1. Recours au Poème affirme l’idée d’une poésie conçue comme action poli­tique et méta-poé­tique révo­lu­tion­naire : et vous ? (vous pou­vez, naturelle­ment, ne pas être en accord avec nous, ou à être d’accord dans un sens diamé­trale­ment opposé au nôtre).

Je suis en plein accord avec cela. Dans sa volon­té de mul­ti­plic­ité, Recours au Poème uni­fie, ou plus juste­ment vise une unité faite de tous les pos­si­bles. La poésie, dans toute sa diver­sité, naît d’une racine com­mune à tous les poètes, une racine UNE, même principe que l’on retrou­ve en spir­i­tu­al­ité. En explosant les fron­tières de l’espace-temps, de la langue et des cul­tures, Recours au Poème, nous mène à cette racine, en ce sens la poésie devient action poli­tique. Cette dernière ouvre les yeux et les âmes, affûte la vig­i­lance et nour­rit les consciences. 

 

2.  « Là où croît le péril croît aus­si ce qui sauve ». Cette affir­ma­tion de Hölder­lin parait-elle d’actualité ?

Elle est intem­porelle et peut-être plus forte encore de nos jours. Elle est, cette phrase, la base de toute forme de guéri­son. Si l’on plonge dans nos obscurs tré­fonds, on perçoit la lumière et donc la poésie. La poésie sauve parce qu’elle guérit, au sens lit­térale du mot, elle guérit le corps et l’esprit, elle fait briller l’âme. Elle relie le vis­i­ble à l’invisible, elle con­verse avec les forces, elle se lie d’amitié avec les présences. Les mots sont le lien, le liant vibra­toire entre les hommes, encore une fois, pour “sauver”, il faut uni­fi­er, con­necter et élever, rôle pre­mier du chaman­isme, père de toutes les poésies du monde.

 

3.  « Vous pou­vez vivre trois jours sans pain ; – sans poésie, jamais ; et ceux d’entre vous qui dis­ent le con­traire se trompent : ils ne se con­nais­sent pas ». Placez-vous la poésie à la hau­teur de cette pen­sée de Baudelaire ?

Une pen­sée me vient : Des rescapés des camps de con­cen­tra­tion dis­ent que cer­tains pris­on­niers se sont mis à écrire, pour se rac­crocher à un “sem­blant de sens”, pour tenir, pour s’émer­veiller encore et respir­er au ven­tre de l’horreur. C’est cette nour­ri­t­ure des mots qui les a ramenés par­mi les vivants.

 

4. Dans Pré­face, texte com­muné­ment con­nu sous le titre La leçon de poésie, Léo Fer­ré chante : « La poésie con­tem­po­raine ne chante plus, elle rampe (…) A l’é­cole de la poésie, on n’ap­prend pas. ON SE BAT ! ». Ram­pez-vous, ou vous battez-vous ?

Les deux. Pour se bat­tre, il faut emma­gasin­er l’énergie de la terre. Pour sauter et s’élever au plus haut, il faut au préal­able fléchir ses jambes. Avant de bondir, un chat plie ses pattes et approche son abdomen du sol. Le chat n’est-il pas le meilleur ami de l’écrivain et du poète? 

 

5.  Une ques­tion dou­ble, pour ter­min­er : Pourquoi des poètes (Hei­deg­ger) ?  En pro­longe­ment de la belle phrase (détournée) de Bernanos : la poésie, pour quoi faire ?

Poètes et Poésie, parce que l’Absolu tord et embrase le ven­tre de cha­cun d’entre nous.

Poètes et Poésie, parce qu’un autre monde nous regarde et nous attend.

Poètes et Poésie, parce que comme le dit Armand Gat­ti, “nous sommes tous nés de l’agonie d’une étoile, des naufragés de l’espace et du temps. Et seul le verbe peut nous aider à retrou­ver l’éclat défunt de cette étoile.”

 

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