En 2014, Ter­res de Femmes a fêté sa dix­ième année d’ex­is­tence, en con­tin­u­ant à pro­pos­er un pro­gramme tou­jours aus­si exigeant et acces­si­ble en même temps, où la cri­tique lit­téraire pointue et juste (rap­pelons que Angèle Paoli a obtenu le prix européen de la cri­tique poé­tique fran­coph­o­ne Aris­tote 2013) est asso­ciée à des extraits (inédits ou pas) de poètes qui mar­quent et mar­queront, pour longtemps, la littérature.

Une revue inter­net a cela de dif­férent de son pen­dant papi­er, qu’elle reste tou­jours disponible, et sou­vent gra­tu­ite ; la chronique suiv­ante con­cerne le mois de décem­bre 2014, mais n’hésitez pas à lire les pub­li­ca­tions d’an­nées précé­dentes, que vous trou­vez dans les archives du site, lequel est très clair et sim­ple d’accès.

Si la notoriété de la rédac­trice de la revue, en tant que cri­tique, n’est plus à prou­ver, elle a l’hu­mil­ité de savoir s’en­tour­er d’autres per­son­nes, pour faire état de leur lec­ture de cer­tains livres, comme Isabelle Lévesque (qui par­le ce mois-ci de Nor­male saison­nière de Sofia Queiros, édi­tions Isabelle Sauvage) ou encore Chan­tal Dupuy-Dunier (Tony’s blues, de Bar­ry Wal­len­stein, Recours au poème éditeurs)

On trou­vera ces vers de Erwann Rougé, extraits de Haut fail, édi­tions Unes : “le mot est couché entre les morts / et les silences tombés fous” qui, à l’heure actuelle pren­nent une tour­nure encore plus vive.

Tout aus­si actuels, ces mots : “Qui passerait par l’aube saurait / que le monde est sur le départ”, vers dis­til­lés sub­tile­ment par Jean-François Mathé, dans “La vie est atteinte”, édi­tions Rougerie.

C’est alors que vient Mark Stand, récem­ment dis­paru, trop tôt, évidem­ment, pour nous faire un clin d’œil :“Je ne pense pas à la Mort, mais la Mort pense à moi.” En nous lais­sant l’év­i­dence que d’un drame peut naître autre chose : “Et quand / Nous arriverons à la Grand-Place avec ses manoirs de mar­bre, la foule / Qui nous y attendait nous accueillera avec des cris de liesse” (mer­ci à Thier­ry Gilly­bœuf pour cette traduction)

Pour finir, l’in­con­tourn­able Juan Gel­man “ton ven­tre écrit des let­tres au soleil/ sur les murs de l’ombre il écrit/ il écrit pour un homme qui s’arrache les os/ il écrit liberté/ “… poète qui a, enfin, paru dans la col­lec­tion poésie/ Gallimard.

Bien sûr, cette recen­sion peut paraître ciblée, voire ori­en­tée — dif­fi­cile, pour ne pas dire impos­si­ble, de s’ex­traire d’un con­texte social aus­si intense que celui actuel.

Il n’en est pas moins que la poésie, les revues de poésie, et les maisons d’édi­tions qui pub­lient de la poésie, sont là pour offrir des para­chutes du passé, de l’u­nion dans le présent, des promess­es d’avenir… sans can­deur puérile… de la réflex­ion, de la cul­ture… un peu d’in­tel­li­gence… bref, de la vie, pas de la survie.

En choi­sis­sant d’ap­pel­er sa revue, Ter­res de Femmes, Angèle Paoli a offert la con­ti­nu­ité de ce que pro­po­sait en son temps Saint-Exupéry, dans son œuvre : une base solide, même si mobile, frater­nelle, humaine, sur laque­lle s’ap­puy­er, se repos­er, pour avancer vers soi.

Ici, les femmes et les hommes sont traités sur un pied d’é­gal­ité : celui de la poésie. Ici, la géo­gra­phie et l’his­toire de ces poètes ser­vent de repères, non de fron­tières. Ici, tout est actu­al­ité, per­ma­nence man­i­feste de l’im­per­ma­nence supposée.

Et les pub­li­ca­tions de ce mois de décem­bre 2014, comme les précé­dents mois et les années suiv­antes (aucun doute là dessus), iront dans ce sens : per­me­t­tre au pas­sion­né de poésie, ou à l’a­ma­teur sans plus, ou au sim­ple lecteur occa­sion­nel tombé là par hasard, de trou­ver matière à vivre. 

http://terresdefemmes.blogs.com/

image_pdfimage_print