traduction Marilyne Bertoncini

 

Nous par­lons d’un musée qui prendrait le relais de l’at­tente de l’a­vant-garde poé­tique du troisième mil­lé­naire, mêlant et com­para­nt tra­di­tion et con­tem­po­ranéité, entre eury­th­mie et subversion.

En syn­thèse extrême, ce sont ces inten­tions qui, cepen­dant, pour cor­re­spon­dre à de telles attentes, néces­si­taient des fonde­ments théoriques suff­isants que nous ten­terons de décor­ti­quer, à par­tir des con­cepts clés de la Poésie, de l’Art et du musée lui-même.

.

cou­ver­ture du numéro 1 de la revue Poe­sia,  jan­vi­er 1905, fondée par Marinet­ti, et con­servée au Pic­co­lo Museo

Ce qui vit près de l’o­rig­ine s’échappe laborieuse­ment du lieu d’o­rig­ine, dit Friedrich Holderlin.

La poésie n’est pas un but mais plutôt la réal­i­sa­tion, l’acte final, d’un des­sein de réu­ni­fi­ca­tion. D’un côté le sen­ti­ment plein du poète, de l’autre une page vide, muette et des mots au repos.

La poésie donc comme con­jonc­tion impar­faite et révéla­trice d’une rencontre.

Poète est celui qui mène sa pro­pre exis­tence per­son­nelle au ser­vice de son urgence onéreuse, qui investit de respon­s­abil­ité tout être humain qui aspire à se définir comme tel.

Ungaret­ti affirmait :

la parole est impuis­sante… elle s’ap­proche, elle s’ap­proche, mais elle ne peut pas ;

on se sou­vient de ce mélange de ric­tus et de sourire qui tra­ver­sait son visage.

La poésie est un mys­tère, elle porte tou­jours un secret avec elle.

C’est un peu comme si une dis­tance que l’on pour­rait qual­i­fi­er d’échec prég­nant se dessi­nait ; et plus de Poésie est générée, et plus grand sera le degré de con­science du poète de ses pro­pres lim­ites intrinsèques.

Pensez à la haie dans l’in­fi­ni, le regard qui, devant se soumet­tre à son non-voir, améliore en fait sa vision, dans le poème de Leop­ar­di, L’Infini.

L’être humain, dans son accep­tion la plus noble, cor­re­spond exacte­ment à cette ten­sion con­sciente vers un savoir qui ne nous est pas don­né, mais auquel nous ne renonçons pas pour autant.

Mario Luzi, par­lant de Rim­baud, par­lait d’un diaphragme presque comblé entre le mot et la chose. Et c’est pré­cisé­ment dans ce “presque” tout le poten­tiel de la Poésie envers le grand mys­tère qui entoure la vie et donc la réalité.

Bref, la feuille blanche, qui par le poète devient Poésie, sem­blerait devenir l’an­i­ma­tion d’un non-lieu, d’une dis­tance, qui a perçu et assumé le désir d’une rencontre.

Mais au fond tout art joue sur le con­cept de non-lieu, pein­ture, sculp­ture… Piero del­la Francesca, avec la décou­verte de la per­spec­tive, a voulu nous inciter à explor­er la toile, là où elle ne pou­vait pas attein­dre. Cézanne, avec ses formes arrondies et cen­tripètes, la mon­tagne, la mai­son, la table, le fruit, a voulu nous mon­tr­er le non-vis­i­ble de l’Art, ou plutôt sa véri­ta­ble mis­sion ; puis Lucio Fontana qui a exploré l’e­space à la recherche de nou­veaux ordres, agence­ments, horizons.

Apparem­ment des para­dox­es, mais en fait des exem­ples d’une valeur inhab­ituelle, capa­bles de nous faire com­pren­dre la véri­ta­ble mis­sion de l’Art et de la Poésie. D’autre part, la séduc­tion de la Poésie joue son irré­sistible fas­ci­na­tion en ali­men­tant un désir qui, par sa nature même, ne pour­ra jamais se stabiliser :

voir dans ces silences, où les choses s’a­ban­don­nent et sem­blent près de trahir leur ultime secret , on s’at­tend par­fois à décou­vrir une erreur de la Nature l’im­passe du monde, le lien qui ne tient pas, le fil à démêler qui nous met enfin au milieu d’une vérité… Mais l’il­lu­sion fait défaut et ramène le temps … (Euge­nio Montale).

coupole baroque de San Cristo­foro, oeu­vre de l’ar­chi­tecte, déco­ra­teur et scéno­graphe bolon­ais Fer­di­nan­do Gal­li Bib­bi­ena et col­lègue Domeni­co Val­mag­i­ni, archi­tecte ducal

Nous revenons ici au point de départ de cette éter­nelle dialec­tique des pour­suites vaines que la fab­ri­ca­tion artis­tique réitère au fil du temps ; dans le champ poé­tique, comme une porte coulis­sante que le poète aspire à main­tenir ouverte par son cro­chet de mot Revenant un instant au monde de l’art, deux autres exem­ples d’ex­cel­lents artistes peu­vent nous aider à com­pren­dre ce con­cept de non-espace dans lequel tout le champ artis­tique (et donc aus­si la poésie) serait déter­miné par rap­port au monde. Dans ce cas, nous nous référons à Michelan­ge­lo Buonar­roti et Michelan­ge­lo Merisi ; le pre­mier a su sta­bilis­er la per­ma­nence du non-lieu par le strat­a­gème de l’i­nachevé ; il suf­fi­rait de par­courir la galerie de l’Ac­cad­e­mia pour se ren­dre compte plas­tique­ment que ses Pris­on­niers se nour­ris­sent de cette ten­sion per­tur­ba­trice, jamais agie, mais con­stam­ment en train de le faire.

Michel-Ange, avec ce coup de théâtre, a réus­si un exploit incon­cev­able, plaçant ses sculp­tures colos­sales exacte­ment sur le seuil qui sépare la réal­ité de la fic­tion ; un non-lieu pré­cisé­ment où la dis­tance coïncide.

Quant au Car­avage, con­sid­éré à tort selon nous comme le maître de la lumière, il est en réal­ité le décou­vreur de la réfrac­tion de l’om­bre. Et de fait, en don­nant forme à l’ob­scu­rité, il impo­sait à la lumière un goulot d’é­tran­gle­ment non décrois­sant (chemin per­fide entre les larmes incon­naiss­ables de l’om­bre, Rober­to Longhi), garan­tis­sant ain­si la sta­bil­i­sa­tion d’un contact.

Mais ce n’est pas un hasard si dans notre pro­pos nous insis­tons sur la référence à l’art visuel pour ten­ter d’ex­pli­quer le sens d’un pari qui est représen­té à tra­vers le musée de la poésie. D’autre part, notre pro­pre imag­i­naire col­lec­tif, con­cer­nant l’idée du musée, nous con­duit à la pein­ture et à la sculp­ture. Ajou­tons donc une pièce fon­da­men­tale à notre raison­nement, l’Art, qui est une forme de com­mu­ni­ca­tion, et qui en ce sens rem­plit une tâche sociale, est aus­si sans doute le résul­tat d’une tri­ade : artiste, œuvre et usager. Giampiero Neri, avec sa con­ver­sa­tion ver­ti­cale, nous a dit un jour :

il est juste et con­ven­able de pub­li­er, car les poètes n’écrivent pas pour eux-mêmes.

C’est vrai, l’Art ou la Poésie qui ne par­leraient qu’à eux-mêmes, ne le seraient tout sim­ple­ment pas. En effet, l’in­ter­locu­tion entre l’u­til­isa­teur et l’œu­vre d’art est en mesure d’aug­menter le poten­tiel qual­i­tatif de cette dernière, en ce sens qu’elles se mul­ti­plient à tra­vers les expéri­ences de chaque per­son­ne qui entre en rela­tion avec elle.

Il est incon­testable que les sen­ti­ments et les émo­tions face à une œuvre d’art dif­fèrent d’une per­son­ne à l’autre. Cela se pro­duit parce que cette œuvre unique, si elle est effec­tive­ment perçue comme un arte­fact artis­tique, entre inex­orable­ment dans une forme de rela­tion avec la sphère la plus obscure de chaque per­son­ne qui a été en con­tact avec elle. Une dialec­tique qui relie l’âme de l’artiste à l’âme de l’observateur.

L’œu­vre d’art est donc dans ce cas l’in­ter­mé­di­aire entre deux sub­jec­tiv­ités spé­ci­fiques qui génèrent à chaque fois des émo­tions et des pen­sées dif­férentes. Deux âmes, l’une présente par son tra­vail, l’autre par son implication.

De tout cela, nous croyons pou­voir déduire que la con­tem­pla­tion de l’art ajoute non seule­ment quelque chose de nou­veau à l’ex­péri­ence de l’u­til­isa­teur indi­vidu­el, mais aus­si le con­traire, c’est-à-dire que l’œu­vre est ren­for­cée dans sa fonc­tion par la con­tri­bu­tion de l’observateur.

Celui d’un pré­ten­du rôle act­if de chaque béné­fi­ci­aire d’œu­vres d’art est un sujet de la plus haute impor­tance pour ce que nous avons l’in­ten­tion de dis­cuter plus loin.

Met­tre en vit­rine un livre de poésie dédi­cacé par un grand poète, ou une revue lit­téraire presque introu­vable, et lire encore une cor­re­spon­dance qui révèle quelque chose de plus sur la per­son­nal­ité d’un poète plus ou moins con­nu ; mais aus­si pou­voir lire une œuvre inédite d’un poète con­tem­po­rain, le ren­con­tr­er et se con­fron­ter à lui, enten­dre de sa voix ce qu’il entend par poésie, ou ce qu’il demande à la poésie. Eh bien, tout cela pro­duit un rap­port bi-uni­voque qui accentue, enri­chit et peut-être tend à com­pléter la fonc­tion poé­tique et la valeur même de la poésie.

Bien sûr, on pour­rait objecter que si cela était vrai, même la sim­ple lec­ture d’un livre con­fort­able­ment instal­lé dans son fau­teuil à la mai­son aurait une cer­taine valeur pour val­oris­er l’ou­vrage lui-même et ce, même pour ce qui a été dit jusqu’i­ci, en fait per­son­ne entend inter­roger. Mais nous enten­dons soulign­er ici au max­i­mum cette tri­ade dialec­tique (entre le Poète, sa Poésie et celui qui s’en sert), véri­ta­ble piv­ot de toute activ­ité artis­tique qui autrement ne serait qu’un sim­ple exer­ci­ce narcissique.

Mar­cel Duchamp, comme on le sait, croy­ait que tout objet pou­vait être défi­ni comme artis­tique, à con­di­tion qu’une insti­tu­tion, comme un musée, le définisse comme tel ; c’est sans doute une théorie spécu­la­tive extrême, à par­tir de laque­lle on peut extrapol­er ce qui sou­tient le plus la provo­ca­tion théorique d’un musée de la poésie.

En met­tant « La Poésie en vit­rine », la Poésie des grands Maîtres, extrait pre­mier et néces­saire de leur Œuvre, active chez l’ob­ser­va­teur pas­sion­né le degré max­i­mum de prédis­po­si­tion à la mise en œuvre proac­tive, à la crois­sance des valeurs, dont je dis­ais qu’elle est par­mi les raisons préémi­nentes de « faire de la poésie ».

Le poète cherche sans cesse à combler, par sa parole, un espace qu’il définit lui-même comme infran­chiss­able, entre la parole et la chose. Essayons ici d’imag­in­er que cette fis­sure infran­chiss­able, ce non-espace de l’art, puisse se pré­fig­ur­er exacte­ment entre la Poésie placée en vit­rine (et sym­bol­ique­ment son Poète créa­teur) et son util­isa­teur qui dia­logue avec elle, aug­men­tant son impact artistique.

.

quelques-uns des tré­sors exposés dans la salle de lec­ture du Musée 

Le musée de la poésie est donc une action poé­tique inté­grale (une per­for­mance diri­ons-nous aujour­d’hui) qui, de sur­croît, se joue de lui-même et de son poten­tiel tant à l’in­térieur qu’à l’ex­térieur de ses murs ; du moins lorsqu’il agit lui-même comme une œuvre d’art à tra­vers une grande per­for­mance col­lec­tive de Poésie, mais pas seule­ment. Le Pic­co­lo Museo del­la Poe­sia a déjà démon­tré cette dernière éven­tu­al­ité à plusieurs reprises

De 2014 à aujour­d’hui ce sont de nom­breuses per­for­mances, prin­ci­pale­ment col­lec­tives, que nous avons pro­posées et qui ont vu se con­cur­rencer des cen­taines et des cen­taines de poètes, artistes et sci­en­tifiques, les plus divers en sen­si­bil­ité et dis­ci­plines pratiquées.

Pia­cen­za Jazz Fes­ti­val au Pic­co­lo Museo

Sculp­ture d’An­t­je Stehn 

De la poésie à la pein­ture, de la danse au théâtre, de la sculp­ture à la musique clas­sique, du jazz au ciné­ma, de la philoso­phie à l’as­tro­physique, de l’é­conomie à la soci­olo­gie. Quelques exem­ples, de 2014 à aujour­d’hui : l’ex­po­si­tion itinérante à Plai­sance (Musée et Palais Farnèse) et à Luc­ca (Palaz­zo Ducale) “Ungaret­ti et la Grande Guerre — L’ac­ro­bate sur l’eau”, avec 17 artistes, tous pro­fesseurs de Académies des Beaux-Arts Ital­iens (et élèves de l’é­cole d’art Bruno Cassi­nari) qui ont revis­ité 17 poèmes de guerre du grand poète né à Alexan­drie en Egypte. Trois édi­tions, à Plai­sance et à Milan de « La Piu­ma sul bara­tro » (Piaz­za Duo­mo et Palaz­zo Far­nese à Plai­sance, et Teatro Edi et Bar­rios’ à Milan), marathons poé­tiques et per­for­mances artis­tiques de 25 ou 27 heures inin­ter­rompues. Au Musée Mudec de Milan « La peau des pein­tres et le sang des poètes », une ren­con­tre de 8 cou­ples entre artistes et poètes qui ont créé leur œuvre com­mune devant le pub­lic. La nuit, sur une place de Plai­sance, “L’in­fini­to finie volte”, une per­for­mance à la fois indi­vidu­elle (Mas­si­mo Sil­vot­ti a lu L’in­fini­to de Leop­ar­di pen­dant plus de six heures con­séc­u­tives), et col­lec­tive, avec un débat entre sci­en­tifiques et philosophes sur le con­cept de l’infini coor­don­né par Sab­ri­na De Canio. Tou­jours la nuit, mais à la Gal­le­ria Alberoni de Pia­cen­za, “Les Poètes et la Lune”, une nuit mag­ique entre poésie, art, his­toire et sci­ence, à l’oc­ca­sion du cinquan­tième anniver­saire de l’at­ter­ris­sage de l’homme sur la Lune. Dans le cen­tre his­torique de Flo­rence, “La marche silen­cieuse des poètes qui offrent leur musée” et, à Ravenne, “La marche non silen­cieuse des poètes” ; les deux représen­ta­tions ont vu la par­tic­i­pa­tion d’une cen­taine de poètes ital­iens et étrangers qui ont défilé en faveur de la survie du Musée, dans un moment de graves dif­fi­cultés économiques. “Con­ta­giamo­ci di Poe­sia”, une per­for­mance sur le Net qui a impliqué des poètes et des artistes du monde entier, avec des enreg­istrements et des films. Nous étions en pleine pandémie et après deux mois de per­for­mances, nous avons enreg­istré plus d’un mil­li­er de con­tri­bu­tions, provenant de 55 pays. Autre grand moment d’é­mo­tion authen­tique, la per­for­mance poé­tique de toute la direc­tion du Musée, devant le chef-d’œu­vre d’An­tonel­lo da Messi­na inti­t­ulé “Hom­mage à Ecce Homo”.

Dans l’an­née de Dante, deux propo­si­tions dif­férentes : la “Con­férence pluridis­ci­plinaire et per­for­ma­tive — le point de fuite, c’est nous”, une expéri­ence authen­tique, dans laque­lle, à côté de la dimen­sion habituelle de l’é­tude, nous avons pro­posé d’au­then­tiques per­cées artis­tiques musi­cales. A suiv­re, quelques mois plus tard, la lec­ture inté­grale de la Divine Comédie, sans inter­rup­tion, et en 13 langues dif­férentes, avec des poètes et inter­prètes du monde entier, inti­t­ulée “Cent Poètes pour Cent Chan­sons”. En 2022 “Le Seuil”, lec­ture poé­tique con­tre la guerre, en par­tie en présen­tiel et en par­tie en ligne sur grand écran, se tient sur le seuil du Musée, sur la petite place d’en face, comme signe sym­bol­ique d’une lim­ite non être franchi. Enfin, tou­jours en 2022, l’ex­po­si­tion “Ab umbra lumen — Gal­liani ren­con­tre Bibi­ena”. Le pro­jet a été con­fig­uré comme une sorte de bi-per­son­nel sui gener­is, dans lequel tout est ren­ver­sé et démul­ti­plié à tra­vers une grande plate­forme réfléchissante qui dou­ble les pein­tures et les fresques.

En bref, le Pic­co­lo Museo del­la Poe­sia aspire à se ren­dre unique non seule­ment au sens formel, mais surtout pour les idées, les propo­si­tions qu’il met en œuvre. Pour nous, il n’y a pas de bar­rières entre les dif­férents lan­gages artis­tiques. La fréquen­ta­tion, l’im­bri­ca­tion, la con­t­a­m­i­na­tion entre dif­férents arts représen­tent, pour ceux qui en sont les créa­teurs et pour ceux qui les utilisent, des oppor­tu­nités uniques, qui ampli­fient qual­i­ta­tive­ment les fonc­tions et le poten­tiel de l’Art. Con­t­a­m­i­na­tion, voici un mot sur lequel nous pen­sons qu’il est utile de s’at­tarder pour clar­i­fi­er ce que nous voulons dire. Dans le monde un peu sub­mergé et par­fois hau­tain de la poésie, surtout ital­i­enne, il y a deux risques majeurs.

Le pre­mier con­cerne la grande dif­fi­culté pour ceux qui, dotés d’un tal­ent authen­tique, enten­dent met­tre en œuvre leur poten­tiel par des ren­con­tres, des échanges, des col­lab­o­ra­tions et tout ce qui peut enrichir leur crois­sance. De ce point de vue, les oppor­tu­nités d’échanges doivent être mul­ti­pliées. Les grands maîtres du passé ne suff­isent pas en poésie. La poésie aus­si, comme d’ailleurs tout le domaine artis­tique, aurait besoin d’un “ate­lier”.

Ab umbra lumen — Gal­liani incon­tra Bibi­ena, 2022

Eh bien, tout cela est extrême­ment dif­fi­cile, d’abord parce que bien sou­vent la volon­té des “Maîtres” con­tem­po­rains de s’im­pli­quer vrai­ment fait défaut. In secundis car même lorsque cette ouver­ture, cette disponi­bil­ité se man­i­fes­tent, elles finis­sent sou­vent par se con­cré­tis­er par des liens d’ap­par­te­nance exces­sifs, par­fois de véri­ta­bles empreintes qui finis­sent par blo­quer, plutôt que de favoris­er la crois­sance des soi-dis­ant dis­ci­ples. Revenons donc au con­cept de con­t­a­m­i­na­tion artis­tique pour pré­cis­er qu’il s’ag­it, au sens du Pic­co­lo Museo del­la Poe­sia, de quelque chose de très dif­férent du con­cept d’assimilation.

Se con­t­a­min­er, dans ce cas, sig­ni­fie se pré­par­er à une con­fronta­tion dans laque­lle la disponi­bil­ité de cha­cun envers les siens, même s’il ne s’ag­it que d’un change­ment poten­tiel, est de nature à garan­tir une authen­tique réciproc­ité entre les sujets du ter­rain. Tout autre, voire diamé­trale­ment opposé, est l’ho­mogénéi­sa­tion, l’aplatisse­ment ou toute forme d’u­ni­formi­sa­tion et d’u­ni­formi­sa­tion artis­tique que, au con­traire, nous abhor­rons au Musée.

L’église du Petit Musée de la Poésie de San Cristo­foro, depuis le jour de sa con­cep­tion, est le lieu de l’ou­ver­ture men­tale max­i­male, de la curiosité jamais sat­is­faite, de l’ef­fort de gran­it vers l’hon­nêteté intel­lectuelle. Être imprégné de Poésie mar­que nos inten­tions, nos chemins et nos des­ti­na­tions souhaitées par cet impératif caté­gorique que nous avons men­tion­né au début de notre inter­ven­tion. Un impératif caté­gorique pour hon­or­er pleine­ment la diver­sité humaine. Car en Poésie il n’y a pas d’âmes nobles ou moins nobles, tout est pré­cieux. Pour toutes les raisons exprimées jusqu’i­ci, “notre petit musée” ne peut être qu’un champ ouvert, expéri­men­tal, de laboratoire.

D’où la déci­sion récente d’en­trelac­er notre réal­ité avec d’autres insti­tu­tions ital­i­ennes impor­tantes de la poésie, coulant comme autant de tor­rents dans le grand fleuve de la Pre­mière Bien­nale de Poésie par­mi les Arts que nous allons vivre dès cette année dans six villes italiennes.

Gio­van­ni Arpino a dit: “il n’y aura pas de con­damna­tion pour la qual­ité non atteinte, nous ne serons con­damnés que si nous refu­sons d’ex­primer le bien secret de l’aube de chaque jour”. Alors nous vivons toute la Poésie dont nous avons besoin, sans réti­cence injustifiée.

image_pdfimage_print
mm

Sabrina De Canio — Massimo Silvotti

Co-direc­trice et direc­trice du domaine inter­na­tion­al du Petit Musée de la Poésie Église de San Cristo­foro, Sab­ri­na De Canio est une poétesse de renom­mée inter­na­tionale. En témoignent les nom­breuses invi­ta­tions aux plus impor­tants forums inter­na­tionaux de poésie (de la Jor­danie au Mex­ique, des USA à la Chine, et encore la Tunisie, la Colom­bie, l’Ar­gen­tine, la Bagladesh…) et les tra­duc­tions de ses poèmes en albanais, croate, anglais, espag­nol , arabe, ben­gali, russe, polon­ais, roumain et hébreu. En 2019, elle a rem­porté le pre­mier prix absolu du Fes­ti­val inter­na­tion­al de poésie “La Piu­ma di Zivo­drag Zivkovic” et en 2021, reçu la men­tion spé­ciale au “Pre­mio Camaiore”. Présente dans de nom­breuses revues et antholo­gies ital­i­ennes et étrangères. En 2020, elle pub­lie “Lib­era nos a malo”, un recueil bilingue en serbe, croate et ital­ien. Prochaine pub­li­ca­tion “Au coeur du silence”. Poète, artiste, philosophe et dra­maturge; créa­teur de per­for­mances indi­vidu­elles et col­lec­tives et met­teur en scène — com­mis­saire d’ex­po­si­tions. Il est directeur général du “Pic­co­lo Museo del­la Poe­sia Chiesa di San Cristo­foro” à Plai­sance (le seul musée de poésie au monde), et directeur artis­tique de la “Bien­nale Ital­iana di Poe­sia fra le Arti”. Il a col­laboré avec des musées et des insti­tu­tions cul­turelles publiques et privées. Il a enseigné dans des uni­ver­sités et des académies des beaux-arts. Dans le domaine poé­tique et philosophique, il a reçu des prix et des dis­tinc­tions nationales. Ses nom­breuses activ­ités ont été cou­vertes par la presse nationale et inter­na­tionale, la radio et la télévi­sion. Il col­la­bore en tant que chroniqueur avec les jour­naux Lib­ertà et Quo­tid­i­ano del Sud. En 2022, il a reçu la “Médaille d’or du mérite dans les activ­ités cul­turelles nationales et mon­di­ales” de l’A­cadémie inter­na­tionale “Mihai Emi­nes­cu” (Roumanie).