Joseph-Antoine D’Ornano, Instantanés sereins

Par |2024-03-06T16:40:11+01:00 1 mars 2024|Catégories : Critiques, Joseph-Antoine D’Ornano|

Un univers à part, un peu hors du temps. Des tranch­es de vie saisies par un poète qui est aus­si artiste-pein­tre. Les Instan­ta­nés sere­ins de Joseph-Antoine D’Ornano (né en 1948) ont une forme de douceur dou­blée de la con­science aiguë du temps qui passe. Voilà, en tout cas, une voix orig­i­nale dans le paysage poé­tique actuel.

On peut faire des poèmes avec peu de choses. Les auteurs chi­nois ou japon­ais nous ont beau­coup appris là-dessus. Joseph-Antoine D’Ornano n’écrit pas des haïkus mais capte à sa manière des instants de vie, sou­vent dans leur banal­ité la plus extrême.

Dans ses poèmes il y a des « lilas aux fenêtres », des « limon­ades ros­es », une rue dis­crète, un banc de pierre, un lit défait, un para­pluie qui se retourne, « des petites fleurs qui jouent les coquettes », un « pré char­mant », des fontaines… Voilà qui nous éloigne du tohu-bohu ambiant. Avec le sen­ti­ment, néan­moins, de se retrou­ver au cœur d’un monde un peu révolu.

Les aquarelles, encres et autres pas­tels de l’auteur qui accom­pa­g­nent les poèmes sont au dia­pa­son. Le gris, le brun ou l’ocre, tonal­ités dom­i­nantes des tableaux, sont là pour nous sig­ni­fi­er que le temps a passé (si c’était de la pho­togra­phie, on par­lerait de sépia) et que les couleurs écla­tantes de la vie ont un peu fané. On décou­vre ici des paysages ou des vis­ages sur lesquels le temps a fait son œuvre.

 Joseph-Antoine D’Ornano, Instan­ta­nés sere­ins, L’inventaire, 2023, 60 pages, 12 euros.

Car c’est une forme de retour sur des sou­venirs enfouis qui imprègne ce recueil. Les per­son­nages évo­qués sont par­fois des fig­ures évanes­centes et quand elles ne le sont pas, ce sont des hommes ou des femmes vivant avec le « dos cassé ». De celui-ci, le poète dit qu’il « ne sort presque plus », de celle-là que « par­fois, elle quitte son fau­teuil ». Les maisons sont habitées de sou­venirs ou de regrets. Mais ce n’est jamais dit avec lour­deur. Non, plutôt avec une forme de douceur, dans une série de poèmes d’une éton­nante clarté (sans recours aux images ou au procédés poé­tiques clas­siques). Il y a dans tout cela, au bout du compte, une forme dis­crète de nos­tal­gie dans l’évocation, par exem­ple, de « l’amour d’une seule sai­son » ou de « la tristesse de ces instants disparus ».

Joseph-Antoine D’Ornano ne se paie jamais de mots. Ses Inven­taires sere­ins font la part belle aux gens âgés et aux enfants. L’atmosphère y est légère en dépit de ce temps qui file entre les doigts. On peut décou­vrir, au détour d’une page,  des « gens heureux » et par­fois « Sous la voûte étoilée du ciel/Le vil­lage en fête/Au son de l’accordéon ».

Présentation de l’auteur

Joseph-Antoine D’Ornano

Joseph-Antoine d’Or­nano est un artiste-pein­tre et un écrivain. Il a fait des études pluridis­ci­plinaires, let­tres, droit et sci­ences po Paris. Il vit et tra­vaille à Paris.

Pas­sion­né de lit­téra­ture et d’art, romanci­er, pein­tre, il explore depuis plusieurs années la notion de rela­tion à laque­lle il a con­sacré deux essais et quelques articles. 

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Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur
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