Un poète déplie au-dehors la lumière, et cherche asymp­to­tique­ment à l’épuiser. Lau­rent Albar­racin nous livre un livre comme un chant con­tem­po­rain, annexe aux 33 Chants du Par­adis d’Alighieri. Un chant annexe sécu­laire, exilé hors et loin du jardin, mais essayant de le remé­mor­er à notre oreille, notre œil, d’exilés.

 

la lumière sort le monde du monde, la lumière éclaire et ramène, et désens­able, bal­ai de signes, eau d’élection, la lumière éclabousse, éclabousse sans rien éclabouss­er, sans salir, sans touch­er ce qu’elle touche,

 

Le poème procède en paque­ts parolés de lumière, paque­ts de quelques lignes, par­fois une, de longs vers plus ou moins ampli­fiés, des paque­ts de parole, qui déplient au dehors la lumière, un à un, des paque­ts de parole qui sont des pho­tons de parole. 

 

ce qu’on voit briller dans la lumière est un hachoir qui hache si fin la lumière et si fine­ment qu’il hache jusqu’au hachoir dans la lumière et jusqu’au hache­ment dans le hache­ment qui n’est plus que lumière,

 

Entre chaque paquet, on inspire, et puis on y retourne – en voy­age, dans le paquet qui suit, expiré d’un seul souffle.

 

la lumière chante, chante un chant où le chant chante la lumière, où le chant chante le chant et l’illumine,

 

Le poème procède, pour son dépliage au-dehors, pour dire ce qui ne se dit pas : par con­tra­dic­tions appar­entes que leur source (hors des mêlées) résout ; par poupées russ­es ; par spécu­lar­ité, répéti­tions ou non de miroirs en abîme ; par dic­tion d’impossibles ; par incar­na­tions de la lumière matérielles et sen­si­bles ; et cetera.

 

la lumière est le roule­ment du dé et de ses faces, la sep­tième et seule face une du dé lorsqu’il roule, une somme qui serait la riv­ière de cette somme

 

Expli­ca­tion de la lumière, c’est l’humble Par­adis d’Albarracin, lequel est obligé à la dic­tion d’insaisissables pour chanter l’insaisissable.

 

car la lumière ne donne que l’idée de la vraie lumière, la lumière n’est qu’une ombre devant ce que serait la lumière de la lumière, la lumière de la lumière étant une lumière telle­ment lumineuse que la lumière en serait l’ombre pâle et que seule la lumière pour­rait fig­ur­er son contraire

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Brice Bonfanti

​Brice Bon­fan­ti, œuvri­er. Né Frigau en 1978, Avi­gnon. Sept ans con­ser­va­teur des man­u­scrits de Stend­hal à Greno­ble. Depuis l’an 2000 à Milan, écrit en pre­mier lieu l’un après l’autre des Chants d’utopie, et les dit en pub­lic. Un chapitre par Chant est audi­ble sur son site : www.bricebonfanti.com. Les Chants d’utopie sont pub­liés aux édi­tions Sens & Ton­ka, par cycles de neuf Chants.

Col­la­bore aux revues Nunc, Phoenix, L’Intranquille, Sar­razine, Recours au poème, La Revue des Archers…