Jacques Cauda, Poèmes

Par |2025-09-06T07:25:33+02:00 6 septembre 2025|Catégories : Jacques Cauda, Poèmes|

Je lève les yeux

Sous la terre

J’ai du goût pour la lumière 

Les mains pâles

Que des choses : des phénomènes

Je lève les yeux : je n’aime pas me voir autrement

Que par petits morceaux de flammes

Brouille aux formes elles

Courent par­mi nous

Sur la peau (c’est comme des âmes sur le papier)

Telle la prairie pour l’ardeur

Le feu fol pour l’ardeur

Enfant déjà des moments

Aux influ­ences

Je me recon­nais de cet œil

Sans bor­ds

C’est le point de vue du Pur­ga­toire 

Bril­lant de mille feux follets

Je marche sur le pré

J’ai ten­du l’étant

La journée est finie

Ah Dieu que la guerre est jolie…

Je me prom­e­nais d’après une estampe
Du Cor­rège il s’agissait d’une
Allé­gorie de la Ver­tu je traversais
La vie les champs la ronce et les
Muri­ers noirs c’était ma condition
Sinon la guerre avait pris langue
Dans l’angoisse me dis­ais-je en
Pares­sant dans l’herbe la tête
Empour­prée de soleil rouge
Bien sûr l’allégorie représentait
Trois femmes la Guerre la Paix et
La Troisième pavoisant de bleu et
Jaune vêtue ne me dis­ait rien pourquoi ?
J’avais emporté avec moi un livre
Au titre élo­quent Héroïsme et victimisation
Qui com­mençait par les mots suivants
L’honnête homme maître de ses pulsions
Lorsque je vis un tas de bruyère
Il fai­sait chaud j’allais m’abriter sous
Un arbousi­er épineux aux côtés d’alisiers
Frais tout autour de moi les insectes
Ray­on­naient dans l’air en nourrissant
Ma soli­tude ardente blot­tie dans l’ombre
Où brûlait l’image de la ver­tu sans doute
Étais-je le seul homme hon­nête capable
De com­pren­dre la dess­ic­ca­tion du temps
Que rien ne venait assom­brir ni les fraîches
Couleurs des fruits rouge orangé qui
Bruis­saient sur mon être ni leur
Sourire de chair qui me lais­sa bouche bée
Ce matin-là comme un matin cocagne !

Je sen­tais mon œil en alerte
Maçon­ner la vie en rouge musculaire
Je me par­lais à voix haute comme
Rem­pli d’espoir ah boire mon esprit
Qui se présen­tait dans l’ordre d’un
Dis­cours que je pris soin de moduler
Cézanne ! La Mon­tagne… Mais
L’herbe était si haute et
Si durs les cris d’oiseaux qu’ils m’em-
Pêchaient tout je restais dans l’herbe
Assis hébété malade de moi-même
Tan­dis que quelque chose une
Men­ace ? courait sur
La toile telle una per­sona ren­due à
Aux démons à la Guerre jaune
Et bleu qui
Ser­pen­tait à mes pieds

Je rêvais un instant
Pour voir revoir peut-être
Ce sub­til mélange indi­go jaune et noir
Du même ton­neau que la Diane et ses Compagnes
Ver­meer de Delft n’est-ce pas
Chaste Diane trop vêtue à mes yeux
Qui l’habillaient d’une peau rose
Désemparée …

Je me réveil­lais nour­ri par une expression
Retrou­vée (dans les Saintes Écritures) :
Paulo minus ab angelis
« Un peu en dessous du niveau des anges »
Chimère ! Qu’avais-je à faire
Avec le dessous des anges ?! J’étais allongé
Dans l’herbe à la dix­ième heure du
Jour avec l’arbousier comme couvre-chef
Fait d’épines et de fruits rouges
La lumière mon­trait la voie droite
Avec ce phrasé qui lui était propre
Et qui dénotait
Une calme assur­ance comme une
Pure splendeur
Dès lors qu’elle et Diane
S’équivalaient 

En tour­nant la tête posée dans
Le con­fort de mes cheveux qui ondoyaient
Dans le vert j’aperçus un ensem­ble de
Roches fes­sues mais longues Des roches
Bleu délavé dilué à la manière du Greco
Qui dans un curieux rapprochement
Comme mimétique
Firent de moi un être- étirement
Au gré pro­gres­sif du plaisir que j’avais à
Me devin­er dans la pierre
Des notes d’or tombées du soleil
Flot­taient tout autour de moi
Nim­bant mon Image je vis alors que
J’avais le doigt de la main droite levé
Le seul com­bat que nous puis­sions livrer
Est celui de la parole, dis­ait-il
La main gauche tombante sem­blait défaite
Elle n’attendait plus rien Mes épaules
Sail­laient en somme j’étais nu telle une
Âme enivrée & martyre
Du mas­sacre jaune et bleu si joli…

CHAOS                                                                                    

Il y a des jours
Quand Chaos guer­roie pour tous
Aux prix attribués
L’accourcissement des nuits
Pour garder sans vous écarter

Vous ne jugerez point car vous
L’avez fait
Vous vous collerez au
Déclin du soleil quand
Il sera

Tous vos efforts
Pour dire à la frontière
De peur des ossements
Alerte
Avec dix mille hommes

Et c’est après quoi
S’il y a une sortie
Dans la cour extérieure
La haine mon­tera sur vous
Il sera

Sou­venez-vous
Par le char­bon et l’anthracnose
Sur le bois écrit
CHAOS
Et vivez vous

Il foule les tertres
Son nom vertical
Archi-tombal
Sans le jardin multiple
Cette charge de malheur

Prenez et mangez
Les faces de la terre
Les mains à l’œil au soleil
Faites étinceler la razz­ia con­tre le rude
Tri­om­phe comme un feu

Exilé de sa glèbe
Si c’est en ce jour
Le voici non par la soif d’eau
Mais avec persistance
L’étain pris aux entrailles

Agrandir vos bouches
Prenez & mangez
Car le mal descend
Quand il faut saisir
Le vin pour qui va droit

Ô bovins suspendus
Machines maisons encloses
L’en-tête de la faute ici
Par­mi vous
Ce ne sera plus le repos

Le jour de détruire
À jamais sa nar­ine dans
Le passé sans parenthèse
De la mer à la mer
Depuis là

Le souf­fle vous l’avez entendu
Mon­té sur un âne
Il sera
En vos cœurs aux qua­tre coins
Comme le messager

Reste liq­uide long et délié
Prenez et buvez
La cape de bave près de la félonie
Gloire à son nom
Réponse/cendres

Longueur de narines
La man­geoire est pleine
Ceci est
Comme neige en été pluie à la moisson
Vous claudiquez langues médisantes

Encore des exemples
Le sort de votre maison
D’une terre lointaine
À l’angle d’un toit
Prismes

Rumeurs qui con­sacrent le carnage
Miel & entête des douleurs
Avalez et voyez
Ain­si soit-Il

Présentation de l’auteur

Jacques Cauda

Philoso­phie à la Sor­bonne et ciné­ma au C.L.C.F., Cau­da tra­vaille pen­dant dix ans pour la télévi­sion, il y réalise des doc­u­men­taires aux titres évo­ca­teurs comme de Bœuf en bif, un film sur les abat­toirs digne des meilleurs tableaux de Fran­cis Bacon ; ou bien Se sou­venir dix sec­on­des ou toute sa vie, dont il a tout oublié… Il arrête le fil­mage pour pein­drécrire tout son soûl. Près de cinquante bouquins : poésie, prix Joseph Del­teil et de l’Institut Académique de Paris ; nou­velle, prix de la ville du Pecq ; roman, essai, cor­re­spon­dance, livre d’artiste… Et autant, sinon davan­tage, de livres qu’il illus­tre, dont le Pur­ga­toire de Dante aux édi­tions Ardav­e­na. Il est Toile d’or en 2010. Il obtient plusieurs Awards d’hon­neur à la Park Art Fair Inter­na­tion­al (Genève) en 2011, 2012, 2015, 2016, et, en 2012, le Grand Prix de la Bien­nale d’Art Con­tem­po­rain à Orléans. Ses œuvres sont con­servées au Kat­tenk­abi­net (Ams­ter­dam), au Musée d’Art Spon­tané (Brux­elles) à la Mai­son de Balzac (Paris) et à la Mai­son de Ver­laine (Metz). Ses por­traits sont entrés dans les col­lec­tions du col­lec­tif Nuage Vert. Plusieurs biogra­phies et essais lui sont con­sacrés dont le dernier en date, Dante, Sade, Rim­baud, Cau­da (jan­vi­er 2025 aux Édi­tions Uni­ver­si­taires Européennes) est signé Paul Bas­so, pro­fesseur de let­tres à la fac­ulté de Lille. L’ouvrage paraît simul­tané­ment en plusieurs langues, français, anglais, espag­nol, alle­mand, por­tu­gais, polon­ais, ital­ien. Il est égale­ment prési­dent du prix lit­téraire Jacques Abeille/Léo Barthe, et dirige la col­lec­tion de lit­téra­ture (roman, nou­velle) La Bleu-Turquin, la col­lec­tion Cour & Jardin (théâtre), et la col­lec­tion Réso­nances(essai) chez Douro/Hachette.

Bibliographie 

  • Vers un effort vis­i­ble, poésie, L’Échap­pée, 2002
  • Toute la lumière sur la fig­ure, essai, Édi­tions Ex Aequo, 2009
  • Vox ima­go, roman, m@nuscrits Léo Scheer, 2009 et édi­tions Praelego, 2010
  • Lou, nou­velle, pre­mier prix de la ville du Pecq, 2011
  • Je est un pein­tre, poèmes, Jacques Fla­ment Édi­tions, 2012
  • Le bon­heur du mal, poèmes, Kirographaires, 2012
  • Point de dimanche, nou­velle, Jacques Fla­ment Édi­tions, 2013
  • Tous pour un, roman, Numérik­livres, 2013
  • Amor’, poèmes, La Matière noire, 2014
  • Le Bunker No 4, témoignage esthé­tique, Jacques Fla­ment Édi­tions, 2015
  • Le Déje­uner sur elle, texte, édi­tions la Belle Époque, 2015
  • Les jou­ets rouges, poèmes, édi­tions Con­tre-Ciel, 2016[11]
  • Quand? Chant du Z, chan­son de geste, Z4 Édi­tions, 2016[12]
  • Elle & Nous, poèmes & illus­tra­tions, édi­tions Flammes Vives, 2016
  • Comilédie, roman, édi­tions Tin­bad, 2017[13],[14],[15],[16]
  • Ici le temps va à pied, poésie, prix spé­cial du jury Joseph Del­teil, édi­tions Souf­fles, 2017
  • Les Caliguli­ennes, réc­it, avec des pho­tos de Éliz­a­beth Prou­vost, Les Crocs Élec­triques, 2017[17],[18]
  • ORK, roman, édi­tions La P’tite Hélène, 2017[19]
  • OObèse, roman illus­tré, Z4 Édi­tions, 2017[20],[21]
  • L’amour la jeunesse la pein­ture, nou­velle, édi­tions Lamiroy, 2018[22]
  • P.A.L., réc­it, avec des pho­tos de Alexan­dre Woelf­fel, Les Crocs Élec­triques, 2018[23],[24]
  • Vita Nova, réc­its, édi­tions Unic­ité, 2018[25]
  • La vie scan­daleuse du pein­tre Jacques Cau­da, roman graphique, Les Crocs Élec­triques, 2018[26],[27]
  • LA TE LI ER, essai, coll. « La diag­o­nale de l’écrivain », Z4 Édi­tions, 2018[28]
  • Les Berthes, poèmes, coll. « Les 4 saisons », Z4 Édi­tions, 2018
  • Pein­dre, poèmes, avec une post­face de Murielle Com­père-Demar­­cy, Ate­lier Cau­da, Clap, édi­tions Tar­mac, 2018
  • Le Trou, nou­velle, avec deux illus­tra­tions, édi­tions Furtives, 2018
  • Mosca Mon­cul, petite his­toire de l’art, avec deux illus­tra­tions, édi­tions Furtives, 2019
  • Les cinq morts de Paul Michel, nou­velle, col­lec­tion Opus­cules, édi­tions Lamiroy, 2019
  • Ani­Mots, poèmes illus­trés, Hors Série no 2 des édi­tions Chats de Mars, 2019
  • Sale trine, poème, avec une illus­tra­tion, édi­tions Furtives, 2019
  • Pro­fes­sion de foi, réc­it, édi­tions Tin­bad, 2019
  • Moby Dark, roman, édi­tions L’Âne qui Butine, 2020
  • Pigalle, nou­velle, édi­tions Les Cosaques des Fron­tières , 2020
  • Rue des Pyrénées, nou­velle, col­lec­tion Cré­pus­cule, édi­tions Lamiroy, 2020
  • Fête la mort, roman, édi­tions Sans Crispa­tion, 2020
  • Jacqueries, cor­re­spon­dance avec Marie-Philippe Deloche, édi­tions Asso­ci­a­tions Libres , 2020
  • Da Capo al Coda, Fait divers, édi­tions L’Âne qui Butine, 2020
  • Gros Mick­ey, nou­velle, avec trois illus­tra­tions, édi­tions Furtives, 2021
  • Jésus kill Juli­ette Éloïse, jour­nal, La diag­o­nale de l’écrivain, Édi­tions Douro, 2021
  • Caméra Gre­co, essai, Marest édi­teur, 2021
  • Paris rat le dernier aura, nou­velle, édi­tions Les Cosaques des Fron­tières , 2022
  • Les Inédits de Rim­baud, c’est nous , essai col­lec­tif, douze illus­tra­tions, cou­ver­ture et texte inti­t­ulé “Rim­baud moi com­mu­nard”, La Bleu-Turquin/­­Douro édi­tions, 2022
  • Ah idée, texte, édi­tions Les Cosaques des Fron­tières , 2023
  • Chet & Ger­ry, texte illus­tré, édi­tions Les Cosaques des Fron­tières , 2023
  • Mégaligra­phies, poèmes illus­trés, Douro/Présence d’écri­t­ures , 2023
  • Flor­belle, roman illus­tré, édi­tions Tin­bad , 2023
  • Pronos­tic vital engagé, roman, édi­tions Sans Crispa­tion, 2024
  • À sauts et à gam­bades, avec Philippe Pichon, essai, édi­tions Ardav­e­na, 2024
  • L’In­vis­i­ble ou agrandir le trou pour ne pas en sor­tir, essai , Résonances/Douro , 2024

Livres d’artiste

  • J’azz, poèmes avec trois illus­tra­tions, édi­tions Dumerchez, 2018
  • De l’Alle­magne, Le nez dans la chat­te, avec Christophe Esnault, Le Livre Pau­vre, 2018
  • De l’Alle­magne, Niet­zsche ‚avec Éric Dubois Le Livre Pau­vre, 2018
  • De l’Alle­magne, Cochers, avec Angèle Casano­va, Le Livre Pau­vre, 2018
  • La Grosse et les Cabots, apos­tilles avec une cou­ver­ture et une mise en page de Danielle Berthet, col­lec­tion Apos­tilles dirigée par Danielle Berthet, 2019
  • Le Pan­talon ivre, roman graphique, édi­tions Qazaq, 2021
  • Car­cass­es, poèmes, textes, dessins, pein­tures, Col­lec­tif avec Marie-Philippe Deloche, Eliz­a­beth Prou­vost, Jean-Paul Gavard-Per­ret et Van­da Spen­gler, édi­tions Asso­ci­a­tions Libres, 2021
  • Le Jet d’oeil au beurre rouge, apos­tilles avec une cou­ver­ture et une mise en page de Danielle Berthet, col­lec­tion Apos­tilles dirigée par Danielle Berthet, 2021
  • L’eau et les rêves, avec Angèle Casano­va, Le Livre Pau­vre, 2022
  • Kiss me quick, Hom­mage à Mireille Boileau, col­lec­tion Quelqu’une, édi­tions du Car­net d’Or, 2022
  • Nemo, avec Gre­go­ry Rateau, RAZ édi­tions « coll POV », 2022
  • La Crevie, avec Philé­mon Le Guyad­er, RAZ édi­tions « coll POV », 2022
  • L’amour nom­breux, The­BookEdi­tion, 2023
  • Le Vivi­er-sur-Mer, col­lec­tion Quelque part, édi­tions du Car­net d’Or, 2023
  • Le Pur­ga­toire, Dante traduit par Emmanuel Tugny, édi­tions Ardav­e­na, 2024
  • Ah les fées !, col­lec­tion Rara lib­ris, édi­tions Bernard Dumerchez, 2024
  • Mathilde en espiè­g­leries, avec Jean-Louis Hess, pré­face Christophe Bier, Ponte Vec­chio édi­tions, 2024
  • Étant don­née, sur une propo­si­tion de Mar­cel Duchamp, ouX­po & Ponte Vec­chio édi­tions, 2025

Préfaces et Postfaces

  • Jan­ick Poncin ou le recom­mence­ment, Intro­duc­tion à l’œu­vre de Jan­ick Poncin, Car­nets d’Artistes, Jacques Fla­ment Édi­tions, 2015
  • L’é­vangile ble­u­Nuit, Voy­age au bout du bleu, chant de Chris­t­ian Edziré Déquesnes, Z4 Édi­tions, 2019
  • Terre Creuse, réc­it de Angèle Casano­va, Post­face et illus­tra­tions, Z4 édi­tions , 2020
  • Hans Bellmer, de Joseph Nosarzews­ki, Post­face co-signée avec Éti­enne Ruhaud, La Bleu-Turquin/­­Douro , 2023
  • L’im­age de soi, de Olivia-Jeannne Cohen, Pré­face, Résonances/Douro , 2024
  • Paraboles sur le coeur, de Iren Mihaylo­va, Pré­face, Poésie.io , 2024
  • L’Art en bar, de Philippe Bouret, Pré­face, Tar­mac, 2024

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 À pro­pos de lec­ture poé­tique cer­taine – celle qui con­siste à s’emparer du recueil d’un autre,  et non pour son auteur, à réciter le sien –, il y aurait ce critère : ce qu’il […]

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