In extrem­is dans le Neuf cube
Ce n’est pas que le 93 ni le neuf trois : c’est le neuf cube
En piles de cubes pas si neufs
Dressés
Garçon debout dans le refus de te faire dresser
Exha­lant le Vicks Vaporub
Tu te rues vers quoi te référer
Intra muros
Neuf au carré
Jamais en odeur de sainteté
Ni en guerre con­tre les Gaulois
Ni con­tre quelque quidam que ce soit
La haine con­tre per­son­ne pourtant
C’est la guerre à finir toutes les guerres
Dans un bain de sang
Gnomes ver­sus nains
La guerre à finir toutes les guerres
Résonne sous ton capuchon
À tes oreilles la chanson
Fatale « Police-menottes-prison »
La charge
Par­mi les effluves incendiaires
Tan­dis que d’aucuns prêchent raison
En utopie du Black-blanc-beur
Du dedans vécue comme un leurre
S’il faut remon­ter aux Croisades
Y a‑t-il une vie après le périf ?
Fût-ce une gageure que tu kiffes
Tu n’as plus pour nom prolétaire
Comme tes par­ents en galère.
Nul ne t’appelle contestataire
Comme ceux de Mai 68 naguère
Hors du con­trôle des grands frères
Tu peux faire sans.
Le Neuf au car­ré s’encanaille
Quoi que tu fass­es, taxé de racaille
Où que tu ailles, pris en tenaille
« Où qu’il aille un nègre demeure un nègre »
dix­it en son temps Fanon.
Tu as envie d’apprendre à dire non.

Chabin de toute façon tu es mal.
Pour faire « négro » tu as le teint trop pâle
Il n’y a que ta carte qui fasse sefran
Pour le reste ni assez dark ni assez blanc
Tu as plus l’air maghrébin que noir
Tu n’as jamais la bonne couleur
Pour ton malheur
Te voilà estampil­lé canaille
Arabe ou beur
Plus tu es de couleur
Moins tu es visible
À chaque con­trôle on te tutoie
Te traite comme un chien, te rudoie
Dès que tu vois baby­lone, tu cours
Tu as une trop bonne tête à bavure
Nul besoin de prou­ver ta bravoure
Gare, si tu ralen­tis l’allure
Éper­du, hagard, tu percutes
Pour toi, plus dure sera la chute
Pour peu que tu te trou­ves au pied du mur
Si tu sautes, tu t’électrocutes
Sauve qui peut, c’est une histoire
Qui peut se ter­min­er à coups de pied
Sous l’objectif, fur­tif voyeur
Très sub­jec­tive­ment mateur
D’une vidéo amateur.
Un gigan­tesque pourrissoir
Qui dégénère en bourbier,
Abra­cadabran­tesque mouroir
Qui risque de finir en charnier
C’est la guerre à finir toutes les guerres
Dans un bain de sang
La guerre à inter­dire le rap
Prends garde que l’on ne t’attrape

Fille, antan, on t’a cantonnée
Der­rière un méti­er à tisser,
De nuits de veille en nuitées
D’ores et déjà, il va te fal­loir veiller
Au méti­er à métisser
Dans la guerre à finir toutes les guerres
N’importe comment.
Hors des cités de maudition
Hors des bar­res de perdition
Métis­sage et marronnage
S’érigent
Émergent
Les deux mamelles de l’enfance
Métis­sage, mod­erne marronnage
Seule mam­mo­plas­tie de l’En-France
Exutoire
Fort
Propitiatoire.
Fille, à force tu te dévoileras
Dès lors, ce vingt-et-unième siè­cle sera féminin ou ne sera pas.

 

 

Port Roy­al, novem­bre 2005

 

© Suzanne Dracius 2011
Exquise dérélic­tion métisse, éd. Desnel (Prix Fetkann Poésie)

 

 

image_pdfimage_print