Fabrice Farre, Des équilibres

Par |2022-09-30T16:22:40+02:00 26 août 2022|Catégories : Fabrice Farre, Poèmes|

Appelle, appelle à nou­veau pour voir où nous sommes, 
somme de deux seuls ou bien écho, miettes infinies voilà, 
épice au vent, foule mus­cade si bonne qu’elle relève le goût 
tan­dis que dans nos bouch­es roule le bois rond avant d’avoir 
été moulu : la parole, enfin. À nous deux resser­rés jeunes 
comme on chu­chote son heur, on trou­ve sous l’é­corce des 
mots et cris le rouge vif d’au moins deux grains de grenade.

∗∗

Ea, ea (1), traineaux, neige et chiens noirs. Qui arrive, 
hale­tant, au ter­ri­toire dont l’hori­zon arrête l’i­con­nu ? Cours 
chercher qui manque, avant que la vapeur du souffle 
dis­paraisse. On trépigne pour l’é­garé, l’im­pa­tience le 
ranime, il revient, le voici. Le blanc respire bien­tôt, il aura à 
cœur de racon­ter un temps les traces bleues sous les 
glapisse­ments sus­pendus. Ea, ea, chiens, neige, labours.

∗∗

Bien trop timide, le cours des choses, sous la mousse verte 
des bor­ds de la géo­gra­phie intime, ruis­seau. Avec la rivière, 
une peine rassérénée lave le gran­ite et l’ap­privoise. Écueil 
de noble matière et toi, marin d’eau douce. Le cours 
tou­jours entraîne, des­sine un bras de mer loin­taine qui 
viendrait ser­rer. Joie flu­viale, aux mailles ramendées de la 
seine demi-pois­son d’ar­gent ; hup­pée l’ai­grette s’échappe.

∗∗

Par­ti de chez Chapelard & Fils, l’é­ti­quette de nylon, moins 
qu’une illu­sion, l’indique, Impasse 100, tra­ver­sant l’avenue 
avec ton cœur proche, entourant ton cou lui-même animé 
par ce rythme iden­tique, je fais les cent pas et quelques 
en ta com­pag­nie, perce la maille cha­grine, fibre à rompre : 
je suis l’écharpe fab­riquée par des mains sécu­laires ainsi 
qu’il est dit, maille à l’en­vers, à cet endroit maille à partir.

∗∗

Ma noire nour­rice a le corps cou­vert de plis de sagesse, 
elle voue à ses Saints le chant du lait d’où naissent 
promess­es et retour. Une fois franchi le seuil de son 
sourire, la cham­bre unique d’une seule fenêtre fixe le bol 
de terre où trem­pent les lèvres du vieil enfant. Et le cuivre 
solaire, roulant sur les vieilles ter­rass­es de béton désarmé, 
regrette un or con­voité dans la mine pro­fonde à ciel ouvert.

Présentation de l’auteur

Fabrice Farre

Fab­rice Farre est né en 1966, à Saint-Éti­enne. Il exerce divers métiers, tout en pour­suiv­ant de longues études de let­tres et langues étrangères, puis intè­gre la fonc­tion publique l’État.

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