Lea Nagy, Attente permanente et autres poèmes

Par |2022-09-06T19:33:14+02:00 28 août 2022|Catégories : Lea Nagy, Poèmes|
Nous bégayons tous, cha­cun à notre façon. 
Lea Nagy

 

L’une des moitiés du lit est vide.
Le coussin y repose pourtant,
la cou­ver­ture pliée avec soin,
et la servi­ette, au bout du lit.
Cela provoque tou­jours de l’attente
en moi,
comme si à tout instant
déboulait quelqu’un,
ici,
dans cet apparte­ment,
où je passe mes vacances d’été,
et il se lancerait,
ce quelqu’un,
il dépli­erait la cou­ette pliée
avec soin,
et se coucherait dessus, juste comme ça,
pen­dant que l’une des moitiés du lit reste vide.

∗∗

Feu rouge

 La peur, une par­tie de moi élé­men­taire.
En quelque sorte, les trams clignotant
dehors le sont aussi.
Des gens y sont assis,
je les vois flous,
leurs contours,
comme
cette fille
ronge ses ongles,
feuil­lette des papiers,
puis regarde sa montre,
soupire.
Le tram démarre,
devant le feu rouge
resté là un temps.

La fille se rongeant les ongles reste en moi,
La par­tie élé­men­taire de sa peur. 

Le tram est à l’arrêt.

 

∗∗

Il n’avait qu’un seul but

Une chauve-souris vole au-dessus des sphères.
Le labyrinthe ter­restre s’est instal­lé sous la bête.
Dans le dédale, tout ce qui bouge
parais­sait min­ime et sans couleur.
Des points transparents,
sans destination,
et même
sans direction.
La petite bête n’avait qu’un but :
vol­er au-dessus de l’univers
comme organ­isme noir ébène,
pen­dant que tout reste éclatant,
dans ce jeu sans issue.

 

∗∗

Rétrécissement

 Le chat est arrivé.
La lumière de la porte-fenêtre
lui scinde le vis­age en deux.

 Il grimpe sur la tête chauve de son maître.
Il se fait les griffes sur son dessus-de-tête,
dans l’ivresse de la nuit glaciale.

 La bête grandit dangereusement.
Alors que le chauve ne fait que rétrécir.

 

∗∗

Seulement un moment

Le pêcheur passe par là.
Il s’équilibre sur un buis­son épineux.

Le temps s’arrête.
Seule­ment un moment.

Tout. 

La lune com­mence à luire.
Elle tourne toute seule.

Des cigales se cachent dans la poche du pêcheur.

Un vieux trompet­tiste dans un coin du cimetière.
Il se met à jouer à l’aube.

Le ciel change d’allure.
Des four­mis se pressent sous le banc en bois.

Une petite fille chan­tonne toute seule.
La mer a délavé sa robe blanche.

Sa mère la cherche depuis des jours.
Dans deux mon­des différents.
Séparés de quelques mètres.

Elles se par­lent à tra­vers des tunnels.

Le vieux a attrapé un poisson.
Il a glis­sé dans le port salé.
S’écrasant sur son pied gauche.

Fendu en trois.

Les larmes de la petite fille dans les blessures.
Le pêcheur s’exclame.
Ils s’exclament ensem­ble.
Dans une bar­que qui tangue.
Un moment seulement.

 

Présentation de l’auteur

Lea Nagy

Lea Nagy est née à Szol­nok en Hon­grie le 2 juin 2000. Poète et écrivain, elle est lau­réate des prix « Debüt » et « Khelidón ».

Lea Nagy est déjà très impliquée et recon­nue auprès de l’exigeante scène lit­téraire hon­groise mal­gré son jeune âge, avec notam­ment de mul­ti­ples recen­sions dans les mag­a­zines lit­téraires hon­grois les plus influ­ents. Elle est mem­bre de l’Association des écrivains hongrois.

Après sa pre­mière pub­li­ca­tion en langue étrangère, deux autres suiv­ront prochaine­ment aux Édi­tions du Cygne traduites par Daniel Bar­ic, spé­cial­iste des lit­téra­tures d’Eu­rope cen­trale à la « Sor­bonne Uni­ver­sité » de Paris.

À l’international, la poésie de Lea Nagy a déjà été saluée notamment 

– en France (en langue française) par les sites « Le pan poé­tique des mus­es », « Le Manoir des poètes » et « Francopolis ».

http://www.pandesmuses.fr/ns2022/mdc-leanagy

https://www.lemanoirdespoetes.fr/poemes-lea-nagy.php

http://www.francopolis.net/langue2/LeaNagy-JanFev2022.html

– en Bel­gique (en langue française) par les sites « Les belles phras­es » et « Le Gre­nier Jane Tony ».

http://www.grenierjanetony.be/?mailpoet_router&endpoint=view_in_browser&action=view&data=WzU3LCJjMjhmZjNiZDJkZDQiLDAsMCwwLDFd

– en Colom­bie (en langue espag­nole) au Fes­ti­val inter­na­tion­al de poésie de Medellín.

https://www.festivaldepoesiademedellin.org/es/Festival/31/NagyLea/

– au Brésil (en langue por­tu­gaise) dans la revue « Acrobata ».

– Des pub­li­ca­tions sont en cours de pub­li­ca­tion en Ital­ie (en langue ital­i­enne) dans les revues « Quaderni di Are­nar­ia » et « Noria ».

– Une pub­li­ca­tion est en cours aux Ėtats-Unis (en langue anglaise) dans la pres­tigieuse revue « World Lit­er­a­ture Today ».

Lea Nagy a aus­si été invitée le 16 août 2022 pour une lec­ture de ses textes par Zoom, en com­pag­nie de la tra­duc­trice Hélène Car­dona, au PEN Amer­i­ca de New York.

Bib­li­ogra­phie

En 2018, son pre­mier recueil de poèmes a été pub­lié par la mai­son d’édition Nap­kút sous le titre Légörvény. En 2019, l’Association des écrivains hon­grois lui a décerné le prix « Debüt » pour le meilleur livre de jeune poète paru en 2018.

En 2020, son deux­ième recueil de poésie, Kőhul­lás, est pub­lié par la mai­son d’édition Nap­kút. En 2021, elle rem­porte le prix « Khe­lidón » pour ce recueil.

En 2021, elle a été lau­réate de la bourse lit­téraire Zsig­mond Móricz.

En 2022, elle pub­lie son pre­mier recueil en langue étrangère (en français) : “Le chaos en spec­ta­cle” (pré­face de Patrice Kanoz­sai, tra­duc­tion du hon­grois par Yann Cas­par), Edi­tions du Cygne, 2022.

Autres lec­tures

Lea Nagy, Le chaos en spectacle

Quel est ce chaos offert au regard qui donne son titre au recueil mais aus­si à un poème énig­ma­tique dans lequel Lea Nagy « caresse l’incaressable » ? On ne le saura pas vraiment, […]

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