Germain Roesz, Transparence noire

Par |2024-01-06T19:02:07+01:00 6 janvier 2024|Catégories : Germain Roez, Poèmes|

Miroirs de l’eau
Miroirs du ciel
Un canoë céleste
coule dans la nasse liquide

Les reflets nous trompent
les miroirs nous fascinent
mors dorés
les bleus se courbent
dans les ondées de l’eau
Tourbillons
dans les tours du vent
Les reflets flottent
au cœur des cimes
Ils sont flous
et
les brouil­lards les transpercent

Com­ment vivre
dans le fra­cas des armes
dans la con­fu­sion générale
Être soi-même
peut-être
le reflet du ciel
Être soi-même
peut-être
l’ondoiement de l’eau
Être soi-même
peut-être
un corps-étoile
aspiré par la lumière

Fils d’eaux
enlacés aux abord du ciel
langues de feux bleus
dans l’arche d’un fleuve

les torrents
se rompent à l’aube
Tu luttes avec la vague
au cœur d’un nœud de cordes
de pluies
Tu ruisselles
dans la gorge pliée
et
sous les cordeaux des montagnes
Tu nages dans un abîme
de brumes
et
les eaux saumâtres
cal­ment les algues rouges
Tu noies dans l’ivresse
les eaux profondes
et
l’habile traversée
d’un désert interminable

Tou­jours ce sont des images
et des images d’images
qui te recouvrent
comme
un lac fait de villes anciennes
Tou­jours ce sont des formes
et des formes de formes
qui te submergent
comme une vague immense

Dans quelles mers profondes
s’habillant d’eaux étincelantes
les sirènes vespérales chantent-elles encore ?
J’y plonge longtemps
dans le froid de la nage
pour déman­tel­er la rage
Aigues douces
dans l’arche d’un sable roux
les étoiles de mer rutilent
à la frise de la houle
Un ressac d’aubes
dans d’étranges remous
berce ton inconscient
Tou­jours bal­ayé par les mirobolants
poissons
Matisse se régale
d’une couleur liquide
dans un bocal de lumière

Som­bre regard
perdu
dans la voie lactée

L’eau s’encage
dans une bac­térie néfaste
l’eau se disperse
dans une sècher­esse bancale
l’eau boit aux sources taries
l’eau se consume
dans l’incendie capitaliste
l’eau s’étiole
dans la rosée matinale
l’eau crache sa transparence
dans un sable aimanté
l’eau conçoit un ciel de pierre
l’eau dis­tille l’alcool de l’oubli
l’eau soigne ses blessures
dans l’eau stagnante
et
la boue noire se sou­vient d’une eau claire disparue
une out­re déverse son or noir
dans le caniveau du désir
la soif nous tient
dans la mis­érable paume de l’existence
l’eau lie nos vais­seaux nos os nos mus­cles nos chairs
l’eau trace une trans­parence noire
l’eau agrège les pol­lu­tions dans un flux noir
l’eau con­t­a­mine l’atome désirant

Ger­main Roesz, 2023

Présentation de l’auteur

Germain Roesz

Ger­main Roesz est pein­tre et écrivain. Pro­fesseur émérite de l’université de Stras­bourg. Il vit et tra­vaille à Paris et Strasbourg.
Son tra­vail plas­tique cherche aujourd’hui un lieu entre chaos et organ­i­sa­tion, entre orig­ine matricielle et pro­jec­tions à venir. Depuis plus de 30 ans un pro­to­cole col­oris­tique est à l’oeuvre qui pro­duit une con­ti­nu­ité dans les rup­tures formelles et styl­is­tiques engagées. C’est tou­jours la pein­ture qui est visée dans ses liens à toute l’histoire de la pein­ture, dans son sens poli­tique face au monde con­tem­po­rain. Faire monde face au monde, écart, pas de côté.
Comme auteur il a pub­lié une trentaine d’ouvrages théoriques, poé­tiques. Il est représen­té à Paris par la Galerie Cour Car­rée. De nom­breuses expo­si­tions per­son­nelles et col­lec­tives dans le monde entier.

Bib­li­ogra­phie

Par­mi les pub­li­ca­tions de G. Roesz on peut citer Paysages dis­con­ti­nus, textes de J.-P. Brigau­diot, J.-F. Robic et G. Roesz, Publ. Uni­ver­sité des Sci­ences humaines de Stras­bourg, 1996; Le jeu de l’exposition, actes du col­loque de Beaulieu en Rouer­gue, sep­tem­bre 1997, ouv. col­lec­tif sous la dir. de P.-D. Huyghe et J.-L. Déotte ; Sculp­tures trou­vées, espace pub­lic et inven­tion du regard, en col­lab. avec J.-F. Robic, l’Harmattan, 2003, 155 p. ; Pas de deux, avec Sabine Brand-Schef­fel, publ. du Cen­tre cul­turel fran­­co-alle­­mand, Karl­sruhe, 2004, 56 p. ; Il dit c’est une poème d’amour, édi­tions Ipsa fac­ta, Paris, 2005, 76 p.

Par­mi les cat­a­logues et les présen­ta­tions de l’œuvre, men­tion­nons: Ger­main Roesz, Secret, cat­a­logue pour l’exposition au Cen­tre région­al d’Art con­tem­po­rain et au musée d’Altkirch, 1991; Ger­main Roesz, Stries Sites, textes d’A. Pig­nol et de G. Roesz, Car­nets d’instants, n° 4, 2006: L’épongistes, L’année prochaine ça ira mieux, édi­tions Apol­lo­nia, 2007.

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Ger­main Rœsz est pein­tre, poète, enseignant chercheur à l’université de Stras­bourg, et édi­teur. A la pra­tique des arts plas­tiques, il joint, donc, la poésie et de la recherche théorique. Son expéri­ence, ses publications […]

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