Denis Hamel, Mort d’un quiétiste et autres poèmes

Par |2019-09-14T14:37:58+02:00 1 décembre 2017|Catégories : Denis Hamel, Poèmes|Mots-clés : |

Mort d’un quiétiste

 le temps comme un point
et non comme une ligne
macéra­tion et codéine
soleil entouré de flammes

les branch­es de l’ar­bre atteignent
le cen­tre silen­cieux de la roue
le corps assas­s­iné qui ne pèse plus
le man­teau de mis­ère posé sur l’épaule

glisse à terre comme peau de serpent

un autre que moi-même s’éveille ce matin
les gouttes d’eau de la douche

dis­persent des années de crasse et d’ennui

mais ce qui est dépassé reste
encore présent dans les arrière-mondes
un pont a été construit
sur lequel nous nous rejoignons

je con­nais bien le chemin de la négation
je ne me trahis pas en t’aimant

ma main sur ta peau
atteint une vérité

Création du poème 

remu­gle dans la fiole de folie
les par­tic­ules se cog­nent au verre
libérant des forces sémantiques

dans un brouha­ha tel­lurique (ou l’inverse)

au nord d’un hameau abandonné
le ciel se col­ore d’or lampadophore
la vision d’un trop bel asphodèle
réduit le chantre au rang de pein­tre du dimanche.

per­due et seule dans les rues de grenade
écras­ant du pied nu des grappes de raison
une encre rouge à la com­mis­sure des lèvres

la belle rit et profère maintes obscénités

tan­dis que les garçons désireux de briller

sacca­gent à qui mieux mieux
la plaine austère d’un récital
sphère juvénile de candeur

Lettre-poème à Marie-Anne

(il y a un moment où il faut
cess­er de laiss­er tourner
les mots dans sa tête et prendre
le tau­reau par les cornes
c’est un peu triste parce qu’on perd
beau­coup de possibilités
et on n’en choisit qu’une
alors c’est l’hécatombe
tout ce que j’au­rais pu écrire

et qui bas­cule dans le non-dit : quel drame)
ces dix mois depuis que je te connais
toi et tes mots tes mots troublants
qui dans leur évi­dence et leur simplicité
me lais­sent souvent

entre ravisse­ment et inquiétude
petit à petit j’ai appris
à les voir ces mots se détach­er de toi
même quand sou­vent tu ne dis rien
j’aime tes mots et j’aime aussi
ta per­son­ne physique et tout ton corps bien-sûr
ton vis­age par­fois indéchiffrable
je sais que tu as encore beau­coup à dire
et qu’il te fau­dra tra­vailler pour cela
j’es­saierai de t’aider si cela est possible
et je respecterai aussi
ton désir de solitude
et tes veilles hallucinées

accorde-moi de m’aimer sans violence
avec toute la douceur dont tu es capable
nous voulons tous éviter la souffrance
et l’en­nui d’un par­adis sans amour
garde toi des émo­tions trop fortes
et des ent­hou­si­asmes trop faciles
que l’amour dure le temps nécessaire

à l’ac­com­plisse­ment
de ce qu’il y de meilleur en nous je t’aime
et je voudrais que notre amour
ne ressem­ble à aucun autre

Profession de foi

comme si je pou­vais pren­dre des mots
les jeter sur le papier
et faire quelque chose de beau

les gens diraient c’est bien c’est
comme si les mots étaient vivants
et depuis des années je fais comme si

écrire à par­tir de l’espérance ou son contraire
faire fleurir un lotus dans la boue et l’ordure

étaient des occu­pa­tions justifiées

pour archiv­er des perceptions
je fais avec peu je me pro­tège du bruit de tout
ce qui est écrit sur la pierre repose dans le végétal

les con­vul­sions du monde ne me con­cer­nent pas
Poésie nous apporte du bien à tous
sauf si quelqu’un a d’autres motifs de s’en servir

 

* * *

 

Chanson du crépuscule

je reviens d’une maladie
de l’eau croupie de l’air vicié
les murs étaient devenus gris
c’est dif­fi­cile d’exister

quand on a pas ou peu d’espoir
alors on survit, plus ou moins
les années passées dans le noir
seul comme un mal­heureux témoin

à la croisée des deux sentiers
tu étais là qui m’attendais
j’ai pris ta main tu m’as guidé
je suis sor­ti de la forêt

lumière de fin de journée
qui descendait sur mes yeux las
et pour­tant rien n’avait changé
la vie pour­suit ses entrelacs

Présentation de l’auteur

Denis Hamel

Denis Hamel est né en 1973 ; il vit et tra­vaille à Paris et lit de la poésie depuis 1995. Il écrit depuis 1999  et pub­lie (peu) en revue depuis 2002. Il n’est ni avant-gardiste (Charybde) ni anti-mod­­erne (Scyl­la). Il cherche une clair­ière dans la forêt de l’écriture.

 

© photo Isabelle Poinloup

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