Jean Le Boël, le maitre d’œu­vre des édi­tions Hen­ry, pro­pose depuis bien­tôt vingt ans la revue Ecrit(s) du Nord. Cette revue alterne les recueils d’inédits et les con­tri­bu­tions organ­isées autour d’un thème pré­cis. Cette livrai­son nous offre le mariage des deux principes observés depuis la créa­tion de la revue. Des échanges entre poètes, de notoriétés dif­férentes (la notion de notoriété reste toute rel­a­tive en matière de poésie, désor­mais que la cri­tique et les jour­naux ont décidé d’ig­nor­er absol­u­ment ce pan de la créa­tion. Aus­si dans le petit milieu bien clos de la poésie, des noms bril­lent comme des amers tan­dis que ces mêmes noms ne représen­tent stricte­ment rien en dehors de ce milieu dont la société du Spec­ta­cle a su organ­is­er le confinement).

            Le principe de cet échange est orig­i­nal : chaque poète a envoyé un poème et en a reçu un, sur lequel il écrit, du des­ti­nataire de son envoi. Au cœur de cet échange, donc, la notion de l’ac­cueil, et de ce que nous faisons de cet accueil des paroles de l’autre.

          Nous avons plaisir à soulign­er les échanges entre Judith Cha­vanne et Jean-Marc Sour­dil­lon, d’une pro­fondeur réjouis­sante, échange de haute intel­li­gence prou­vant le poten­tiel archi­tec­tur­al du poème dans l’au­jour­d’hui décon­stru­it ;  entre Max Alhau et Jean-Louis Ram­bour, échange fait de ques­tions-répons­es per­me­t­tant à Ram­bour de dévelop­per ce qui se trame dans les poèmes qu’il a envoyé à Max Alhau, trame pas­sion­nante éclairant la démarche sin­gulière et la séman­tique de ses poèmes. Entre Eti­enne Paulin et Jean-Bap­tiste Pedi­ni ; Pierre Dhain­aut et Sylvie Fab­re G, Rémi Faye et Wern­er Lam­ber­sy, l’un offrant trois poèmes à l’e­sprit hai­ki lorsque l’autre donne une cas­cade alchim­ique revig­o­rante, les deux se répon­dant par let­tres inter­posées. Entre Romain Fusti­er et Cécile Glas­man, entre Luce Guil­baud et Marie Huot échangeant des poèmes, et se répon­dant par poèmes, entre Cécile Guiv­arch et Aman­dine Marem­bert, entre Gilles de Obal­dia et Jean-Christophe Ribeyre, entre Car­men V. et Marie V.

            Ce que pro­pose Jean Le Boël à tra­vers cette idée d’échange est essen­tiel : le lan­gage du poème con­tient une réson­nance intérieure fon­da­men­tale pro­pre à éclair­er le monde dans lequel nous vivons. A l’é­clair­er, mais aus­si à agir sur lui d’une manière que ne peut aucun autre lan­gage. Cet échange est un acte, celui, démon­stratif, des appli­ca­tion béné­fiques du Poème si peu enten­du. C’est aus­si un acte de re-famil­iari­sa­tion d’une parole que la moder­nité juge obscure et inin­tel­li­gi­ble quand elle est pour­tant le lan­gage naturel et pre­mier du genre humain.

            Cette idée d’échange dévelop­pée par Ecrit(s) du Nord est peut-être le signe que le poème veut être lu et enten­du. Nous espérons que l’ex­er­ci­ce auquel se livre chaque poète de ce mag­nifique dossier sera imité dans un avenir proche par les cri­tiques des grands jour­naux, capa­bles, eux aus­si, d’in­viter à l’im­por­tance de la poésie par leurs analy­ses et leurs comptes-ren­dus de ce qui se joue par les livres de poésie, à savoir une autre con­nais­sance du monde.

            A ces échanges suc­cède la propo­si­tion de poèmes inédits, signés par des poètes venus de tous hori­zons. Nous ne citerons pas tous les poètes, offrant ici un seul poème. Notre atten­tion s’est portée sur le poème de Math­ieu Hil­figer, LES SORBIERS, poème en prose d’une telle maitrise que le lecteur appelle de ses vœux la pub­li­ca­tion chez un bel édi­teur d’un livre rassem­blant une efflo­rai­son de poèmes de cette ampleur et de cette étoffe. La langue est impec­ca­ble, les images sémi­nales comme une source nour­ris­sant la végé­ta­tion qui l’accueille.

       Les poèmes de Jean-Luc Le Cleac’h, de Kiko, de Fab­rice Farre, de Rocio Duran-Bar­ba, de Cather­ine Boudet, nous ont par­lé particulièrement.

            La revue s’ou­vre aus­si au réc­it et à la nou­velle, engage­ment que tient Ecrit(s) du Nord depuis sa fondation.
          Un seul bémol : ne pas trou­ver, en fin de revue par exem­ple, une petite présen­ta­tion des poètes.
Bémol anec­do­tique face à la beauté de cette livrai­son de Ecrit(s) du Nord.

 

 

Ecrit(s) du Nord, N°23–24, Edi­tions Hen­ry. www.editionshenry.com
Parc d’ac­tiv­ités de Campigneulles F 62170 Montreuil-sur-Mer

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