Cette pub­li­ca­tion ain­si que celle des poèmes d’Angelo Tonel­li étaient des­tinés à être des inter­ven­tions prévues au sein du Fes­ti­val annuel de Poésie de Sol­liès-Pont. Ce tra­vail démon­tre com­bi­en nom­bre de ceux qui défend­ent et illus­trent la Poésie avaient pré­paré les nom­breuses man­i­fes­ta­tions qui auraient dû avoir lieu. Mal­heureuse­ment, tout comme le Marché de la Poésie de Paris, cette ren­con­tre annuelle a fait l’objet d’un arrêté pré­fec­toral et a été annulée au dernier moment. Nous avons donc voulu hon­or­er le tra­vail de son organ­isa­teur Georges de Rivas, et de tous ceux qui avaient prévu de venir pour cer­tains de très loin, pour mon­tr­er com­bi­en est vive la Poésie et porter sa parole, comme nous ten­tons de le faire ici.

 

I Du mys­tère d’Amour à la présence du Logos

Si en l’o­rig­ine était le verbe, la poésie est par essence le chant orphique et la lyre son signe emblé­ma­tique. Baude­laire l’a défi­ni ain­si : « Tout poète lyrique en ver­tu de sa nature, opère fatale­ment un retour vers l’ Eden.» Orphée et Eury­dice liés l’un à l’autre comme la parole au silence attes­tent qu’il n’est d’his­toire que de l’âme en quête d’har­monie et de lumière-amour. Par Eury­dice se révèle le sens mys­tique de l’âme qui est le sens du silence, et Orphée s’ou­vre par là même à la beauté, à l’ef­fu­sion et à la grâce d’un chant inouï sub­sumant la douleur de sa descente aux Enfers.

Eury­dice, recluse dans les closeries de son silence éveille l’ouïe intérieure du poète inspiré par son absence.  Ain­si Orphée va-t-il enchanter les Furies en devenant le témoin audi­tif et extasié de l’har­monie retrou­vée du monde.

Eury­dice, recluse dans les closeries de son silence éveille l’ouïe intérieure du poète inspiré par son absence.  Ain­si Orphée va-t-il enchanter les Furies en devenant le témoin audi­tif et extasié de l’har­monie retrou­vée du monde. Les doigts d’un archet invis­i­ble glis­sent sur toutes les cordes et les fibres de son corps révélé comme la lyre où vibre la musique des sphères et la Voix où s’élève le chant d’U­nivers. Le chant orphique dévoile son mys­tère, événe­ment intérieur et avène­ment de la Voix où s’é­grène sous la beauté d’im­ages euphoniques l’al­liance renouée entre musique et poésie. 

 

 

Gus­tave More­au, Orphée.

Et au-delà de l’im­age et du son vibre le tim­bre unique d’une voix d’or, fille du plus haut silence où se par­lent les vivants et les morts. Ain­si la poésie déploie-t-elle au-dessus du néant les ailes d’un lyrisme poignant et flamboyant.

 

John Rod­dam Stan­hope (1878), Orphée

Sa source est l’amour et la beauté du chant est son éma­na­tion par la grâce d’une parole nim­bée du sceau céleste du Logos. La poésie orphique n’est pas seule­ment descente aux enfers – la Catabase- elle est aus­si l’An­abase, ascen­sion vers la source orig­inelle de sa parole de pure essence supra-sen­si­ble. Elle résonne à un alpha­bet pré­na­tal, à un vivant mys­tère d’outre-mort, assumant la voca­tion de sa voix orac­u­laire, prophé­tique. Il s’agit dès lors de « la révéla­tion écla­tante d’ax­iomes et de hiéro­glyphes qui ont existé avant l’u­nivers et qui se main­tien­dront après lui » comme l’a écrit Lautréamont.

Eury­dice, lumière de l’âme plongée dans la nuit est la muse d’un chant d’amour inouï émané de la voix-lyre d’Or­phée aux lèvres d’or.

Elle est l’in­no­cence qui prélude aux des­tinées des grands poètes, la muse de la poésie orphique qui est lyrique mais aus­si trag­ique et épique. Son mys­tère naît de sa con­fronta­tion au mal ; sa dis­pari­tion trag­ique, son arrache­ment à la joie nup­tiale sont la source de la beauté d’un chant qui est « une langue de l’âme pour l’âme ».

 

Orphée et Eury­dice de Gluck, “J’ai per­du mon Eury­dice”, Juan Diego Flórez  et l’Opéra Royal.

 

Le poète Ado­nis révèle ain­si le sceau sous lequel appa­raît l’in­spi­ra­tion orphique : « Avec la langue, on fait l’élégie des choses, mais qui fera l’élégie de la langue ? ». La lyre d’Or­phée est gloire et célébra­tion du Logos, son auto-révéla­tion par le médi­um du poète, incan­ta­tion jail­lie à même l’O­rig­ine et fait écho à l’in­jonc­tion de Hölder­lin : « Maint homme / a peur de remon­ter jusqu’à la source ».

 

II La quête d’une Langue du Paradis

 

Orphée comme Dante vivent la douleur de l’im­pos­si­ble amour. Seule une langue divine, un chant de l’O­rig­ine pour­raient délivr­er cette parole enchanter­esse où les dieux et les hommes con­ver­saient au Par­adis. Au chant 23 du Par­adis, Dante évo­quant Béa­trice écrit : « Et à la lumière vive transparais­sait / la sub­stance bril­lante, si claire / dans mon regard qu’il ne pou­vait la soutenir. » Et elle me dit : « Ce qui t’a­bat / est une force à quoi rien ne résiste / Là est la sagesse et la puis­sance / qui ouvrit la voie entre ciel et terre / dont jadis le monde eut un si long désir. »

Dante nous dit : « ain­si mon esprit / devenu plus grand, sor­tit de soi-même/ et ne sait plus se sou­venir de ce qu’il fit. Si à présent réson­naient toutes les langues / que Polym­nie fit avec ses sœurs / on n’at­teindrait pas au mil­lième du vrai en chan­tant le saint rire, / et comme la sainte lumière le rendait pur ; / ain­si en décrivant le par­adis / le poème sacré doit faire un saut / comme celui qui trou­ve la voie inter­rompue » (Le Par­adis Gal­li­mard p 219).

 

Arthur Rim­baud, 1854–1891, pho­togra­phie d’E­ti­enne Car­jat vers-1872, L’Express.

 

Au seuil de cette parole inac­ces­si­ble se sont heurtés les plus grands poètes : « marche for­cée dans l’indi­ci­ble » pour René Char et Rim­baud s’écri­ant : « Je n’ai que des mots païens » ne pou­vant exprimer sa sub­lime vision suprasen­si­ble. « Les mots man­quent » écrit Hölder­lin qui se con­sume dans le feu de son intu­ition ayant perçu le Logos comme l’o­rig­ine de toutes choses au monde.

René Char con­firme une telle intu­ition, sai­sis­sant l’essence de ce mys­tère orphique : l’i­den­tité nar­ra­tive du Logos devenu lan­gage qui se déploie et se con­naît lui-même dans le poème. Sur un ton prophé­tique, il dit la venue immi­nente du poème et son émi­nente voca­tion : « Les mots qui vont sur­gir savent de nous ce que nous ignorons d’eux ».

Le poète s’avère ain­si co-exten­sif au lan­gage qui l’éd­i­fie à tous les sens du mot et Orphée se révèle comme le chantre con­sub­stantiel au Logos dans l’é­clat d’éternité d’où vont jail­lir, au-delà des mots, les sons inouïs et les har­moniques de son chant. Car René Char nous le pré­cise : « Il sem­ble que ce soit le ciel qui ait le dernier mot mais il le dit à voix si basse que nul ne l’en­tend jamais ». Cette voix-là est bien la voix du silence, pré­cel­lence de la voix d’Eury­dice en son essence-ciel, qui mur­mure à l’or­eille du cœur et inspire le chant orphique.

 

Orphée et Eury­dice (Christoph W. Gluck), opéra dan­sé de Pina Bausch, à retrou­ver du 24 mars au 6 avril 2018 au Palais Garnier.

 

Lumière incréée, instil­lée en l’ob­scure nuit de l’âme, Eury­dice investie de haute mémoire songe sous ses lèvres clos­es, le des­tin de l’âme du monde et le retour d’Or­phée sous le sacre du silence et le sceau de la beauté. Elle est l’é­cho éthérisé du sub­lime amour dont est tis­sé le Verbe et en la rose blanche de son cœur que miment les colombes elle est la réso­nance éternisée de la parole perdue.

C’est bien le ciel qui a le dernier mot : Dante nous l’af­firme depuis sa haute vision éprou­vée lors de son ascen­sion vers l’Empyrée. Le poète fait écho à l’in­ter­ces­sion de la prière adressée à la Vierge par Saint-Bernard, telle qu’évoquée au Chant XXXIII du Par­adis.La Vierge est bien l’im­age vivante de la Divine Sophia pré­fig­urée par Béa­trice, sa médi­atrice guidant le poète dans le monde spirituel.

Ain­si la vénéra­tion de Dante pour Béa­trice est vénéra­tion envers l’éter­nel féminin qui inspi­ra les plus grands poètes, musi­ciens et artistes, elle est la source inspi­ra­trice de la Sophia Perennis.

La Rose blanche d’où émane la lumière vir­ginale est présence éternisée de la Sophia, et Béa­trice est l’éter­nel Féminin reflétée dans l’âme de Dante comme Eury­dice en est l’é­cho éthérisé vibrant en l’âme d’Or­phée …Et il est encore et tou­jours ques­tion d’indi­ci­ble et inac­ces­si­ble étoile, celle qui dis­pense la grâce.

Dante s’adresse ain­si à la Vierge-Sophia : « Dame tu es si grande et de valeur si haute/ que qui veut une grâce et à toi ne vient pas / il veut que son désir vole sans ailes. »
Et Dante nous pré­cise : « ma vue en devenant limpide/ entrait de plus en plus dans le ray­on / de la haute lumière qui par soi-même est vraie.
« A par­tir de ce point mon voir alla plus loin / que notre par­ler, qui cède à la vision, / et la mémoire cède à cette outrance. »

Tel est celui qui voit en rêvant, / et, le rêve fini, la pas­sion imprimée / reste, et il n’a plus sou­venir d’autre chose. » (p. 309 ) « A cette lumière on devient tel / que se détourn­er d’elle pour une autre vision/ est impos­si­ble à jamais consentir ; »

 

Christoph Willibald Gluck, Orphée et Eury­dice, Mon­tever­di Choir, Orchestre Révo­lu­tion­naire et Roman­tique, met­teur en scène John Eliot Gar­diner, choré­graphe Giuseppe Frigeni, directeur artis­tique Robert Wilson.

 

« Mais pour ce vol mon aile était trop faible : / sinon qu’alors mon esprit fut frap­pé / par un éclair qui vint à son désir.»  (p. 313)

L’Imag­i­na­tion à l’œuvre dans la Divine Comédie, ici-même au chant 33 a été lumineuse­ment com­prise dans son essence supra-sen­si­ble par Saint- John Perse et ain­si exprimée lors de son Dis­cours pronon­cé à Flo­rence à l’oc­ca­sion du 700éme de la nais­sance de Dante :

« Il a vécu à hau­teur d’homme des temps qui ne sont pas le temps de l’Homme. »

Pro­pos lim­i­naires relat­ifs à l’ap­proche du mys­tère orphique.

Témoignage de ma pro­pre inspi­ra­tion ce texte ouvre la réflex­ion con­sacrée à la voix orphique. Elle sera sen­si­ble à toutes ses approches comme à celles qui vivent aux lisières du mys­tère orphique, depuis l’Inexprimable Rien de    Giuseppe Ungaret­ti à Philippe Jac­cot­tet pour qui « Dire avec des mots ce qui n’est pas dici­ble sera le rôle du poète. »

 

 

 

 

J’ai vu la mort aux yeux de mar­bres de Carrare

 La Beauté Eury­dice  Chant III (page 22–23-24)

 

 

    I. Eurydice

J’ai vu la Mort à face de carême, son vis­age blême aux yeux de mar­bre de Car­rare qui descendait depuis l’An­neau d’Oort sur son car­rosse macabre rem­pli de spec­tres glabres et bla­fards comme l’au­ra des lunes hivernales !

 J’ai vu la Mort au crâne de céruse qui voguait sur son cour­si­er aux crinières de cen­dres guidé par des can­délabres nim­bés de nuit, leurs sept yeux troués par les sept sceaux des ténèbres !

 La Mort et son cortège de rus­es, ravie jadis de voir la couronne d’épées au front du tyran de Syracuse 
la mort qui lais­sait échap­per de sa Bouche d’Om­bre des myr­i­ades de voix de Cassandre
Et leur tim­bre stri­dent de striges, pareil à l’ef­fet tor­pi­de du curare, plongeait dans une pro­fonde sidéra­tion les neuf Mus­es pétri­fiées en leur haute Constellation !

J’ai vu la Mort en son appa­rat de ténèbres ouvrant leurs yeux d’or trompeur et sans carat dans les cieux vides
la mort surgie sur son traîneau de plomb où traî­naient des plumes de palombes cal­cinées et ses yeux de sabre mar­bré où pleu­vaient des larmes de sang jail­lies aux orbites nues des Pleureuses et des flo­cons de neige noire aux orbes de sphères sans mémoire !

Et sur la vaste ellipse d’un astre aux apsides anox­iées deux foy­ers vides comme des pupilles de mort en coma
Et d’autres astres troyens exor­bités exhibant encore la pous­sière d’une apoc­a­lypse à leur chevelure de trichoma ! 

J’ai vu un cortège d’astéroïdes troyens échevelées qui, propul­sés par l’ire de titans resur­gis, hél­itroy­aient des tyrans aux masques de démons fomen­tant des séismes et des autodafés !
Et d’autres entités qui han­taient depuis la nuit des temps le seuil d’é­ter­nité où se cache la Beauté
Som­bres divinités au ser­vice du Malin qui trou­blent les mânes des morts, telle la sor­cière qui dans l’opéra Orlan­do Furioso vole les cen­dres de Merlin !

 J’ai vu encore depuis la Voie lac­tée une route loin­taine encom­brée d’om­bres pen­sives qui tenaient con­seil avec le peu­ple des elfes et l’E­sprit des forêts
Et tous appelaient depuis l’héliopause où s’ini­ti­ait de très grands souf­fles oraculaires
Tous appelaient le retour d’Or­phée, le poète inspiré par l’ Ether !

 J’ai vu une âme couleur fleur de péch­er guidant la nuée de génies   et voy­ants qui pres­saient le pis d’or ver­meil d’une étoile nais­sante à peine sor­tie de sa couche embrasée.

Et veil­lant avec Hölder­lin sur l’al­pha­bet divin, Rim­baud chaussé des cothurnes de foudre qui dan­sait sur les feux des novas ayant trou­vé la langue divine où se révè­lent toutes choses au monde

 J’ai vu Rim­baud exhaussé aux portes du fir­ma­ment, arbo­rant la grâce de la beauté en son âme nim­bée du lys blanc, et son cœur très ardent saisi par l’é­clair du pur amour où embau­mait la rose rouge qui l’ap­pelait depuis la Terre !

 

Vi recor­da, o boschi ombrosi : l’Or­feo de Clau­dio Monteverdi.

 

Orphée

Ô Génie de Rim­baud, en tes abysses encore vertes fuyant l’en­nui des villes et des salons lit­téraires au fond d’ob­scures Abyssinies
Enfant des froides Ardennes par­ti pour le golfe solaire d’Aden où tu rêvas dans ta soli­tude abyssale d’ange déchu à l’E­den que le siè­cle te déroba ! 
Et depuis ton tré­pas, tu es devenu, âme très rebelle, un enfant de Mar­seille que la Vierge sur les Hau­teurs pleu­ra deux fois à ton entrée dans le port
Car tu por­tais à tes mem­bres le poids de ta cein­ture d’or et dans ton cœur de Voy­ant, le rosier arbores­cent du chant éter­nel, la mer­veille des Voyelles ! 
Ô Poète, nous avons vu ta fer­veur de comète incan­des­cente muée en ice­berg des nuées et neiger des larmes de glac­i­ers à tes joues halées d’un ray­on lumineux
et nous t’avons suivi génie aux semelles d’or sur la route embrasée du cré­pus­cule chem­i­nant vers l’é­toile de l’Amour, lumière incréée où le Christ au sourire t’attendait !

 

 

Eury­dice

J’ai vu près de la mort au regard irisé de mar­bre et aux pupilles d’albâtre, la splen­deur d’une lumière épou­sant le fleuve de la Voie lac­tée con­stel­lée d’un cortège d’âmes qui voguaient sur les vio­lons de vents solaires
Leurs cordes stel­laires vibraient au souf­fle du zéphyr, archet gréé d’un air très pur à nos paupières clos­es et notre ouïe enneigée !

 Or la mort livide pareille au sang où infuse le curare con­tem­plait muette le pas­sage rit­uel de berceaux sidéraux nim­bés de nobles idéaux où exul­tait le rire angélique d’en­fants, tels les rayons du nou­veau soleil levant 
La mort aux orbites trouées d’abîmes où cou­vait la braise d’un feu ancien, regar­dait, comme saisie d’hyp­nose l’E­spérance du monde voguer vers la terre, en ces âmes d’en­fants vêtues de leur tunique d’or, leur unique corps de lumière !

Fin de la pre­mière par­tie : ma voix. 

 

II Deux­ième Par­tie : Isis-Sophia

 

 Orphée

 

Ô sub­lime mys­tère d’Amour, Poésie, nec­tar de l’âme et divine ambroisie
Tu nous sai­sis, cénesthésie de la lumière du monde et étrange Parousie 
Ain­si écoutions-nous naguère l’Aède qui nous fit voir le Verbe des Védas
Mais voici que je m’éveille de l’hyp­nose dans laque­lle j’ai écouté ta parole
comme si elle était mienne, voix d’or que j’ai recon­nue et qui m’a toujours
bercé, refuge d’une anti­enne sainte et pur enchante­ment de mon sommeil !

 Toi que je vois, immatérielle présence de Poésie au berceau de ton silence
Tu es ce sémaphore du génie métaphorique à la proue de vais­seau de nuit chargé d’un vin d’or où miroitent les étoiles
Toi qui trans­portes l’ex­tase de visions divines où rêvent de nou­veaux mys­tères orphiques
Dis-moi, ô part céleste de mon âme et miroir de l’âme du monde, dis-moi, ô secret de mon amour et muse du poème d’u­nivers, le chiffre de ton innais­sance et l’é­ter­nité de ton essence !

 

 Eurydice

 

Fille des mys­tères d’Eleusis sous la diaphane parure d’Isis-Sophia
Source loin­taine des Védas ou écho des filles hau­taines de l’Edda
Suis-je, pur nais­sain d’é­clairs et essaim de nou­veaux mys­tères orphiques
O vision fauve aux fovéas de nos dévas, suis-je ode pure et écho d’outre-monde, cette eau-vive dont la Rose rêva ?

Ô lumière d’or qui visi­ta mon âme à l’orée des forêts où j’ai vu le jour à l’ap­pel de ton amour,
Qu’il neige, qu’il neige encore des ros­es de feu en ce chœur euphorique,
neiges galac­tiques que ton ange  changea en hymnes chromatiques
Et sur l’ar­roi roy­al de la comète au rêve nivéal, passe ce char­roi poudreux d’im­ages pri­mor­diales tiré par les chevaux fougueux de la foudre divine !
Fable maîtresse, matrice féconde, inef­fa­ble Matière, je suis l’Al­ma Mater, la source inépuis­able de ton vers
Dans l’in­sond­able nuit du monde, je suis le sémaphore qui éclaire la route où chem­i­nent et con­versent les vivants et les morts ! 4
Voili­er d’au­gures veil­lé par des ailes de colombes, voili­er de foudre où sur le vélin de sa voile tran­sie d’or­ages, sur­git avec ses signes et présages,
ce pur regard jail­li de la nuit des âges

 Je suis la Beauté qui ful­gure et s’é­vanouit à l’heure où le voili­er de neiges du som­meil fond l’éc­ume de ses songes aux feux du poème levé par­mi les sons d’une aube inouïe ! 

 

 

 

Orphée

Ô me sou­viendrai-je de ce voili­er très pur et n’au­rai-je pu voir par son hublot de neige la fenêtre du ciel que j’ai con­nu avant de naître
N’ai-je pas vu s’é­gren­er ces arpèges inouïs réso­nant au seuil de la mort et
sur­gir hors de sa gangue mythique, la Déesse Gan­ga hélée d’ange védique
Et sur les eaux som­bres du Gange, chanter la face sainte et la louange d’une Inde plus antique ?

 Ô lumière d’or en ce chœur euphorique, qu’il neige, qu’il neige des ros­es de feu, neige galac­tique qu’un ange change en hymnes chromatiques !

Mère des mys­tères d’Eleu­sis, je te salue en ta parure d’I­sis-Sophia, en cette aube où s’ablue dans l’éc­ume du songe un dieu d’amour nim­bé d’oubli
Et fume encore l’Asie sous ces prunelles de feux fauves où rêvent les Dévas

Je te salue, mère des mys­tères d’Éleusis voguant sur la voile d’Isis-Sophia,
Ô toi qui m’ai­da à voir aux lèvres de l’Aède le Verbe des Védas !

 

 

Eury­dice à Orphée

 

 

Tu es l’élu descen­du des cieux, héraut du sub­lime Opéra de l’ Eden où chan­tait un chœur d’archanges aux voix de velours au milieu de ces ten­tures de soie pourpre
Tu es l’élu couron­né d’une nuée d’oiseaux-lyres mimant toute la joie et la douleur du monde , et le Voy­ant por­teur des chants futurs de la Création
Ô Prince des poètes, chantre de l’Amour et de l’E­spérance-Poésie, nim­bé par la beauté de l’âme du monde et sanc­ti­fié sur l’au­tel de l’âme de la terre

Toi qui a bu l’eau sin­istre du Styx pour renaître, phénix aux rives du Futur,
Tu as levé l’épée de la parole vénérable jail­lie du Saint sem­blable à Dieu
Comme l’é­toile de ma nuit tendait sa voile de can­deur au fond de ton cœur
semant sur les sables arables de tes jours la rose rouge-feu aux reflets d’or
La Rose mys­tique aux effluves divines exhalées telle une immense louange
Sous l’arc-en ciel de la nou­velle alliance de l’Hu­man­ité et des anges !

 

 

Orphée à Eurydice

Tu es le vis­age de la poésie et la beauté réver­bérée de la lumière de l’âme
Présence invis­i­ble de la grâce et source d’é­trange félic­ité où ruis­sel­lent les larmes des dieux enivrés par ces hymnes d’amour coulant de ton cœur de neige dans les eaux-vives du poème
Et sur ces eaux d’au-delà où baigne ton mys­tère vogue un berceau d’osier d’où s’élève l’ode sacrée de l’En­fance con­stel­lée de hautes fig­ures de vérité
Ta beauté d’om­bre voisée qui est fontaine où va boire mon âme assoiffée !

Tu m’ap­parus dans ta robe de nuées d’or veinées de pour­pre et ce fut alors l’in­stant des noces de la joie des sens et de la gloire divine
Comme mon­tait l’albescence empour­prée à tes joues et pas­saient sous la Voie Lac­tée, les palombes du sub­lime désir qui por­taient à pâmoi­son leur roucoule­ment d’aubes extasiées !

Ô Danse sacrée, sceau nup­tial posé sur nos deux cœurs noués à une flèche d’or, armoiries de notre immé­mo­r­i­al amour,
Haut vol de colombes qui pas­sa au-dessus du pré où nous rêvions libres de l’airain, l’étreinte sub­lime de l’éternité !

 

Image de une : Gus­tave More­au, Orphée sur la tombe d’Eury­dice, Musée Gus­tave Moreau.

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Georges de Rivas

Georges de Rivas est né dans une famille d’o­rig­ine andalouse. Ses deux langues mater­nelles sont l’es­pag­nol et le français. Son œuvre s’in­scrit dans le sil­lage du lyrisme épique habité par le thème de l’ex­il et le souci d’une poésie de l’élé­va­tion voire de la révéla­tion. Il a pub­lié : «  La Rose cir­cum­po­laire » « Jubilé de l’Ex­il » «  Ce que la Colombe dit à la Rose » « Orphée au rivage d’Evros » aux édi­tions du petit Véhicule en 2017 ain­si que « Orphée, Zéphyr en Azur » aux édi­tions Bib­lio­the­ca Uni­ver­salis Sa dernière œuvre : «  la Beauté Eury­dice » pub­liée en Avril 2019 aux édi­tions Alcy­one a reçu le Prix Orphée-Eury­dice . Un Essai sur la poésie : «  La Poésie au péril de l’Ou­bli » a été pub­lié en 2014 aux édi­tions de L’Har­mat­tan. Le sous-titre de l’Es­sai est le suiv­ant : « Neuf poètes lev­és dans la pous­sière d’or de la Nuit » . Le poète évoque dans cet Essai les grandes fig­ures de la poésie uni­verselle Hölder­lin, Novalis, Hugo, Baude­laire, Rim­baud, Mal­lar­mé, Saint-John Perse, René Char et Salah Stétié. Invité spé­cial au Fes­ti­val inter­na­tion­al de poésie «  Letras en La Mar » à Puer­to-Val­lar­ta ( Mex­ique) en 2017 il a reçu la plus haute dis­tinc­tion ‑El Cara­col de Pla­ta – L’escar­got d’Ar­gent- Le mys­tère orphique est sa source d’in­spi­ra­tion et sa Con­férence inau­gu­rale était inti­t­ulée : « Orphée au rivage de l’Hèbre ou le mys­tère de l’é­cho­phanie » Invité par l’U­ni­ver­sité de Saint-Denis de la Réu­nion pour le Bicen­te­naire de la nais­sance du poète Lecon­te de Lisle, il a don­né le 9 févri­er 2018 une Con­férence inti­t­ulée :« Lecon­te de Lisle dans son rap­port à Orphée » Sous-titre  « Le chant qui n’é­tant plus est tou­jours enten­du ». ( extrait du poème Khirôn de Lecon­te de Lisle ) Il est égale­ment l’ini­ti­a­teur du Print­emps des poètes ‑Fes­ti­val inter­na­tion­al Poésie-Monde qui se déroule tous les ans au Château de Sol­liès-Pont dans le Var.