Kayako Yamasaki, choix de poèmes

Par |2019-03-13T17:58:51+01:00 3 mars 2019|Catégories : Essais & Chroniques, Kayako Yamasaki|

Traduit du serbe par Van­da Mikšić et Bran­ki­ca Radić

 

 

Le sabli­er, la main                       ПЕШЧАНИК, РУКА

 

 

Nous tombons sans bruit. Nous sommes des grains de sable. 
Nous tombons, rouges, pâles.

Le par­adis et l’en­fer sont enfermés
dans un récip­i­ent en verre. 

Lorsque le dernier grain tombe, 
le par­adis reste vide.

Notre silence, com­mencé en enfer, 
n’in­téresse personne.

Mais, quand une main invisible
retourne le sablier,
le par­adis et l’enfer
s’in­versent immédiatement. 

Nous tombons vite, mesurons le temps 
enfer­mé dans du verre, s’écoulant 
vers l’enfer.

Nous tombons sans bruit, nous sommes des grains 
de sable fin.

 

 

 

 

L’escalier, deux anges             СТЕПЕНИШТЕ, ДВА АНЂЕЛА

                                   À Ste­fan et Daïana 

 

Nous sommes venus
pour
offrir un brin d’amour 
avec nos petites mains que 
nous avons ouvertes
le jour de notre naissance. 

Avec des pleurs vigoure
Nous sommes venus
pour
offrir un brin d’amour 
avec nos petites mains que
nous avons ouvertes
le jour de notre naissance. 
                            

Avec des pleurs vigoureux,
avec un sourire silencieux, 
la vie s’appuie
sur
la vie :
nous montons
l’escalier.

Quand on nous enlève l’eau et
quand on nous 
éteint la lumière
nous nous tenons 
les mains.                                                                     

La vie prête l’oreille
à la vie :
sans
voix nous 
montons.

Ce matin, les anges 
retournés
au ciel, 
dans le noir bril­lent                         
les traces de petits pieds. 

Aus­si montons-nous
l’escalier
depuis lequel
ils
£se sont envolés.

 

 

 

 

 

 

UNE HISTOIRE DU BOIS                    ПОВЕСТ О ШУМИ

 

 

 

Notre mai­son disparaît.

La mai­son, qui a enduré une tempête 

de fer et un déluge

couleur de rouille.

La mai­son, qui n’a pas brûlé

dans le feu,

qui n’a pas été effacée

par l’eau.

 

Elle a resplen­di sur nous 

d’une lumière verte.

Nous croyions,

comme des enfants, qu’elle

était là,

pour tou­jours.

 

Près du fleuve elle

se tenait

seule.

 

Sans jardin et

sans por­tail.

Elle n’avait

ni portes

ni fenêtres.

Ni murs, ni

toit. Dedans

il n’y avait pas

de foy­er.

 

Con­stru­ite des seuls

rayons de soleil :

elle nous abri­tait et

nous pro­tégeait. Oui,

des fauves

des bois.

 

L’eau émer­aude

coule à travers

le ciel

du soir,

 

comme

le con­te de fée que

nous aimions tant. 

 

 

La lec­ture d’un con­te de fées.          ЧИТАЊЕ БАЈКЕ

 

« Déchire les jour­naux, froisse-les doucement
pour laiss­er suff­isam­ment d’air,
entre les lettres.

Range le bois pour qu’il soit comme
des mains, jointes pour la prière.
Allume-le avec une allumette. » 

(Dans le poêle com­men­cent à brûler
les pho­togra­phies, les phrases
d’une publicité.)

« À présent, reprends ton souf­fle. Lis
un con­te de fées, La flamme dans un coquillage,
par exemple. »

Ain­si notre père nous apprenait-il
à allumer le feu
et à main­tenir la flamme.

Je ne savais pas que ce feu
brûlerait devant mes yeux,
à jamais.

La lec­ture d’un con­te de fées est, en réalité,
un court répit pen­dant que tu allumes
le feu.

Lire un con­te de fées, c’est se remémorer
ce qui n’a pas disparu
dans la flamme.

 

 

 

LES JOURS DE FROID          ХЛАДНИ ДАНИ

 

Choisir les légumes, le riz, la viande et
le pois­son, pré­par­er le repas pour la famille,
le servir.

Faire la cui­sine, je médite sur cet acte quotidien, 

sim­ple, mais parfois
très dramatique.

Je me sou­viens des journées froides, où 
il a été dif­fi­cile de trou­ver un 
œuf, une pomme de terre.

Le choux coû­tait plus cher
qu’un fri­go, qu’une
tête humaine.

Les fruits d’alors, aujour­d’hui invisibles,
je les pose dans mes paumes pour
éval­uer leur poids.

Je veux juste sen­tir la lumière de la poire
des bois. Ce qui a nourri
nos enfants.

 

 

 

Les fron­tiÈres          ГРАНИЦЕ

 

Je ne veux être qu’un insecte lumineux
de ma vie nour­rir une hirondelle
la femelle qui retourne dans le sud.

Rien que devenir
son rêve, et son
vol lointain,

où que je sois, 
dans
ce monde.

 

Présentation de l’auteur

Kayako Yamasaki

Born on Sep­tem­ber 14. 1956. in Japan. She has been liv­ing in Bel­grade since 1981. She writes poet­ry and essays in Japan­ese and Ser­bian. She is a mem­ber of Ser­bian Lit­er­ary Society.

Six of her poet­ry col­lec­tions have been released in Japan­ese: Tori No Tameni(To Birds, 1995); Ubusuna, rod­i­na(Home­land, Rod­i­na, 1999); Bara, Mishi­ranu Kuni(Rose, Unknown Coun­try, 2001); Hisoy­a­ka Na Asa (Hid­den Morn­ing, 2004); Ato­su, Shizukana Tabibito(Atos, Silent Trav­el­ers, 2008); Mio­haya­mi(Mio­haya­mi, 2010) and six in Ser­bian:Skriveno jutro(Hid­den Morn­ing, 2001); Rod­i­na ubusuna(Home­land, Ubusuna,2004); Sanovnik, reka(Dream Book, Riv­er,2005); Olu­jni breg(Stormy Hill, 2008), Vodeni cve­tovi(Flow­ers in water, 2015); Svet­los­na obala(The Shore of light, 2016). She has trans­lat­ed works of many Ser­bian poets (Desan­ka Mak­si­mović, Ste­van Raick­ović, Miloš Crn­jan­s­ki etc) and romans of Dani­lo Kiš: Rani jadi(Ear­ly Sor­rows, 1995); Encik­lo­pe­di­ja mrtvih(The Ency­clo­pe­dia Of The Dead, 1999);Baš­ta, pepeo(Gar­den, Ash­es, 2009). 

She has writ­ten the study Japan­ese Avant­garde poet­ry, (Bel­grade, 2004). She is also the author of a few col­lec­tions of essays in Japan­ese: Beogu­ra­do nis­shi(A Poet­ry Diary from Bel­grade, Tokyo, 2014) ; Pan to noichi­go(Bread and wild straw­ber­ries, Tokyo, 2018).

She has won the Annu­al award for trans­la­tion into a for­eign lan­guage 1995/96. (Ser­bian P.E.N. Cen­ter, Bel­grade), Yomi­uri Prize for lit­er­a­ture (Tokyo, 2015), the Mil­i­ca Sto­jadi­nović Srp­kin­ja Award for Ser­bian poet­ry (Novi Sad, 2015) and the Veselin Lučić Award for Lit­er­ary work (Bel­grade, 2017).

 

 

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