Jean-Albert Guénégan, à Triste en Corbière

2018-01-29T13:15:10+01:00
cimetière de Saint-Mar­tin ville Morlaix

 

Tris­tan, me voici c’est moi. La per­pé­tu­ité a fait s’évader ton âme de ce livre de pierre dont je devine à peine les noms de ceux qui ont tourné ses pages. Des bar­reaux, un gril­lage repeints en vert déjà rouil­lé. Le temps a passé les menottes aux let­tres de ton nom mais pas le gar­rot à mes veines. Mords ça. Ca quoi ? Ce monde que tu as mal habité.
Là en bas c’est com­ment ? Trop exigu pour jouer l’artiste. Trop noir pour te moquer encore.
Cor­re­spon­dre avec toi me brûlait l’âme et les doigts depuis longtemps. D’un feu très vif au-delà du temps. Te dire que je te lis et même, te relis fréquem­ment. Qu’à chaque lec­ture, je te redé­cou­vre sans pru­dence fort de plaisirs iné­galés. Je puise dans tes vers quelque chose de nou­veau, d’inexploré, d’audacieux, de nova­teur, de ver­tig­ineux, d’encore plus amer qui me sur­prend, m’interpelle et me sub­lime. Mes sen­sa­tions jau­nis­santes ne sont jamais les mêmes. Les images réduc­tri­ces et mar­tyrisées que tu donnes de toi, ce duel, ce gouf­fre, cette joute entre le néant et le géant, entre soi et soi, me con­cerne. Qu’après tout ce temps et bien que je ne puis être qu’à ma hau­teur, com­ment être à la tienne, c’est comme si nos univers si dif­férents se rejoignaient pour ne plus faire qu’un.
Flane sur mes vers que je rêve sur les tiens !
Plante tes mots dans le bec des gens de terre, les gens de mer ne sont pas à met­tre dans le même sac. A la fois dans la vie et à côté, elle n’était pour toi qu’un échan­til­lon. A moins que ce ne soit la vie qui fut malade. Elle n’est pas tou­jours à la place qu’elle devrait être. Je le crois puisque tu as écris qu’on t’a man­qué ta vie. Bien plus tard, un autre poète écriv­it Ma vie sans moi. Qu’est-ce qui pousse et rac­croche ces arti­sans du vers, de la beauté, ces apôtres de l’âme en rut à être à la fois dans le in et le off de la vie ? Il lui arrive d’improviser et de faire des embardées. Elle t’a con­damné par con­tu­mace, tu lui as lais­sé tes détress­es en forme d’amours tein­tées de jaune sur fond noir. Tu es un poète total et je l’avoue hum­ble­ment, peu nom­breux sont les poètes qui m’ont autant exalté. Ne vois ici aucun esprit mor­laisien épris de chauvinisme.

Sim­ple­ment te dire qu’à force de te con­sid­ér­er comme rien, ni beau ni bon, de te railler, de te car­i­ca­tur­er tou­jours vers le plus bas et au-delà du tolérable, tu es devenu non un mousse mais quelqu’un. Un Mon­sieur pau­vre de tout et de toi-même mais riche de ton écri­t­ure. Je t’écris de ta ville dont tu n’as rien dit. A croire qu’elle ne t’a inspiré que des let­tres, la mai­son Bour­boulon, le Lau­nay et Coat-Con­gar. Une mis­sive tâchée de spleen baude­lairien, pour te dire qu’il m’est impos­si­ble de t’oublier. Et pourquoi ? Te dire aus­si que les démons ruminés au point de te ronger sont partagés par-delà les cer­ti­tudes de l’humaine piste et, même si l’art ne t’a pas con­nu, même si tu n’as pas con­nu l’art, je m’incline devant ta poésie cri­ante de tal­ent et de vérité.

Présentation de l’auteur

Jean-Albert Guénégan

Jean-Albert Guéné­gan, poète né à Mor­laix, a publié :
  • Sans adresse, l’au­tomne en 2012
  • Trois espaces de lib­erté en 2011
  • Con­ver­sa­tions à voux rompues avec Jean-Claude Tardif, édités par Editinter.

Auteur égale­ment de livres d’artiste, Matins en 2012 avec Michel Remaud et des réc­its auto­bi­ographiques comme Dim­itri et les livres en 2008. Ani­me des soirées poésie notam­ment en médiathèques et cen­tres culturels.

Jean-Albert Guénégan

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