Nathan Katz, La petite chambre qui donnait sur la potence

Par |2020-12-06T10:37:33+01:00 6 décembre 2020|Catégories : Nathan Katz|

               Quand le poète Nathan Katz était pris­on­nier de guerre

Il fut le pre­mier maître d’Eugène Guille­vic et son ini­ti­a­teur à la poésie alle­mande, le poète alsa­cien Nathan Katz décédé à Mul­house en 1981 à l’âge de 89 ans, a racon­té dans son pre­mier livre, pub­lié en alle­mand alors qu’il avait 28 ans, son expéri­ence de pris­on­nier de guerre en Russie et en France. Sous le titre Une petite cham­bre don­nant sur la potence, il révèle l’amour de son pays natal mais aus­si son pro­fond human­isme. Ce livre est aujourd’hui, pour la pre­mière fois, pub­lié en français.

Le des­tin du jeune Nathan Katz, né en 1892 dans le Sundgau à l’extrême sud de l’Alsace, fut celui de nom­breux Alsa­ciens nés dans une région annexée par l’Allemagne après la guerre de 1870. Quand éclate la Grande guerre, le voilà donc enrôlé sous uni­forme alle­mand, con­duit sur le front russe où il est fait pris­on­nier en juin 1915 et interné jusqu’en août 1916 aux camps de Ser­gatsch et de Nijni-Novgorod.

Nathan Katz, La petite cham­bre qui 
don­nait sur la potence
, Arfuyen,
165 pages, 16 euros

« Le temps que nous pas­sions au tra­vail était assez long, racon­te-t-il, nous com­men­cions au lever du soleil et nous retournions à la mai­son lorsque l’astre avait roulé loin der­rière les collines à l’ouest et qu’il com­mençait à faire nuit ». Il s’agissait de travaux des champs. « Nous liions des gerbes, nous ren­tri­ons les céréales ». Et il écrit ce poème : « Loin à la ronde se dressent les champs de blé mur !/Les robes des faucheuses sont un cha­toiement de couleurs ! ».

Le jeune Nathan ne se plaint pas mal­gré les con­di­tions spar­ti­ates de sa cap­tiv­ité. Il bénit le tra­vail qu’il accom­plit. Il com­patit pour un com­pagnon malade. Il regarde avec affec­tion les paysans russ­es. Il s’émerveille devant les beautés de la cam­pagne. « Il n’est rien de plus pais­i­ble, de plus grand que l’automne sur la lande russe ! Lorsque jau­nis­sent les feuilles et s’embrasent les forêts comme si une seule et même mer de flammes s’était déver­sée par-dessus la plaine (…) Les arbres qui se dressent là, sous le ciel cristallin, ont la solen­nité pais­i­ble de cierges sacrés dans un sanc­tu­aire immac­ulé, majestueux, que sur­monte une immense coupole bleu clair ». Cette beauté le ramène inlass­able­ment à celle de sa terre natale (son « Heimat »). « Terre d’Alsace, pays de Sundgau ! Beau pré vert dans lequel on peut s’allonger comme un bien­heureux, tout au cœur des fleurs ».

Nathan Katz, La Mélodie, par Jean-Noël Schàng Kempf.

Et, surtout, bien que pris­on­nier, Nathan Katz sait pren­dre du recul et cul­tiv­er sa pro­pre lib­erté intérieure (com­ment ne pas penser ici à la jeune Etty Hille­sum au camp de West­er­bork). « J’aimerais bien savoir, écrit Nathan Katz, qui pour­rait  m’interdire de me sen­tir libre ici, dans un camp de pris­on­niers, entouré de hauts murs, mais où le soleil brille dans la cour » et « dans une petite cham­bre qui donne sur une potence mais dont les murs regor­gent de lumière et de clarté chaleureuse ». Plus loin, il note: « Je ne peux m’empêcher de rire à la vue de la potence. La bonne vieille potence !… Com­plète­ment ramol­lie par la chaude humid­ité, elle est recou­verte de part en part de petites gout­telettes de pluies brillantes ».

Nathan Katz est rap­a­trié en France en sep­tem­bre 1916. Il passera seize mois au camp de pris­on­niers de guerre de Saint-Ram­bert sur Loire et tra­vaillera à Saint-Eti­enne dans une usine fab­ri­quant du matériel de guerre. « Les nappes de brouil­lard s’empilent sur les toits gris/Des bâti­ments encrassés de la forge/s’échappent, fatigués, les sons des marteaux qui s’espacent/C’est ain­si qu’autour des usines tombe la nuit ».

La paix rev­enue, Nathan Katz devien­dra voyageur de com­merce. « Mais jamais la poésie ne l’abandonne », note Yolande Siebert dans sa note biographique sur l’auteur. Il se déplac­era donc beau­coup mais lors de séjours en Alsace, on le voit fréquenter un cer­cle réu­nis­sant à Altkirch, des jeunes écrivains et artistes. Par­mi eux, un cer­tain Eugène Guille­vic, dont le père gen­darme avait été nom­mé en Alsace. Les deux hommes sym­pa­this­eront et échang­eront en alsacien.

Nathan Katz, Un mot aimable, un poème de Nathan Katz en alsa­cien, par Par Jean-Noël Schàng Kempf.

Présentation de l’auteur

Nathan Katz

Nathan Katz est un poète et dra­maturge alsa­cien né le 24 décem­bre 1892 à Waldighof­fen et mort le 12 jan­vi­er 1981 à Mulhouse.

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Nathan Katz, La petite chambre qui donnait sur la potence

               Quand le poète Nathan Katz était pris­on­nier de guerre Il fut le pre­mier maître d’Eugène Guille­vic et son ini­ti­a­teur à la poésie alle­mande, le poète alsa­cien Nathan Katz […]

image_pdfimage_print
mm

Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur
Aller en haut