Somaia Ramish, Trois poèmes

Par |2023-09-06T21:31:40+02:00 6 septembre 2023|Catégories : Poèmes, Somaia Ramish|

Tra­duc­tion Cécile Oumhani

1)

Chargez la poésie comme un fusil
la géo­gra­phie de la guerre est un appel
aux armes.
L’ennemi n’a pas de signes,
de signes par délégation
de couleurs
de signaux
de symboles !
Chargez les poèmes comme des fusils –
Chaque instant est chargé
de bombes
de balles
d’explosions
de bruits de mort –
la mort et la guerre ne respectent pas de règles
vous aurez beau trans­former mille fois vos pages
en dra­peaux blancs,
ravalez vos mots, ne dites plus rien.
Chargez vos poèmes –
vos corps –
vos pensées –
comme des fusils.
Les écoles de guerre se soulèvent
en vous.
Peut-être êtes-vous le prochain.

2)

Pour Fark­hon­deh. Ils ont dit qu’elle n’était pas une musul­mane, alors ils l’ont tuée et ont jeté son corps dans le fleuve Kaboul. Son nom sig­ni­fie bénie et joyeuse.

Une page dans le jour­nal du fleuve Kaboul :

Quar­ante ans,
du sang,
du feu,
et main­tenant ceci…
le corps de cette femme
qui se dés­in­tè­gre en moi.
J’en ai assez de couler.
L’Afghanistan n’est plus fark­hon­deh.

3)

Je suis en vie,
Mal­gré la balle que j’ai au cœur.
Je fuis vers la ligne Durand.
Les fron­tières ne recon­nais­sent pas ma vie.
Je suis en route vers Nimroz
moitié cendre
                      moitié feu
et maintenant
Je suis près de Khouzistan.
La patrouille des fron­tières irani­enne en armes
est une balle de plus
et mon sang est sans valeur comme les eaux qui gonflent
la riv­ière Hari.
Je suis en vie.
Je tra­verse des déserts et des océans,
survis aux bar­belés et
aux mâchoires des chiens affamés.
Je suis assise en face d’un agent de l’immigration
qui n’a pas un regard pour moi,
ne me tire pas dessus.
Au lieu de cela, il me résume
en un numéro à sept chiffres
Zéro — Cinq – Huit – Qua­tre – Deux – Deux – Deux
Je cours dans six directions.
Stop !
Je laisse tomber mes numéros.
Je n’ai jamais été en vie
hors de mon pays natal.

*Nim­roz. : Le nom d’une province en Iran à la fron­tière afghane.
*Fleuve Hari : Le nom d’un fleuve à Hérat. Hérat est une province à l’ouest de l’Afghanistan.

Présentation de l’auteur

Somaia Ramish

Soma­ia Ramish est poète, écrivaine et mil­i­tante des droits des femmes en Afghanistan depuis vingt ans. Elle pré­pare actuelle­ment une thèse de doc­tor­at en Lit­téra­ture à la pres­tigieuse Uni­ver­sité de Delhi.

Elle a été l’une des représen­tantes élues du Con­seil de la Province de Hérat.

Elle a pub­lié de nom­breux arti­cles dans des jour­naux et des mag­a­zines nationaux et inter­na­tionaux réputés. Ses poèmes ont été pub­liés et traduits. Cer­tains ont été mis en musique, dont un tout récem­ment au Con­spir­er Opera à Austin, Texas.

Des poèmes d’elle ont été pub­liés en français dans « Europe » et récem­ment dans « Apulée ».

Après l’arrivée des Tal­ibans au pou­voir en 2021, Soma­ia Ramish a obtenu l’asile avec sa famille aux Pays-Bas, car la vie sous le régime des Tal­ibans était dev­enue impos­si­ble et leurs vies étaient directe­ment menacées.

À la suite de l’interdiction des arts en Afghanistan, Soma­ia Ramish a fondé Baam­daad – Mai­son de la poésie en exil, en réac­tion con­tre la cen­sure. Née de la sol­i­dar­ité des poètes du monde, Baam­daad – Mai­son de la poésie en exil est née de la sol­i­dar­ité des poètes du monde est un mou­ve­ment de protes­ta­tion artis­tique qui a pour but d’œuvrer pour un monde meilleur à tra­vers les arts.

 

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Une voix pour la liberté : Somaia Ramish

Soma­ia Samish est poète, écrivaine, jour­nal­iste et activiste fémin­iste. Mil­i­tante infati­ga­ble des droits des femmes, anci­enne élue publique, diplo­mate citoyenne, et anci­enne can­di­date au Par­lement afghan, elle est la co-fon­­da­trice et actuelle­ment directrice […]

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