L’homme qui net­toie la pierre

sauve le passé

 

la femme qui bal­aie le balcon

entre­tient le présent

 

depuis tou­jours

 

Les poèmes qui com­posent ce très beau recueil d’Yvon Le Men ont été écrits lors d’un séjour dans la Mai­son Radieuse du Cor­busier. La majeure par­tie de l’œuvre du poète a paru chez Rougerie, Flam­mar­i­on et La Passe du vent. Out­re le présent recueil, on peut décou­vrir l’importance de cette œuvre en lisant un choix de poèmes paru chez Flam­mar­i­on en 2000 sous le titre Le jardin des tem­pêtes. Invité dans l’univers du Cor­busier, Le Men se retrou­ve à mille lieux de ses univers per­son­nels, plutôt liés à la cam­pagne, aux grands espaces et à l’estuaire devant lequel il vit. Là, il plonge dans un monde urbain et mod­erne sym­bol­isé par cette tour qu’est la Mai­son Radieuse. Le Men s’en explique en ouver­ture du recueil, dans un court texte à la fois émou­vant et por­teur d’un large regard sur le monde con­tem­po­rain. Il n’a pas besoin de nom­breux mots, le poète, pour dire bien des choses. Ou pour bien dire les choses. Si on l’en croit, c’est même la pre­mière fois qu’il délaisse sa plume pour écrire avec le clavier d’un ordi­na­teur, au cœur d’une tour où plus de mille per­son­nes vivent, l’entourent. Sans que le sen­ti­ment de soli­tude s’estompe. On peut être fort seul en vivant nom­breux, ceux qui ont l’expérience des grandes métrop­o­les de l’Asie du sud-est le savent bien. La Mai­son Radieuse ou la tour des mille soli­tudes. De cette expéri­ence, le poète tire un ensem­ble qu’il faut absol­u­ment lire.

 

Est-ce le manque de vent

qui rend si noir

 

le cor­beau ?

 

Poète du retrait et du détache­ment, Le Men part à la ren­con­tre des alen­tours du lieu où il réside alors et à la ren­con­tre des vies humaines qui le com­posent. Con­traire­ment aux apparences, retrait et ren­con­tre ne sont pas con­tra­dic­toires. À moins d’ignorer tout de la poésie de la vie. D’ailleurs, cette non-oppo­si­tion est un des axes de l’acte poé­tique en général, de la poésie de Le Men en particulier.

 

Un homme court

pen­dant qu’un autre vieillit

 

mais l’herbe fraîche­ment coupée

les rap­proche.

 

Ce sont alors des yeux véri­ta­bles qui se posent sur des moments de vie, ce qui ne va pas sans humour.

 

Ici

même l’église est en béton

 

la mai­son de la CGT

aus­si.

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