Ce qui suit est tiré d’une rubrique men­su­elle spé­ciale de la revue lit­téraire améri­caine en ligne The Bak­ery, éditée par le poète Albert Abona­do. Cette rubrique s’intitule Writ­ing from Israel: Poets, Poems, and Trans­la­tions, “écrire en Israël : les poètes, les poèmes et les tra­duc­tions”. La dis­cus­sion suiv­ante, inti­t­ulée orginelle­ment Tran­scend­ing Bound­aries: A Con­ver­sa­tion on Con­tem­po­rary Israeli Poet­ry, a été menée (et éditée) par la rédac­trice invitée Sarah Wet­zel, entre les poètes et tra­duc­tri­ces lit­téraires Dara Bar­nat, Jane Medved, Joan­na Chen et Marcela Sulak, qui vivent toutes en Israël. Les sujets abor­dés sont : l’état des lieux de la poésie israéli­enne, la nature et la néces­sité des tra­duc­tions, et l’importance des com­mu­nautés lit­téraires, à la fois locales et globales.

 

Cette dis­cus­sion a été traduite de l’anglais par Sabine Huynh, qui con­naît bien les poètes en ques­tion, car elles par­ticipent ensem­ble aux mêmes soirées lit­téraires en anglais, durant lesquelles elles échangent sur leurs travaux en cours. En tant qu’auteure et tra­duc­trice lit­téraire basée à Tel Aviv, elle apportera égale­ment son grain de sel à cette dis­cus­sion passionnante. 

 

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Intro­duc­tion, par Sarah Wetzel

 

Les qua­tre poètes de langue anglaise qui ont pris part à cette dis­cus­sion, Dara Bar­nat, Joan­na Chen, Jane Medved et Marcela Sulak, ont toutes immi­gré en Israël pour des raisons dif­férentes, ayant à voir avec la famille, un mariage, la car­rière ou peut-être même l’idéologie. Mais au-delà de leur langue mater­nelle com­mune, elles sont liées par la lit­téra­ture. Elles parta­gent non seule­ment la même pas­sion pour la poésie, mais elles sont aus­si pro­fondé­ment impliquées dans la lit­téra­ture du lieu où elles se trou­vent. Nous avons dis­cuté en ligne de ces sujets ain­si que d’autres, un peu en vrac.

Leurs mots expri­ment si bien la dif­fi­culté et la beauté qu’il y a d’écrire dans un pays sec­oué par tant de tur­bu­lences, et pourquoi elles se sont tournées vers la tra­duc­tion. Elles expliquent aus­si pourquoi elles ne peu­vent dire avec cer­ti­tude qu’elles sont des poètes israéli­ennes, même après avoir vécu en Israël pen­dant de nom­breuses années,. Leurs mots (et leur tra­vail) dis­ent com­bi­en le déracin­e­ment peut servir de catal­y­seur à leur pro­pre écri­t­ure poétique.

Les qua­tre poètes qu’elles traduisent for­ment égale­ment un groupe assez var­ié. Agi Mishol est l’une des poètes israéli­ennes les plus con­nues et les plus récom­pen­sées actuelle­ment. Elle a prob­a­ble­ment reçu tous les prix lit­téraires en cours et pub­lié une douzaine de livres. Orit Gidali et Gili Haï­movich appar­ti­en­nent à ce que l’on pour­rait appel­er la nou­velle vague de la poésie israéli­enne. Elles sont saluées unanime­ment et ont pub­lié à elles deux plus de sept livres en hébreu. Dan Pagis fai­sait par­tie d’une généra­tion de poètes israéliens qui ont révo­lu­tion­né la poésie hébraïque, et il reste, plus de vingt-cinq ans après sa mort, une référence lit­téraire israéli­enne incontournable.

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Dis­cus­sion entre Sarah Wet­zel, Dara Bar­nat, Joan­na Chen et Marcela Sulak

 

Sarah: Dara, Jane, Joan­na, et Marcela, vous vivez et tra­vaillez toutes en Israël et vous avez la nation­al­ité israéli­enne. Pour­tant, vous venez des États-Unis, ou, dans le cas de Joan­na, d’Angleterre, et l’anglais est votre langue mater­nelle. Au vu de cette toile de fond, vous con­sid­érez-vous comme des poètes israéli­ennes ?

 

Marcela: Je ne suis pas très à l’aise avec l’appellation “poète israélien”, vu que je ne vis ici que depuis deux ans et demi. J’ai passé autant de temps en République Tchèque et au Vénézuela, et quand je tra­vail­lais là-bas, ain­si que quand je tra­vail­lais en Alle­magne, je vivais et tra­vail­lais dans les langues de ces pays : tchèque, alle­mand et espag­nol. En Israël, je tra­vaille en anglais. Israël est le seul endroit où j’ai vécu dont je ne con­nais­sais pas du tout la langue en arrivant.

 

Joan­na: Écrire en anglais alors que vous êtes entourée d’hébreu et, dans une moin­dre mesure, d’arabe, est un défi. Je suis une novice dans le monde de la poésie, con­traire­ment à Marcela, à Jane et à Dara, et je me suis sen­tie un peu isolée et décon­nec­tée du monde poé­tique glob­al, à la fois en Israël mais aus­si dans le reste du monde. Il m’arrive de me deman­der ce qui me manque. Cepen­dant, grâce aux réseaux soci­aux, j’ai l’impression que cet écart, au lieu de se creuser, com­mence à se combler. La dis­tance géo­graphique ne vous coupe plus for­cé­ment du reste du monde si vous four­nissez les efforts nécessaires.

 

Jane: Je ne suis pas sûre de savoir si je me con­sid­ère comme une poète israéli­enne. Je ne suis pas sûre en fait de ce que je suis. Je crois que je suis un hybride bizarre, mais ce n’est pas très grave. Comme l’a souligné Joan­na, l’internet per­met de réduire les dis­tances et même de les abolir presque totale­ment. J’ajouterai que même si les mon­des poé­tiques de langues dif­férentes se chevauchent rarement, il existe cer­taine­ment une vie lit­téraire dynamique en Israël, et aus­si vivace cer­taine­ment du côté arabe et russe, bien que je n’aie aucune idée de ce qui s’y raconte.

Dara: Je me vois comme une Améri­caine, bien que j’aie vécu à Tel Aviv pen­dant une décen­nie, depuis l’âge de vingt-deux ans. J’adore Tel Aviv, mais j’ai l’impression que je n’ai pas vrai­ment d’atomes crochus avec la com­mu­nauté lit­téraire hébraïque. Je crois que cela est dû à la langue, mais aus­si au fait que j’ai fourni très peu d’efforts pour aller vers cette com­mu­nauté. Je pense qu’en fait le sen­ti­ment de déracin­e­ment que j’éprouve en vivant à Tel Aviv me force, et même, plus cru­ciale­ment, me donne la per­mis­sion d’écrire. Je suis en train de ter­min­er la rédac­tion d’un recueil de poèmes sur la mort de mon père.  J’ai trou­vé que de vivre loin du lieu de sa mort m’a aidée à la digér­er et à y réfléchir. Je ne suis pas une poète “du lieu”. En fait, très peu de mes poèmes men­tion­nent Tel Aviv ou Israël.

Je voudrais aus­si ajouter que les écrivains qui écrivent en anglais (et dans d’autres langues, comme le français ou le russe) et vivent en Israël, peu­vent être con­fron­tés à des dif­fi­cultés frus­trantes, liées au fait que leur tra­vail n’est pas perçu comme étant “authen­tique­ment israélien”. Je ne partage pas leur frus­tra­tion cepen­dant, car je ne recherche pas ce genre de recon­nais­sance et d’inclusion.

 

Joan­na: Il est pos­si­ble que la ques­tion de dis­tance dont Dara par­le s’applique aus­si à mon cas. Comme je me défi­nis comme étant bri­tan­nique, j’ai ten­dance à pren­dre du recul par rap­port à ce qui m’entoure. Je crois que je me mets en quelque sorte dans la peau d’un témoin, d’un obser­va­teur. Cela m’a per­mis de cir­culer aisé­ment par­mi les dif­férents peu­ples qui vivent ici, dans le Moyen-Ori­ent : les Israéliens, les Pales­tiniens, les Juifs, les Arabes, les Chré­tiens. Je ne m’identifie à aucun de ces groupes mais je ressens cer­taine­ment de la com­pas­sion pour eux.

 

Jane: En réponse à Dara et à Joan­na : il est dif­fi­cile d’écrire sur le lieu où vous vous trou­vez actuelle­ment. La dis­tance géo­graphique vous pro­cure une cer­taine lib­erté de mou­ve­ment. Je trou­ve que plus j’écris sur Israël, Jérusalem, les sources juives, etc., plus je dois laiss­er le matériel “dérap­er”, sinon cela peut pren­dre la forme d’une dia­tribe. Et puis un grand nom­bre de poètes israéliens ont déjà écrit sur ces sujets avant moi, y com­pris Yehu­da Amichaï, Dalia Ravikovitch, Rif­ka Miri­am et Shirley Kauf­man, qui vivait à Jérusalem mais n’écrivait qu’en anglais. Son tra­vail est remar­quable, il me rap­pelle grande­ment celui d’Amichaï.

 

Marcela: Joan­na, je me demande com­ment c’est pour toi : tu es venue d’Angleterre en Israël quand tu étais encore au col­lège, et par con­séquent tout ce que tu as écrit, tes arti­cles de presse et tes poèmes, tu l’as écrit en tant qu’expatriée. Il est évi­dent qu’avec Newsweek tu avais un lec­torat inter­na­tion­al et c’est peut-être pour cela que ton tra­vail et les sujets aux­quels il touche sem­blent plus “inter­na­tionaux” que nationaux. Est-ce que tu as l’impression que ta demeure poé­tique, ton foy­er poé­tique, se trou­ve dans un lieu par­ti­c­uli­er ? Ou s’agit-il seule­ment de la langue, et com­ment le vis-tu ?

 

Joan­na: Alors… laisse-moi te répon­dre en te four­nissant la toile de fond de tout cela. J’ai passé un an et demi dans une école anglaise, en plein milieu du désert. Il n’y avait pas du tout d’hébreu, donc pas d’échanges avec les enfants israéliens de “l’autre école”, à qui l’on fai­sait croire de toute façon que nous étions pra­tique­ment des délin­quants. Ce n’était pas vrai­ment le meilleur endroit sur terre pour appren­dre l’hébreu. J’ai donc vécu dans ma bulle anglaise pen­dant assez longtemps. Mon foy­er poé­tique, si j’en ai un, se trou­ve dans ma tête, mais le matéri­au que j’utilise provient de ce qui m’entoure, et qui se trou­ve en dehors de ma zone de con­fort. C’est pourquoi je lis beau­coup en hébreu mais je réponds en anglais, tou­jours en anglais. Si tu me deman­des où se trou­ve mon foy­er poé­tique, il est au sein des gens qui m’entourent, pas dans un lieu géo­graphique par­ti­c­uli­er. J’ai essayé d’écrire en hébreu, mais je m’exprime tou­jours mieux quand j’écris en anglais.

Marcela: J’aime bien l’idée évo­quée par Joan­na du foy­er poé­tique se trou­vant au sein des gens qui nous entourent et qui nous sont proches. Cela me sem­ble être une idée dias­porique du foy­er, ain­si qu’une idée d’immigrant. Cela me ramène à la ques­tion posée par Sarah : je ne me sens jamais par­tie inté­grante d’un pays et de sa cul­ture si j’y vis sans en con­naître la langue et la lit­téra­ture. À mon avis, la lit­téra­ture d’une nation est sa cul­ture, son his­toire (dans tous les sens du terme), son cœur, son humour, ses préjugés et son idée d’elle-même.

 

Sarah: Nous pou­vons donc rebondir sur le sujet de la tra­duc­tion, puisqu’elle intè­gre deux élé­ments qui vous sont impor­tants en tant que poètes de langue anglaise vivant et tra­vail­lant en Israël : l’hébreu, et la lit­téra­ture d’Israël. Pour­riez-vous me dire com­ment vous êtes venues à la tra­duc­tion et quelle poésie vous traduisez ?  

 

 

Marcela: En arrivant en Israël, j’ai été extrême­ment déçue par le fos­sé, et par­fois on peut même par­ler d’abîme, exis­tant entre les groupes par­lant des langues dif­férentes. C’est l’une des raisons prin­ci­pales qui m’ont poussée à traduire. Et c’est aus­si pour cette rai­son, Sarah, que cette rubrique de la revue The Bak­ery me plaît tout par­ti­c­ulière­ment, car elle con­tribue au tra­vail d’inter-pollinisation. En écrivant cela, je me rends compte que le terme con­tient un joli jeu de mots : pollini­sa­tion au sein des nations littéraires.

 

Jane: Franche­ment, je me suis tournée vers la tra­duc­tion parce que j’ai réal­isé que tous les poètes sérieux tradui­saient, et je me suis dit que ce proces­sus devait ren­fer­mer quelque chose de for­mi­da­ble, quelque mer­veilleux secret de créa­tiv­ité pour les écrivains. Je me suis tournée vers Dan Pagis sur les con­seils de Lin­da Zisquit (une autre mer­veilleuse poète israé­lo-améri­caine), avec qui j’ai étudié. Au départ, j’avais pen­sé traduire un poète con­tem­po­rain (qui s’avérait être mon voisin), mais elle m’a encour­agée à traduire quelqu’un de vrai­ment très bon, en me dis­ant que si j’allais pass­er du temps dans la tête de quelqu’un, il valait mieux que ce soit la tête de quelqu’un d’extraordinaire. J’adore le tra­vail de Pagis et j’y ai trou­vé beau­coup d’atomes crochus. J’ai donc naturelle­ment con­tin­ué dans cette voie.

Marcela: Quant à moi, j’ai pen­sé, en pas­sant cela dit, en ce qui con­cerne le fait de traduire de la poésie israéli­enne dans le but d’apprendre l’hébreu, que je voulais traduire quelqu’un d’assez jeune, et qui soit une femme aus­si (car en dehors des poètes que nous avons men­tion­nés ici, la majorité des poètes israéliens qu’on peut lire en tra­duc­tion sont des hommes d’un cer­tain âge). Un jour, une amie, Maya Lavie, m’a fait lire un poème écrit par son amie Orit Gidali. Le poème s’intitulait “Did you pack it your­self”. Il ne con­te­nait que quelques vers, écrits dans une langue à l’apparence fort sim­ple. J’ai trou­vé ce poème per­ti­nent à mon objec­tif d’apprendre l’hébreu (à cause de l’emploi du vocab­u­laire en rap­port avec les aéro­ports). Il s’est avéré que ce texte témoignait d’une grande intel­li­gence de la part de son auteure, puisqu’il util­i­sait un cer­tain nom­bre de reg­istres d’hébreu dif­férents et jouait avec les dif­férents sens de chaque terme. Il ren­fer­mait un cours d’hébreu à lui tout seul. J’ai aus­si beau­coup aimé la sen­si­bil­ité, l’esprit et l’humour qui s’en dégageaient.

Jane: Pour moi, traduire les poèmes de Dan Pagis a égale­ment con­sti­tué un appren­tis­sage. En fait, mon frère, qui un spé­cial­iste de la Torah, m’a beau­coup aidée, car Pagis fait énomé­ment référence au Tanakh, et par­fois il reprend même des lignes entières du Deutéronome, par exem­ple. Son tra­vail pré­sup­pose que les sources ne nous sont pas incon­nues et il se per­met ain­si de jouer avec les sig­ni­fi­ca­tions. Par con­séquent, ce qui est impor­tant dans ce cas par­ti­c­uli­er n’est pas seule­ment de traduire de l’hébreu vers l’anglais, mais aus­si de com­pren­dre les références de Pagis.

 

Dara: Je suis d’accord avec le fait qu’on arrive à mieux com­pren­dre une cul­ture à tra­vers sa langue et sa lit­téra­ture. Toute­fois, j’ai voulu traduire parce que je con­sid­érais que le tra­vail de Gili Haï­movich méri­tait un lec­torat plus large (au-delà de la sphère des per­son­nes qui par­lent l’hébreu). Je suis heureuse de tra­vailler avec une poète con­tem­po­raine dont les sujets de prédilec­tion sont le déracin­e­ment et la con­fu­sion cul­turelle. Gili vient juste de ren­tr­er en Israël, après avoir passé plusieurs années à Toron­to. Cer­tains de ses poèmes explorent cette expéri­ence ou y font allusion.

Je voudrais ajouter que nous menons ensem­ble un dia­logue très agréable et poussé sur la poésie et la tra­duc­tion. Je crois que Gili a été la pre­mière à traduire en hébreu quelques poèmes de mon livret Head­wind Migra­tion. Ces tra­duc­tions ont été pub­liées dans la revue israéli­enne Shvo. J’ai alors décidé de traduire quelques uns de ses poèmes en anglais. Le proces­sus s’est enclenché. Nous nous envoyons des brouil­lons de nos poèmes, avec des sug­ges­tions, des com­men­taires, des expli­ca­tions, des argu­ments et des ques­tions. Je pense que Gili serait d’accord avec moi sur le fait que nous nous sen­tons respon­s­ables des poèmes que nous traduisons, même s’il se déploie beau­coup d’échanges et de com­pro­mis tout au long du processus.

Joan­na: Pour ma part, traduire de la poésie hébraïque vers l’anglais est une chose que je trou­ve assez naturelle. Après avoir passé tant d’années en Israël, je suis au dia­pa­son avec le con­texte cul­turel et ceci est plus impor­tant, à mon avis, que de juste traduire des mots avec un dic­tio­n­naire. On m’a demandé l’autre jour s’il me restait encore du temps pour écrire des poèmes alors que je tradui­sais tant. J’ai répon­du que juste­ment, j’en écrivais, des poèmes, puisque j’en traduisais.

 

Marcela: Je renchéris avec ce que Joan­na dit. Récem­ment, les lit­téra­tures dites hybrides ont fait l’objet de beau­coup d’attention ; ces lit­téra­tures de gen­res dif­férents qui se nour­ris­sent mutuelle­ment, tout comme celles qui provi­en­nent de langues et de lieux dif­férents. Non seule­ment je trou­ve que ces lit­téra­tures injectent de la vital­ité à ma pro­pre écri­t­ure, mais j’aime aus­si lire de la lit­téra­ture qui dia­logue avec le monde, même si elle se bat pour sur­vivre, et je pense à Taha Muham­mad Ali, traduit récem­ment par Peter Cole, ou à des textes que j’ai traduits et qui prove­naient du Con­go et du Zaïre, ou d’écrivains de langue tchèque vivant sous la dom­i­na­tion des Habsbourg.

 

Joan­na: Il existe telle­ment de jeunes poètes très doués écrivant en arabe et en hébreu ici. Je ne suis pas sûre que toute cette poésie soit acces­si­ble aux lecteurs anglo­phones, mais il est cer­tain qu’il y a une très grande quan­tité de choses extra­or­di­naires qui n’attendent que d’être traduites. Par exem­ple, je sur­veille actuelle­ment le tra­vail d’un mer­veilleux poète: Nadav Lin­iel. Sa poésie est à la fois très intime et extrême­ment israélienne.

Jane: J’ai com­mencé à me deman­der pourquoi cer­tains poètes israéliens jouis­sent d’une renom­mée inter­na­tionale (comme Leah Gold­berg, Yehu­da Amichaï, etc.), alors que d’autres comme Pagis, et le mer­veilleux poète men­tion­né par Joan­na, ne sont absol­u­ment pas con­nus dehors d’Israël. J’ai com­pris que cela dépendait de qui les avait traduits. Si un poète con­nu de langue anglaise décide de traduire quelqu’un, les pro­jecteurs se tourneront vers lui. Sinon, dom­mage… C’est pourquoi je vois le tra­duc­teur comme une espèce d’ambassadeur, quelqu’un qui pousse une porte et per­met aux textes de pass­er d’une cul­ture à une autre. J’adore lire ce qui provient d’autres pays et tra­quer les dif­férences et les ressem­blances. Je suis donc d’accord avec Marcela sur le fait que l’on n’arrive vrai­ment à com­pren­dre une cul­ture que si l’on en par­le la langue.

 

Marcela: Per­son­nelle­ment, j’espère qu’en ce qui con­cerne le tra­vail poé­tique d’Orit Gidali, je suis plus que quelqu’un qui pousse une porte. Je viens de finir de traduire son pre­mier recueil, Twen­ty Girls to Envy Me, ce qui m’a per­mis d’en appren­dre beau­coup, à la fois sur le Tanakh, et dans le domaine lex­i­cal de la cui­sine, des appareils ménagers, et tout ce qui est du vocab­u­laire de base pour quiconque réside dans une munic­i­pal­ité israéli­enne. Ces tra­duc­tions com­men­cent à être accep­tées et pub­liées par des revues améri­caines. Je suis en train de traduire son sec­ond livre, dont le titre peut être glosé par les mots “état de con­struc­tion”, ou “prox­im­ité”, et il me per­met d’apprendre tous les ter­mes dont j’ai besoin pour élever ma fille en Israël. Je ne plaisante qu’à moitié. Le livre d’Orit traite aus­si de la mater­nité, en plus d’être poli­tique, humoris­tique, hon­nête, créatif… En un mot, il mérite cer­taine­ment qu’on apprenne l’hébreu pour le lire. Il con­stitue égale­ment une fab­uleuse intro­duc­tion au quo­ti­di­en israélien.

Jane: J’envie cette pos­si­bil­ité d’échange avec un poète con­tem­po­rain. En traduisant les poèmes de Pagis, j’ai essayé de respecter sa voix sans rien ajouter qui viendrait de moi. J’étais désa­van­tagée car si j’avais traduit un poète encore en vie, nous auri­ons pu en dis­cuter (pour le meilleur ou pour le pire). Pagis a aus­si déjà été traduit, ce qui a com­pliqué les choses. J’ai pris le par­ti de ne lire aucune des tra­duc­tions de son tra­vail pen­dant que je le tradui­sais, mais elles exis­tent, à l’arrière plan, et rebondis­sent pour par­fois faire surface. 

Joan­na: Pour clôre cette dis­cus­sion sur la tra­duc­tion, je crois que l’élément le plus impor­tant dans le choix d’un poète à traduire, qu’il soit en vie ou non, est d’aimer ses poèmes. Élire un poète juste parce que vous voulez traduire n’est pas une bonne rai­son. Je suis tombée sur un mince recueil de poèmes écrits par Agi Mishol il y a quelques années. Il se trou­vait chez moi, sur une étagère. Je ne l’avais jamais remar­qué, mais quand j’ai com­mencé à le lire, je suis tombée sous le charme et j’ai eu envie de décou­vrir son tra­vail. J’ai fini par traduire presque tous les poèmes de ce livre, j’ai com­mencé à cor­re­spon­dre avec Agi Mishol et j’ai eu le plaisir de la ren­con­tr­er en per­son­ne. Jane a par­lé d’une vie lit­téraire israéli­enne dynamique, je suis curieuse d’en savoir plus sur ce sujet.

 

Marcela: En tant que mère céli­bataire et maître de con­férences (bien­tôt tit­u­laire !), et direc­trice du pro­gramme Shaindy Rud­off de créa­tion lit­téraire de troisième cycle à l’université Bar-Ilan, mon univers poé­tique anglo­phone trou­ve ses sources au sein de ce con­texte-là. Bar-Ilan rassem­ble des écrivains et des poètes du monde anglo­phone pour des lec­tures et des cours, et s’évertue à leur faire ren­con­tr­er des poètes, écrivains et tra­duc­teurs locaux. Ain­si, nous ser­vons à la fois nos étu­di­ants et le pub­lic anglophone.

Joan­na: En tant qu’ancienne étu­di­ante au sein de ce pro­gramme, je peux attester du fait qu’il pro­cure un lieu unique dans lequel je pou­vais m’exprimer et écrire de la poésie avec des per­son­nes qui pen­saient comme moi, et ce dans une langue qui après tout est ma langue mater­nelle. Beau­coup plus de per­son­nes qu’on ne le croit sont pas­sion­nées par la poésie en anglais en Israël, et Bar-Ilan lui four­nit une excel­lente tribune.

Marcela: L’université de Tel Aviv, où Dara étudie et enseigne, four­nit égale­ment un endroit fab­uleux pour les auteurs de langue anglaise et un cer­tain nom­bre de poètes célèbres y ont été accueil­lis, au sein d’une série de con­férences et de ren­con­tres, comme Rachel Zuck­er, et aus­si Mark Strand, avec lequel l’événement a été par­ti­c­ulière­ment touchant, puisqu’il rassem­blait une dizaine de ses tra­duc­teurs israéliens. 

 

Dara: Comme le souligne Marcela, beau­coup d’écrivains illus­tres vien­nent en Israël. Je dois avouer que j’ai de la chance d’évoluer dans un milieu qui soit telle­ment “inter-nations” : je traduis de l’hébreu, je finis une thèse sur Walt Whit­man et la poésie judéo-améri­caine, je par­ticipe à des lec­tures et à des col­lo­ques en Israël et aux États-Unis, et je jouis d’échanges avec un grand nom­bre de poètes, écrivains et tra­duc­teurs du monde entier. 

 

Jane: Je crois que le moment est venu de par­ler de la revue The Ilan­ot Review, qui est la seule revue lit­téraire en ligne en Israël. Elle paraît deux fois par an et con­tient de la poésie, de la fic­tion, de la “non-fic­tion”, et des tra­duc­tions provenant du monde entier. La revue tra­vaille en tan­dem avec des cours, des lec­tures et des ate­liers pour incar­n­er du mieux pos­si­ble l’idée de “mots sans frontières”. 

 

Marcela: Absol­u­ment ! La revue The Ilan­ot Review est née de l’initiative de Jan­ice Weiz­man, une Cana­di­enne qui a passé plus de la moitié de sa vie en Israël et qui a étudié dans le pro­gramme Shaindy Rud­off. Jane et moi édi­tons égale­ment la revue en ce moment, et pour l’été 2012, nous avons aidé à com­pos­er un numéro entière­ment focal­isé sur la tra­duc­tion et dans lequel nous avons pub­lié des poètes locaux (Translation/Transformation “traduction/transformation”). Ce que je préfère dans mon tra­vail avec cette revue (dont Sarah a été la rédac­trice invitée pour la par­tie poésie du numéro For­eign Bod­ies “corps étrangers”) est l’idée que nous pou­vons créer une revue inter­na­tionale qui tran­scende les fron­tières (alors que pass­er physique­ment des fron­tières est encore impos­si­ble pour un grand nom­bre de gens). Je trou­ve aus­si très intéres­sant le fait que des textes provenant en majorité de pays anglo­phones con­stituent le numéro For­eign Bod­ies. J’aime beau­coup la façon dont ces corps devi­en­nent par la suite “étrangers”. J’aime le bina­risme ren­ver­sé que cela implique.

J’aimerais aus­si ajouter que nous essayons d’attirer dans notre cer­cle des librairies et des groupes locaux pour enrichir les échanges. Par exem­ple, avec l’intermédiaire de la librairie tela­vivi­enne Sipur Pashut, Mira Rashty et moi ten­tons d’organiser une série de lec­tures impli­quant des tra­duc­tions. La librairie Adra­ba, à Jérusalem, est aus­si un endroit où les langues se chevauchent et se mélan­gent. Là-bas, Rachel est la per­son­ne à laque­lle je m’adresse si je veux organ­is­er des ééne­ments lit­téraires rassem­blant des per­son­nes et des groupes par­lant des langues différentes.

Donc, pour revenir à la pre­mière ques­tion que Sarah nous a posée, bien que je ne me con­sid­ère pas comme une poète israéli­enne, ce qui m’enthousiasme en tant qu’enseignante, poète, cri­tique lit­téraire et tra­duc­trice vivant et tra­vail­lant en Israël est de décou­vrir pour moi-même et pour les autres les lit­téra­tures locales d’Israël, et, en même temps, les inclure à une dis­cus­sion inter­na­tionale en anglais.

Dara: Je peux cer­taine­ment m’identifier à ce que tu dis. La pro­duc­tion lit­téraire et poé­tique en anglais est acces­si­ble en dehors du monde lit­téraire israélien, mais j’ai tout de même énor­mé­ment béné­fi­cié de la com­mu­nauté lit­téraire anglo­phone du pays, qui est forte et vivace. Et n’oublions pas nos soirées lit­téraires, qui ont vu le jour il y a env­i­ron deux ans et qui ont lieu tous les mois. Marcela, Joan­na, Jane et moi faisons par­tie de ce groupe qui va en s’étoffant, et Sarah se joint à nous quand elle est en Israël. Marcela nous reçoit chez elle en général et il faut dire que son ragoût à la cit­rouille est à tomber. 

 

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Le grain de sel de Sabine Huynh

 

 

Lorsque Matthieu Bau­mi­er, le rédac­teur en chef de Recours au poème, m’a demandé il y a quelques mois si je pou­vais lui écrire un arti­cle sur la poésie israéli­enne con­tem­po­raine, je lui ai répon­du que je le ferais un jour, mais pas dans l’immédiat parce que cela pou­vait me deman­der beau­coup de tra­vail, et à l’époque le temps me man­quait cru­elle­ment. Peu de temps après, cette dis­cus­sion lit­téraire menée par Sarah Wet­zel a été pub­liée dans la revue The Bak­ery… J’ai dit à Matthieu que c’était exacte­ment ce qu’il nous fal­lait. Rien n’aurait pu me faire plus plaisir que de traduire en français cette con­ver­sa­tion pas­sion­nante entre des poètes et tra­duc­tri­ces pour lesquelles j’ai beau­coup d’estime et d’amitié, d’autant plus que la poésie israéli­enne et sa tra­duc­tion est un sujet qui s’adresse directe­ment à ma vie en Israël, vu que je suis moi-même poète et tra­duc­trice littéraire.

 

Avant de pour­suiv­re, j’aimerais pré­cis­er que con­traire­ment à ce que Jane a dit, The Ilan­ot Review n’est pas la seule revue lit­téraire israéli­enne en ligne, puisqu’il y a égale­ment une revue qui s’appelle The Writer’s Ink, née en 2008 au sein de l’université hébraïque de Jérusalem. Il s’agit d’une revue inter­na­tionale qui rassem­ble des auteurs dont le tra­vail est vrai­ment intéres­sant (je fais par­tie du comité con­sul­tatif de rédaction).

 

Pour ce qui est de la tra­duc­tion de poésie, en plus de traduire des poètes anglais, améri­cains, iraniens, ital­iens, etc., je traduis aus­si de la poésie israéli­enne en français pour des revues lit­téraires aux­quelles je col­la­bore régulière­ment. J’ai traduit des poètes israéliens morts mais incon­tourn­ables, comme Leah Gold­berg et Yehu­da Amichaï, dont j’adore la poésie, que j’ai tou­jours trou­vée très mod­erne. J’ai aus­si traduit des jeunes poètes con­tem­po­rains, comme Lyor Shtern­berg, qui est né en Israël en 1967 et qui vit à Jérusalem. L’un de ses recueils a été pub­lié aux édi­tions français­es Gros Textes. J’ai traduit quelques poèmes intéres­sants de la poète Sigal Ben Yaïr, pour une soirée de poésie israéli­enne qui s’est déroulée l’an passé à l’Institut Français de Tel Aviv, et où j’ai pu ren­con­tr­er le poète israélien Amir Or, qui dirigeait encore à l’époque la revue lit­téraire Heli­con, dans laque­lle un de mes poèmes écrits en hébreu a été publié.

 

Le fait que je maîtrise à la fois l’hébreu, le français et l’anglais, entre autres, me place au sein de pos­si­bil­ités de lec­ture et de tra­duc­tion grisantes. J’ai appris l’hébreu en arrivant en Israël en 2001, dans des cours du soir d’abord (parce qu’en journée je tra­vail­lais et fai­sais une thèse), puis sur le tas, dans la vie et à l’université, où je suiv­ais des cours en hébreu. Pour obtenir ma thèse de doc­tor­at en lin­guis­tique de l’université hébraïque de Jérusalem, il a fal­lu que je réus­sisse un exa­m­en sur table de cinq heures en hébreu avancé (hébreu uni­ver­si­taire). La pré­pa­ra­tion à cet exa­m­en avait con­tribué à propulser mon niveau d’hébreu vers des hau­teurs étour­dis­santes. Depuis, j’ai un peu per­du la main, mais l’essentiel est cer­taine­ment là.

 

J’ai tou­jours écrit et traduit de la poésie, pour moi-même, avant de songer à me faire pub­li­er. Je me tradui­sais moi-même d’une langue à l’autre, je tradui­sais des poètes que j’aimais, pour l’amour de la tâche, pour le plaisir de relever des défis. Vivant ici en Israël, j’ai trou­vé qu’il allait de soi que je traduise des auteurs israéliens que j’aime, pour qu’ils puis­sent être lus par des per­son­nes qui ne con­nais­sent pas l’hébreu. Cela dit, je ne traduis pas unique­ment de la poésie israéli­enne, ou de la poésie tout court, même si celle-ci con­stitue l’essentiel de mon tra­vail de tra­duc­trice lit­téraire. J’ai traduit des recueils du poète juif cana­di­en Sey­mour Mayne (des sortes d’apophtegmes se présen­tant sous la forme de son­nets d’un mot par vers) ; Mayne a lui-même été traduit en hébreu par le poète et tra­duc­teur israélien Moshe Dor. Actuelle­ment, en plus de traduire de l’anglais un recueil de poèmes du poète bri­tan­nique Richard Beren­garten, Le Papil­lon bleu, sur les mas­sacres nazis per­pétrés dans les Balka­ns en 1941, je traduis aus­si, de l’hébreu, un réc­it auto­bi­ographique écrit par l’auteur israélien d’origine polon­aise Uri Orlev, Les Sol­dats de plomb. Uri Orlev est un auteur et tra­duc­teur dont j’ai traduit il y a quelques années un recueil de poèmes qu’il a écrit dans le camp de Bergen-Belsen et qui a été pub­lié en France par les édi­tions de l’éclat, sous le titre Poèmes écrits à Bergen-Belsen en 1944 en sa treiz­ième année. Force est de con­stater que je traduis majori­taire­ment des auteurs et des poètes juifs, et cela est sans doute dû au fait que je vive en Israël. Le thème de la Shoah sem­ble égale­ment récur­rent et par­fois même cen­tral à mon tra­vail, ce qui n’est pas sur­prenant dans la mesure où il est une com­posante impor­tante de la cul­ture, de l’histoire et de la lit­téra­ture de ce pays. Il occu­pera tou­jours les esprits à mon avis, ou du moins je le souhaite, car je trou­ve que le devoir de trans­mis­sion et de mémoire est essentiel.

 

J’aimerais essay­er de traduire d’autres poètes “clas­siques” que Leah Gold­berg et Yehu­da Amichaï, comme Nathan Alter­man et Haïm Nah­man Bia­lik, des références israéli­ennes que per­son­nelle­ment je trou­ve très mod­ernes, très révo­lu­tion­naires en quelque sorte, mais ils ont déjà été beau­coup traduits. Dans les poètes illus­tres encore en vie, j’aime beau­coup la poésie d’Aharon Shab­taï (né en 1939 ; encore un vieux poète mâle, dirait Marcela ; certes, mais sa poésie est loin d’être vieil­lotte, elle est au con­traire très épurée et très expéri­men­tale), mais elle a déjà été traduite en français, comme l’est celle de ces deux poètes con­tem­po­rains que j’admire : Israël Eli­raz (pub­lié en France chez Cor­ti) et Ron­ny Someck (pub­lié en France chez PHI et chez Bruno Doucey). Par­mi les femmes, le tra­vail très sen­suel de la poète Haya Esther m’attire égale­ment (elle a été traduite en français par Esther Orner, une auteure fran­co-israéli­enne vivant à Tel Aviv). 

 

Finale­ment, j’aimerais pré­cis­er qu’il m’est aus­si arrivé de traduire des poètes israéliens qui n’écrivaient pas en hébreu, mais en français, comme Colette Lein­man, poète d’origine française ; ou en anglais, comme Iris Dan, poète d’origine roumaine. Iris Dan est égale­ment traductrice.

Par­mi les poètes israéliens con­tem­po­rains qui sont aus­si tra­duc­teurs, il faut men­tion­ner entre autres le nom de Karen Alka­lay-Gut (elle est israé­lo-anglo-améri­caine, écrit en anglais et j’aimerais la traduire en français quand j’aurai un peu de temps), ain­si que de Pni­na Amit, spé­cial­isée dans la poésie des Indi­ens d’Amérique, et de Mar­lena Braester (qui traduit beau­coup de poésie roumaine et israéli­enne en français, et qui enseigne au Cen­tre de Recherch­es sur la Poésie Fran­coph­o­ne Con­tem­po­raine de l’université de Haï­fa, qui mal­gré son nom, ne s’occupe pas que de poésie fran­coph­o­ne puisqu’il con­tribue aus­si à faire con­naître la poésie israéli­enne, juive et arabe). N’oublions pas non plus le tra­vail du poète Dory Manor : il a traduit Baude­laire et Mal­lar­mé, entre autres poètes français, et il édite la revue lit­téraire Oh!. Enfin, tout récem­ment, grâce à mon ami Moshe Ron, écrivain-tra­duc­teur for­mi­da­ble qui écrit aus­si par­fois des vers, et édi­teur au sein de la mai­son d’édition Am Oved (fondée en 1942), j’ai décou­vert le tra­vail du poète et tra­duc­teur israélien Rami Saari, qui vit aujourd’hui à Athènes. Son tra­vail me plaît énor­mé­ment et je pense le traduire bien­tôt en français.

 

Et puis il y aus­si les poèmes du poète druze de Galilée Naïm Arai­di, que j’aime beau­coup (il est traduit en anglais par Karen Alka­lay-Gut). Nous avons engagé une brève cor­re­spon­dance qu’il faudrait que je ravive. Bref, il y a vrai­ment de quoi faire dans le domaine de la tra­duc­tion de la poésie con­tem­po­raine israéli­enne, mais l’important est déjà de la lire, de savour­er tous ces vers qui nous sont offerts, et j’ai con­science que ce que j’en ai déjà lu ne con­stitue que la pointe de l’iceberg, comme on dit. C’est là que le tra­vail du poète-tra­duc­teur s’avère cru­cial, puisqu’il s’agit d’un tra­vail de passeur de poèmes, l’un des plus beaux qui soient, à mon avis. Quelle chance j’ai de pou­voir le faire presque quo­ti­di­en­nement ! On ne répétera jamais assez ces mots de Paul Celan : “Les poèmes sont aus­si des cadeaux – des cadeaux pour ceux qui sont atten­tifs. Des cadeaux qui amè­nent avec eux le des­tin”. 

Sabine Huynh, Tel Aviv, 10 mars 2013

 

www.sabinehuynh.com

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