Que retenir de cette copieuse livrai­son de presque 300 pages ? Tout d’abord que le pre­mier cahi­er est con­sacré à la tra­duc­tion (une cinquan­taine de pages) de deux poètes, l’un de langue alle­mande, l’autre chi­nois du IXème siè­cle. On con­naît le vieil adage, “Tra­duc­tion, Trahi­son”. Alain Fab­re-Cata­lan qui traduit Georg Trakl, plutôt que de som­br­er dans le lieu com­mun selon lequel traduire de la poésie serait une tâche impos­si­ble, s’emploie dans son intro­duc­tion, à mon­tr­er que la dif­fi­culté de la tra­duc­tion poé­tique est au con­traire une chance, ou tout au moins, “le point d’ap­pui” néces­saire à l’acte de traduire. C’est du moins ce que je veux com­pren­dre. J’ig­nore si “le son et le sens se mêlent et se recom­posent dif­férem­ment avec la tonal­ité et l’u­nité d’une parole retrou­vée” dans la tra­duc­tion. Je ne le sais pas parce que je ne con­nais pas l’alle­mand dont Alain Fab­re-Cata­lan se fait le tra­duc­teur à pro­pos de Georg Trakl.

          Suiv­ent trois cahiers de poèmes car­ac­térisés par la diver­sité des voix. Impos­si­ble de ren­dre compte de toutes ! Mais il est sans doute per­mis de dire ses préférences : Max Alhau (pour son rap­port à la nature qui demeure quelque peu énig­ma­tique), Frédéric Chef (pour sa façon de revis­iter le son­net afin de mieux pren­dre au piège une cer­taine réal­ité), Line Szöl­lösi (pour sa manière de dire la soli­tude, le temps qui passe et on ne sait quelle nostalgie)…

          Suiv­ent ensuite les par­ties Réc­its, Libres pro­pos, Ciné­ma, Bonnes feuilles qui font de Diérèse une vraie revue au con­tenu var­ié… Les réc­its : La Voyageuse de Daniel Abel rap­pelle que la fron­tière entre le poème en prose et le réc­it est bien mince, voire frag­ile. Ce réc­it est d’ailleurs qua­si-sta­tique puisqu’il relate un rêve… Clair obscur (du même auteur) met en lumière les pou­voirs de la lit­téra­ture quand la sci­ence his­torique est inca­pable de retran­scrire la réal­ité… À quoi fait écho Sou­tine de Jean-Paul Bota, une façon orig­i­nale de revis­iter la vie et l’œu­vre du pein­tre ; la fin du réc­it évoque l’en­ter­re­ment de Sou­tine et le cimetière du Mont­par­nasse à Paris. Ce qui est une bonne façon de pass­er aux Libres pro­pos d’É­ti­enne Ruhaud con­sacrés aux cimetières de Saint-Mandé-Nord et de Bag­neux et plus par­ti­c­ulière­ment aux tombes des poètes… C’est ain­si que j’ai appris que mon ami Armand Olivennes repo­sait  dans ce dernier cimetière… La par­tie Bonnes feuilles n’est pas une com­pi­la­tion d’écrits choi­sis mais bien une suite de notes de lec­ture dues à seize auteurs et por­tant sur une quar­an­taine d’ou­vrages. Diérèse parais­sant trois fois l’an, c’est déjà beau­coup. Deux remar­ques s’im­posent. La lec­ture per­son­nelle de poètes per­son­nels eux aus­si donne nais­sance à des chroniques où l’on recon­naît l’au­teur par les idées dévelop­pées et/ou le vocab­u­laire choisi : je pense en par­ti­c­uli­er à Pierre Dhain­aut par­lant de Michèle Finck, je pense égale­ment à Max Alhau par­lant de Denise Borias… et je ne cite que ceux dont j’ai lu plusieurs recueils… Et cette mise en abysse ver­tig­ineuse, originale…

           Diérèse est une revue à lire absol­u­ment (avec d’autres) si l’on veut avoir une con­nais­sance com­plète du paysage poé­tique français…

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