1

Joseph-Antoine D’Ornano, Instantanés sereins

Un univers à part, un peu hors du temps. Des tranches de vie saisies par un poète qui est aussi artiste-peintre. Les Instantanés sereins de Joseph-Antoine D’Ornano (né en 1948) ont une forme de douceur doublée de la conscience aiguë du temps qui passe. Voilà, en tout cas, une voix originale dans le paysage poétique actuel.

On peut faire des poèmes avec peu de choses. Les auteurs chinois ou japonais nous ont beaucoup appris là-dessus. Joseph-Antoine D’Ornano n’écrit pas des haïkus mais capte à sa manière des instants de vie, souvent dans leur banalité la plus extrême.

Dans ses poèmes il y a des « lilas aux fenêtres », des « limonades roses », une rue discrète, un banc de pierre, un lit défait, un parapluie qui se retourne, « des petites fleurs qui jouent les coquettes », un « pré charmant », des fontaines… Voilà qui nous éloigne du tohu-bohu ambiant. Avec le sentiment, néanmoins, de se retrouver au cœur d’un monde un peu révolu.

Les aquarelles, encres et autres pastels de l’auteur qui accompagnent les poèmes sont au diapason. Le gris, le brun ou l’ocre, tonalités dominantes des tableaux, sont là pour nous signifier que le temps a passé (si c’était de la photographie, on parlerait de sépia) et que les couleurs éclatantes de la vie ont un peu fané. On découvre ici des paysages ou des visages sur lesquels le temps a fait son œuvre.

 Joseph-Antoine D’Ornano, Instantanés sereins, L’inventaire, 2023, 60 pages, 12 euros.

Car c’est une forme de retour sur des souvenirs enfouis qui imprègne ce recueil. Les personnages évoqués sont parfois des figures évanescentes et quand elles ne le sont pas, ce sont des hommes ou des femmes vivant avec le « dos cassé ». De celui-ci, le poète dit qu’il « ne sort presque plus », de celle-là que « parfois, elle quitte son fauteuil ». Les maisons sont habitées de souvenirs ou de regrets. Mais ce n’est jamais dit avec lourdeur. Non, plutôt avec une forme de douceur, dans une série de poèmes d’une étonnante clarté (sans recours aux images ou au procédés poétiques classiques). Il y a dans tout cela, au bout du compte, une forme discrète de nostalgie dans l’évocation, par exemple, de « l’amour d’une seule saison » ou de « la tristesse de ces instants disparus ».

Joseph-Antoine D’Ornano ne se paie jamais de mots. Ses Inventaires sereins font la part belle aux gens âgés et aux enfants. L’atmosphère y est légère en dépit de ce temps qui file entre les doigts. On peut découvrir, au détour d’une page,  des « gens heureux » et parfois « Sous la voûte étoilée du ciel/Le village en fête/Au son de l’accordéon ».

Présentation de l’auteur

Joseph-Antoine D’Ornano

Joseph-Antoine d'Ornano est un artiste-peintre et un écrivain. Il a fait des études pluridisciplinaires, lettres, droit et sciences po Paris. Il vit et travaille à Paris.

Passionné de littérature et d'art, romancier, peintre, il explore depuis plusieurs années la notion de relation à laquelle il a consacré deux essais et quelques articles.

Poèmes choisis

Autres lectures

Joseph-Antoine D’Ornano, Instantanés sereins

Un univers à part, un peu hors du temps. Des tranches de vie saisies par un poète qui est aussi artiste-peintre. Les Instantanés sereins de Joseph-Antoine D’Ornano (né en 1948) ont une forme [...]




Cécile A. Holdban, Premières à éclairer la nuit

Faire parler quinze femmes poètes du XXe siècle dans des lettres (imaginaires) adressées à des êtres chers : un projet original et surtout ambitieux que l’autrice, poète et peintre, Cécile A. Holdban a réalisé dans un livre qui nous fait traverser les plus grands drames du siècle passé.

« Elles furent les témoins des grands drames qui sont les marqueurs du XXe siècle », souligne d’emblée Cécile A. Holdan. Le nazisme pour les Allemandes Nelly Sachs et Gertrud Kolmar. Le stalinisme pour la Russe Anna Akhmatova. L’Apartheid pour la Sud-Africaine Ingrid Jonker. Le fondamentalisme islamisme (toujours d’actualité) pour l’Iranienne Forough Farroghzad … « Ce qui leur est commun » , ajoute Cécile A. Holdban, « c’est le besoin de transcender la vie par les mots, de ne pas accepter l’insupportable, de braver les habitudes, de porter le poids du destin.»

Mais pourquoi cet intérêt de l’autrice de ce livre pour ces femmes au destin souvent tragique (près de la moitié d’entre elles se suicideront) ? C’est « parce que ces poétesses ont été traversées par cet histoire dont j’ai hérité une part de mes grands-parents, que leur œuvre résonne en moi », explique Cécile A. Holdban (évoquant notamment une grand-mère maternelle née dans l’Autriche-Hongrie du siècle dernier).

Cécile A. Holdban, Premières à éclairer la nuit, Arléa, 240 pages, 21 euros.

Pour autant, en choisissant ces femmes écrivains, il ne s’agissait pas, pour elle, de faire un livre à connotation féministe. « Ce serait réducteur de parler d’une poésie féminine », convient-elle, même si le titre du livre, Premières à éclairer la nuit, entend bien souligner le rôle éminent joué par les femmes en ces périodes troublées.

Il ne s’agit pas non plus, ici, d’une biographie de ces femmes poètes, mais de récits de 8 à 10 pages, où « chacune de ces voix s’adresse, à la première personne du singulier, à un être cher ». L’Autrichienne Ingeborg Bachman s’adresse à Paul Celan, l’Américaine Sylvia Plath à son mari le poète anglais Ted Hughes, Nelly Sachs à Selma Lägerlof, la Russe Marina Tsvetaieva à sa sœur cadette, la Finlandaise Edith Södergran également à sa sœur…

L’originalité du texte de Cécile A. Holdban est d’avoir incorporé dans son récit des passages en italique qui sont extraits des poèmes, journaux ou correspondances de ces quinze femmes. Ainsi quand l’Allemande Gertrud Kolmar s’adresse à sa sœur Hilde Wenzel, on peut lire : « Les persécutions dont nous étions victimes semblaient ne pas devoir connaître de fin (…) Je me disais : je vais mourir comme meurent la plupart, le râteau passera au travers de cette vie et mettra mon nom en copeaux dans la glèbe ». Quand l’Italienne Antonia Pozzi évoque son amour de la montagne à son ami Tullio Gadenz, poète et alpiniste, on peut lire : « Je me suis toujours représenté le paradis de Dante comme un refuge de montagne. Ici il est impossible de mourir. J’y ai connu les premiers émois de ma chair, dans une communion presque érotique avec la nature ». Et Cécile A. Holdban ajoute, en italique, ces mots recueillis dans l’œuvre de Pozzi. « Aujourd’hui, je me cambre nue dans la pureté du bain blanc, et je me cambrerai nue demain sur un lit, si quelqu’un me prend »

Tout est l’avenant dans ce livre en faisant cohabiter habilement des lettres imaginaires (mais fondées sur l’histoire) avec des textes authentiques de ces femmes poètes. Cécile A. Holdban nous révèle, par le fait même, sa profonde connaissance de la littérature féminine du XXe siècle. Elle éclaire pour nous le chemin qui a conduit ces femmes à l’écriture de poèmes pour pointer du doigt des drames absolus, mais aussi pour témoigner de leur amour et de la beauté du monde.

Présentation de l’auteur

Cécile A. Holdban

Elle est peintre et écrivain, lauréate du prix Yvan Goll (2017) et du prix Calliope du Cénacle Européen (2017), est également traductrice et coéditrice de la Revue Ce qui reste, une revue en ligne de littérature et d’art contemporains. Elle anime une chronique littéraire sur Aligre FM radio.

Elle pratique peinture et écriture en les faisant dialoguer : les liens et transmissions entre les différentes formes d’arts sont au cœur de son travail. Son univers de création se fonde sur ces rapports synesthésiques. Il s’enrichit de l’observation et de l’imaginaire de la nature, entre paysage visible et invisible, d’une écoute et d’une attention au vivant, aux contes et mythes.

Elle collabore par ses peintures,  poèmes, traductions et articles à de nombreuses revues, anthologies et ouvrages collectifs variés. Elle aime aussi s’associer à d’autres créateurs ou écrivains dans des publications, revues et livres d’artistes. Elle a fait l’objet de deux expositions personnelles en France et participe régulièrement à des expositions collectives et des festivals, et anime régulièrement des masterclasses et ateliers de création, d’écriture et expression plastique.

Cécile A. Holdban

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Derniers ouvrages publiés

Premières à éclairer la nuit, récit, Arléa, janvier 2024

Toutes ces choses qui font craquer la nuit, textes et peintures, Exopotamie, 2023

Osselets, dessins et poèmes, Le Cadran Ligné, Saint- Clément, 2023

Kaléidoscope, 173 poètes contemporains mis en image pendant le confinement, l’Atelier des Noyers, Dijon, 2023

Jacques Bibonne, une vie en peinture (collectif, texte de contribution au catalogue ) éditions Le temps qu’il fait, Bordeaux,  2023

Pierres et berceaux, dessin et poèmes, Potentille, Nevers, 2021.

Toucher terre, Arfuyen, Paris, 2018

Silence, photographies d’Anne Lise Broyer, poème de Cécile A. Holdban, Sous les glycines, Paris, 2016.

Poèmes d’après suivi de La route de sel, Arfuyen, Paris, 2016.

Quelques traductions :

John Keats, La poésie de la terre ne meurt jamais, édition traduite et annotée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, Poésis, 2021

Howard Mc Cord, Poèmes Chamaniques, édition établie, traduite et annotée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, La Part Commune, 2021

Virginia Woolf, Le Paradis est une lecture continue, traduction et présentation de Cécile A. Holdban, La Part Commune, Rennes, 2019.

Virginia Woolf, Ainsi parlait – Thus Spoke, dits et maximes de vie choisis, traduits de l’anglais et présentés par Cécile A. Holdban, édition bilingue, Arfuyen, Paris, 2019.

Sándor Weöres, Filles, nuages et papillons (Lányok, lepkék, fellegek), poèmes choisis et traduits du hongrois par Cécile A. Holdban, Érès Po&Psy, Toulouse, 2019.

Dezső Kosztolányi, Venise, traduction du hongrois et préface de Cécile A. Holdban, Cambourakis, Paris, 2017.

Attila József, Le Mendiant de la beauté, Le Temps des Cerises, Paris, 2014, poèmes traduits du hongrois par Francis Combes, Cécile A. Holdban et Georges Kassai.

DÉCOUVRIR

Site de la Revue Ce qui reste – Journal quotidien de son travail de peintre sur Instagram

Mail : mcguichard@outlook.com

Autres lectures

Un nid dans les ronces de Cécile A.Holdban

     Voici un recueil de haïkus, mais pas seulement de haïkus. Les tercets de Cécile A.Holdban sont fidèles à l’esprit et aux règles du fameux genre poétique japonais mais s’en échappent aussi [...]

Cécile A. Holdban : Toucher terre

La poésie de Cécile A. Holdban touche à l’intime mais demeure en permanence auréolée d’une forme de mystère. La poète creuse l’énigme de la vie.  « Il restait une fleur/sur terre/pour l’éclairer », écrit Cécile A. [...]

Cécile A. Holdban, Kaléidoscope, Tapis de chiffons

 Kaléidoscope, un « Tapis de chiffons » pour temps de pandémie « Une polyphonie visuelle et écrite ». C’est ainsi que Cécile A. Holdban définit le beau petit livre publié par les éditions de l’Atelier des Noyers, [...]

Cécile A. Holdban, Premières à éclairer la nuit

Faire parler quinze femmes poètes du XXe siècle dans des lettres (imaginaires) adressées à des êtres chers : un projet original et surtout ambitieux que l’autrice, poète et peintre, Cécile A. Holdban a réalisé [...]




Estelle Fenzy, Une saison fragile

La saison fragile d’Estelle Fenzy évoque, dans de très courts poèmes, ces moments de la vie où l’on tremble un peu sur ses bases : parce qu’un père meurt ou parce qu’un enfant prend son envol. La poète le dit en mots pesés, retenus, fidèle à cette écriture limpide qu’on avait déjà relevée en 2015 et 2019 dans Chut (le monstre dort) et La minute bleue de l’aube, deux livres également publiés à La Part Commune.

« L’absence/un silence très fort/avec la nuit autour », écrit Estelle Fenzy. Oui, faire le deuil. Faire aussi advenir le poème. « Ecrire vient/de la perte/et du manque ». Estelle Fenzy pleure un père dont la figure imprègne encore les lieux où il  a vécu. « Maman a gardé/ta chemise blanche/c’est un peu ton ombre/pliée dans l’armoire ». On croit parfois entendre Christian Bobin quand elle imprègne de merveilleux l’instant le plus banal. « Pluie sur le jardin/une princesse dans le ciel/crache des perles et des pétales/à chacun de ses mots ».

Dans ce monde transfiguré par le regard du poète, il y a la conscience aiguë d’un dialogue ouvert avec les disparus. « Parfois/mes vivants et mes morts/font une étrange famille//une conversation du dimanche/autour d’une table d’absence ». Plus frappant encore, ce sentiment d’une présence éternelle derrière le rideau des instants les plus familiers. « Peut-être/les âmes des morts/attendent au fond des tasses//d’être bues d’être reconnues ».

 Estelle Fenzy, Une saison fragile, La Part Commune, 105 pages, 13,90 euros.

S’il y a la mort et la conscience d’une perte irrémédiable, il y a aussi ce qu’on appelle les petites morts. Estelle Fenzy s’en fait l’écho en parlant de ce qui l’étreint quand un enfant quitte le nid familial et part vivre sa vie. « On tisse des cordons/que l’on coupe au matin/sur le tarmac brûlant/d’une samedi de juin ». Le signe de la main, au moment du départ, ravive des visions d’enfance. « Ta main menue/si longtemps dans la mienne/me fait signe de loin ».

 Alors il faut bien alléger les jours. « Faire comme si », raconte Estelle Fenzy dans une série de petits textes inaugurés, chaque fois, par cette expression. « Faire comme si », c’est parfois reconnaître quelques petits mensonges que l’on se fait à soi-même ou s’avouer tous ces vœux pieux que l’on se formule sans illusion. « Fais/comme si/le ciel de traîne//emmenait dans/sa robe de reine//les frimas les pluies/les chagrins aussi ».

A propos de ciel de traîne, Estelle Fenzy a trouvé dans la ville de Brest, où elle a vécu huit ans, une ambiance à la mesure des sentiments contradictoires qui peuvent la traverser. Dans cette ville (où, selon la formule consacrée, il fait beau plusieurs fois par jour), « les gris/s’ajoutent aux gris//un seul rayon/et c’est sur la mer/un éclat sans fond ». Les Brestois ne manqueront pas d’être sensibles à ce regard à la fois juste et décalé sur la grande cité du Ponant.

Présentation de l’auteur

Estelle Fenzy

 Estelle Fenzy est née en 1969. Après avoir vécu près de Lille puis à Brest, elle habite Arles où elle enseigne. Elle écrit depuis 2013, des poèmes et des textes courts.

Publications en revues : Europe, Secousse, Remue.net, Ce qui Reste, Écrits du Nord (éditions Henry), Microbe, Les Carnets d’Eucharis, Terre à Ciel, Recours au Poème, Décharge, Possibles, FPM, Revu, Teste.

Publications

  • CHUT (le monstre dort) aux éditions La Part Commune (2015)
  • SANS aux éditions La Porte (2015)
  • ROUGE VIVE aux éditions Al Manar (2016)
  • JUSTE APRÈS aux éditions La Porte (2016)
  • L’ENTAILLE et LA COUTURE aux éditions Henry (2016)
  • PAPILLON aux éditions Le Petit Flou (2017)
  • MÈRE aux éditions La Boucherie Littéraire (2017)
© photo Isabelle Poinloup

Anthologies

  • SAXIFRAGE, dans Terre à Ciel, initiée par Sabine Huynh
  • MARLÈNE TISSOT & CO, éditions mgv2>publishing
  • DEHORS, éditions Janus (juin 2016)
  • LESSIVES ÉTENDUES, dans Terre à Ciel, initiée par Roselyne Sibille

Livre d’artiste

  • PETITE MANHATTAN, dans Le Monde des Villes, Brest 2, avec André Jolivet, éditions Voltije

Revue d’artiste

  • CONNIVENCES 6, éditions de La Margeride, avec aussi des poèmes d’Alain Freixe, des photographies de Rémy Fenzy et des peintures de Robert Lobet

Autres lectures

 

Feuilletons : Ecritures Féminines (1)

  Y a-t-un genre à l'écriture du poème ? Question sans doute aussi vaine que les polémiques passées autour du sexe des anges ! Il y a évidemment des thèmes, des points de vue qui ne peuvent [...]

Estelle Fenzy, La Minute bleue de l’aube

J’aime les premiers émois de l’aurore : les trèfles se tournent vers la lumière, les feuilles déploient un subtil verso ombré, les pétales des pâquerettes s’entrouvrent avec discrétion,  le rossignol lance une première trille glorieuse. L’aurore appartient [...]

Estelle Fenzy, La minute bleue de l’aube

Pensées, aphorismes, fragments, poèmes courts : il y a de tout cela dans la poésie d’Estelle Fenzy. Elle a l’art de capter à l’aube des instants minuscules pour en tirer des leçons de vie. [...]

Estelle Fenzy, Gueule noire

Gueule noire nous tient sous le charme du conte. On connaît l’attirance et la proximité de l’écriture d’Estelle Fenzy pour ce genre si proche où la poésie éclate dans le fantastique et s’en nourrit. [...]

Estelle Fenzy, Coda (Ostinato)

Le titre dit assez la composition musicale de cet ensemble de 45 courts poèmes, où tout est reprise, mouvement entre deux mots qui ouvrent et ferment chaque fragment : « fin » et « monde », répétés obstinément, rythmiquement. [...]

Estelle Fenzy, Le Chant de la femme source

Il manquait une hirondelle pour écrire notre histoire   C'était ça donc ! Grisé j'étais, sur le dos de l'hirondelle depuis le début de ma lecture ! J'avais bien senti le vent [...]

Estelle Fenzy, Boîtes noires

Les lecteurs d’Estelle Fenzy, qui ont l’habitude d’être surpris, le sont dès les premiers mots du recueil et plus qu’avant : « Mesdames et messieurs, attachez vos ceintures » ! S’agit-il d’un véritable vol ou [...]

Estelle Fenzy, Une saison fragile

Quel beau titre ! Inspiré, inspirant et suggérant d’emblée le sens de la nuance, de la vulnérabilité, de tout ce qui risque de défaillir. Avant même d’ouvrir le recueil, on sent une délicatesse à la japonaise à [...]




Maurice Chappaz, Philippe Jaccottet : Correspondance, 1946–2009

Ils étaient tous les deux originaires de Suisse, mais ils auraient pu ne jamais se lier d’amitié ni engager de correspondance. Il a suffi, pour les réunir, d’un livre de poésie, Verdures de la nuit de Maurice Chappaz, un recueil  qui a ébloui le jeune Philippe Jaccottet. Il en fera une présentation élogieuse dans une revue de Lausanne. Les deux auteurs ne se perdront plus de vue,  pourtant si différents mais vivant tous les deux dans l’ombre tutélaire du grand Gustave Roud.




Lire une correspondance entre deux grands poètes, c’est d’abord pénétrer dans une tranche d’histoire littéraire, ici celle de la Suisse romande du 20e siècle, avec ses écrivains et aussi ses artistes (d’où émerge la figure du peintre Gérard de Palezieu). C’est aussi mieux appréhender la vision que peuvent avoir deux auteurs sur la création littéraire, sur la poésie en particulier, mais aussi sur leur approche du monde et de la vie qui les entoure. C’est enfin entrer dans leur intimité, celle d’êtres de chair et de sang que taraude une forme d’angoisse ou pour le moins un questionnement sur la vie et la mort, mais à des degrés divers (d’une façon plus marquée, sans doute, chez Jaccottet)

Car tout différencie au départ ces deux auteurs. Maurice Chappaz (1916-2009) est plus l’homme de convictions sociales profondes et affirmées - notamment sur l’environnement - qui l’amènent à fustiger cette prospérité éloignant l’homme de la nature. N’est-il pas, en particulier, l’auteur d’un livre polémique, Les maquereaux des cimes blanches, sur le développement anarchique de l’industrie de la neige ? N’est-il pas aussi l’homme d’un attachement sans failles à ce Valais natal dont il fait une véritable patrie ? Installé au Châble près de Martigny, il a un chalet aux Vernys et exploite des vignes. Mais cet enracinement n’empêche pas, chez lui, une forme de nomadisme et son attrait pour des terres lointaines. Il voyagera, surtout vers l’Orient, et affichera (lui le « catholique païen ») son attrait pour les spiritualités orientales.

   




Correspondance, 1946-2009, Maurice Chappaz, Philippe Jaccottet, Gallimard, les cahiers de la nrf, Gallimard, 297 pages, 23 euros.

Philippe Jaccottet (1925-2021), lui, vit plus dans le retrait. Né à Moudon en Suisse, il a vécu un moment à Paris avant de s’installer à Grignan dans le Drôme. Mais jamais il ne perdra le contact avec sa Suisse natale. S’il approuve les engagements et les coups de sang de Chappaz, il est plus enclin à «intérioriser » (sa formation rigoriste protestante y est sans doute pour quelque chose) et il parle volontiers d’un monde suscitant de sa part « dégoût » ou « désespoir ». Dans une lettre du 13 juin 1986 il écrit à Maurice Chappaz : « Je vous envie cette foi dont je me sens bien incapable, moi qui cours le plus grand risque de me rabougrir ». Dans une autre lettre, le 5 juillet 2003, il souligne « la richesse d’expérience », « l’énergie » et « la vitalité » de son ami. 

Malgré ces différences, les deux hommes conviennent qu’ils sont « du même temps, du même lieu » (Chappaz, dans une lettre du 1er juillet 2001) pour dénoncer « la confusion régnante ou, aussi bien, l’uniformité dans la surdité à ce que nous aimons » (Jaccottet dans une lettre du 6 novembre 2001). Les deux hommes ne vont donc pas cesser d’accueillir avec bienveillance leurs œuvres respectives et, surtout, d’en faire part au plus grand nombre. Jaccottet, notamment, ne manquera jamais d’évoquer les livres de Chappaz dans les revues auxquelles il collabore (La NRF, La Gazette de Lausanne, notamment). 

C’est Jaccottet qui fera l’éloge de Chappaz en octobre 1997 à Sion lors de la remise du Grand prix Schiller à l’écrivain suisse. Il sera en 2006 présent à la soirée d’hommage organisée à Martigny à l’occasion des 90 ans de Maurice Chappaz et publiera aux éditions Fata Morgana, pour marquer cet anniversaire, toutes les chroniques qu’il avait rédigées sur l’œuvre de Chappaz. Leur correspondance évoque en détail, tous ces événements littéraires. Quarante-cinq avant, en 1961 (c’est dire la constance de leurs relations), c’est Chappaz qui s’était rendu à Grignan et il rappelle dans une lettre, le plaisir qu’il en avait retiré dans « la petite société des amis, les appels des hiboux, les rossignols le soir ».

Leurs rencontres, néanmoins, furent restreintes. La correspondance, par contre, demeurera un fil rouge. Tout comme le fut ce lien indéfectible qui les reliait au poète Gustave Roud (1897-1976) dont la figure est évoquée, par les deux hommes dans de très nombreuses lettres. Jaccottet et Chappaz, de concert, veillèrent à ce que l’œuvre de Roud « ne tombe pas entre des mains médiocres » et « soit ancrée comme un beau bateau sur des eaux un peu plus vastes que le lac Léman » (Jaccottet).

L’ultime lettre de leur correspondance est signée de Jaccottet le 5 avril 2008. Le poète réagit à la lecture de La pipe qui prie et fume, dernier ouvrage de Chappaz qui décèdera le 15 janvier 2009. Comme le souligne José-Flore Tappy, qui a magnifiquement présenté et annoté cette correspondance, ces deux grands auteurs ont entretenu une relation épistolaire qui posait « la question très exigeante du rapport entre la poésie et l’existence ».




Présentation de l’auteur

Philippe Jaccottet

Philippe Jaccottet est un écrivain, poète, critique littéraire et traducteur suisse vaudois, né à Moudon le 30 juin 1925 et décédé à Grignan le 24 février 2021.  Il est l'époux de l'illustratrice et peintre Anne-Marie Jaccottet, née Haesler.Après des études de lettres à l'université de Lausanne, il a habité paris où il a été le correspondantde l'éditeur vaudois Mermod. En 1953, il s'est établi à Grignan, dans la Drôme (Provence), où il a vécu.
Il a traduit du grec, de l'allemand, de l'italien et de l'espagnol - les poètes Hölderlin, Rilke, Mandelstam, Novalis, Thomas Mann ("La Mort à Venise"), Musil, et de son ami Giuseppe Ungaretti.
Il noue des relations d'amitié avec de nombreux poètes et auteurs comme Francis Ponge, Jean Paulhan, Yves Bonnefoy, Pierre Leyris, André Dhôtel. Il a également collaboré à "La Nouvelle Revue française".
Il a reçu de nombreuses distinctions prestigieuses, comme la pris Goncourt de la poésie en 2013, et a été publié dans la collection La Pléiade en 2014. Un nombre considérable d'essais ont été consacrés à son oeuvre. Ainsi, "Creazione e traduzione in Philippe Jaccottet", sous la direction de F. Melzi d'Eril Kaucisvili (1998) ; de Mattia Cavadini, "Il poeta ammutolito. Letteratura senza io: un aspetto della postmodernità poetica. Philippe Jaccottet e Fabio Pusterla (2004).

Œuvres poétiques  

Requiem, Mermod, 1947. L’Effraie et autres poésies, Gallimard, 1953 dans la collection «Métamorphoses» ; 1979 dans la collection «Blanche». L’Ignorant, Gallimard, 1958. L’Obscurité, Gallimard, 1961. La Semaison, Lausanne, Payot, 1963. Airs, Gallimard, 1967. Paysages avec figures absentes, Gallimard, 1970 et 1976. Chants d'en bas, Lausanne, Payot, 1974. À la lumière d'hiver, Gallimard, 1974. À travers un Verger, illustrations de Pierre Tal Coat, Fata Morgana, 1975. Les Cormorans, gravures de Denise Esteban, Idumée, Marseille, 1980. Des histoires de passage. Prose 1948-1978, Lausanne, Roth & Sauter, 1983. Pensées sous les nuages, Gallimard, 1983. La Semaison, Carnets 1954-1967, Gallimard, 1984. Cahier de verdure, Gallimard, 1990. Libretto, La Dogana, 1990. Poésie, 1946-1967, Poésie/Gallimard, Paris, (1971) 1990. Requiem (1946) ; suivi de Remarques (1990), Fata Morgana, 1991. Cristal et fumée, Fata Morgana, 1993. À la lumière d'hiver ; précédé de Leçons ; et de Chants d'en bas ; et suivi de Pensées sous les nuages, Gallimard, 1994. Après beaucoup d'années, Gallimard, 1994. Autriche, Éditions L'Âge d'homme, 1994. Eaux prodigues, Nasser Assar, lithographies, La Sétérée, J. Clerc, 1994. La Seconde Semaison : carnets 1980-1994, Gallimard, 1996. Beauregard, postface. d'Adrien Pasquali, Éditions Zoé, 1997. Paysages avec figures absentes, Gallimard, (1976) 1997, coll. « Poésie ». Observations et autres notes anciennes : 1947-1962, Gallimard, 1998. À travers un verger ; suivi de Les cormorans ; et de Beauregard, Gallimard, 2000. Carnets 1995-1998 : la semaison III, Gallimard, 2001. Notes du ravin, Fata Morgana, 2001. Et, néanmoins : proses et poésies, Gallimard, 2001. Nuages, Philippe Jaccottet, Alexandre Hollan, Fata Morgana, 2002. Cahier de verdure ; suivi de Après beaucoup d'années, Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 2003. Truinas / le 21 avril 2001, Genève, La Dogana, 2004. Israël, cahier bleu, Fata Morgana, 2004. Un calme feu, Fata Morgana, 2007. Ce peu de bruits, Gallimard, 2008. Le Cours de la Broye : suite moudonnoise, Moudon, Empreintes, 2008. Couleur de terre, par Anne-Marie et Philippe Jaccottet, Fata Morgana, 2009. La promenade sous les arbres, Éditions La Bibliothèque des Arts, 1er octobre 2009 (1re édition : 1988). Le retour des troupeaux et Le combat inégal dans En un combat inégal, La Dogana, 2010. L'encre serait de l'ombre, Notes, proses et poèmes choisis par l'auteur, 1946-2008, Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 2011.

Essais

L'Entretien des muses, Paris, Gallimard, 1968, Rilke par lui-même, Paris, Éditions du Seuil, 1971., Adieu à Gustave Roudavec Maurice Chappaz et Jacques Chessex, Vevey, Bertil Galland, 1977, Une transaction secrète. Lectures de poésie, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1987, Écrits pour papier journal : chroniques 1951–1970, textes réunis et présentés par Jean Pierre Vidal, Paris, Gallimard, 1994, Tout n'est pas dit. Billets pour la Béroche : 1956–1964, Cognac, Le temps qu'il fait, 1994. Réédition en 2015, Le Bol du pèlerin (Morandi), La Dogana, 2001, À partir du mot Russie, Montpellier, Fata Morgana, 2002, Gustave Roud, présentation et choix de textes par Philippe Jaccottet, Paris, Seghers, 2002, De la poésie, entretien avec Reynald André Chalard, Paris, Arléa, 2005, et 2007 en format poche-Arléa ; nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Arléa, 2020, Remarques sur Palézieux, Montpellier, Fata Morgana, 2005, Dans l'eau du jour, Gérard de Palézieux, Éditions de la revue conférence, 2009, Avec Henri Thomas, Montpellier, Fata Morgana, 2018.

Correspondances

André Dhôtel, A tort et à travers, catalogue de l'exposition de la Bibliothèque municipale de Charleville-Mézières avec des lettres de Jaccottet, 2000, Correspondance, 1942 - 1976 / Philippe Jaccottet, Gustave Roud ; éd. établie, annotée et présentée par José-Flore Tappy, Paris, Gallimard, 2002, Philippe Jaccottet, Giuseppe Ungaretti Correspondance (1946–1970) - Jaccottet traducteur d'Ungaretti, Édition de José-Flore Tappy, Paris, Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF », 21-11-2008, 256 p, Pépiement des ombres. Philippe Jaccottet & Henri Thomas, édition établie par Philippe Blanc, postface d'Hervé Ferrage, dessins d'Anne-Marie Jaccottet, Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana, 2018, 248 p.

Traductions

La Mort à Venise, Thomas Mann, Mermod, Lausanne, 1947 ; La Bibliothèque des Arts, Lausanne, 1994, Le Vaisseau des morts, B. Traven, Paris, Calmann-Lévy, 1954, L'Odyssée, Homère, Paris, Club français du Livre, 1955 ; rééd. Paris, La Découverte, 2016, L'œuvre de Robert Musil, de 1957 (L'Homme sans qualités) à 1989 (Proses éparses), Paris, Éditions du Seuil, Un cœur aride, Carlo Cassola, Paris, Éditions du Seuil, 1964, Une liaison, Carlo Cassola, Paris, Éditions du Seuil, 1971, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, Friedrich Hölderlin, Mermod, Lausanne, 1957 ; rééd. Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1973, Œuvres, Friedrich Hölderlin, sous la direction de Philippe Jaccottet, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1967, L'œuvre de Rainer Maria Rilke, de 1972 à 2008 (avec Les Élégies de Duino chez La Dogana, Malina, Ingeborg Bachmann, Paris, Éditions du Seuil, 1973, Vie d'un homme, Poésie 1914-1970, Giuseppe Ungaretti, traduction de Philippe Jaccottet, Pierre Jean Jouve, Jean Lescure, André Pieyre de Mandiargues, Francis Ponge et Armand Robin, Paris, Gallimard et Minuit, 1973, Haïku présentés et transcrits par Philippe Jaccottet, Montpellier, Fata Morgana, 1996, D'une lyre à cinq cordes, traductions de Philippe Jaccottet 1946-1995, Paris, Gallimard, 1997.

Anthologies

Une constellation, tout près, Genève, La Dogana, 2002, D'autres astres, plus loin, épars. Poètes européens du xxe siècle, Genève, La Dogana, 2005.

Préfaces

À vos marques de Jean-Michel Frank, Obsidiane, 1989, Œuvre poétique, peintures et dessins de Béatrice Douvre, Montélimar, Voix d’encre, 2000, Les Marges du jour de Jean-Pierre Lemaire, Genève, La Dogana, 2011, L'éternité dans l'instant. Poèmes 1944-1999 de Remo Fasani, traduits de l'italien par Christian Viredaz, Genève, Samizdat, 2008.

Exposition

« Philippe Jaccottet et les peintres : François de Asis, Nasser Assar, Claude Garache, Alberto Giacometti, Jean-Claude Hesselbarth, Alexandre Hollan, Anne-Marie Jaccottet et Gérard de Palézieux », Aix-en-Provence, galerie Alain Paire, au .

Poèmes choisis

Autres lectures

Revue Lettres n°1 : Philippe Jaccottet

Philippe Jaccottet : « Juste le poète »        C’est l’année Jaccottet. Pas encore prix Nobel, mais cela ne saurait tarder (enfin, on l’espère). 2014, c’est d’abord l’entrée du poète dans la Grande bibliothèque [...]

Jaccottet écrivant Au col de Larche, par Jean-Marc Sourdillon

éditions Le Bateau fantôme, mars 2015             Dans cet ouvrage, Jean-Marc Sourdillon, écrivain et spécialiste de Jaccottet (il a participé à l’édition de ses Œuvres dans la bibliothèque de la Pléiade), nous retrace [...]

Le viatique (Philippe Jaccottet)

Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Un poème comme une page de journal : — « Agrigente, 1er janvier » —, qui parlait de pluie, des mille épines de la pluie. Sur le coup de mes vingt ans, je [...]

Philippe Jaccottet, La promenade sous les arbres

Voici réédité, en format poche, un livre de Philippe Jaccottet publié en 1957 par l’éditeur suisse Mermod. Le poète a alors 32 ans et c’est son premier livre en prose, un véritable traité [...]




Marina Tsvetaïeva, Après la Russie

La guerre menée aujourd’hui par la Russie en Ukraine ne manque pas de donner un relief particulier au recueil Après la Russie de Marina Tsvetaïeva. Publié à Paris en 1928, le livre est aujourd’hui à nouveau réédité. Marina Tsvetaïeva faisait partie de ces Russes qui ont fui la révolution bolchévique afin de trouver de nouveaux points d’ancrage en Europe de l’Ouest. Pour la jeune femme ce fut Paris, mais aussi Prague et Berlin, deux capitales où elle rédigea les poèmes réédités aujourd’hui.

Née en 1892 à Moscou dans une famille d’intellectuels et d’artistes - son père était professeur d’histoire de l’art à l’université de Kiev puis à Moscou, sa mère avait un don rare pour la musique - Marina Tsvetaïeva a commencé à publier dès l’âge 16 ans. Poète inclassable, elle a connu l’exil avant de revenir en Russie en 1939 où elle connaîtra la misère. Son œuvre sera rejetée par Staline et le régime soviétique. Elle se suicidera en 1941 et ne sera réhabilitée qu’en 1955. 

Ne nous attendons pas à trouver dans les poèmes de Après la Russie – ou alors simplement au compte-gouttes – une quelconque couleur locale. Ainsi, après une promenade en Tchécoslovaquie au bord d’une rivière en compagnie de sa fille Alia, Marina Tsvétaïeva écrit un poème dont le titre initial était « Rivières » mais qui s’intitula finalement « Prends garde », dont le leitmotiv devint ces quatre vers : « Auprès de la source,/écoute, Adam, écoute/ce que les artères bouillonnantes/des fleuves disent aux rivages ». Après une visite à son mari qui habitait dans un faubourg ouvrier de Prague (où il faisait des études à l’université), la poète écrivit en 1922 deux poèmes intitulés « Ouvriers » dont le premier commence par ces vers : « Des bâtiments enfumés/dans la morosité noire du travail./Au-dessus de la suie jaillissent des boucles -/ les cieux sont attendris ».  A Berlin, elle nous parle très peu de Berlin sauf pour écrire en juillet 1922 : « La pluie berce la douleur./Sous les averses des stores baissés/ Je dors. Le long des asphaltes tremblants/Les sabots – comme des battements de mains ». Une forme d’opacité, on le voit, imprègne en permanence l’écriture de la poète russe.

 Marina Tsvetaïeva, Après la Russie, Rivage poches, 2023, 147 pages, 8,70 euros.

Traducteur et préfacier de ce livre, Bernard Kreise note qu’il « ne fut pas conçu comme un ensemble cohérent » même si c’est bien « l’univers d’une émigrée qui s’affiche », d’un après de « déracinée » pour qui « la Russie s’éloigne de plus en plus. ». Mais on serait bien en peine, écrit-il, de ranger Marina Tsvetaïeva dans « une catégorie quelconque ». La poète russe, en effet, est hors-normes, souvent déroutante, parfois hermétique. Mais elle assigne à la poésie un rôle éminent. Dans un poème d’avril 1923, elle dresse même son portrait-robot du poète : « Le poète de loin mène la parole/La parole mène loin le poète (…) Il est celui qui brouille les cartes,/trompe les poids et les comptes ;/il est celui qui interroge depuis le pupitre,/qui bat Kant à plate couture ».

Marina Tsvetaïeva nous parle de la tragédie de l’existence indépendamment de son contexte temporel. Elle a bouleversé la langue russe pour exprimer la force de la douleur. « Je n’ai appartenu et je n’appartiens à aucun courant poétique ou politique », écrivait-elle en 1926 dans un questionnaire que l’écrivain Boris Pasternak lui avait adressé en vue de l’édition d’une dictionnaire bio-bibliographique des écrivains du 20e siècle. Dan ce questionnaire, elle parlait aussi de ce qu’elle aimait le plus au monde : « La musique, la nature, les poèmes, la solitude ». Et elle concluait par ces mots : « La vie est une gare ; je partirai bientôt ; où – je ne saurais le dire ».

Présentation de l’auteur

Marina Tsvetaïeva

Née en 1892 à Moscou et fille du fondateur de l’actuel Musée Pouchkine de Moscou, Marina Tsvétaïeva est l’un des poètes essentiels et des plus tragiques du XXe siècle russe. Ses premiers recueils sont publiés juste avant et pendant la Révolution (comme ses Poèmes à Blok) et lui valent déjà une grande reconnaissance. Son mari, Serguéï Efron, s’engage dans l’Armée blanche. Après être restée seule à Moscou pendant l’hiver de famine 1920-1921, et après la mort de sa deuxième fille Irina, elle décide d’émigrer, d’abord en Tchécoslovaquie, puis en France.

Marina Tsvétaïéva est, dans la vie comme dans son œuvre, la passion incarnée. Anna Akhmatova dira: « Marina commence par le do le plus haut, et puis elle ne cesse de monter ». Elle pousse la langue à un degré d’intensité et de violence qu’elle est la seule à atteindre. La même passion irradie ses rapports avec ses contemporains et la correspondance qu’elle entretient avec Rainer Marie Rilke (qui lui dédie une de ses Elégies) et Boris Pasternak.

À Paris, vivant dans une misère croissante et s’éloignant de plus en plus des cercles de l’émigration, elle poursuivra une œuvre d’une immense richesse. Son recueil essentiel, Après la Russie, est publié en 1928.

Elle rentre en URSS en 1939, mais Serguéï Efron puis sa fille Ariadna sont arrêtés (Serguéï Efron sera assassiné). Tsvétaïéva, dans la misère absolue, interdite de toute publication, finit par se pendre au début de la guerre, le 31 août 1941, en Tatarie, à Elabouga, où elle a été évacuée avec son fils.

Bibliographie 

  • Indices terrestres
  • Mon Pouchkine
  • Nathalie Gontcharova
  • Histoire de Sonetchka
  • De vie à vie
  • Neuf lettres avec une dixième retenue & une onzième reçue
  • Lettres à Anna Teskova
  • Quinze lettres à Boris Pasternak
  • Une aventure, le Phénix
  • Le Gars
  • Averse de lumière
  • Lettres de la montagne & lettres de la fin
  • Les Flagellantes (1988, trad. et présentation Denise Yoccoz-Neugnot)
  • Lettres de Marina Tsvétaéva à Konstantin Rodzévitch dont la traduction par Nicolas Struve a remporté une mention spéciale au Prix Russophonie 2008

Les éditions L'Âge d'homme ont également édité plusieurs de ses œuvres :

  • Le diable et autres récits (1979, trad. V. Lossky)
  • Ariane (1979)
  • Le poème de la montagne - Le poème de la fin (1984) [Traduit et présenté par Eve Malleret (1945-1984), traductrice de référence en langue française]

Chez d'autres éditeurs :

  • Mon frère féminin (Mercure de France, 1979. Texte en français de Marina Tsvetaïeva)
  • Correspondances à trois (Rainer Maria Rilke-Boris Pasternak-Marina Tsvetaïeva) (Gallimard, 1983. Trad. L. Denis)
  • Le ciel brûle (Les cahiers des brisants, 1987)
  • L'art à la lumière de la conscience (Le temps qu'il fait, 1987)
  • Lettres d’exil (correspondance avec Boris Pasternak) (Albin Michel, 1988)
  • Histoire d'une dédicace (Le temps qu'il fait, 1989. Trad. J. Kaemfer-Waniewicz)
  • Phèdre (Actes Sud, 1991. Trad. J.-P. Morel)
  • Des poètes - Maïakovski, Pasternak, Kouzmine, Volochine (Des femmes, 1992. Trad. Dimitri Sesemann)
  • Le gars (Des femmes, 1992. Texte en français de M. Tsvetaeva)
  • Poèmes (Librairie du Globe, 1992. Édition bilingue, 254 pages) Traductions H. Abril, G. Larriac, E. Malleret, etc.
  • Romantika, théâtre (Le Valet de cœur, La Tempête de neige, La Fortune, L'Ange de pierre, Une aventure, Le Phénix), traduit et présenté par Hélène Henry (Éditions Gallimard, Du monde entier, 1998)
  • Le Ciel brûle, suivi de Tentative de jalousie (Poésie/Gallimard, 1999)
  • Lettres à Anna (Édition des Syrtes, 2003. Trad. Éveline Amoursky)
  • Lettres du grenier de Wilno (Édition des Syrtes, 2004. Trad. Éveline Amoursky)
  • L'offense lyrique et autres poèmes (Éditions Farrago, 2004. Trad. H. Deluy)
  • Marina Tsvetaeva Boris Pasternak Correspondance 1922-1936 (Édition des Syrtes, 2005. Trad. Éveline Amoursky, Luba Jurgenson - rééd. 2019)
  • Cet été-là Correspondances 1928-1933 (Édition des Syrtes, 2005. Trad. C. Houlon-Crespel)
  • Souvenirs (Anatolia, Éditions du Rocher, 2006. Trad. Anne-Marie Tatsis-Botton)
  • Octobre en wagon (Anatolia, 2007. Trad. Anne-Marie Tatsis-Botton)
  • Les Carnets (Éditions des Syrtes, 2008, sous la direction de Luba Jurgenson. Trad. Éveline Amoursky et Nadine Dubourvieux)
  • Œuvres : Tome 1, Prose autobiographique (Éditions du Seuil, 2009)
  • Œuvres : Tome 2, Récits et essais (Éditions du Seuil, 2011)
  • Insomnie et autres poèmes (Poésie/Gallimard, 2011)
  • Mon dernier livre 1940, traduit du russe par Véronique Lossky (Éditions du Cerf, 2012)
  • Cycle Les arbres (Éditions Harpo &, 2013. Trad. Éveline Amoursky). Bilingue.
  • Les Poésies d'amour, éditions Circé, 2015. Traduit et présenté par Henri Abril.
  • Le charmeur de rats (Éditions La Barque, 2017. Trad. Éveline Amoursky). Bilingue 
  • Les Grands Poèmes (Édition des Syrtes, 2018. Trad. Véronique Lossky. Bilingue)

Livres d'artistes

  • Les Démons, poème d’Alexandre Pouchkine, traduction du russe par Marina Tsvetaeva, collection « Laboratoire du livres d’artiste », 2010 
  • Escalier obscur, traduction française inédite du Poème de l'escalier par Anne Arc, collection « Livre vertical », 2012.
  • Je voudrais chanter l’escalier argenté (Anne Arc, Barbara Beisingoff, Serge Chamchinov), collection « Sphinx blanc », Granville, 2012 
  • Le Poème de l'escalier, édition vérifiée et corrigée, Éditions Groupe Sphinx Blanc, Paris, 2016 

Mise en musique

Six de ses poèmes ont été mis en musique par Dmitri Chostakovitch (opus 143 pour alto et piano en 1973, orchestrés en 1974).

Sofia Goubaïdoulina met en musique L'Heure de l'âme en 1974 pour mezzo-soprano et orchestre à vent, puis en 1984, cinq de ses poèmes réunis en un Hommage à Marina Tsvetaïeva pour chœur a cappella.

Elena Frolova a composé un album guitare-voix mettant en musique dix-huit poèmes de Marina Tsvetaïeva.

D'autre part, le chanteur français Dominique A lui a dédié une chanson, intitulée Marina Tsvetaeva.

Le compositeur Max Richter a mis en musique un poème de Tsvetaïeva dans le titre Maria, the Poet (1913) de l'album Memoryhouse, 2.

La compositrice Ivane Bellocq lui a dédié Je suis Marina T., pour orchestre à plectres, création à Argenteuil le 7 mars 2020 par l’ensemble MG21, direction Florentino Calvo, dans le cadre du projet “7 femmes et +”.

Adaptations dramatiques

  • Sous le titre Vivre dans le feu, les carnets de Marina Tsvetaïeva ont fait en 2011 l'objet d'une adaptation théâtrale à Lorient sous la direction de Bérangère Jannelle, avec Natacha Régnier dans le rôle de la poétesse. Le spectacle a été repris à Paris au festival d'automne, puis au théâtre des Abbesses.
  • Les Lunes, pièce de théâtre d'après les œuvres de Marina Tsvetaeva. Adaptation et mise en scène : Isabelle Hurtin. Le spectaclhttp://cieduness.wixsite.com/ness/les-lunese est joué du 7 au à l'Épée de Bois, Cartoucherie de Vincennes.

Hommages

Un entier postal (timbre imprimé sur carte postale) célébrant le centenaire de sa naissance a été émis en 1992 par la Poste soviétique.

Une plaque commémorative a été apposée sur l'ancien pensionnat où elle vécut à Lausanne, ainsi que sur la maison qu'elle habita à Vanves entre et .

En , une statue en bronze de la poétesse, œuvre du sculpteur russe d'origine géorgienne Zourab Tsereteli, a été inaugurée dans la commune de Saint-Gilles-Croix-de-Vie en présence de l'ambassadeur de Russie.

En , le Conseil de Paris a décidé de rendre hommage à Marina Tsvetaïeva en donnant son nom à la bibliothèque Glacière sise rue Glacière dans le 13e arrondissement de Paris.

Le cratère vénusien Tsvetayeva et l'astéroide (3511) Tsvetaeva portent son nom.

Au cinéma

  • Élégie de Paris : Marina Tsvetaeva (2009), un film documentaire écrit et réalisé par Aleksandra Svinina.
  • Зеркала (Miroirs) : un film russe (2013) de Marina Migounova retraçant la vie de Marina Tsvetaïeva (avec Viktoria Issakova dans le rôle de la poétesse).

Poèmes choisis

Autres lectures

Marina Tsvetaïeva, Après la Russie

La guerre menée aujourd’hui par la Russie en Ukraine ne manque pas de donner un relief particulier au recueil Après la Russie de Marina Tsvetaïeva. Publié à Paris en 1928, le livre est [...]




Hélène Dorion, Mes forêts

Hélène Dorion est née en 1958 à Québec. Après des études de philosophie, elle commence à écrire des poèmes qui paraîtront d’abord en revues. Elle n’a que 25 ans quand est publié son premier livre de poésie, L’intervalle prolongé, suivi de La chute requise. En 2002, une anthologie personnelle de ses poèmes paraît sous le titre D’argile et de souffle. Les deux décennies suivantes confirmeront son importance dans le paysage littéraire francophone, au point de devenir aujourd’hui une poète mise au programme du Bac 2024 en France avec son recueil Mes forêts.

« Mes forêts/quand je m’y promène/c’est pour prendre le large vers moi-même ». On ne doit pas s’étonner qu’une poète québécoise puisse faire de la forêt – si abondante et si menacée sans son pays – le véritable leitmotiv d’un livre. Les forêts de Hélène Dorion ont une âme. Elles sont « des bêtes qui attendent la nuit/pour lécher le sang de leurs rêves ». Elles sont « des greniers peuplés de fantômes ». Elles sont « un champ silencieux de naissances et de morts ». 

Hélène Dorion n’est pas là pour nous faire un inventaire poétique des forêts qu’elle a sous les yeux. Tout juste évoque-t-elle, subrepticement, l’emblématique érable. Si la poète québécoise nous parle de ses forêts, c’est pour mieux nous parler de notre époque. Car, dit-elle, « il fait un temps de glace et de rêves qui fondent », « il fait un temps de foudre et de lambeaux »/d’arbres abattus ». Prémonitoires, ces vers où elle évoque les incendies (si l’on songe à ceux qui ravagent aujourd’hui son pays). « Le feu/qu’on entend venir/on dirait une bête/prête à tout dévorer ». Hélène Dorion, visionnaire, nous parle de « l’onde du chaos » (et l’on songe au livre Le chaos reste confiant de la poète bretonne Eve Lerner, publié chez Diabase). Car voici, nous dit la poète québécoise, «ce jardin où périt un monde/où l’on voudrait vivre ».

Hélène Dorion,    Mes forêts, éditions Bruno Doucey, 2023, 156 pages, 5,90 euros.

Peut-on alors parler d’un manifeste poétique écologique à propos de ce livre ? Sans doute un peu. On y trouve manifestement, sous la force su symbole ou de la métaphore, un appel à, la vigilance. Les jeunes générations, celles qui se disent sensibilisées aux périls menaçant la planète, y trouveront du grain à moudre.

Mais ces mêmes jeunes trouveront aussi dans les poèmes de Hélène Dorion une critique en règle de certaines formes de consommation contemporaines dont elles sont férues. Car c’est fondamentalement l’appel à un retour au réel qui irrigue son recueil. « Mes forêts sont chemins de chair et marées de l’esprit/un verbe qui se conjugue lentement/loin du facebookinstagramtwitter ». Ailleurs, elle écrit : « Il fait rage virale/sur nos écrans/qui jamais ne dorment ». Elargissant la focale, elle pointe du doigt « pixels et algorithmes » et tous les sigles de notre civilisation branchée : fmi, pib, arn… « L’écran s’est verrouillé/le champ d’étoiles est devenu noir (…) Il fait un temps d’insectes affairés ».

Un monde nouveau, qui n’a pas ses faveurs, émerge donc avec fracas. Mais il ne s’agit pas pour autant, la concernant, de verser dans la nostalgie. Au cœur de ce chambardement en cours, elle nous dit dans un lumineux entretien publié à la fin du recueil que « Ecrire de la poésie, c’est habiter cet espace de la perte, creuser dans l’ombre pour en extraire quelque chose de lumineux ».

Présentation de l’auteur

Hélène Dorion

Hélène Dorion, née le à Québec, est une écrivaine québécoise. Figure majeure de la littérature québécoise et francophone, elle est reconnue autant au Québec qu'à l'international. Ses ouvrages sont traduits dans de nombreuses langues et font l'objet d'études dans plusieurs pays. Son recueil de poèmes Mes forêts est inscrit au programme du bac français à partir de 2023-2024.

Elle publie, entre 1983 et 2022, plus d’une trentaine de livres dont Pas même le bruit d'un fleuve(roman, 2020), Comme résonne la vie (poèmes, 2018), Le temps du paysage (récit avec photographies, 2016), La Vie bercée (album jeunesse, 2022), Sous l’arche du temps (essai, 2013) et Jours de sable (roman, 2004). En 2006, les Éditions de l’Hexagone publie une rétrospective de son œuvre poétique 1983-2000 sous le titre Mondes fragiles, choses frêles.

Auteure de plusieurs livres d'artiste, Hélène Dorion collabore également à de nombreux ouvrages collectifs, et ses textes figurent dans diverses anthologies parues au Québec et à l’étranger. Elle dirige par ailleurs des publications consacrés à la littérature québécoise et travaille à la rédaction de revues dont Livres et auteurs québécois, Estuaire (Québec), Présages (France), Cronica (Roumanie), Le Courrier du Centre International d’Études Poétiques et Regart (Belgique). Elle écrit également des préfaces pour des ouvrages de poésie et prépare des anthologies de poètes québécois, notamment dans le cadre d'une édition de poèmes de Saint-Denys Garneau.

Hélène Dorion occupe le poste de directrice des Éditions du Noroît entre 1991 et 2000. Elle a d'ailleurs été réalisatrice d'une série d’enregistrements de poésie et de musique pour cette maison d'édition. Elle quitte ses fonctions au Noroît en 2000 pour se recentrer sur l'écriture.

Elle est accueillie comme écrivaine en résidence en 1999 et 2000 à l’Université du Québec à Montréal, puis à l’Université de Montréal.

Depuis 2015, elle conçoit et présente des concerts littéraires avec des orchestres réputés tels Les Violons du Roy et I Musici.

Elle a écrit avec Marie-Claire Blais l'opéra Yourcenar – Une île de passions qui a été co-produit par l'Opéra de Montréal et l'Opéra de Québec et présenté en 2022 à Montréal et à Québec.

Bibliographie

ROMAN ET RÉCIT

PAS MÊME LE BRUIT D’UN FLEUVE

Québec, Éditions Alto, 2020. Édition de poche, Québec, Éditions Alto, 2022.
Paru en France aux Éditions Le Mot et le reste, 2022.
À paraître en poche aux Éditions Gallimard/Folio, 2024.

LE TEMPS DU PAYSAGE

texte et photographies d’Hélène Dorion, Montréal, Éditions Druide, 2016.

RECOMMENCEMENTS

Montréal, Éditions Druide, 2014.

L’ÉTREINTE DES VENTS

Montréal, PUM, 2009.
Paru en France sous le titre L’Âme rentre à la maison, Éditions de La Différence, 2010. [Indisponible]Réédition en format poche, Montréal, Éditions Druide, 2018.

JOURS DE SABLE

Montréal, Éditions Leméac, 2002.
Paris, Éditions de La Différence, 2003. [Indisponible]Réédition en format poche, avec une postface de Marie-Claire Blais, Montréal, Éditions Druide, 2018.

POÉSIE

RAVIR : LES LIEUX SUIVI DE LE HUBLOT DES HEURES

Édition pour le Québec, Montréal, Éditions Typo, 2023.

CŒURS, COMME LIVRES D’AMOUR

Édition pour la France, Éditions Bruno Doucey, 2023.

MES FORÊTS

Paris, Éditions Bruno Doucey, 2021.
Réédition en collection de poche, mars 2023, Paris, Éditions Bruno Doucey.

COMME RÉSONNE LA VIE

Paris, Éditions Bruno Doucey, 2018.

CŒURS, COMME LIVRES D’AMOUR

Montréal, Éditions de l’Hexagone, 2012.

LE HUBLOT DES HEURES

Paris, Éditions de La Différence, 2008. [Indisponible]

MONDES FRAGILES, CHOSES FRÊLES

Montréal, Éditions de l’Hexagone, collection «Rétrospectives», 2006.

RAVIR: LES LIEUX

Paris, Éditions de La Différence, 2005. [Indisponible]

D’ARGILE ET DE SOUFFLE

anthologie préparée et présentée par Pierre Nepveu, Montréal, Éditions Typo, 2002.

PORTRAITS DE MERS

Paris, Éditions de La Différence, 2000. [Indisponible]

FENÊTRES DU TEMPS

en collaboration avec Marie-Claire Bancquart (Voilé/Dévoilé), Montréal, Éditions Trait d’union, 2000.

PASSERELLES, POUSSIÈRES

Rimbach (Allemagne) Éditions Im Wald, 2000.

LES MURS DE LA GROTTE

Paris, Éditions de La Différence, 1998. [Indisponible]

PIERRES INVISIBLES

encres de Julius Baltazar, Saint-Benoît-du-Sault (France), Éditions Tarabuste, 1998. Saint-Hippolyte, Éditions du Noroît, 1999.

SANS BORD, SANS BOUT DU MONDE

Paris, Éditions de La Différence, 1995. [Indisponible]

L’ISSUE, LA RÉSONANCE DU DÉSORDRE

Amay (Belgique) L’Arbre à Paroles, 1993.
Saint-Hippolyte, Éditions du Noroît, 1994.
Réédition, L’Issue, la résonance du désordre suivi de L’Empreinte du bleu, gravures de Marc Garneau, Saint-Hippolyte, Éditions du Noroît, 1999.

LES ÉTATS DU RELIEF

Saint-Hippolyte et Chaillé-sous-les-Ormeaux (France), coédition Le Noroît / Le Dé bleu, 1991.

LE VENT, LE DÉSORDRE, L’OUBLI

dessins de Marc Garneau, Mont-sur-Marchienne (Belgique), Éditions L’Horizon vertical, 1991.

UN VISAGE APPUYÉ CONTRE LE MONDE

dessins de Marc Garneau, Saint-Lambert et Chaillé-sous-les-Ormeaux, coédition Le Noroît / Le Dé bleu, 1990.
Réédition, Montréal, Éditions du Noroît, collection «Ovale», 2001.

LA VIE, SES FRAGILES PASSAGES

illustration de couverture de Michel Fourcade, Chaillé-sous-les-Ormeaux, Éditions Le Dé bleu, 1990.

LES CORRIDORS DU TEMPS

Trois-Rivières, Les Écrits des Forges, 1988.

LES RETOUCHES DE L’INTIME

Saint-Lambert, Éditions du Noroît, 1987. Réédition, Montréal, Éditions du Noroît, 2004.

HORS CHAMP

Montréal, Éditions du Noroît, 1985.

L’INTERVALLE PROLONGÉ SUIVI DE LA CHUTE REQUISE

dessins de l’auteure, Montréal, Éditions du Noroît, collection « L’instant d’après », 1983.

ESSAI

SOUS L’ARCHE DU TEMPS
essai suivi d’entretiens, présentation de Jean-Claude Ravet, Montréal, Éditions Typo, 2013. Montréal, Éditions Leméac, 2003. Paris, Éditions de La Différence, 2005. [édition augmentée]. [Indisponible]

ALBUM JEUNESSE

LA VIE BERCÉE

illustrations de Janice Nadeau, Montréal, Les 400 Coups, 2006.
Nouvelle édition augmentée, 2022.

LIVRET D’OPÉRA

YOURCENAR – UNE ÎLE DE PASSIONS – LA CRÉATION D’UN OPÉRA
[libretto écrit avec Marie-Claire Blais], Montréal, Éditions de l’Homme, 2022.

CORRESPONDANCE

NOUS NE SOMMES PAS SEULES… AVEC CAROL BERNIER (OUVRAGE ILLUSTRÉ)

Trois-Rivières, Éditions d’art Le Sabord, 2014.

LIVRES D’ARTISTES ET TIRAGES LIMITÉS
L’ORANGER DE CÉZANNE, TIRAGE UNIQUE DE 110 EXEMPLAIRES

Saint-Bonnet-Elvert (France), Éditions du Petit Flou, 2018.

L’ÉCORCE DU SOUVENIR

avec des gravures de Carol Bernier, réalisé en trente exemplaires, Éditions Faiseur d’images, 2017.

TANT DE FLEUVES

tirage unique de 110 exemplaires, Saint-Bonnet-Elvert (France), Éditions du Petit Flou, 2016.

SAINTE-SÉBASTIENNE

avec Françoise Sullivan et Denise Desautels, réalisé à douze exemplaires Montréal, Éditions Roselin, 2007.

COMME LIVRES D’AMOUR

Laon, Éditions La Porte, 2005.

ET CE N’EST QUE VIE

illustrations d’Anne Bérubé, réalisé à trente exemplaires, Montréal, 2004.

HORIZON

poème extrait de Les Retouches de l’intime, exemplaire unique, peint et relié à la main par Kamal Boullata, 2002.

LE BRUIT DU PASSÉ

poèmes et interventions de Hélène Dorion, réalisé à sept exemplaires, Tours (France), Vice-Versa, 2001.

BATTEMENTS DE TERRE

gravures de Julius Baltazar et Olivier Debré, tiré à soixante-douze exemplaires, Montréal, Éditions Simon Blais, 1999.

PIERRES INVISIBLES

poèmes manuscrits accompagnés de dessins originaux de Julius Baltazar, réalisé à deux exemplaires, Paris, 1999.

CHEMINS DU POÈME

textes manuscrits accompagnés de dessins originaux de Julius Baltazar, réalisé à trois exemplaires, Paris, 1999.

PORTRAITS DE MER

interventions originales de Béatrice Querrec, réalisé à quarante exemplaires, La Chapelle Chaussée (France), Éditions Dana, 1998.

VOYAGES DE PORPHYRE

poèmes manuscrits accompagnés de dessins originaux de Julius Baltazar, réalisé à deux exemplaires, Paris, 1997.

LA CAVERNE DE L’HISTOIRE

poèmes manuscrits accompagnés de dessins originaux de Julius Baltazar, réalisé à trois exemplaires, Paris, 1997.

PASSAGES DE L’AUBE

poèmes manuscrits accompagnés de dessins originaux de Julius Baltazar, réalisé à six exemplaires, Paris, 1996.

L’EMPREINTE DU BLEU

vingt poèmes accompagnés de dix pointes sèches de Marc Garneau, tiré à cinquante-cinq exemplaires, Saint-Hippolyte, Éditions du Noroît, 1994.

CARRÉS DE LUMIÈRE

poèmes manuscrits accompagnés de six peintures originales de Jean-Luc Herman, réalisé à dix exemplaires, Paris, 1994.

FRAGMENTS DU JOUR

tiré à cent un exemplaires, Paris, Éditions Bernard-Gabriel Lafabrie, 1990.

LIVRES PARUS EN TRADUCTION

PAS MÊME LE BRUIT D’UN FLEUVE

traduction de Jonathan Kaplansky, Book*Hug publisher, Toronto (à paraître en 2024).

PAS MÊME LE BRUIT D’UN FLEUVE

traduction de Ljinana Matić, Reika biblioteka, Serbie, 2023.

L’ÉTREINTE DES VENTS

traduction de Ljinana Matić, Reika biblioteka, Serbie, 2022.

L’ÉTREINTE DES VENTS

traduction en russe de Ioulia Kounina, Moscou, Éditions Commentaires, 2013.

SEIZING: PLACES

traduction anglaise (Angleterre) de Patrick McGuiness, ARC publications, Londres, 2012.

ATRAPAR: ELS LLOCS

traduction en catalan de Carles Duarte et Lluna Llecha, Lleida, Espagne, Pagès editors, 2011.

LOS PASADIZOZ DEL TIEMPO

traduction en espagnol (Mexique) de Silvia Pratt, Québec et Mexique, Écrits des Forges/Mantis editores, 2010.

DAYS OF SAND

traduction en anglais de Jonathan Kaplansky, Toronto, Canada, Cormorant Books, 2008.

UN VISAGE APPUYÉ CONTRE LE MONDE

traduction en serbe de Jovica Aćin, Belgrade, Serbie, Rad, 2007.

FENÊTRES DU TEMPS

traduction en allemand de Rüdiger Fischer, Rimbach, Allemagne, Verlag Im Wald, 2007.

JOURS DE SABLE

traduction en serbe de Jovica Acín, Belgrade, Serbie, Rad, 2006.

PORTRAITS DE MERS

traduction en russe de Elena Tounitskaia et Ioulia Kounina, Moscou, Russie, Kommehtapnn, 2005.

NO END TO THE WORLD

traduction en anglais de Daniel Sloate, Toronto, Canada, Guernica editions, 2004.

UN ROSTRE RECOLZAT CONTRA EL MÓN

traduction en catalan de Carles Duarte i Montserrat, préface de François-Michel Durazzo, Lleida, Espagne, Pages Editors, 2003.

OMBRES ET LUMIÈRES

traduction en macédonien de Ana Pejcinova, préface de Aline Apostolska, Struga, Macédoine, Les Pleiades, 2004.

ORIGENES

traduction en espagnol de Carles Duarte i Montserrat, New York, États-Unis, Pen Press, 2003.

ARCILLA Y ALIENTO

traduction en espagnol de José Ramon Trujillo et Carles Duarte i Montserrat, Madrid, Espagne, Sial, 2001.

LA VITA, I SUOI FRAGILI PASSAGGI

traduction en italien et présentation de Giovanni Camelli et François-Michel Durazzo, Udine, Italie, Campanotto Editore, 2000.

RETRATS DE MARS

traduction en catalan et préface de Carles Duarte i Montserrat, postface de François-Michel Durazzo, Barcelone, Espagne, La Magrana, 2000.

STAUBKÖRNER, STEGE

édition en quatre langues de «Passerelles, poussières» (français, anglais, allemand, italien), (traductions de Andrea Moorhead, Rüdiger Fischer et Fabio Scotto) Rimbach, Allemagne, Verlag Im Wald, 2000.

SIN BORDE, SIN FINAL DE MUNDO

traduction en espagnol de François-Michel Durazzo, Vitoria, Espagne, Bassaraï, 1997.

MÎNTUIREA, REZONANTA DEZORDINII

traduction en roumain de Valeriu Stancu, Oradea, Roumanie, Cogito, 1997.

POÈMES CHOISIS

traduction en espagnol de Luis del Rio Donoso et Inoncencio Gomez, Paris, La Porte, collection «Eurolatine», 1997.

DIE WÄNDE DER HÖHLE

édition trilingue, traductions de Andrea Moorhead (anglais) et Rüdiger Fischer (allemand), Rimbach, Allemagne, Verlag Im Wald, 1996.

EL VIENTO, EL DESORDEN, EL OLVIDO

traduction en espagnol de François-Michel Durazzo et Ana María Lainez, Cádiz, Revista Atlántica, 1993.

THE EDGES OF LIGHT (SELECTED POEMS: 1983-1990)

traductions en anglais et préface de Andrea Moorhead, postface de Yann Lovelock, Toronto, Canada, Guernica, 1995.

Poèmes choisis

Autres lectures

Hélène Dorion, Mes forêts

Hélène Dorion est née en 1958 à Québec. Après des études de philosophie, elle commence à écrire des poèmes qui paraîtront d’abord en revues. Elle n’a que 25 ans quand est publié son [...]




Cécile A.Holdban, Toutes ces choses qui font craquer la nuit

  L’art du bref. Cécile A.Holdban nous le démontre à nouveau en publiant pas moins de 208 haîkus et tercets qu’elle accompagne de ses propres peintures. L’artiste et poète fait état, dans ce nouveau livre, du fruit de ses travaux lors d’une résidence littéraire et artistique en Ardèche.

Cécile A.Holdban a plusieurs cordes à son arc. Poète, peintre, traductrice (hongrois, anglais…), elle « écripeint », comme elle le dit elle-même, dans des livres ou des revues. A propos d’un de ses premiers recueils (Un nid dans les ronces, La Part Commune), on avait noté « la tendresse vigilante qu’elle portait aux paysages et à ceux qu’elle porte en elle ».

 Nous voici, à nouveau, de plain-pied dans cette approche sensorielle du monde. Cécile A.Holdban empoigne le réel avec à la fois l’exigence et la simplicité qui sied aux poètes authentiques. Ce réel, c’est d’abord une nature dans laquelle elle plonge sans retenue. Fidèle en cela aux principes fondateurs du haïku, elle touche du doigt le monde qui vit autour d’elle en jetant son dévolu sur tout ce qui bouge au bord du chemin, souvent le plus insignifiant. « Une joie discrète/savoir nommer/les herbes du sentier », écrit-elle. « Jour après jour/je vois s’arrondir/la pomme reinette ».

Attentive à ces instants de déambulation vécus dans la campagne ardéchoise, elle peut aussi écrire : « Depuis le vieux pont/jusqu’à la chèvrerie/la piste des crottes ». Car Cécile A.Holdban n’écrit pas de n’importe où. Son texte porte la marque du terroir qui l’accueille. Voici, sous sa plume, les châtaigniers, les cèpes et les girolles, le chêne-vert ou la marjolaine. « Aube violette/trois prunes blettes/sur le chemin ». Et que dire de tous ces oiseaux qui lui tiennent compagnie, qu’elle nomme ou qu’elle peint avec gourmandise. Pic-épeiche, Rouge-queue, sittelle, geai, buse : ils traversent ses pages d’un coup d’aile et ses haïkus en gardent la trace. « Le toc-toc du pivert/m’offre les portes/d’un pays d’arbres »

Cécile A.Holdban, Toutes ces choses qui font craquer la nuit, Exopotamie Editions, 105 pages, 17 euros.

Du haïku on peut même glisser en douceur vers la pensée ou l’aphorisme. « Prendre ce qui vient/laisser le reste au vent/vivre comme un arbre ». Et sans doute penchée sur ces ruisseaux qui irriguent les collines ardéchoises, elle écrit : « Les souvenirs ricochent/plus longuement que les galets », tandis qu’à la fin d’une journée qu’on imagine riche en cueillettes de toutes sortes, elle écrit ces mots à haute valeur émotionnelle : « Dans un bouquet/l’enfance de ma mère/et celle de mes enfants ».  De bout en bout, on sent l’artiste-peintre qu’elle est s’efforcer de  rester fidèle à ce que ses yeux ont vu. « Chercher longtemps/la nuance exacte/de l’ombre d’un pétale ». Ce  souci de la justesse et de l’exactitude qui la caractérise.

Présentation de l’auteur

Cécile A. Holdban

Elle est peintre et écrivain, lauréate du prix Yvan Goll (2017) et du prix Calliope du Cénacle Européen (2017), est également traductrice et coéditrice de la Revue Ce qui reste, une revue en ligne de littérature et d’art contemporains. Elle anime une chronique littéraire sur Aligre FM radio.

Elle pratique peinture et écriture en les faisant dialoguer : les liens et transmissions entre les différentes formes d’arts sont au cœur de son travail. Son univers de création se fonde sur ces rapports synesthésiques. Il s’enrichit de l’observation et de l’imaginaire de la nature, entre paysage visible et invisible, d’une écoute et d’une attention au vivant, aux contes et mythes.

Elle collabore par ses peintures,  poèmes, traductions et articles à de nombreuses revues, anthologies et ouvrages collectifs variés. Elle aime aussi s’associer à d’autres créateurs ou écrivains dans des publications, revues et livres d’artistes. Elle a fait l’objet de deux expositions personnelles en France et participe régulièrement à des expositions collectives et des festivals, et anime régulièrement des masterclasses et ateliers de création, d’écriture et expression plastique.

Cécile A. Holdban

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Derniers ouvrages publiés

Premières à éclairer la nuit, récit, Arléa, janvier 2024

Toutes ces choses qui font craquer la nuit, textes et peintures, Exopotamie, 2023

Osselets, dessins et poèmes, Le Cadran Ligné, Saint- Clément, 2023

Kaléidoscope, 173 poètes contemporains mis en image pendant le confinement, l’Atelier des Noyers, Dijon, 2023

Jacques Bibonne, une vie en peinture (collectif, texte de contribution au catalogue ) éditions Le temps qu’il fait, Bordeaux,  2023

Pierres et berceaux, dessin et poèmes, Potentille, Nevers, 2021.

Toucher terre, Arfuyen, Paris, 2018

Silence, photographies d’Anne Lise Broyer, poème de Cécile A. Holdban, Sous les glycines, Paris, 2016.

Poèmes d’après suivi de La route de sel, Arfuyen, Paris, 2016.

Quelques traductions :

John Keats, La poésie de la terre ne meurt jamais, édition traduite et annotée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, Poésis, 2021

Howard Mc Cord, Poèmes Chamaniques, édition établie, traduite et annotée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, La Part Commune, 2021

Virginia Woolf, Le Paradis est une lecture continue, traduction et présentation de Cécile A. Holdban, La Part Commune, Rennes, 2019.

Virginia Woolf, Ainsi parlait – Thus Spoke, dits et maximes de vie choisis, traduits de l’anglais et présentés par Cécile A. Holdban, édition bilingue, Arfuyen, Paris, 2019.

Sándor Weöres, Filles, nuages et papillons (Lányok, lepkék, fellegek), poèmes choisis et traduits du hongrois par Cécile A. Holdban, Érès Po&Psy, Toulouse, 2019.

Dezső Kosztolányi, Venise, traduction du hongrois et préface de Cécile A. Holdban, Cambourakis, Paris, 2017.

Attila József, Le Mendiant de la beauté, Le Temps des Cerises, Paris, 2014, poèmes traduits du hongrois par Francis Combes, Cécile A. Holdban et Georges Kassai.

DÉCOUVRIR

Site de la Revue Ce qui reste – Journal quotidien de son travail de peintre sur Instagram

Mail : mcguichard@outlook.com

Autres lectures

Un nid dans les ronces de Cécile A.Holdban

     Voici un recueil de haïkus, mais pas seulement de haïkus. Les tercets de Cécile A.Holdban sont fidèles à l’esprit et aux règles du fameux genre poétique japonais mais s’en échappent aussi [...]

Cécile A. Holdban : Toucher terre

La poésie de Cécile A. Holdban touche à l’intime mais demeure en permanence auréolée d’une forme de mystère. La poète creuse l’énigme de la vie.  « Il restait une fleur/sur terre/pour l’éclairer », écrit Cécile A. [...]

Cécile A. Holdban, Kaléidoscope, Tapis de chiffons

 Kaléidoscope, un « Tapis de chiffons » pour temps de pandémie « Une polyphonie visuelle et écrite ». C’est ainsi que Cécile A. Holdban définit le beau petit livre publié par les éditions de l’Atelier des Noyers, [...]

Cécile A. Holdban, Premières à éclairer la nuit

Faire parler quinze femmes poètes du XXe siècle dans des lettres (imaginaires) adressées à des êtres chers : un projet original et surtout ambitieux que l’autrice, poète et peintre, Cécile A. Holdban a réalisé [...]




Colette Wittorski, Ephéméride

Elle vit aujourd’hui en Ephad dans le Centre-Bretagne et publie un recueil sous le titre Ephéméride. Colette Wittorski (96 ans) parle de son grand âge, de tout ce qui l’anime ou l’agite, en une série de poèmes courts écrits au cours des trois dernières années.

Dans un précédent livre, L’immensité des liens (L’Harmattan, 2020) Colette Wittorski parlait déjà du « couteau des heures » qui « accomplit son office ». Mais, en dépit de tout, elle persistait à habiter la vie intensément (« Si bref est l’instant, hâte-toi ») et pouvait même affirmer que « décliner n’est pas mourir ».  Trois ans après, on retrouve cette tonalité dans les mots d’une « vieille femme qui ne veut pas mourir » et se dit, pourtant, « réduite à l’inventaire de l’instant ». Lucide de bout en bout, elle fait aussi ce terrible aveu : « Je suis une plante en pot/restreinte/j’ai besoin d’être arrosée ». Mais avec un brin de malice, elle ajoute : « Je choisis mes jardiniers ». On saluera cette lucidité et cette capacité de prise de distance avec l’état de vieillesse qui est le sien.

Colette Wittorski n’est pas dupe. Il y a « la grande paix des bruits » qu’elle n’entend plus et cette solitude qui fait d’elle une « guetteuse de riens ». Evoquant son « âme encapuchonnée » et « le bois vermoulu » de sa mémoire, elle nous offre, dans le grand âge, des petites pépites poétiques arrachées à la chair de sa vie, tout en continuant à entretenir une profonde complicité avec la nature. Elle salue le vieil arbre qui lui offre ses pommes et la voilà « penchée pour les ramasser ».D’autres arbres, entrevus sur le talus, elle en parle ailleurs comme des « danseurs bien accordés » qui « se tiennent par les branches ».

Au cœur de ce « bord à bord mouvant », dans cette  vieillesse qu’elle assume, demeure, indestructible, le sentiment fugitif d’exister encore, malgré tout, pleinement. « Du silence et de la solitude/parfois surgit la joie// une source entre deux pierres/dont soudain j’entends la voix ». Sa capacité d’émerveillement demeure intacte. « Splendeur !/ la lande est tachée par le sang des bruyères/criant leur déchirure ».

Colette Wittorski,  Ephéméride, L’Harmattan, 78 pages, 12 euros.

Quand à l’au-delà, elle pose la question du droit d’accès. « Serons-nous dans l’autre monde/des émigrés de la terre/dont les anges et les déjà morts se méfient/comme nous le faisons avec ceux d’ici ». Et, la lisant, l’on pense aux mots de de Léo Ferré : « Poète, vos papiers ! ».

Présentation de l’auteur




Jean-Claude Coiffard, Le ciel était immense

Le ciel immense ne peut être que celui de l’enfance. C’’est ce que nous raconte le poète nantais Jean-Claude Coiffard (90 ans) dans un livre à la fois pétri de nostalgie et de gratitude pour ce temps vécu dans un pays au « visage d’aurore ». Et toujours dans la fidélité à René Guy Cadou.

Sous le ciel immense de Jean-Claude Coiffard, un ciel qui « brasille sous le soleil de mai », il y a un fleuve (la Loire), des roseaux, des oiseaux et, dans le jardin du poète, « l’odeur des lilas », un puits, un figuier, des abeilles et des roses à foison. C’est à ce pays-là qu’il s’adosse, univers parcouru de « nuages au long cours » et toujours, la nuit venue, illuminé d’étoiles.

C’est la voix de René Guy Cadou qui résonne, de bout en bout, dans ce livre. Jean-Claude Coiffard nous dit qu’il peut aujourd’hui écrire « son nom en lettres d’or/dans le granit du temps ». Car le monde, dit-il, « s’ordonnait sous les pas »de l’instituteur-poète de Louisfert dont le chemin de l’école était « pavé d’hortensias ». Hommage à Cadou, donc, mais aussi, au fil des pages, à Apollinaire, Nerval ou Marie-Noël, qui furent ses compagnons de route.

Mais le poète, l’âge venu, n’en finit pas malgré tout de s’interroger. « Le mot que je cherche/qui me le donnera ? ». Car comment témoigner au plus près de cette vie donnée en abondance ? « J’ai tant et tant/remonté d’eau/de mon vieux puits/j’ai tant et tant/puisé de lettres/que maintenant/je vois le fond ».

Saisi d’une forme de vertige, le poète évoque ce « vieux puits/rempli d’ombres »« délaissant le ciel/le soleil s’est noyé ».

Jean-Claude Coiffard, Le ciel était immense, Des sources et des livres, 139 pages, 17 euros.

Pourtant il se ressaisit bien vite. Sans doute faut-il se résoudre à partir, « mais les roses toujours », se rassure-t-il, « parleront aux abeilles ». Et loin de pouvoir prétendre tout dire de ce ciel immense avec les mots du quotidien, il affirme arriver « à l’heure/où le silence/pourra tout dire ». Et, plein de confiance, quand « la porte s’ouvrira », accéder au « pays mystérieux ».

Présentation de l’auteur

Jean-Claude Albert Coiffard

Jean-Claude Albert Coiffard est né à le 21 juin 1933, à Nantes. Poète, critique et animateur, il est responsable et animateur de l'émission "Rivages poétiques" sur Radio-Fidélité ; membre de "Poésie sur tout" et rédacteur de la revue "7 à dire"; il est également vice-président de Sac à mots édition.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Bibliographie

Les Cernes bleus de la nuit (Traces, 1992), Les nymphéas des songes, préface de Jean-Paul Mestas, (Les Presses Littéraires, 1999), Plein Cintre, préface de Jean-Marie Gilory, (Sac à mots édition, 2002), Manoll, Cadou : une amitié en plein coeur, essai, préface d'Yves Cosson, (Librairie bleue, 2002), Venise de Pourpre et d'Orient (éd. Brind'jonc, 2004), Ce peu d'éternité, préface de Jacques Taurand, (Sac à mots édition, 2006).

Poèmes choisis

Autres lectures

Autour des éditions La Porte.

Gaspard Hons,Quand resplendit la fleur inverse  Ce beau titre énigmatique est emprunté à Raimbaut d’Orange (1066-1121). En de très brefs poèmes de 3 , 2 voire 1 vers, Gaspard [...]

Jean-Claude Albert Coiffard, Il y aura un chant

 « il y aura un chant/envoûtant le silence/des oiseaux arrivant de plus loin que le ciel ».  Jean-Claude Albert Coiffard vit d’espérance. Né en 1933, il a aussi  l’âge de regarder dans le rétroviseur. Ce [...]

Jean-Claude Coiffard, Le ciel était immense

Le ciel immense ne peut être que celui de l’enfance. C’’est ce que nous raconte le poète nantais Jean-Claude Coiffard (90 ans) dans un livre à la fois pétri de nostalgie et de [...]




Cécile A. Holdban, Kaléidoscope, Tapis de chiffons

 Kaléidoscope, un « Tapis de chiffons » pour temps de pandémie

« Une polyphonie visuelle et écrite ». C’est ainsi que Cécile A. Holdban définit le beau petit livre publié par les éditions de l’Atelier des Noyers, qui restitue son projet en collaboration avec 172 poètes. Elle les avait contactés lors de la pandémie, au moment du confinement lors du printemps 2020, leur proposant de lui livrer un simple vers de poésie (sur ce moment particulier) qu’elle se chargerait ensuite d’illustrer à sa manière. Aujourd’hui nous avons entre les mains un superbe objet/livre où s’exprime tout le talent d’artiste et de poète de Cécile A. Holdban.

Le défi n’était pas mince. Cécile A. Holdban avait pris le parti d’illustrer chaque vers sur un support pour le moins original : un sachet de thé. S’inspirant du titre d’un livre du Hongrois Sándor Weöres (Tapis de chiffons), elle a d’abord envisagé un projet collectif qui pourrait  prendre corps  sur une grande surface (en assemblant les sachets de thé sur un drap) puis, deux ans plus tard, le projet a pris forme dans un petit livre au format à l’italienne où sont repris, page par page, chaque vers et chaque illustration correspondante.

Variant les technique picturales – aquarelles, crayons, pastels, encres, acryliques – recourant aussi bien à des motifs abstraits que figuratifs, l’artiste nous propose aujourd’hui ce merveilleux Kaléidoscope de « temps de détresse » (comme le dirait Hölderlin). « Chacun est libre d’y entreprendre son propre cheminement. Ce kaléidoscope est aussi un labyrinthe », note Cécile A. Holdban.

Cécile A. Holdban, Kaléidoscope, Tapis de chiffons, L’Atelier des Noyers, 20 euros.

« Il appartient à chacun de tisser son propre fil d’Ariane ». Une chose est sûre : le monde confiné vibre sous son pinceau et sous la plume des poètes. On pourrait dire, reprenant le titre d’un livre de Jean Pierre Nedelec, que « Le monde était plein de couleurs » durant cette pandémie. Paradoxe de cette période grise et terne, souvent douloureusement vécue mais qui a aussi permis de se réapproprier autrement le monde. A commencer par le silence qui trouve ici un écho chez de nombreux poètes. « Les mots gonflés de silence comme une sève explosive », écrit Françoise Ascal. « Parfois, j’ai envie de dire oui au silence, alors j’écris », affirme pour sa part Isabelle Alentour.

Ecrire. Dieu sait si le confinement a encouragé cette pratique (on pense notamment à La baie vitrée de Yvon Le Men aux éditions Bruno Doucey). « Le matin, je tire de l’écriture la preuve que je vis », énonce Frédérique Germanaud. « J’écris pour soustraire un peu de feu à l’orage », confie Lionel Gerin. Et puis il y a les oiseaux dont on redécouvre le chant. « Ma fenêtre, un passereau/une passerelle » (Jean-François Agostini). « Et dans la haie, le vol endormi des alouettes »(Bertrand Runtz). La pandémie limitant les déplacements, on redécouvre les bienfaits du jardin « dans l’odeur de la menthe » (Christian Bulting) ou ceux de la nature qui explose avec « Pâques à l’extrême d’un bourgeon » (Françoise Matthey).

Les 172 poètes réunis par Cécile A. Holdban (par ordre alphabétique) sont majoritairement français, mais ils peuvent aussi être belges, hongrois, italiens, québécois, suisses ou américains… Poètes connus ou méconnus, réunis avec bonheur dans ce Kaléidoscope. Il y a  là Denise Desautels, Jean Rouaud, Gérard Pfister, Jos Roy, Thierry Gillybœuf, Valérie Rouzeau, Yves Prié, Jean-Claude Caër, Howard McCord, Christian Viguié, François Rannou, Alain Kervern, Cécile Guivarch, Jean Lavoué, Laure Morali, Angèle Paoli, Béatrice Marchal, Estelle Fenzy… Voilà quelques noms (bien connus) relevés parmi d’autres. Sans oublier Cécile A. Holdban, elle-même poète. « Les gouttes seraient l’alphabet pour écrire l’arc-en-ciel », écrit-elle.

Présentation de l’auteur

Cécile A. Holdban

Elle est peintre et écrivain, lauréate du prix Yvan Goll (2017) et du prix Calliope du Cénacle Européen (2017), est également traductrice et coéditrice de la Revue Ce qui reste, une revue en ligne de littérature et d’art contemporains. Elle anime une chronique littéraire sur Aligre FM radio.

Elle pratique peinture et écriture en les faisant dialoguer : les liens et transmissions entre les différentes formes d’arts sont au cœur de son travail. Son univers de création se fonde sur ces rapports synesthésiques. Il s’enrichit de l’observation et de l’imaginaire de la nature, entre paysage visible et invisible, d’une écoute et d’une attention au vivant, aux contes et mythes.

Elle collabore par ses peintures,  poèmes, traductions et articles à de nombreuses revues, anthologies et ouvrages collectifs variés. Elle aime aussi s’associer à d’autres créateurs ou écrivains dans des publications, revues et livres d’artistes. Elle a fait l’objet de deux expositions personnelles en France et participe régulièrement à des expositions collectives et des festivals, et anime régulièrement des masterclasses et ateliers de création, d’écriture et expression plastique.

Cécile A. Holdban

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Derniers ouvrages publiés

Premières à éclairer la nuit, récit, Arléa, janvier 2024

Toutes ces choses qui font craquer la nuit, textes et peintures, Exopotamie, 2023

Osselets, dessins et poèmes, Le Cadran Ligné, Saint- Clément, 2023

Kaléidoscope, 173 poètes contemporains mis en image pendant le confinement, l’Atelier des Noyers, Dijon, 2023

Jacques Bibonne, une vie en peinture (collectif, texte de contribution au catalogue ) éditions Le temps qu’il fait, Bordeaux,  2023

Pierres et berceaux, dessin et poèmes, Potentille, Nevers, 2021.

Toucher terre, Arfuyen, Paris, 2018

Silence, photographies d’Anne Lise Broyer, poème de Cécile A. Holdban, Sous les glycines, Paris, 2016.

Poèmes d’après suivi de La route de sel, Arfuyen, Paris, 2016.

Quelques traductions :

John Keats, La poésie de la terre ne meurt jamais, édition traduite et annotée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, Poésis, 2021

Howard Mc Cord, Poèmes Chamaniques, édition établie, traduite et annotée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, La Part Commune, 2021

Virginia Woolf, Le Paradis est une lecture continue, traduction et présentation de Cécile A. Holdban, La Part Commune, Rennes, 2019.

Virginia Woolf, Ainsi parlait – Thus Spoke, dits et maximes de vie choisis, traduits de l’anglais et présentés par Cécile A. Holdban, édition bilingue, Arfuyen, Paris, 2019.

Sándor Weöres, Filles, nuages et papillons (Lányok, lepkék, fellegek), poèmes choisis et traduits du hongrois par Cécile A. Holdban, Érès Po&Psy, Toulouse, 2019.

Dezső Kosztolányi, Venise, traduction du hongrois et préface de Cécile A. Holdban, Cambourakis, Paris, 2017.

Attila József, Le Mendiant de la beauté, Le Temps des Cerises, Paris, 2014, poèmes traduits du hongrois par Francis Combes, Cécile A. Holdban et Georges Kassai.

DÉCOUVRIR

Site de la Revue Ce qui reste – Journal quotidien de son travail de peintre sur Instagram

Mail : mcguichard@outlook.com

Autres lectures

Un nid dans les ronces de Cécile A.Holdban

     Voici un recueil de haïkus, mais pas seulement de haïkus. Les tercets de Cécile A.Holdban sont fidèles à l’esprit et aux règles du fameux genre poétique japonais mais s’en échappent aussi [...]

Cécile A. Holdban : Toucher terre

La poésie de Cécile A. Holdban touche à l’intime mais demeure en permanence auréolée d’une forme de mystère. La poète creuse l’énigme de la vie.  « Il restait une fleur/sur terre/pour l’éclairer », écrit Cécile A. [...]

Cécile A. Holdban, Kaléidoscope, Tapis de chiffons

 Kaléidoscope, un « Tapis de chiffons » pour temps de pandémie « Une polyphonie visuelle et écrite ». C’est ainsi que Cécile A. Holdban définit le beau petit livre publié par les éditions de l’Atelier des Noyers, [...]

Cécile A. Holdban, Premières à éclairer la nuit

Faire parler quinze femmes poètes du XXe siècle dans des lettres (imaginaires) adressées à des êtres chers : un projet original et surtout ambitieux que l’autrice, poète et peintre, Cécile A. Holdban a réalisé [...]