Le titre de ces poèmes fait référence au  livre médié­val : I Fioret­ti di san Francesco ; ces « petites fleurs » sont un  ensem­ble d’anec­dotes, mir­a­cles et his­toires mer­veilleuses inspirés de la vie de saint François d’As­sise (diacre, mys­tique, et fon­da­teur de l’or­dre des Frères mineurs ) en 1210, vivant dans la prière, la pau­vreté, la joie con­fi­ante, et l’amour pour la créa­tion à laque­lle l’homme appar­tient tout comme les plus hum­bles des créa­tures,  les pau­vres, les malades, les exclus.

 

En 1226, au milieu de très grandes souf­frances, Francesco d’Assisi – auteur de prières et poèmes inspirés de — com­pose son “Can­tique des Créa­tures” ; Le Poverel­lo d’Assisi  mour­ra le 3 octo­bre de la même année et sera canon­isé en 1228, devenant Saint François d’Assise, cheva­lier du Christ et de Dame Pauvreté.

La vie et l’œuvre poé­tique et mys­tique du saint inspire à Olivi­er Mes­si­aen une com­po­si­tion musi­cale, sous-titrée Scènes Fran­cis­caines, retraçant 5 moments de la vie du  saint qui prô­nait la sim­plic­ité et qui  « par­lait aux oiseaux ».  

Les 5 poèmes que je pro­pose dans leur ver­sion bilingue cor­re­spon­dent  à une com­mande d’Elisa Pel­la­cani, artiste et éditrice ital­i­enne avec laque­lle je col­la­bore, et dont Recours au Poème avait  présen­té le tra­vail en 2019. https://www.recoursaupoeme.fr/poesie-vetue-de-livre-elisa-pellacani-et-le-livre-dartiste/

Elle organ­ise chaque année à Barcelone, en avril, pour la San Gior­gio,  un fes­ti­val du livre d’artiste, pour lequel elle réalise un cat­a­logue large­ment illus­tré des œuvres qui y sont exposées, venues du monde entier, , accom­pa­g­né de nom­breux textes : j’avais en 2023 rédigé la pré­face de l’édition  Gar­den books. Lib­ri d’artista, gia­r­di­ni del­la mente. Cette année, Elisa m’avait chargée de pro­pos­er 5 poètes, réal­isant cha­cun, pen­dant 5 semaines, un poème célébrant la Joie, thème du fes­ti­val 2025 : LIBRI DI GIOIA.

L’ensemble des textes —  de Marc-Hen­ri Arfeux, Eliz­a­beth Guy­on-Spen­na­to, Mar­il­yse Ler­oux et Muriel Ver­stis­chel — que j’ai traduits, a été man­u­scrit par Elisa dans un livre d’artiste en forme de papil­lon, et repro­duit dans le cat­a­logue sous le titre « Le Bat­te­ment des ailes d’un papillon ».

∗∗∗

 

Pour Elisa Pellacani

1 –

à l’aube
ten­dre la main

cueil­lir la joie 
dans les trilles du platane

puis saisir dans ma paume
le doux ombrage des nuages

humer dans l’air limpide
le clair matin qui vient

et

dev­enue source de joie
les dif­fuser moi-même  comme

ténue

la fumée du café dont l’arôme
emplit l’âme

d’un sens de plénitude.

all’al­ba
ten­dere la mano

cogliere la gioia
nei tril­li del platano

poi affer­rare nel pal­mo del­la mano
la dolce sfu­matu­ra delle nuvole

annusare nel­l’aria limpida
il mat­ti­no che arriva

e

diven­ta­ta fonte di gioia
trasmet­ter­li come 

sot­tile

il fumo di caf­fè il cui aroma
riem­pie l’anima

di un sen­so di pienezza.

*

2 –

Chaque matin est un miracle
quand les yeux s’ouvrent sur le monde

Mon hori­zon est le platane –
der­rière l’éven­tail de ses branches 
l’hori­zon fait son cinéma 
et prof­ite de la den­telle noire 
qui danse avec les nuages

pour me faire rêver de montagnes

Ogni mat­ti­na è un miracolo
quan­do si aprono gli occhi al mondo

Il mio oriz­zonte è il platano –
dietro il ven­taglio dei rami
l’oriz­zonte fa il suo cinema
e si approf­i­ta del ​​piz­zo nero
che bal­la con le nuvole

 per far­mi sognare le montagne

*

3 -

j’en­tends les goé­lands ce matin au réveil -
je sais qu’il fera gris
il y aura du vent

mais leur clameur me porte à Sète
invariablement

De même que le cri aigu des martinets
fera explos­er le bleu du ciel d’été
en frag­ments de mémoire Parme

 

Sen­to i gab­biani ques­ta mat­ti­na al risveglio-
So che sarà grigio
ci sarà vento

ma il loro clam­ore mi por­ta a Sète
invari­abil­mente

Pro­prio come il gri­do acu­to dei rondoni
farà esplodere l’az­zur­ro del cielo estivo
in fram­men­ti di memo­ria Parma

*

4 -

Févri­er — cinq heures du matin
— un instant hors du temps —

par­fum de foin frais et
vrom­bisse­ment d’insectes

Furtives des silhouettes
dans la nuit de la ville
rasent l’herbe sur la place
puis disparaissent

Et l’odeur qui rémane
ramène de l’enfance

— le temps d’un souvenir —

les bottes de foin
dans lesquelles on s’enfonce
dans le grésillement
des gril­lons de l’été

 

Feb­braio — cinque del mattino

 — un momen­to fuori dal tempo —

pro­fu­mo di fieno fres­co e
ronzio di insetti

Sil­hou­ette furtive
nel­la notte del­la città
tagliano l’er­ba in piazza
poi scom­paiono

E l’odore che rimane
ramen­ta l’infanzia

— l’attimo di un ricordo —

balle di fieno
in cui si sprofonda
nel­lo sfrigolio
dei gril­li estivi

*

5 -

matin gris sur le platane -
la cage de branchage
chargée de fruits jaseurs
est un orchestre en lambeaux
d’aile noire
qui s’es­saie à voler
puis soudain se recompose
et laisse un grand silence
suiv­re l’om­bre qui part

le jour peut se lever 
 dra­peau d’espérance

 

mat­ti­na gri­gia sul platano -
la gab­bia dei rami
car­i­ca di frut­ti rumorosi
è un’orches­tra in brandelli
di ali nere 
che ten­ta di volare
poi all’im­provvi­so si ricompone
e las­cia un grande silenzio
seguire l’om­bra che fugge

 il giorno può sorgere
- bandiera di speranza

(pub­lié en Ital­ie, dans Book of Joy, d’Elisa Pel­la­cani, ed. Con­sul­ta, 2025)

Présentation de l’auteur

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