La revue d’Amandine Marem­bert et Romain Fusti­er ouvre ses pages à Serge Pey, avec sa « car­touch­ière / pleine de sty­los et de gommes / pour dessin­er le rire du monde/ qui ne s’efface pas ». Ain­si le saltim­banque du verbe rend hom­mage à Char­lie, ce rire du monde, c’est telle­ment plus per­ti­nent que toutes les fadais­es qu’on a pu enten­dre sur la lib­erté d’expression. Car ces poèmes sont des tombeaux, à Maspero, à son copain Rena­to, à la chi­enne de son enfance, à Pierre Bec. L’art du tombeau est un art d’homme mûr (né en 1950), à l’âge où pour voir ses amis on regarde le gazon. Mais il n’y a qu’un vieux poète pour alléger la langue et l’oreille en par­lant de ce sujet plus que jamais der­rière le jar­gon man­agér­i­al et tech­nique. La mort, c’est une irrup­tion, ça saute à l’esprit, au con­traire de la fin de vie, le décès, la dis­pari­tion, etc.

Quand mon copain est mort
j’ai pen­sé que tout le monde
était mort
(…)
La résur­rec­tion
est de cet ordre
dire à ceux qui se croient vivants
autour de nous
de ressus­citer
mais pas dans les cimetières

De résur­rec­tion, Chris­tine Bon­du­elle, par­le à sa manière : # La voix muée de peu dénoue ma langue sèche / Redé­ploie toutes mes côtes au pass­ge / Écarte mes mains en deux marches/ Pour la cas­cade d’hilarité… Lec­tures rob­o­ra­tives qui don­nent leur impor­tance au rire, au souf­fle dans cette péri­ode de dolente crispation.

 

Ain­si Thier­ry Le Pen­nec aven­ture sa prose poé­tique andante vers :

              …les quartiers mex­i­cains fresque murales take care of the car à Down­town c’est le soir sidéral sur les vit­res des parois les étranges sculp­ture les toiles de Rothko pho­tos des années cinquante nous marchons

                       dans le présent le passé qui nous fit frères.

 

Mais encore ces Nuits de Mari­na Skalo­va (pub­liée dans nos colonnes, en bilingue allemand-français) :

un craque­lle­ment

sous la peau, la parole éclot

quand les pen­sées s’en vont
en vols d’oiseaux

 

Cécile Glas­man a posé une ques­tion toute sim­ple à Albane Gel­lé, Alain Guil­lard, Rémi Chec­chet­to et Sylvie Dubec : à qui par­le le poème ?

Cette dernière a répon­du : Par­fois j’invente un verbe pour m’aider à tra­vers­er la langue. / Et par­venir de l’autre côté du lointain.

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