Silvaine Arabo, Marines Résiliences, extraits

Par |2019-09-22T06:56:56+02:00 6 septembre 2019|Catégories : Poèmes|

Nous étions deux, han­tés par la mer qui nous mou­vait, dont nous 
étions le vivant regard
Notre âme avait joué de la cadence des poètes du 
bruit vert de la vague universelle…
Nous avons été le chantre et l’écume la mouette 
inas­sou­vie le pas­sant qui ne s’attarde pas
Nous avons été l’aube et le corps dis­sous des soleils 
lors même que la Con­science n’avait pris la forme ni 
l’apparence du vis­age frag­ile que nous tenions entre nos mains
Endors-toi et ne rêve pas : volute et sou­veraine, tu 
t’installes aux volets des algues, pour le repos demi
‑clos du pre­mier matin du monde
les yeux au bord de la lumière.

 

 

Trans­parence au monde d’où rivent les grandes 
images nues : inno­cence où la lumière et l’ombre se 
rejoignent, où les couleurs ne font plus qu’un
Trans­parence à l’enfant que nous fûmes, aux 
bruyères d’autrefois, aux grandes vérités océanes, 
aux seules réal­ités, aux seules et prodigieuses clartés 
mul­ti­ples Trans­parence par où s’é­coule le filet min­ci du
silence pour s’ou­vrir, tel un ruis­seau dans la mer : ne
pas remet­tre à plus tard l’ex­tase des aubes rosées
Etre l’aube qui se bal­ance : un nou­veau silence avant l
’illu­sion du bruit. Quelque chose qui glisse et 
emprunte tous les masques, y com­pris celui de la 
pierre, du minéral le plus lointain.
Trans­parence qui jouit de sa pro­pre transparence 
puisque tout est dans tout, et l’arbre et la naissance 
et la vie — même figée — des sour­cils qui se crispent et 
meurent pour inau­gur­er le règne assumé du silence.

 

 

De l’invention sacrée qui tou­jours passe par ton 
corps et ressur­git puri­fiée — feu du noir et poussière 
d’or sur tes doigts — je t’invente l’arbre aux 
strat­a­gèmes indé­cis et repe­u­plé d’oiseaux multiples
Je t’invente aux rites chevelus des oiseaux : cœur de 
l’arbre et formes inces­santes sous le cligne­ment des 
ailes et des paupières errantes
sous le bleu repos — tenace — des astres et de la nuit.
Ain­si tu chem­ines et je perds nos mots à travers
d’insondables rêves que jamais tu n’auras
dés­ap­prou­vés : dédale ivre des chercheurs incertains 
aux longues plongées sous-marines
Une terre n’est plus rebelle : nous roulons en son 
cen­tre où nous devi­nent mille élé­ments que nous 
baignons et lavons de nos soleils

qui nous sollicitent
nous puri­fient d’insensées rumeurs
afin qu’éclate, autre soleil, la jeunesse ramifiée.

 

 

Seules fièvres ivres de la musique et blanc tambour 
sur quoi pal­pi­taient volaient d’étranges nacelles
des tran­sits pour le bat­te­ment léger des cœurs au 
cen­tre au rythme même de l’univers
Et vous implor­erez jusqu’à la racine sim­ple ce 
souf­fle qui nous des­sine et nous pétrit et nous 
broiera de ses laits bruns et ocres de terre avide
Pour saisir le moin­dre rythme que d’oublis d’une
mort qui men­ace d’une vie couleur de 
grenade et de soupirs du moindre
Que de linceuls prim­i­tifs et intérieurs que de deuils 
châtrés !

Et mer qui men­aces au cen­tre du cri recou­verte du 
gris man­teau de rou­tine et lame comme un éclair 
soudaine­ment comme un éclair de lampe dans la nuit 
des temps
Et l’eau sur l’arbre ren­ver­sé qui se noie image 
ful­gurée des grands départs loin des voies étoilées 
du vol
des voiles — pas même — blanch­es et bleues des 
odeurs cassées au retour très près

Et le pince­ment qui bruit au cœur de toute chose : à 
saisir à reconnaître.

 

Et puis là, autour de la mai­son, dans la nuit bleue, il 
y a l’esprit qui rôde et veille et se déploie : l’arme
qui passe ne le tranchera pas n’anéantira£
ni la pureté de son errance ni le départ libre vers 
l’écume et la forêt.
Il glis­sera le long de la lame, lisse et con­scient, sans 
haine, sans peur, avec un sourire indi­ci­ble que seuls
percevront les arbres antiques et la ron­deur parfaite 
des fruits mûrs au som­met de l’été.

 

Les mots auraient dû se bris­er sous la grâce 
trop intense du sourire : j’aurais voulu psalmodi­er ma 
joie. Les arbres n’étaient pas dif­férents de mon sang 
et mes mains-hiron­delles ne bat­taient pas, immobiles, 
mais elles trem­blaient, scin­til­lantes, comme les cristaux 
de neige sur le sol de l’enfance.

 

Présentation de l’auteur

Silvaine Arabo

 

Sil­vaine Arabo est née en Char­ente-Mar­itime. Elle a fait ses études supérieures à l’Université de Poitiers. Pro­fesseur de Let­tres puis chef d’établissement.

Elle a com­mencé à écrire à 20 ans et a pub­lié, entre 1967 et 2019, 40 recueils depoèmes (Chez Guy Cham­bel­land, La Bar­­tavelle-Edi­­teur, Encres Vives, Edit­in­ter, Club des poètes, Rafael de Sur­tis…) ain­si que deux essais et trois recueils d’aphorismes. Elle a égale­ment fait paraître ses textes dans de nom­breuses revues, tant français­es (Phréa­tique, Poésie/première, Traces, Résur­rec­tion, Poésie/s/Seine, Frich­es, Arpa, Jalons, Join­ture, Les Cahiers de la rue Ven­tu­ra, IHV, Phoenix, etc.) qu’étrangères (Québec : invitée d’honneur de la revue Arcade, Roumanie : revue Cron­i­ca, Inde : PPH00, Bel­gique : L’Arbre à paroles, Inédit Nou­veau, USA : Osiris, Mex­ique : La Piraña). Sa poésie a été traduite en anglais, en espag­nol, en hin­di, en roumain et en tchèque et elle appa­raît dans une dizaine d’anthologies.

Sil­vaine Arabo est égale­ment plas­ti­ci­enne : nom­breuses expo­si­tions à Paris, dans deux Galeries du Marais (Prix d’honneur pour une de ses toiles en 2001 à l’Orangerie du Sénat lors d’une expo­si­tion fran­­co-japon­aise), en province et à l’étranger — Chine : Pékin (2000) toiles, Japon (2008) : Ama­gasa­ki (quarti­er Tera­machi), Nikko (vil­la impéri­ale), Naha (Musée pré­fec­toral et des Beaux-Arts), où on lui a attribué trois diplômes d’honneur pour ses encres.

Elle a pub­lié plusieurs livres d’art (ses encres, toiles, dessins, col­lages, photos).

Elle a créé en 2001 Saraswati (revue de poésie, d’art et de réflex­ion sur sup­port papi­er) ain­si que plusieurs sites de poésie en ligne :

- 1997 — 2012 : Poésie d’hier et d’aujourd’hui (édi­tion de plus de 100 poètes con­tem­po­rains, site aujourd’hui dis­paru car envahi par une pub­lic­ité non consentie).

- 2017 : site des Edi­tions de poésie Alcy­one (présen­ta­tions d’auteur(e)s, poésie à lire et à enten­dre, notes de lec­ture…) www.editionsalcyone.fr

et un site pour la défense des Droits de l’animal :

- 2007 Animaux…les longs cal­vaires : http://pagesperso-orange.fr/mirra/

Sa poésie appa­raît sur de nom­breux por­tails de l’Internet.

Elle fut direc­trice du comité de lec­ture des Edi­tions de l’Atlantique, elle l’est aujourd’hui de celui des Edi­tions Alcy­one (B.P. 70041, 17102 Saintes Cedex).

 

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