Entre apparence et réel, fallait-il que je me cherche ?

 

Le monde, l’u­nivers, l’infini…
… les ai-je créés ?

Cela com­mence avec la vie
le pre­mier souffle
avec cette  con­science qui donne forme, apparence
à ce qui est nous
à ce qui est hors de nous
à ce qui n’est pas.

Pour­tant, tant de choses sont là
qui ne sont pas nous
qui font mal
comme l’absence
celle de l’amour
de la réponse attendue
“M’as-tu aimé ? Pourquoi m’as-tu trahi ?”

Je n’ai pas peur
je n’ai pas peur de mon absence
du point zéro, du retour à nulle part
du compte à rebours.

Pour­tant
j’aime les oiseaux, mon chat
mes amours, mes enfants, le ciel, la joie.
De l’absence
je ne crains que de les perdre
sans leurs yeux
sans leurs regards

je ne suis plus

je ne suis rien.

Par­fois, il m’ar­rive de penser loin.
Si loin que je perçois encore l’odeur de ma mai­son lointaine
le bou­quet d’ané­mones posé sur la table du dimanche.
Je me demande si toi
qui main­tenant habites l’absence
tu peux encore le voir.

Le doute est un frisson
l’ab­sence est une froideur
un gant de givre sur un vague à l’âme
mais Toi, où es-tu ?

Ici, les min­utes suin­tent du réveil, mais c’est moi qui pars.
Le réveil restera sur le buf­fet, avec ses yeux fermés
à atten­dre encore que quelqu’un tourne son ressort
que quelqu’un le regarde.
Se pose-t-il la ques­tion de savoir s’il est encore temps ?
Je ne sais pas ce que pensent les horloges.

Dans le crisse­ment des jours
quand mon chat s’étire autour de sa solitude
seuls ses yeux par­lent :“J’ai con­fi­ance”, disent-ils
pour­tant la vie lui a arraché une patte
et moi j’en ai pleuré.

J’ai voulu le monde si grand
que par­fois je me suis perdu
dans l’étroitesse.
Pour aller au plus haut
fal­lait-il que je me cherche ?
L’amour et le rêve agran­dis­sent l’univers.

Par­fois, quand l’aube ouvre mes volets
il me faut bris­er la chaîne des regards, celle des regrets
heurter le mal rire, le mal vivre
trou­ver le souf­fle d’un enfant, d’un chat, d’un oiseau
pour retrou­ver l’en­vie aller plus loin

j’ai encore tant d’arcs-en-ciel à offrir.

 

 

Entendez-vous ?

 

Et le silence qui se repaît du fris­son des morts
Et toi qui gliss­es dans le passé
Et ton his­toire sans histoire
Qui se résume à cette pous­sière de mots
Sur ce mar­bre que l’ou­bli rongera
Et moi qui voudrais te réveiller
Et tout savoir de ce que furent tes rires
Tes larmes, tes espérances

Est-on tou­jours allé où l’on voulait aller ?
Se ver­ra-t-on dans des bruisse­ments de joies retrouvées ?
Se noiera-t-on dans les brumes froides de l’oubli ?

Je me sou­viens des mots d’une chanson
“Le chemin si beau du berceau au tombeau”
Je crisse dans des attentes de pierre, de sable et de terre
Je vais à toi tu sais,
Je scrute le passé
En recherche de mil­liards d’hu­mains effacés
Je cherche les routes de la bonté
Je chevauche, j’ex­pie les crimes commis

Je vais à vous mes amis
En vous rencontrant
C’est l’hu­man­ité que je regarde
Si apte au bien au mal
De si longtemps que je viens
Au cyprès où je vais
Je n’ai voulu forger
Qu’un cri d’amour
Enten­dez-vous mon cri ?
Enten­dez-vous mon cri ?
Entendez-vous ?

 

 

La taille des hommes

 

Grand-Père me l’avait dit : La mesure de l’homme n’est pas le fait de l’im­age, belle ou triste qu’il traîne dans son sil­lage, cher­chant à lire dans le regard des autres comme un écho de la bril­lance des princes. Les miroirs ne sont que les jour­naux fugaces d’e­gos d’alouette.

Il y a longtemps que Grand-Père est  par­ti, depuis je marche à la recherche de l’hu­main si bien dis­simulé sous des cara­paces d’ap­parences.  À la foire aux séduc­tions, sa démesure dépasse de ses embal­lages ver­beux et de ses pro­fils de héros autoproclamés.

Dans une nuit aux rêves et aux douleurs inaltérés, les petites gens avan­cent à la sueur de leur labeur, habitent l’u­nivers des enfants de l’ombre qui savent la sol­i­dar­ité plus forte que la com­pas­sion, qui ten­dent la main comme on  devrait ten­dre la joue, non pour l’ex­em­ple mais mus par un instinct imposant la pri­mauté de l’amour sur toute vio­lence. Ce sont les Justes de l’in­vis­i­ble, les Robin-des-Bois sans flèch­es et sans épées, mes paci­fiques au grand cœur qui ren­dent le monde encore accept­able et l’e­spoir encore ouvert.

Je me sou­viens, Grand-Père me dis­ait : Les hommes n’ont pour taille que leur con­science. Pour grandir, il te fau­dra dif­férenci­er ceux qui s’in­scrivent dans l’au­then­tique néces­sité du Bien, de ceux agis­sant par besoin de plaire ou d’être récom­pen­sés par une instance invis­i­ble. L’in­stinct du cœur n’est pas un cal­cul. Méfie-toi des prophètes de l’apparence, de ceux qui font mon­tre d’empathie et de générosité seule­ment lorsqu’ils sont au grand jour.

Grand-Père est par­ti un jour de larmes et de fête, cer­tains l’avait cri­tiqué parce qu’il avait voulu pro­téger un enne­mi. Il savait rire, ne jamais paraître sérieux, il savait côtoy­er des hommes de bien et de peu comme les oiseaux nav­iguent entre ciel et nuages. Il était frère de la Con­science comme l’oiseau sait la pluie et le soleil.

 

Aux larmes citoyens-Rendez-moi Mai 68 ! 

 

“Aux larmes citoyens”, ont-ils dit,
savaient-ils que l’heure de courber le dos
doit un jour enfin finir ?

“Rangez, pliez, fer­mez vos utopies”, disaient-ils,
Ne savaient-il pas que le temps d’armer nos rêves
était encore là ?

Moi, vieille pierre posée sur la mort des rêves
je me dresse, et déclare :
Ouvrez les tombeaux de l’abstinence
La résig­na­tion est l’en­ne­mie des peuples.

J’en appelle à l’e­spoir citoyen
J’en appelle au droit, au tra­vail et au pain
Je déclare que la spo­li­a­tion, la confiscation,
l’ac­ca­pa­ra­tion du bien commun
sont un même crime économique
majeur et condamnable.

J’en appelle à la révolte des moineaux
pour ne plus oblitér­er les cris et les graf­fi­tis sur les murs
J’en appelle aux poings lev­és, aux fron­des de l’amour
et revendique le droit à un monde humain.

Je suis por­teur d’un deuil du bonheur
je suis en berne de ces tra­vailleurs spoliés,
je suis las d’une poli­tique funéraire : “Le rêve est mort, circulez !”
de cet empire de la déri­sion qui défen­estre le mot jus­tice,
je suis las de ce pou­voir qui, sous faux cou­vert de raison,
prône la résig­na­tion pour les uns,
la richesse, la san­té et le reste pour eux

Je veux ressus­citer le cri et l’espérance
au prix même de la révolte.

Je par­le d’une mémoire en deuil
où chaque jour on enterre la joie,
j’en appelle à la jeunesse insoumise
loin des mornes projets,
J’ex­ige l’équité et une même jus­tice pour tous,
J’ex­ige la fin d’un monde à deux vitesses.
Je veux l’é­gal­ité et le droit au bonheur.

Ren­dez-moi mon Mai 68 !

 

 

Tu écris triste

 

Tu écris triste, me dit-on,
trop sérieux, ou par­fois trop fou !

Devrais-je seule­ment écrire des poèmes d’amour
quand des fous de dieu assas­si­nent des vieilles dames,
des êtres humains, parce qu’ils sont fils de la République ?

Devrais-je chanter,
aller au pro­fond de mes rêves et fer­mer les yeux,
oblitér­er mon cœur des seules ten­dress­es que me réclame mon chat,
m’en­fer­mer dans les mots d’un livre et sauter d’une ligne à l’autre ?

Non, je n’ou­blie rien des moments de joie,
des cha­grins ordi­naires, des petites larmes et des éclats de rire,
j’habite encore au pays de vivants
par­mi mes mis­ères, mes bonheurs,
avec mes coups de cœur, mes coups de gueule,
j’habite non loin de vous.

Aus­si amis,
par­don­nez que par­fois la tristesse me gagne
mais sachez que, du haut de mes vieux printemps,
je n’ou­blierai jamais ni l’heure des Mis­trals Gagnants
ni la puis­sance du cri, de l’amour et de l’espoir,
je n’ou­blierai jamais de vouloir du pain
et du soleil à jeter sur les matins qui se lèvent.

Je n’ou­blierai jamais le temps des mots d’enfant,
ni mon chat
trois pattes posées sur mon bonheur.

 

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