Luc Marsal, Cinq poèmes

Par |2023-09-07T11:05:02+02:00 6 septembre 2023|Catégories : Luc Marsal, Poèmes|

À L’ORANGE SANGUINE

J’ai vingt ans et des poussières
la musique n’a jamais pu s’accorder à mes doigts
– je suis du dernier cri

Des ombres rouges remon­tent le fleuve 
elles me fouil­lent du regard

Le silence des arbres me pousse jusqu’au ciel
je frôle la beauté des choses          la mémoire du vent
j’avale les couleurs

Des mots muets me par­lent à l’oreille
d’étranges vers me trouent la peau

Je n’entends plus que le bruit des larmes 
je m’habille trop des autres 
je perds le contrôle

Des lam­beaux de lumière tombent des fenêtres

je mange la nuit par le noy­au          con­tre gorge serrée

Les langues amères se délient jusque dans mon cou
– je baisse la tête 

Au bord des précipices
je chine les morceaux de ce que j’étais
le froid me suit           à la trace

Je me net­toie à l’orange san­guine            au feu des sacrifices

J’ai fait ce que j’ai pu
je ne suis pas né – coupable
je le deviens

 

LES EAUX PROFONDES

J’ai retrou­vé les eaux glacées
les eaux profondes
d’où nais­sent les ombres

les couleurs de l’enfance

du temps où j’avais le cœur
aus­si fragile
que la tête d’un oiseau

le torse cou­vert de ronces
et d’espoirs
à dévor­er le monde

Main­tenant
je ne crains plus la nuit
j’écris

 

AVIS DE TEMPÊTE

Les vis­ages
pre­naient leur air bouffi 
des jours de grandes marées 

Un silence 
–  et ce bruit 
qui reve­nait sans cesse 

Ça sen­tait les reproches
et la douleur qui traîne 
ven­tre à l’air 

Les mots cinglaient 
en larmes coupantes
noirs comme des trous d’aiguille 

J’écoutais leur écho
tournoy­er sur mon front
cog­nant sur la terre molle

Et puis soudain 
plus rien 
que mon cœur d’enfant – abîmé

La mer 
avait avalé la dune 
il ne restait que les eaux 

 

LA BÉNÉDICTION

Et on répé­tait ce geste
en s’aspergeant la nuque
comme une bénédiction
qui nous sauverait des eaux

Nos âmes impatientes
se frôlaient du regard
avec leur air complice

Le large s’offrait à nous
noyé d’incertitudes
et de vagues remords

C’était l’été
bercé par l’insouciance
et les vaines colères

On s’étonnait de vivre
toujours
un peu plus grand

À pouss­er les frontières
– encore vierges
de la fin de l’enfance

 

UN GOÛT DE PÊCHE

Ses lèvres
avaient un goût de pêche

Il y’avait ce sable
qui se frois­sait sous mes pieds

Et cette lumière bleue
qui descendait de ses yeux

Je voy­ais bien que la vie
serait plus grande à deux

Présentation de l’auteur

Luc Marsal

Luc Marsal vit entre Paris et un petit vil­lage du nord de la Bour­gogne. Il a con­sacré l’essentiel de sa vie à l’écoute des autres comme psy­cho­logue, con­seil, for­ma­teur et coach.

Il décou­vre la poésie sur le tard en s’essayant à quelques vers. Encour­agé par ses proches, il pub­lie d’abord sur les réseaux soci­aux puis pro­gres­sive­ment dans plusieurs revues (Poésie pre­mière, Terre à ciel, La page blanche, Lichen, Trac­­tion-Tra­bant, Hélas!, Poé­ti­que­tac, L’Épître, La Syn­copée, …) et recueils col­lec­tifs. Il par­ticipe depuis peu au Pod­cast poé­tique « Mange tes mots ».

Une poésie du quo­ti­di­en, proche de la vie et des gens, très imagée, par­fois un peu lyrique avec quelques retours vers l’enfance.

Lau­réat de plusieurs con­cours de poésie dont le « Puy Poé­tique » (sur Insta­gram spon­sorisé par le Cas­tor Astral et le Bor­del de la poésie) et le con­cours inter­na­tion­al de poésie « Sur les traces de Léopold Sedar Sen­g­hor » pour un poème en vers libre.

Bib­li­ogra­phie

Il pub­lie en sep­tem­bre 2023 son tout pre­mier recueil aux Édi­tions « Don­ner à voir » (col­lec­tion Tan­go) autour du long poème « Juste vivre » illus­tré par les encres de Nour Cadour.

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