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Baptiste Pizzinat, Ce grand théâtre de fous

CE GRAND THÉÂTRE DE FOUS

 

Jacob, mon ami
où te caches-tu ?

aurais-tu donc perdu la foi ?

toi qui sers de prête-nom au pays déchiré
de cache misère sur la bande de Gaza

combien de tes frères palestiniens condamnés à l’exil ?

combien d’amants privés d’eau et de soleil
entre les murs de Bethléem

sur cette terre promise
où plus rien ne pousse
que la violence et la haine

nos cœurs seraient-ils condamnés à n’être que des cimetières ?

Jacob, mon ami
dis-moi
où es-tu ?

nous sommes fatigués
fatigués de prier Dieu dans la poussière et l’humiliation
fatigués de vieillir dans les ruines de l’histoire

fatigués de ces murs
qui nous écrasent
comme des insectes
nous regardent
comme du bétail

fatigués des lamentations

mais tu sais, nous ne voulons pas baisser les bras

il y a encore de l’espoir ici
derrière nos visages

même écrasés par trop de chagrin
même humiliés par l’ignorance de nos frères
nous ouvrirons nos maisons
ou ce qu’il en reste
et nos enfants courront vers toi
les poches pleines d’étoiles ramassées dans le ciel
pour te demander pardon

pardon pour tous ces anges
des jours ordinaires
laissés pour morts sans sépulture

pardon pour le sang versé
sur la mémoire de nos ancêtres

pardon pour cette tragédie

ce grand théâtre de fous

ainsi nommé
comme au premier jour

Israël.

 

 

 

Présentation de l’auteur

Baptiste Pizzinat

Baptiste Pizzinat est né à Agen en 1982. Il est l’auteur de Les Mots rouges (Fédérop, coll. « Paul Froment », 2016), un recueil de poèmes inspiré de l’enfance et écrit en hommage à une sœur. Il a publié dans Le Journal des Poètes (1/2018, 87e année, p. 62-65) « Une pioche à la place du cœur », poème tiré d’une résidence de création théâtrale autour de l’œuvre de Jean Genet. Il écrit aussi régulièrement sur son blog : baptistepizzinat.blogspot.com.

 

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