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Waston Charles, Seins noirs

 Il faut oser le « Je ». Le « Je » se déclame, s’assume, se décline pour s’incliner vers l’autre, les corps, la mer, le fleuve ou le ciel. Watson Charles réussit cet exploit d’une poésie à la première personne.

Car, quand on dit « Je », les écueils sont nombreux. Entre la complaisance, le nombrilisme ou l’image facile, le « Je » peut s’écraser et faire s’échouer le poète. Il faut donc un « Je » qui, à travers les bonheurs et les misères d’un monde, aille chercher un horizon ou un silence. Alors, de possiblement ridicule, le « Je » se transfigure, magnifique. 

(…)

Chaque instant
Je ressens le rire des clochers
Comme cette pierre dont je suis fait

Cette main tendue
Tel un morceau de givre
Ne fallait-il pas l’arracher dans la bouche du mendiant

Je parle de ce vent qui nous fait vivre
Et du ciel chargé de pluie

(…)

Watson Charles, Seins noirs, Éditions Æthalidès, 2022, 128 pages, 17 €.

La musique de Watson Charles rappelle celle de Césaire ou de Saint-John Perse. Ses images font écho à celles de Jean d’Amérique ou de Coutechève Lajoie Aupont, plus proches de nous. Est-ce à dire que, désormais, seuls les poètes insulaires seront « sauvés » ? Quand on lit ces pages lumineuses et que, parallèlement, on parcourt nombre de recueils de poésie récents, on ne peut que se demander si le béton de nos villes tristes et pluvieuses ne recouvre pas automatiquement les terres intérieures ainsi que les mains qui tentent de s’en extraire. Nous, lecteurs, devons croire à une langue non figée qui avale tout ce qui coule à sa portée : « le ciel aplati et noir », « l’absinthe qui sort de la bouche du voleur » ou encore « la foudre gisant près des rivages ». Nous devons croire à une écriture riche, audacieuse et généreuse comme celle de Watson Charles.

Présentation de l’auteur

Waston Charles

Charles Watson est né en 1980 à la Croix des Bouquets en Haïti, Jean Watson Charles est poète et écrivain. Il a fait des études de Lettres à l’École Normale Supérieure et de Sociologie à la Faculté d’Ethnologie de Port-au-Prince. Il vit en France.

Plus loin qu’ailleurs est son troisième recueil après Pour que la terre s’en souvienne et Le Chant des marées (2018).

© Crédits photos Photo © Stéphanie Roussel, Paris, 2019.

Bibliographie

Poésie:

  • Pour que la terre s’en souvienne (avec Wébert Charles). Port-au-Prince: Éditions Bas de Page, 2010.
  • Lenglensou. West Palm Beach: Éditions Perles des Antilles, 2012.
  • Plus loin qu’ailleurs. Port-au-Prince: Ruptures, 2013.
  • Le chant des marées. Paris: Editions Unicité, 2018.

Nouvelle:

  • Le goût des ombres. Paris: PhB Éditions, 2020.

Textes parus dans des ouvrages collectifs:

  • « En temps d’enfance ». …des maux et des rues. Port-au-Prince: Legs Édition, 2014: 33-38.
  • « Haute lutte ». Legs et Littérature 9 (janvier-juillet 2017): 261-266.
  • « Le goût des ombres ». …des hommes et des ombres, textes réunis et présentés par Dieulermesson Petit Frère. Port-au-Prince: Legs Édition, 2018: 25-38.
  • « J’extraits ». Anthologie Voix Vives, sous la direction de Bruno Doucey. Paris: Bruno Doucey, 2019: 141-143.
  • « Bri dans ». Zile a : antoloji jèn powèt ayisyen ak dominijen/La Isla : antologia de jovenes poetas haitianos y dominicanos. Port-au-Prince: sne, 2016: 54-55.

Poèmes parus dans des revues:

  • « J’aimerais ». DO.KRE.I.S 1 (2017): 39.
  • « Je ne suis d’aucun pays ». Phaéton (2018): 80.
  • « Parfois ». DO.KRE.I.S 3 (2020): 86-87.
  • « Ces hommes ». Bacchanales 63 (2020): 60-63.
  • « Extraits du corps ». IntranQu’îllités 5 (2020).
  • « Rien que la lumière ». TESTE 37 (2020): 32-33.
  • « Le jour renaît ». Mange-Monde 17 (2020): 98-100.

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