Mireille Diaz-Florian, Ô ma joie lente à venir et autres poèmes

Par |2023-05-06T08:09:11+02:00 4 mai 2023|Catégories : Mireille Diaz-Florian, Poèmes|

La rue avance de son flux continu
Je m’arrête au bord de l’horloge sans aiguille.
Je devine les failles du temps.

La nuit aura lais­sé ses traces ombrées
Dessin­er le con­tour des choses.

Ô ma joie lente à venir1

Tout frémit sous la pour­pre du jour
Je fran­chis lente­ment le seuil
J’écoute la pul­sa­tion de la ville

La lumière aura lais­sé ses touch­es vives
Dessin­er le con­tour des choses

Ô ma joie lente à venir

Les ponts enser­rent le fleuve
Je viens de là-bas où pèse le chagrin
J’inscris mes pas dans le silence   

Le vent aura lais­sé ses courbes amples
Dessin­er le con­tour des choses

Ô ma joie lente à venir

Tout s’efface dans le sable
Je lie mes mots sur la courbe des dunes
Je tends le fil du labyrinthe

Le temps aura lais­sé ses plis tenaces
Dessin­er le con­tour des choses  

Ô ma joie lente à venir

 

Déjà

Déjà tu es seule
Dans l’attente du jour

Tu regardes mon­ter la lumière
Sur la toile de l’aube

Une porte lourde a tourné sur ses gonds.
Tu écoutes sa plainte

Des rues se per­dent aux croise­ments du temps
Tu déchiffres les pages

Déjà tu avances
Sur les routes de sable

Une nuit a duré bien au-delà des heures
Tu as comp­té tes pas

Des courbes amples ont soulevé le vent
Tu as saisi l’envol

Des pier­res dressées ont tracé la frontière
Tu as franchi le seuil

 Déjà tu danses
A l’horizon de l’île

 

De bleu et d’oiseaux

Ce fut un temps où le temps
S’ouvrait
Sur portes closes
Sur pesan­teur de silence

Ce temps-là
De bleu et d’oiseaux
À regarder le ciel
Longtemps

Ce fut un temps où le temps
Glissait
Sur la sur­face du jour
Sur l’entaille de l’ombre
Sur la présence du vent 

Ce temps-là
De bleu et d’oiseaux
À fil­er les nuages
Longtemps

Ce fut un temps où le temps
Me parlait
De neige piétinée
D’aubes glacées
De mort annoncée

Ce temps-là
De bleu et d’oiseaux
À écouter la nuit
Longtemps  

Ce fut un temps où le temps
Estompait
La ligne d’horizon
Le bruit des lointains
Le vif du cha­grin   

Ce temps-là
De bleu et d’oiseaux
À guet­ter l’ange  
Longtemps

 

Elle

Il était resté longtemps
À guet­ter le pas­sage de l’ombre sur le chemin.
Puis la nuit était venue s’emparer de l’île.
Même la frange d’écume sur le sable
S’était assombrie.

Il guet­terait son retour jusqu’à l’aube.

Il songea alors aux longues années d’exil,
Aux tra­ver­sées impitoyables,
Aux bateaux démem­brés sur les roches à nu,
Aux cris de ses com­pagnons engloutis.

Il s’étonnait d’en avoir fait si sou­vent le récit.
Tout désor­mais lui parais­sait si vain.
Les mots qu’il avait choisis,
Les rythmes accordés aux percussions. 

Il guet­terait son retour jusqu’à l’aube.

Revenu dans l’île, il avait retrou­vé sa démarche royale.
Il cal­mait en lui le désir de celle
Qui chaque jour soulèverait les  ten­tures de l’alcôve
Pour l’accueillir.

Il avait pénétré dans le patio.
Il avait pressen­ti dans les cor­ri­dors silencieux
La lente destruc­tion du passé
Que rien ne comblerait.

Il guet­terait son retour jusqu’à l’aube.

Dans la cham­bre désertée
Il avait aperçu sur le métier
La  toile tou­jours recommencée
Sur la trame des jours

Il était sor­ti sur la terrasse
Pour chercher la trace de ses pas
Les vents avaient balayé
La pous­sière de mémoire.

Il guet­terait son retour jusqu’à l’aube  

 

A l’amie sans regard, je par­le du printemps

Ton regard
Désormais
Se pose indif­férem­ment sur le monde
                Alen­tour.

Je dois te dire
Pourtant
Ce qu’il en est sur la rive
                Ici.

Veux-tu
Encore
Savoir le mou­ve­ment des choses
                Peut-être.

Je sais
Je devine
Que tu avances dans les couloirs
                Vers où.

Mon regard
Pour toi
Se pose sur l’arbre en fleurs
                Là.

Ma main
Doucement
Effleure le souf­fle du vent
                Tout près.

Sens-tu
Maintenant
Le léger glisse­ment du jour
                Déjà.

Tu regardes
Ainsi
Tournée vers la lumière dorée

Enfin.

Note

  1. Saint Augustin.

Présentation de l’auteur

Mireille Diaz-Florian

Mireille Diaz-Flo­ri­an est née à Nîmes et vit à Paris. La pièce, La Mémoire d’Ariane, inscrite au réper­toire de Théâ­trales, a été adap­tée à France Cul­ture, Des nou­velles, des poèmes, des arti­cles cri­tiques ont été pub­liés dans divers­es revues. 

Bib­li­ogra­phie

Elle a pub­lié aux édi­tions Aden : Cather­ine Pozzi. La Voca­tion à la nuit, biogra­phie pré­facée par Claire Paul­han et aux édi­tions Le Bret­teur, Car­net de l’Obscur et Rives, en col­lab­o­ra­tion avec le pein­tre Gilbert Conan. Un recueil de nou­velles : Hors Cadre est paru aux édi­tions du Petit Véhicule. En 2019, elle fait paraître Vieilles Folles Vieilles Sagesaux édi­tions Le Bret­teur. Elle a créé avec François Min­od, la revue Voix. Fon­da­trice de l’association Le Lire et Le Dire, elle organ­ise des lec­tures et ani­me des ate­liers d’écriture.

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