Claude Serreau, Réviser pour après

Par |2023-05-21T11:37:21+02:00 20 mai 2023|Catégories : Claude Serreau, Critiques|

En pub­liant ce nou­veau recueil, il dit « met­tre un point final » à ses « pré­ten­tions d’écrire ». Le Nan­tais Claude Ser­reau (91 ans) est un poète fécond. « Face au grand âge devenu », il annonce vouloir tourn­er la page. Mais peut-on se pass­er vrai­ment du « démon » de l’écriture ? Le con­cer­nant, plutôt que de « démon », il faudrait par­ler de « bon­heur » de l’écriture. Son nou­veau et dernier livre le démon­tre une fois de plus.

« J’engrange de l’amour/tout ce qui se partage/un soleil habité/de ces rires majeurs/où le matin s’invente ». Claude Ser­reau est du côté du « oui » à la vie. Il l’exprime notam­ment dans une série de « Dix poèmes à C… ». Mais ce chant d’amour, que l’on sup­pose adressé à l’être aimé, embrasse tout ce qui pal­pite « dans l’instance des jours ». Les accents frater­nels du poète rejoignent, une nou­velle fois, les into­na­tions de René Guy Cadou à qui il fait allu­sion dans l’un de ses textes (« Son corps avait gardé/d’enfance sous la guerre/une haine du froid/de l’ombre et de la nuit… ») Claude Ser­reau, lui aus­si, opte pour la lumière « égarée quelque part/vers l’ouest ». Il entend, comme il l’a tou­jours fait, pour­suiv­re « un chemin de ferveur/sans failles ni hasards ».

Claude Ser­reau, Révis­er pour après, Des sources et des livres, 90 pages, 15 euros.

Des sou­venirs d’enfance revi­en­nent aus­si par bouf­fées (« Mon enfance est à tout le monde », écrivait René Guy Cadou). « Dans la Vendée de ce temps-là/­pat­ri­mo­ni­ale bocagère, note pour sa part Claude Ser­reau, Le clocher tou­jours s’égrenant/sur les âmes et les clairières/on vivait de petite épargne ». Ailleurs sur­gis­sent des sen­sa­tions olfac­tives : « L’odeur des autocars/m’est restée d’une enfance/au bord de la grand-route ». Mais le poète ne s’attarde pas. S’il regarde dans le rétro­viseur, c’est plutôt pour effectuer une forme d’introspection en forme de bilan. « Lire écrire afin d’espérer/qu’il en reste quelque chose/un cahi­er un livre épargné/retrouvé au hasard des ans/sous la pous­sière d’un grenier ».

Claude Ser­reau ne cul­tive pas la nos­tal­gie, ne ressasse pas des regrets. Il cul­tive plutôt l’art du détache­ment. « Mon âge a ses musées/solitaires et vains ». Il nous par­le de sa « vie maraudée » et livre « au soir du saut dans l’inconnu » une forme de tes­ta­ment lit­téraire pour « échap­per au pou­voir des ombres ». Plus encore, il nous indique un chemin que ne renieraient pas les plus grands sages. « Chaque instant sera bien à prendre/au foy­er du cœur loin du bruit ». Et si ce sont vrai­ment les derniers mots du poète, accueil­lons-les avec joie et grav­ité, man­u­scrites à la dernière page de son livre : « Ecoute les vio­lons du monde descendre/au grave de leurs harmonies/quand c’est l’heure et que tout est dit ».

Présentation de l’auteur

Claude Serreau

Claude Ser­reau, est né à Les Sorinières en 1932. Enseignant, il a pub­lié une quin­zaine de recueils, depuis Raisons élé­men­taires , prix Théo Briand, en 1966, aux édi­tions Traces que dirigeait Michel-Fran­­cois Lavaur, à la revue duquel il a col­laboré pen­dant cinquante ans après avoir col­laboré à la revue Sources créée par Gilles Four­nel dans les années cinquante. 

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

Bib­li­ogra­phie

Pub­li­ca­tions aux édi­tions Traces :

Raisons élé­men­taires, 1966, prix Théo Briand
Réflex­ion pour la nuit, 1969
Récrire le temps, 1972
Ris­quer la lumière, 1975
Référence la terre, 1978
Rechant et mémoire ou les mots exsangues, 2002
Rumeur du vide, 2003
Rien ou presque, 2004
Réc­i­ta­tion des rites, 2006
Réma­nences, 2008
Réfrac­tions 2010 

Aux édi­tions le Petit Véhicule :
Recen­sion, mini-antholo­gie, 2006

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Claude Serreau, Résurgence ou les parenthèses du soir

Résur­gence : « réap­pari­tion à l’air libre, sous forme de grosse source, d’eaux infil­trées dans un mas­sif cal­caire » (Dic­tio­n­naire Larousse). La poésie de Claude Ser­reau est de cet acabit-là : elle fait sur­gir à la surface […]

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Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur
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