façon oiseuse, mais, plutôt, pour s’auto-appliquer une cure de délivrance spir­ituelle. En un mot, l’humanisme énig­ma­tique du cœur nègre, du réel nègre, du vécu nègre, en a, sans doute,  intimé au mot occi­den­tal, aux struc­tures et syn­tax­es du savoir sco­laire dont il con­stituerait un arrière-plan chaleureux. Dans ce sens,  la spir­i­tu­al­ité du tam-tam, la mytholo­gie de la femme, la for­tune de la nature, pour­raient con­stituer des pistes à explor­er, aux fins d’apprécier, à sa juste valeur, l’écriture sur­réelle négritudienne. 

 

 

   I- La spiritualité du tam-tam.

 

    Déno­ta­tive­ment, on va dire du tam-tam qu’il est un instru­ment de musique à per­cus­sion, con­sti­tué d’un fût recou­vert d’une ou de plusieurs peau (x) ten­due (s), frap­pée (s) à l’aide des doigts ou de baguettes prévues à cet effet. La vibra­tion ain­si obtenue est ampli­fiée par le fût qui fait office de caisse de réson­nance, par­fois mod­i­fiée par un tim­bre en aci­er ou en boy­au naturel ou syn­thé­tique. En Afrique, le tam-tam remonte à plus de 6000 ans avant JESUS-CHRIST et  est sou­vent util­isé comme  moyen de com­mu­ni­ca­tion entre tribus plus ou moins éloignées. Il est inal­ién­able pen­dant les moments de réjouis­sance ou pen­dant les rites ini­ti­a­tiques. Le tam-tam, c’est l’âme de l’Afrique, du fait qu’il con­cen­tre, de façon sonore, ses pul­sions psy­chiques. Il y existe en autant de  types qu’il y a de tribus, autant de rythmes que de vil­lages, que d’états d’âmes. Tout compte fait, l’énigme qui est la sienne en fait un creuset de spir­i­tu­al­ité pour les peu­ples d’Afrique qui y voient même un agent d’éducation sociale.  Chez les Mossé de Pacéré Titin­ga, par exem­ple, c’est le tam-tam, sup­port d’action artis­tique et savante du gri­ot qui ouvre et clôt le rit­uel d’initiation à l’intégration sociale. C’est que, der­rière l’acoustique bien ryth­mé de l’instrument décrit, se cachent des enseigne­ments d’une telle hau­teur intel­lectuelle et spir­ituelle que ne peu­vent les capter que les ini­tiés qui, eux, sont l’épine dor­sale de la société. C’est toute  la quin­tes­sence théorique de la Ben­drolo­gie (du mossé ben’dré : tam-tam-cale­basse) de Pacéré Titin­ga. En un mot, le tam-tam, en Afrique tra­di­tion­nelle, ne se résume pas à l’acoustique ; il est toute la sagesse humaine, toute la vision du monde d’une com­mu­nauté, il est, glob­ale­ment, la voix de son art en tant que reflet vraisem­blable ou invraisem­blable du souf­fle quo­ti­di­en de l’Afrique. Selon Robert JOUANNY, « On mécon­naî­trait la réal­ité africaine, et du même coup, le sens de la poésie sen­g­hori­enne, si on lim­i­tait le rôle du tam-tam et de façon générale de tous les instru­ments de musique à une fonc­tion d’accompagnement »[1]. En réal­ité, le tam-tam et ses paires sont pour l’homme africain, à la fois le moyen de « se  retrou­ver dans le cos­mos » et de com­mu­ni­quer avec un dia­logue uni­versel, par-delà l’espace et le temps :

      «  Tam-tam au loin, rythme sans voix qui fait les nuits et les vil­lages au loin
           Par-delà les forêts et les collines par-delà le som­meil des marigots
          (…) Que du tam-tam sur­gisse le soleil du monde nou­veau »[2] .

 

       La négri­tude, donc, mou­ve­ment cul­turel pour la val­ori­sa­tion de la cul­ture noire, fut ryth­mée par le tam-tam si elle ne s’en pas servi comme plume de son écri­t­ure. Ces quelques titres et sous-titres des poèmes de Sen­g­hor peu­vent en attester : « Pour un tama, tam­bour au son allè­gre », « L’Homme et la bête, pour trois tabalas ou tam-tams de guerre », « tam-tam d’amour, vif », « La mort de la princesse, pour un tam-tam funèbre », « pour orgue et tam-tam au loin ». À juste titre, SENGHOR  s’est tou­jours plu à not­er le car­ac­tère sym­phonique de la poésie négri­tu­di­enne. En effet, les poètes de cette organ­i­sa­tion de con­nais­sance  la vivent, à la manière de leur pro­pre dual­ité, en asso­ciant une rhé­torique très élaborée et un con­tact immé­di­at avec les choses. C’est oppor­tuné­ment que David DIOP définit la poésie comme « La fusion har­monieuse du sen­si­ble et de l’intelligible, la fac­ulté de réalis­er par le son et par le sens, par l’image et par le rythme, l’union intime du poète avec le monde qui l’entoure »[3].  Ain­si, par la poé­tique du tam-tam, cer­taine­ment, la poésie négri­tu­di­enne parvient à avoir un écho reten­tis­sant, de sorte à fusion­ner avec toutes les sphères nègres de la terre (« Par-delà les forêts et les collines par-delà le som­meil des marig­ots »),  à l’effet de ren­dre cul­turelle­ment mélio­ra­tive la race noire à la face du monde : « Que du tam-tam sur­gisse le soleil du monde nouveau ».
          Ce  faisant, pour une poésie qui s’est assigné la voca­tion de faire enten­dre la voix de l’Afrique, le mys­tère du tam-tam, dans sa poé­tique, était incon­tourn­able. Car, chant pro­fond, réel ou méta­physique, le tam-tam scan­de les moments de la vie, l’initiation ou la fête des Morts, les exploits des héros, les mes­sages com­mu­nau­taires ou l’amour :

            « Et de la terre sourd le rythme du tam-tam, sève et sueur, (…)
               Les tam-tams se réveil­lent, Princesse, les tam-tams nous
               réveil­lent. Les tam-tams nous ouvrent l’aorte.
               Les tam-tams roulent, les tam-tams roulent au gré du cœur. Mais les 
               tam-tams galopent hô ! les tam-tams galopent » (Œuvre poé­tique, P.148)

 

Le tam-tam, donc, quadrille l’âme de l’Africain, il ponctue son psy­chisme, con­duit ses pen­sées, ali­mente son humeur et ani­me son cadre de vie. Il voit naître l’Africain, il sup­porte sa vie pleine d’humanisme émo­tion­nel, tout comme il est le rit­uel de sa mort. Cette prépondérance du tam-tam, fleu­ron cul­turel de l’Afrique, con­di­tionne la poé­tique de la poésie négri­tu­di­enne, remet au goût du jour la fonc­tion du poète négro-africain, en général, et  celui négri­tu­di­en, en par­ti­c­uli­er. En réal­ité, dans sa parole poé­tique, le poète n’invente pas l’Afrique ; il l’écoute, par le tam-tam, et il la dit, tout sim­ple­ment. Chant ini­ti­a­tique, c’est le tam-tam qui bat le rythme du texte (écrit ou oral) du poète et dit les choses essen­tielles. Ici, le poète, plutôt que d’être créa­teur de parole, est témoin ou médi­a­teur. D’ailleurs, la parole elle-même voit son rôle réduit, parce qu’elle n’est que médi­a­tion éphémère, bien moins apte à traduire le rythme et le pouls, la vie et la mémoire de l’Afrique que les instru­ments de musique : 

               « Oho ! Con­go oho ! Pour ryth­mer ton nom grand
                sur les eaux sur les fleuves sur toute mémoire
               Que  j’émeuve la voix des Kôras Koy­até ! L’encre
               du scribe est sans mémoire. » (Œuvre poé­tique, P.105)

          Le poète ne serait donc qu’un inter­cesseur com­pa­ra­ble aux masques dont il a l’air d’éternité. C’est pourquoi, SENGHOR est en droit, par la ver­tu sacrée du tam­bour, de saluer les masques qui le préser­vent des ten­ta­tions et souil­lures de la vie :

         « Vous gardez ce lieux for­c­los à tout rire de femme,
                 à  tout sourire qui se fane
             Vous dis­tillez cet air d’éternité où je respire l’air de mes pères
             Masques aux vis­ages sans masques » ( Œuvre poé­tique, P.25.)

    

      Ain­si, le tam-tam, en ayant per­mis au poète d’adhérer ini­ti­a­tique­ment au rythme du monde, lui per­met, non seule­ment, de dis­pos­er des arcanes du fonc­tion­nement intel­lectuel du réel, mais aus­si, d’intégrer le lan­gage de chez lui et de dis­pos­er du témoignage des principes fon­da­teurs de son peu­ple : « J’ai com­pris les signes de la tribu ».
      Sur la base de cet acquis,  on pour­rait infér­er que le rythme qui car­il­lonne inter­minable­ment dans le psy­chisme du lecteur au con­tact des textes des négri­tu­di­ens n’est que la con­trepar­tie men­tale de l’écho spir­ituel du tam-tam tra­di­tion­nel. Le rythme, en tant que réitéra­tion inin­ter­rompue d’une même inscrip­tion ou d’une même acous­tique dans la pro­duc­tion artis­tique de la négri­tude, crée une sorte d’animation psy­chique qui tire l’ensemble du texte de son silence léthargique. La poésie, chant des dieux  adressé à l’humain, ne saurait inter­peller ce dernier s’il n’est sonore, intel­lectuelle­ment ou spir­ituelle­ment s’entend. C’est pourquoi, d’après SENGHOR, « C’est dans le domaine du rythme que la con­tri­bu­tion nègre a été la plus impor­tante, la plus incon­testée… le Nègre est un être ryth­mique. »[4].  Léon DAMAS, par exem­ple, chante sa nudité  spir­ituelle après le dépouille­ment de l’exil, sur un rythme de tam-tam instinc­tive­ment retrouvé :

        « Ils sont venus ce soir où le tam
           tam 
               roulait
                    de rythme
                          en
                            rythme
             la frénésie des yeux
               la frénésie des mains la frénésie des pieds
               de statues
               Depuis
               Com­bi­en de MOI
               Com­bi­en de MOI, com­bi­en de MOI, MOI, MOI
               sont morts
               depuis ce soir où le
                tam
                tam
                roulait
                         de rythme
                                   en rythme
                la frénésie des yeux
                la frénésie des mains, la frénésie des pieds » (Pigments/Névralgie, P.13))

 

Les bat­te­ments du tam-tam sont ressen­tis ici à tra­vers ce chaos dishar­monique qu’affiche une sorte de gra­phie cassée ou brisée du texte sur la page,  expres­sion du dérè­gle­ment psy­chique du tam­bourineur, que témoigne si bien  une scan­sion symétrique et asymétrique des syl­labes, mots et expres­sions “tam”, rythme”,  “rythme en rythme”,  “frénésie”, “frénésie des yeux”, “frénésie des mains”, “frénésie des pieds”, “com­bi­en de MOI”, “MOI”.  D’abord,  la dis­sec­tion du mot “tam-tam” en ses deux syl­labes iden­tiques “tam” et “tam” suc­ces­sives sur deux vers con­sé­cu­tifs, a ten­dance à dévoil­er le statut ono­matopéique de la lex­ie soulignée, sem­blant imiter phonique­ment le bruit que pro­duit cet instru­ment de musique à per­cus­sion qui bour­donne dans la poésie nègre et lui fait enten­dre la voix des dieux de la civil­i­sa­tion noire.. Ensuite,  La sin­gulière gra­phie tam

                                     tam
                                        roulait
                                              de rythme
                                                     en
                                                       rythme

sem­ble déplor­er le désas­tre con­sub­stantiel à la pro­fa­na­tion du tam-tam, symbole

de la cul­ture noire, dès la foulée du sol africain par le colon, l’homme blanc, l’esclavagiste, référent du pronom per­son­nel sujet “Ils” dans “Ils sont venus ce soir” ; le con­tact de ces deux civil­i­sa­tions affichant un con­flit d’intérêts, d’identités et d’idéologies. Bien enten­du, la pro­fa­na­tion du tam-tam est liée à sa dégénéres­cence. Enfin, le pronom per­son­nel démon­stratif “MOI” dans « Com­bi­en de MOI » est le signe de l’auto-identification du poète à tout Africain vic­time des méfaits de la coloni­sa­tion et de l’esclavage. Ici, il y a qu’on note un calem­bour dans « Com­bi­en de MOI », offrant une con­fu­sion de sens avec “Com­bi­en de mois”. Ce calem­bour, de façon déci­sive, n’est pas for­tu­it ; il traduirait la sit­u­a­tion fatale de la pléthore d’Africains valides, morts ou déportés à la faveur des deux phénomènes  his­tori­co-trag­iques que sont la coloni­sa­tion et l’esclavage qui ont fait  accuser au con­ti­nent  un retard sur le temps : “Com­bi­en de MOI/MOIS sont morts depuis … ” ; le mois ( durée de 30 jours) étant, dans cette struc­ture, l’incarnation du temps. En défini­tive, la super­po­si­tion ou l’amoncèlement des préoc­cu­pa­tions liées à la dégra­da­tion gradu­elle de la cul­ture noire est habile­ment traduit par le poète par une espèce de forme-escalier que déva­lent les ver­sets ou mots-ver­sets de l’extrait, témoin des risques d’une chute pro­gres­sive de la cul­ture nègre que pleure le tam-tam, son expres­sion métaphorique.  Dans cet autre pas­sage de SENGHOR, on peut not­er la force du proces­sus ryth­mique, con­férant au poème  l’ambiance ou la chaleur  toute spé­ciale des choré­gra­phies africaines que rythme la verve du tam-tam :

             «  Les mains blanch­es qui tirèrent les coups de fusils qui croulèrent les
                                                                                                                   Empires
                  Les mains blanch­es qui fla­gel­lèrent les esclaves qui vous flagellèrent
                  Les mains blanch­es poudreuses qui vous giflèrent les mains peintes
                                                                                                                  Poudrées 

              Les mains sûres qui m’ont livré à la soli­tude et la haine… » ( Œuvre poé­tique, p.24)

 

Ici, les rimes internes qu’exhibe cha­cun des trois pre­miers vers inscrivent une sym­phonie gym­nique : tirèrent/croulèrent, flagellèrent/flagellèrent, poudreuses/poudrées.  L’homophonie pro­duite par  les mots légère­ment dif­férents mor­phologique­ment et séman­tique­ment- poudreuses/poudrées ; giflèrent/giflé…soumet l’esprit à quelque mou­ve­ment. Ce dernier pas­sage de SENGHOR nous mon­tre un rythme qui repro­duit les formes de la danse africaine issue de la répéti­tion des sons tam­bour­inés sem­blables en syl­labes alternées :

       « Ecou­tons son chant, écou­tons son chant, écou­tons bat­tre notre sang
                                                                                                                 Sombre
                                  écoutons
             Bat­tre le pouls pro­fond de l’Afrique dans la brume des vil­lages perdus
            Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale
            Voici que s’assoupissent les éclats de rire, que les con­teurs eux-mêmes
             Dode­li­nent de la tête comme l’enfant sur le dos de sa mère
             Voici que les pieds des danseurs s’alourdissent, que s’alourdit la langue
             des chœurs  alternés.» (Œuvre poé­tique, p.16)

Les sons transparais­sant dialec­tique­ment et de façon éparse, dans les mots suiv­ants peu­vent illus­tr­er l’idée émise : chant/sang, brume/lune, s’assoupissent/s’alourdissent, danseurs/conteurs, mer/mère…

        CÉSAIRE, lui, bat le sacré tam­bour africain avec les mots, baguettes ini­ti­a­tiques favorisant la pro­duc­tion d’un plaisir sonore par leur con­tact heurté au tam­bour africain, instru­ment aux acous­tiques très didac­tiques et affran­chissantes. En réal­ité, le tam­bour que l’initié CÉSAIRE[5] bat avec les mots fait enten­dre le son des mots et plonge le lecteur aver­ti dans la sphère des mys­tères où se cachent les secrets et le sésame d’un monde lassant :

             «  Le mot est père des saints
                 Le mot est mère des saints
                 avec le mot couresse on peut tra­vers­er un fleuve
                 peu­plé de caïmans
                 il m’arrive de dessin­er un mot sur le sol
                 avec un mot frais on peut tra­vers­er le désert d’une journée
                 il y a des bâtons-de-mage pour écouter les squales
                 il y a des mots shango
                 il m’arrive de nag­er de ruse sur le dos d’un mot dauphin. »

 

               «  Le mot oiseau-tonnerre
                    Le mot dragon-du-lac
                    Le mot strix … » (Sen­ti­ment et ressen­ti­ment des mots)

En effet, le mot poé­tique est un mot qui, se heur­tant à la struc­ture lin­guis­tique, heurte, syn­chronique­ment, l’esprit du lecteur/auditeur en y  lais­sant un écho se réper­cu­tant en une kyrielle de sig­ni­fi­ca­tions le ren­dant ain­si fer­tile et créa­teur. La final­ité de ce rit­uel for­ma­teur au dis­cipo­lat lex­i­cologique ini­tié par CÉSAIRE, c’est de con­jur­er les mon­stres de l’existence, à l’effet de con­fér­er au poète et au peu­ple l’oxygène dont les miasmes quo­ti­di­ens le privent :

              « aurore
                 ozone
                  Zone orogène »

      Par le tam-tam, donc, l’Afrique est le con­ti­nent des mots, des mots d’initiation.

 

 

II-La mythologie de la femme.

 

     La femme con­tribue essen­tielle­ment à  tapiss­er  l’imaginaire de la poésie négri­tu­di­enne où elle n’est plus que matière à mytholo­gie.  La voix de SENGHOR en est ouverte­ment la chan­cel­lerie com­mu­nica­tive : « Mon empire est celui d’amour. J’ai faib­lesse pour toi femme. »[6]  Ce pro­pos donne à se deman­der ce que revêt véri­ta­ble­ment  la femme dans la poésie négro-africaine iden­ti­fiée.  Ce faisant, les prédi­cats de la femme  que nous élisons pour ten­ter d’asseoir la mytholo­gie annon­cée sont :     Con­nais­sance du monde et ini­ti­a­tion à la lit­téra­ture,  objet esthé­tique et  sen­suel,  idol­âtrée vouée à une divinité.
      Soit ce poème ‘’Femme noire’’  qui nous servi­ra d’appui  à l’examen  de la qual­ité recon­nue à la femme en tant que con­nais­sance du monde et ini­ti­a­tion à la lit­téraire, et, peut-être, à  celui  de tout ce chapitre :

 

          Femme nue, femme noire
          Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
          J’ai gran­di à ton ombre. La douceur de tes mains bandait mes yeux.
          Et voilà  qu’au cœur de l’Été et du Midi, je te découvre,
          Terre promise du haut d’un haut col calciné
          Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle.

          Femme nue, femme obscure
          Fruit mûr à la chair ferme, som­bres extases du vin noir,
              bouche qui fais lyrique ma bouche
          Savanes aux hori­zons purs, savanes qui frémis aux caress­es fer­ventes du Vent d’Est
           Tam­tam sculp­té ten­du qui gron­des sous les doigts du vainqueur
             Ta voix grave de con­tral­to est le chant spir­ituel de l’Aimée.

             Femme nue, femme obscure
             Huile que ne ride nul souf­fle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des
             princes du Mali
             gazelle aux attach­es célestes, les per­les sont étoiles sur la nuit de ta peau
             délices des yeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire
             À l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

             Femme nue, femme noire
             Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
             Avant que le Des­tin jaloux ne te réduise en cen­dres pour nour­rir les racines de la vie.

De toute la pro­duc­tion négri­tu­di­enne, ce texte est, sans doute, celui  qui idéalise la femme noire, au sens où il la fait pass­er du domaine de l’humain à l’univers des mythes, avec le champ lex­i­cal qui lui est corol­laire : imag­i­naire, intrigue tran­scen­dant l’entendement humain, sacré, démi­urgie, espace hors du com­mun, passé immé­mo­r­i­al.  Prob­a­ble­ment, l’étude de ce chapitre nous don­nera l’occasion  d’illustrer ces con­sti­tu­ants lex­i­caux du mythe qui est cen­sé iden­ti­fi­er la femme africaine qui, de toute évi­dence, fait ombrage à l’inspiration des poètes négri­tu­di­ens, lyrique, du reste.

       Pour l’Africain,  la femme est con­nais­sance du monde et ini­ti­a­tion à la lit­téra­ture : “J’ai gran­di à ton ombre”.  Par ce pro­pos laconique et apparem­ment sans moti­va­tion, le poète réalise  comme une con­fes­sion qui tient sa valeur philosophique de  la grat­i­tude qui la lie.  C’est que le poète est  comme en train d’avouer que sa per­son­nal­ité (crois­sance cor­porelle, crois­sance intel­lectuelle et notoriété sociale) est le résul­tat du tra­vail  à lui exer­cé par sa mère dont il est le cachet de l’influx per­son­nel : “J’ai gran­di à ton ombre” En effet,  dans l’entretien de son reje­ton,  la femme-mère use de vir­tu­osité naturelle pour les soins et le plaisir de l’enfant : ” La douceur de tes mains bandait mes yeux”,  ” bouche qui fais lyrique ma bouche”., en plus de con­stituer  pour lui , par sa prox­im­ité prov­i­den­tielle, une assur­ance morale et psy­chologique :  ” À l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux”.  En tant que micro­cosme, la femme-mère est auprès de l’enfant la sys­té­ma­ti­sa­tion de l’univers ;  à tra­vers sa mère, l’enfant lit l’univers et apprend à le con­naître.  C’est  Gni­lane Bakhoum,  la mère de SENGHOR,  qui, dis­sim­u­lant avec peine son orig­ine peule et sa con­di­tion roturière,  for­ma son futur poète de fils.  Déten­trice de la tra­di­tion matril­inéaire sérère,  elle a pou­voir de juge­ment et rap­pelle à  son fils l’honneur de sa race : « Dis-moi donc l’orgueil de mes pères »

        Le maître ini­ti­a­teur du jeune Sen­g­hor fut Whaly Bakhoum,  son oncle mater­nel, donc, pro­jec­tion sym­bol­ique de Gni­lane.  Il com­mu­ni­qua à  l’enfant une édu­ca­tion, sous la forme d’instructions reçues de sa sœur, au nom d’une base socio-tra­di­tion­nelle sérère, avec, cer­taine­ment, quelque influ­ence de l’origine tra­di­tion­nelle peule.  Si bien que Toko Waly, c’est le surnom de l’oncle, ne fai­sait qu’amplifier les prémices de l’éducation com­mu­niquée par Gni­lane, la mère, à son enfant. En écoutant les enseigne­ments de l’oncle, c’est plutôt la voix de sa démi­urge de mère qu’il entendait : “Ta voix grave de con­tral­to est le chant spir­ituel de l’Aimée.”, tel  un dévot perce­vant, avec trans­port de l’être, les révéla­tions de son dieu.   Logique­ment, la balade du maître ini­ti­a­teur et de son néo­phyte se situ­ait dans le regard bien­veil­lant et con­sen­ti de la femme-mère qui, comme dotée d’aptitudes surhu­maines, ne flanche pas de vig­i­lance, ne som­meil­lant jamais, presque, pour ce qui est de la for­ma­tion intel­lectuelle de son fils.  En effet,  dans la com­pag­nie de Toko Whaly,  SENGHOR vécut une expéri­ence inou­bli­able, il vivait en toute lib­erté, de façon insou­ciante, dans un vrai Éden, par­courant la brousse, courant der­rière les antilopes, tra­ver­sant les marig­ots, nageant, sans peur, dans les fleuves infestés de caï­mans, écoutant les réc­its de berg­ers baignés de magie et qui met­taient en scène « des morts, des ani­maux, des arbres et des cail­loux » ( Lib­erté I),  dans un décor somptueux, rehaussé par la présence de rônier et de kaïcé­drats :  “Et voilà qu’au cœur de l’Été et du Midi, je te décou­vre Terre promise du haut d’un haut col cal­ciné” .  En gros, dans cet antre mater­nel, SENGHOR fut ini­tié aux réal­ités paysannes, aux secrets de la brousse, du monde des étoiles et des esprits.  Et c’est encore une femme, Marône, poétesse de son vil­lage, qui l’initie aux arcanes de la poésie chan­tée (“bouche qui fais lyrique ma bouche”), ce qui l’amène à écouter les gri­ots, ces trou­ba­dours qui trans­met­tent les tra­di­tions ances­trales, remon­tant le plus sou­vent aux orig­ines mythiques du monde : “Gazelle aux attach­es célestes, tes per­les sont étoile sur la nuit de ta peau”.  Bien évidem­ment, le pro­fil de la femme  à être un angle prop­ice d’acquisition de con­nais­sances n’échappe pas à la verve du poète : “Délices des yeux de l’esprit”.   Tout cela fait que l’antre de la femme noire s’incarne dans l’imaginaire du poète comme une terre de pèleri­nage ou d’un point d’asile pour for­ti­fi­ca­tion du corps, de l’âme et de l’esprit : “J’ai gran­di à ton ombre”.  

        La femme est, en out­re, objet esthé­tique et sen­suel.   Quand elle n’est pas mère, elle est amante ou sim­ple con­voitise char­nelle, stim­u­lant le désir.  En la matière, cet autre poème négri­tu­di­en, de David DIOP, cette fois, nous sem­ble référen­tiel quand il s’agit de mag­ni­fi­er les con­tours cor­porels éro­tiques de la femme africaine, RAMA KAM.

 

                        RAMA KAM

                                                    Chant pour une négresse

        Me plait ton regard de fauve
        Et ta bouche à la saveur de mangue
                       Rama Kam
        Ton corps est le piment noir
        Qui fait chanter le désir
                        Rama Kam
         Quand tu passes
         La plus belle est jalouse
         Du rythme chaleureux de ta hanche
                         Rama Kam
         Quand tu danses
         Le tam-tam  Rama Kam
         Le tam-tam ten­du comme un sexe de victoire
         Halète sous les doigts bondis­sants du griot
         Et quand tu aimes
         Quand tu aimes Rama Kam
         C’est la tor­nade qui tremble
         Dans ta chair de nuit d’éclairs
         Et me laisse plein du souf­fre de toi
                           O Rama Kam !

 

Les deux textes de SENGHOR et de DIOP, sont, à la sim­ple lec­ture, assez élo­quents quant à ce pan de l’argumentation. Toute­fois, en se gar­dant de se répan­dre dans les arcanes du jar­gon styl­is­tique, éveilleur de sen­sa­tion intel­lectuelle, le champ lex­i­cal suiv­ant, con­sti­tué de mots et expres­sions, flo­rilège des deux poèmes, peut con­forter l’esprit : “chair de nuit d’éclairs”, “som­bres extases du vin noir”,  “les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire”,  “piment noir qui fait chanter le désir”,  “rythme chaleureux de ta hanche”,  “sexe de vic­toire”, “ton regard de fauve”, “femme nue”, “ta forme qui est beauté”,  “me foudroie en plein cœur”, “ta bouche à la saveur de mangue”. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce tableau offre le parox­ysme de la séduc­tion de la femme, sur­réelle, au demeu­rant, comme on en voit dans les mytholo­gies du monde.  Et la poésie, en tant que texte spé­ci­fique qui sol­licite les sens, est, tout sim­ple­ment, par appar­ente­ment lex­i­cologique, peut-être, mais, surtout, par réal­isme dis­ci­plinaire, sen­suel.  Si le poète est sub­jugué par cette beauté sur­réelle au point d’en être obsédé, il  n’en fait pas un philtre d’ébriété pour se détourn­er de sa pas­sion sac­er­do­tale, la défense de la terre natale. Au con­traire, la viril­ité que la femme noire lui arrache est un pré­texte allé­gorique pour  exprimer son attache­ment à la terre-mère ou au pat­ri­moine ances­trale. La preuve en est qu’à l’heure de la voca­tion, quand le dilemme sem­ble poindre, il n’hésite pas à sac­ri­fi­er cet amour forcené. C’est dans la voix de Cha­ca que l’on retrou­ve cette vérité : 

                  « Je ne l’aurais pas tué si moins aimée.
                     Il fal­lait échap­per au doute
                     À l’ivresse du lait de sa bouche, au tam-tam lanci­nant de la nuit de mon sang
                     À mes entrailles de laves fer­ventes, aux mines d’uranium de mon cœur dans les
                                                                                                         abîmes de ma Négritude
                     À mon amour à Nolivé
                     Pour l’amour de mon peu­ple noir. » (Œuvre poé­tique, pp125-126)

Ain­si, à la voix blanche qui lui inflige d’avoir trahi la con­science morale, Cha­ca, vis­age et voix  sym­bol­iques du poète de la Négri­tude, lui oppose la sci­ence et l’efficacité.  Et c’est au nom de ce même sac­er­doce d’attachement à la terre natale que, par le sub­terfuge de la mag­nif­i­cence de la femme noire, le poète exalte la nature locale : «Fruit mûr à la chair ferme”,    “Savanes aux hori­zons purs, savanes qui frémis aux caress­es fer­ventes du Vent d’Est”,  “seins de riz­ière mûre”…

        D’autre part,  le chant adressé à la femme, au nom de ses qual­ités idéal­isées, sem­ble se con­ver­tir en un rite cultuel, comme à une divinité. On y perçoit l’intervention du tam-tam ances­tral, dans le texte de DIOP, avec ses trois bat­te­ments syl­labiques dans le nom RA-MA–  KAM. 

        « Quand tu danses
         Le tam-tam  Rama Kam
         Le tam-tam ten­du comme un sexe de victoire
         Halète sous les doigts bondis­sants du griot »

Donc, les bat­te­ments tri­syl­labiques, con­sub­stantiels à la réitéra­tion inin­ter­rompue de l’acoustique Rama Kam, est le signe que la dul­cinée célébrée pos­sède le texte, et, par ric­o­chet, l’âme du poète, totale­ment livrée à son dieu,  recon­nu par l’un de ses attrib­uts qui n’est autre que le pou­voir sur le temps atmosphérique :

                              « C’est la tor­nade qui tremble
                              Dans ta chair de nuit d’éclairs » ;

Chez SENGHOR,  on appren­dra que la femme aimée est, elle-même, le tam­tam, divinité ances­trale incorruptible :

            « Tam­tam sculp­té ten­du qui gron­des sous les doigts du vainqueur
                             …

             Femme nue, femme noire
             Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
             Avant que le Des­tin jaloux ne te réduise en cen­dres pour nour­rir les racines de la vie »

        Si tant est que la sen­su­al­ité est, pour l’Africain, une façon d’être et de par­ticiper au monde, cette sen­su­al­ité à pour limon, la femme, point focal de la com­mu­nion avec les divinités ancestrales.

 

 

     III- La fortune de la nature.

          

        Si  la femme noire est belle, déesse et sym­bole d’attachement à la terre natale, c’est que la nature qui l’abrite l’est riche­ment : « Ma Négresse blonde d’huile de palme. »

L’élément de la nature emprun­té pour imager la femme noire n’est pas d’occident, mais, plutôt, locale : l huile de palme, dotée de ver­tu tant cos­mé­tique que comestible. Dans cer­taines tra­di­tions négro-africaines, l’huile de palme mêlée à du beurre de kar­ité, sert à  exercer un mas­sage aux seins des nour­rices ou de femmes sor­tant à  peine de l’allaitement, aux fins de les toni­fi­er  et les ren­dre agréables à l’aspect. En tant qu’entité comestible, l huile de palme, sub­stance offerte par la nature d’Afrique,  est un ali­ment prisé dans cette aire cul­turelle.  L’huile de palme, couleur-sang, le sang, sub­stance vitale, est le véhicule de l’âme.  Cette nour­ri­t­ure naturelle, arti­sanale, non indus­trielle, élève l’âme de l’Africain et lui fait ini­ti­er une extra­ver­sion envers le pôle civil­i­sa­tion­nel con­traire : “Négresse blonde”, com­plé­men­tar­ité néces­saire pour une fra­ter­nité universelle.

           À tout le moins,  l’environnement naturel joue un rôle prépondérant dans l’imaginaire des poètes négri­tu­di­ens. Selon Robert JOUANNY, SENGHOR, par exem­ple, bien que son œuvre lui ait été inspirée par un seul can­ton- quelques kilo­mètres entre Dyilôr et la mer‑, il parvient, par un jeu d’allusions, de réminis­cences, de métaphores, à don­ner l’impression d’un monde aus­si riche­ment dess­iné ou peint que le matéri­au en  est mod­este.  Pour sa part, Gusine OSMAN donne  une idée de cette para­doxale con­tra­dic­tion entre l’apparente richesse et la pau­vreté sym­bol­ique de la  flo­re et de la faune[7]. Selon  lui, au niveau de la flo­re,  59 espèces ou dénom­i­na­tions génériques met­tent en place un décor exubérant, trop­i­cal ou européen, alors qu’en fait, cha­cun de ces ter­mes ne fait que de rares ou uniques appari­tions ; les cinq ter­mes les plus fréquents sont : fleurs (62 occur­rences), forêt (28), brousse (25), palmi­er (23). Au niveau de la faune,  101 espèces ou dénom­i­na­tions génériques sug­gèrent un grouille­ment ani­mal mais, ici, encore, la diver­sité est fugi­tive et la place de choix réservée est à des ter­mes dotés d’une valeur sym­bol­ique : lion (35 occur­rences), ser­pent (21), oiseau ( 20), trou­peau ( 13), cheval ( 12).  Bref, avec une évo­ca­tion bien sobre de l’environnement naturel,  le poète négri­tu­di­en parvient à créer une espèce de con­ges­tion artis­tique d’un monde riche en ingré­di­ent naturels, au point d’inspirer le rêve. Le com­men­taire qu’on peut en faire pour­rait relever d’une assur­ance sim­ple­ment dis­ci­plinaire ;   la poésie, en tant qu’art de créa­tion, parvient,  par  l’intuition d’une économie de nom­i­na­tion, à  inspir­er une euphorie abon­dante et forcenée.  Ici, la vir­tu­osité  de l’orfèvre des mots est telle que,  à l’aide d’un matéri­au lex­i­cal assez fru­gal et réduit, il « met en place » un monde imag­i­naire, virtuel, qui séduit l’esprit et l’attire à une ascen­dance  ver­ti­cale. C’est plus ou moins le pro­fil religieux du poète  qu’il tente de com­mu­ni­quer à son pub­lic.  Cette apti­tude con­sis­tant à créer de l’excessivement grand à par­tir de l’excessivement petit inscrit la dialec­tique du matériel et de l’esprit : La pau­vreté sous le rap­port de l’un n’implique pas tout de suite la pau­vreté sous le rap­port de l’autre.  Par la même occa­sion,  la pau­vreté de l’esprit entraîne, indu­bitable­ment, la pau­vreté du matériel même si ce dernier peut don­ner sou­vent l’impression d’être visuelle­ment abon­dant. Or, l’esprit, quand il est riche, crée du matériel, le faisant appa­raître du néant.  Les poètes négri­tu­di­ens, donc, à l’image de SENGHOR,  créent, pour l’Afrique, un décor naturel d’exubérance invraisem­blable à par­tir d’un échan­til­lon­nage, donc, d’outils de quan­tité mod­este. Tous les mots du dic­tio­n­naire ne pou­vant s’avérer suff­isants  pour exprimer  ce que sug­gère à l’âme l’énigme de la flo­re et de la faune d’Afrique.  À par­tir de cette dis­po­si­tion, les Négri­tu­di­ens voudraient enseign­er aux africains la leçon de se bat­tre avec hargne pour réalis­er une grande Afrique à par­tir du peu qu’elle leur pro­pose. Le con­stat est iden­tique quand il s’agit de la gamme de couleurs du paysage africain.  On l’imaginerait infinie. Mais, à l’expression, elle est lim­itée dans la poésie de nos auteurs.  Atin KOUASSI[8], pour les chants d’ombre, donne des résul­tats sig­ni­fi­cat­ifs : Pour 10 ter­mes de couleurs spé­ci­fiques, représen­tant 80 occur­rences, on relève 29 occur­rences de noir, 21 de blanc, et 10 de rouge. Pour 14 ter­mes de « matières col­orées », sur 74 occur­rences, on relève 28 occur­rences du ton « sang », 17 du ton « blanc » (neige, lait) et 13 du ton « or ». Pour les ter­mes évo­quant plus ou moins une couleur, on note une oppo­si­tion fon­da­men­tale entre lumière (soleil, étoile, feu : 99 occur­rences sur  199) et ombre ( nuit, ombre, cré­pus­cule : 64 occur­rences), alors que les ter­mes indi­quant unique­ment une couleur se lim­i­tent à 12 occur­rences.   En gros,  sous l’appréciation des couleurs du paysage, on peut dire que la nature d’Afrique est com­plaisam­ment exo­tique, riche de la diver­sité des faveurs et atouts qui la  com­posent, encore qu’ici, SENGHOR respecte la struc­ture séman­tique négro-africaine rel­a­tive aux ter­mes des couleurs. 

          Autre aspect fon­da­men­tal de la nature en Afrique, la nuit.  La nuit, en Afrique noire, c’est l’heure du retour des champs.  C’est l’heure où les femmes font des foy­ers de feu  pour apprêter le repas. C’est l’heure des repas col­lec­tifs, occa­sion prop­ice pour partager et échang­er de la fra­ter­nité pen­dant que les cris des enfants, acar­iâtres ou guillerets, meublent l’atmosphère.  C’est le temps des vis­ites et des con­cil­i­ab­ules où on se récon­forte, se racon­te la journée et for­mule des pro­jets.  C’est en ce moment-là que les jeunes filles plan­tureuses, après avoir dûment rem­pli les tâch­es domes­tiques, se retrou­vent pour chanter au rythme de la béné­dic­tion lunaire.  C’est l’occasion des ren­con­tres roman­tiques et d’exécution intense de la libido. C’est aus­si un moment d’instructions , de célébra­tion de la con­nais­sance qu’assure habile­ment la nar­ra­tion des con­tes, mythes, légen­des et énigmes, donc, instant suprême de cap­ta­tion du souf­fle de la muse par les créa­teurs-artistes de tous modes.  En un mot, la nuit,  en Afrique noire, est un moment de prédilec­tion, moment qui fait renaître l’âme nègre.  La nuit, espace tem­porel des mys­tères, moment de fécon­da­tion poé­tique où les génies tutélaires ren­dent vis­ite aux humains, foi­sonne diverse­ment dans les écrits des poètes négri­tu­di­ens, som­maire­ment, dans le sens lyrique évoqué :

                                «   tim­o­nier de la nuit peu­plée de soleils et d’arcs-en-ciel
                                     Tim­o­nier de la mer et de la mort
                                     Lib­erté ô ma grande bringue les jambes pois­seuses du sang neuf » 
                                                                                                                                  (CÉSAIRE)

                                      « avant la nuit, une pen­sée de toi pour moi, avant que je ne tombe
                                         Dans le filet blanc de mes angoiss­es, et la prom­e­nade aux
                                          fron­tières » (SENGHOR)

                                       «  à l’orée du Bois
                                           sous lequel nous surprit
                                           la nuit d’avant ma fugue afro-amérindienne
                                           je t’avouerai  sans fards
                                           tout ce dont en silence
                                           tu m’incrimines » (DAMAS)

                                           «  Con­tre notre amour qui ne voulait rien d’autre
                                               que d’être beau comme un crois­sant de lune au beau mitan du
                                               ciel à minu­it » (DAMAS)                                                  

    Ain­si,  la nuit devient l’angle de toutes sortes de poéti­sa­tions, les unes aus­si  tonifi­antes que les autres, au gré des aspi­ra­tions et inspi­ra­tions divers­es des poètes.  Le tout est d’arriver à tiss­er solide­ment l’âme noire, à l’effet de drain­er mélio­ra­tive­ment vers  elle l’attention des autres nations aux­quelles elle don­nerait la vision du monde africaine des choses. La nuit, couleur de la peau du  Nègre, est, dans la poésie négri­tu­di­enne, une heure d’intimité réelle, se trans­mute en lumière intel­lectuelle et spirituelle :

                   « Nuit d’Afrique ma nuit noire, mys­tique et claire
                         Noire et brillante
                    Tu repos­es accordée à la terre, tu es la Terre et les collines harmonieuses. »
                                                                                                 (Œuvre poé­tique, P.39)

La nuit,  moment essen­tiel où on entend  s’édicter les révéla­tions insti­tu­tion­nelles de l’existence par les divinités («ma nuit noire, mys­tique et claire, noire et bril­lante”), est idol­âtrée par l’Africain. En effet, la nuit est l’instant où on écoute les pouls de la poésie en tant que vérité pri­mor­diale. À ce niveau, se pré­sume, de façon inal­ién­able, la con­nex­ion entre mythe et poésie. Selon Bernard HOLAS, « Le mythe est l’une des expres­sions les plus authen­tiques, les plus puis­santes du génie créa­teur humain qui baigne dans une atmo­sphère pri­mor­diale : il est lui-même la poésie à l’état brut, donc la plus pure que l’on puisse imag­in­er. »[9]   Fanoudh Siéfer de couper cours : « Mythe et poésie ont des con­nex­ions très étroites et quelque­fois se con­fondent. »[10] Dans ce sens,  la poésie  s’appréhende comme le lan­gage ini­ti­a­tique de la créa­tion,  l’heure où  l’univers sor­tait du néant et que ses com­posantes se met­taient en place. Par ric­o­chet,  la poésie passe pour l’expression sin­gulière de la nature brute par elle-même,  se parant d’attributs humains, au sens de l’anthropomorphisation. La logique révélée établit une fusion entre poésie et nature.  Au nom du sème de l’authenticité, la nature présente l’effluve spir­ituel et sci­en­tifique du vis­age pre­mier de la Créa­tion, avec ses vérités orig­inelles et son ingé­nu­ité séduc­trice, non encore agies par les arti­fices cor­rom­pus de l’humain, et inspi­rant un souf­fle divin à l’esprit.  Oppor­tuné­ment, la poésie prend sou­vent l’allure de la mise en bran­le du souf­fle divin en l’Homme, aux fins de rechercher ces vérités orig­inelles pou­vant oxygén­er l’Existant. Et  l’Afrique, en tant que berceau de l’Humanité, mieux, en tant qu’abri des pre­mières vies et des pre­miers savoirs humains, est le sym­bole de l’authenticité ou de la nature brute, déflorée par d’autres civil­i­sa­tions dites mod­ernes qui s’y sont abreuvées et qu’elle a d’ailleurs générées.  À ce pan de l’analyse, nous embou­chons la  même trompette que Che­ick Anta DIOP pour qui, si on con­vient que l’Afrique est le berceau de l’Humanité, toutes les tech­niques, con­nais­sances et trou­vailles, qui se sont dévelop­pées depuis lors, sont d’origine africaine.  Il y a, donc, chez l’Africain ce culte de la nature envi­ron­nante à laque­lle il s’assimile, se con­fond et se fond même,  s’il  ne se déporte pas en elle :

               « Je m’imagine que tu es là.
                  Il  y a le soleil
                  Et cet oiseau per­du au chant si étrange.
                  On dirait une après-midi d’été,
                  Claire. Je me sens devenir sotte, très sotte.
                  J’ai  grand désir d’être couchée dans les foins,
                  Avec des tach­es de soleil sur ma peau nue,
                  Des ailes de papil­lons en larges pétales
                  Et toutes sortes de petites bêtes de la terre
                  Autour de moi. » (Œuvre poé­tique, p.224)

Dans cet extrait,  la con­fu­sion entre l’être et la nature, la fusion de la nature à l’être,  paraît expres­sive : “tu es là”, “il y a le soleil”, “après-midi d’été” “je me sens devenir sotte”, ” couchée dans les foins”, “avec des tach­es de soleil sur ma peau nue”, “Des ailes de papil­lons en larges pétales”, “toutes sortes de petites bêtes autour de moi”.  Ici, l’expression, sobre, un peu phras­tique, certes, mais est comme inter­change­able à une ten­dance au ramas­sis empirique de toutes les com­posantes de la nature que le poète voudrait faire par­ler à sa place, au nom d’une iden­tité com­mune et fusion­nelle ;  les impres­sions, sen­ti­ments et émo­tions intens­es n’étant pas aisé­ment médi­ati­s­ables quand il s’agit de don­ner libre cours au bon­heur ini­ti­a­tique des sens.   Dès cet instant, le poète, celui négro-africain et négri­tu­di­en, notam­ment, devient un micro­cosme de la nature, au nom de l’interférence sym­bol­ique entre le  l’être, le phénomène et les choses. 

            D’autre part,  le statut par­ti­c­uli­er que revêt la nature d’Afrique pour ses poètes, donne l’occasion  d’explorer une réflex­ion quant au poly­théisme recon­nu à plusieurs peu­ples négro-africains. Nous voulons infér­er, ici, que le poly­théisme africain est un vis­age sub­limé du Pan­théisme de Spin­oza, sinon, vis-ver­sa. C’est que l’Africain, du fait de son naturel à se con­fon­dre à la nature, est ten­té, par une sorte d’empirisme majestueux, de faire par­ler ses com­posantes aux­quelles il con­fie sn sort, presque, leur sup­posant un pou­voir spé­ci­fique.  C’est ain­si qu’on a le dieu du soleil, le dieu de la forêt, le dieu de la terre, le dieu de la fécon­dité, le dieu de la foudre, le dieu de l’eau, le dieu du sexe, le dieu du feu, le dieu de l’air…  Cette kyrielle de dieux,  garants des dif­férents com­par­ti­ments de la vie, crée un monde de poésie ;  la  poésie étant le champ d’expression des dieux, à l’effet de touch­er les sen­si­bil­ités et d’’éveiller les con­sciences,  pour l’enjeu d’en appel­er à une per­fec­tion men­tale et matérielle  de l’existence.  On lit encore CÉSAIRE :

                  «  le mot est père des saints
                      Le mot est mère des saints
                      avec le mot couresse on  peut tra­vers­er un fleuve peu­plé de caïmans
                      il m’arrive de dessin­er un mot sur le sol
                      avec un mot frais on peut tra­vers­er le désert d’une journée
                       il y a des bâtons-de-nage pour écarter les squales
                       il y a des mots shango » (op.cit)

En effet, le terme shango relève de la mytholo­gie vau­dou où il désigne  le dieu de la guerre, représen­té armé d’une hache dou­ble.  Le Négri­tu­di­en invoque, ici, le dieu de la guerre pour, cer­taine­ment, soutenir et for­ti­fi­er le com­bat cul­turel de son mouvement. 

Déci­sive­ment, le pan­théisme spin­ozien est un vis­age maquil­lé du poly­théisme africain ;  le pan­théisme étant ce con­cept philosophique  d’un dieu matéri­al­iste con­sti­tué de toutes les com­posantes de l’Univers.

 

                                                       

                                             CONCLUSION 

             

        On se serait atten­du à ce qu’une réflex­ion sur les ingré­di­ents du  lyrisme expose les canons struc­turels de la poésie-rythme, sym­bole, image–  cristallisa­teurs de tout l’outillage con­ceptuel de la styl­is­tique, pour ce qui est de la péné­tra­tion du dynamisme her­méneu­tique d’un texte poé­tique. Que non pas. On a plutôt ouvert une lucarne sur le con­tenu notion­nel des activ­ités de poéti­sa­tions, qui a tis­sé l’imaginaire de nos poètes tout au long de leur con­tact avec l’Afrique, rai­son, sujet ou objet de leurs écri­t­ures.  L’axiome, dans cette analyse, étant que l’éveil intel­lectuel qu’inspirent le style ou les formes lin­guis­tiques d’un poème est trib­u­taire de son con­texte cul­turel et des agré­gats psy­chiques de l’artiste. Tout a fonc­tion­né comme si  un ter­reau cul­turel riche en imag­i­naires, en rêver­ies, en enseigne­ments ini­ti­a­tiques et en émo­tiv­ités, arrache logique­ment des mots, des struc­tures ou com­bi­naisons ver­bales, en tout cas, un lan­gage sub­lime, poé­tique­ment élevé.  En d’autres ter­mes, lorsqu’une entité géo­graphique et cul­turelle est matière à poéti­sa­tion, le niveau styl­is­tique du texte qu’elle pro­duit est pro­por­tion­nel à la teneur intel­lectuelle que le  sub­strat cul­turel a  intimée à la per­cep­tion du poète.  Bien évidem­ment,  le degré de sa  sen­si­bil­ité,  son rap­port avec la lex­i­colo­gie,  le niveau de son ouver­ture sur l’Univers, assurent le parachève­ment de la poéti­sa­tion orchestrée par l’artiste.  Ce faisant, la pri­mauté accordée au fait lin­guis­tique au détri­ment du fait relaté, inhérente à l’orthodoxie dis­ci­plinaire, n’est en rien entamée.  Nous avons seule­ment voulu ne pas sous-estimer la place du Naturel d’inspiration dans la créa­tion du lan­gage textuel, ain­si que les réper­cus­sions men­tales qui en résul­tent chez le pub­lic-récep­teur.  L’Afrique, matière des Négri­tu­di­ens, est dotée d’un Naturel par­ti­c­uli­er ;  le tam-tam,  instru­ment de plaisir sonore, de paroles et, surtout, sym­bole de sagesse ou d’ambiance ances­trale, d’une part, et, de l’autre,  la femme, être de mytholo­gie, par sa beauté sen­suelle,  son activisme et sa démi­urgie cultuelle, se com­bi­nent tous deux pour inscrire, en con­jonc­tion  avec une nature pit­toresque, la flamme de la divinité tran­scen­dan­tale, source de lan­gages saisissants.

      La Négri­tude, mil­i­tan­tisme poé­tique au ser­vice du Nègre, s’est intéressée à sa nature, à ses con­di­tions de vie, à son his­toire, à sa soci­olo­gie, à ses valeurs, et ce, avec exal­ta­tion et inten­sité dans le lan­gage, de façon telle à élire un dis­cours, soit de recon­struc­tion du con­ti­nent, soit de réin­ven­tion de son sort.  Avouons que, de ce groupe de con­nais­sance, Léopold Sédar SENGHOR  fut le plus invo­qué dans l’analyse. Plusieurs raisons y végè­tent ;  il est le plus fécond tant artis­tique­ment qu’exégétiquement sur la Négri­tude, il est le seul Africain civ­il du groupe, né en Afrique et ayant longtemps séjourné en Afrique,  l’ayant même servi poli­tique­ment au plus au niveau pen­dant deux décen­nies, donc, con­nais­sant mieux l’ontologie de l’Afrique et de l’homme africain.

        En réal­ité, le lyrisme, notion textuelle, certes, est par­tie inté­grante de l’entrain de l’Africain qui, très sou­vent,  se met en marge du ‘’Nor­mal’’ pour exis­ter à sa façon, selon l’élan du cœur et du corps.  C’est sa manière à l’homme africain d’humaniser l’existence. Le lyrisme est l’identité pre­mière de la poésie, texte d’éveil  des sen­ti­ments, de rêves et d’élévation de l’être. En défini­tive,  il peut être recon­nu à la Négri­tude, mou­ve­ment de let­tres au chevet de l’Afrique,  d’avoir exhibé cette mar­que du genre poé­tique comme étant l’apanage de l’homme noir. 

 

 

         

                                               BIBLIOGRAPHIE

            

          BA ( Souley),  HÉNANE (Renée) et KESTLOOT(Lilyan) : Intro­duc­tion à Moi, 

           lam­i­naire…  d’Aimé Césaire , édi­tion cri­tique, L’HARMATTAN, Paris, 2012.

         

        CORNEVIN (Mar­i­anne) : His­toire de l’Afrique con­tem­po­raine, Pay­ot, Paris, 1972.

         

         DIOP (Che­ick Anta) : Nations nègres et cul­ture, Présence africaine, Paris, 1979.

            

          DODO (Jean) : Sacré dieux d’Afrique, NEA, Abid­jan, 1978.

 

           FOFANA ( Souley­mane) : Mythes et com­bat des femmes africaines, 

                                                     L’HARMATTAN, Paris, 2009 

            JOUANNY ( Robert) :  Les voies du lyrisme dans les poèmes de Léopold Sédar

                                               Sen­g­hor, Librairie Hon­oré Cham­pi­on, Edi­teur 7,  Paris, 1986.

 

           LAGNEAU ( Lilyan) :    La  Négri­tude de Léolo­pld Sédar Sen­g­hor, présence africain,

                                                   no 39, P.166–161, 1961.

           PAVEAU (Marie-Anne) et SARFATI(Georges Elia)  : Les grandes théories de 

                                                                                                    la lin­guis­tique,  Armand 

                                                                                                     Col­in, Paris, 2003.

            SENGHOR (Léopold Sédar) : Lib­erté 3 : Négri­tude et civil­i­sa­tion de l’Universel,   

                                                           Seuil, Paris,  1977.

             TILLOT (René) : Le rythme dans la poésie de Léopold Sédar Sen­g­hor, NEA,

                                          DAKAR-ABIDJAN, 1979.

 


[1] Robert Jouan­ny : Les voies du lyrisme dans la poésie de Léopold Sédar Sen­g­hor,  Librairie Hon­oré Champion, 

Edi­teur 7,  quai Malaquais, Paris,  1986,  P.47.

[2] LSS : ‘’cha­ca’’,  Ethiopiques in Œuvre poé­tique,  Seuil,  Paris,  1990,  P. 136.

[3] David DIOP :  « Con­tri­bu­tion à la poésie nationale », texte annexe à Coups de pilon,  Présence africaine, Paris, 1973, P.69.

[4] LSS : Lib­erté I, Négri­tude et human­isme, Seuil, Paris, 1964, P.37

[5] Moi, lam­i­naire cité dans Intro­duc­tion à Moi, lam­i­naire, ouvrage col­lec­tif,  édi­tion cri­tique,  L’HARMATTAN, 2012,  pp 20–21.

[6] LSS : Chants d’ombre, P. 105.

[7] Gusine Gwa­dat Osmane cité par Robert Jouan­ny op.cit,  pp82-83.

[8] Atin Kouas­si cité par Robert Jouan­ny, op.cit, p83.

[9] Bernard Holas : Mytholo­gies africaines, Agence ivoiri­enne, Hachette, Abid­jan, 1978, p.19.

[10] Fanoudh Siéfer : Le mythe du nègre et de l’Afrique noire dans la lit­téra­ture française„ NEA, Abid­jan-Lomé, 1980, p.117. 

 

image_pdfimage_print